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Les acquisitions et le fonds néo-hellénique de la Bibliothèque nationale

1991
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    Les acquisitions et le fonds néo-hellénique de la Bibliothèque nationale

    Par Jean-Christophe Demande, Responsable du Service grec au département des Entrées étrangères.

    Cadre historique

    La notion de " néo-hellénisme " ne peut se définir sans rappeler quelques dates, repères utiles pour le situer dans la continuité d'une culture toujours vivante depuis près de trois millénaires, pendant lesquels la langue grecque n'a jamais cessé d'être parlée et écrite. L'ancienneté et la permanence constituent, en effet, deux traits essentiels de cette civilisation et de la littérature exceptionnellement riche à laquelle elle a donné naissance. Aussi est-il d'usage de distinguer dans la chronologie de l'hellénisme trois périodes principales correspondant chacune à une étape particulière de son histoire :

    l'hellénisme antique,

    dont on peut marquer le terme soit en 395, avec la mort de Théodose, quand le partage de l'Empire romain en deux États distincts donne naissance à l'Empire byzantin, ou Empire romain d'Orient ; soit en 641 lorsque, après Héraclius, l'Empire romain universel se transforme définitivement en Empire romain " hellénique ", l'empereur de Byzance prenant alors le titre de Basileus et non plus d'Imperator, et le grec devenant langue officielle ;

    l'époque byzantine,

    ou l'hellénisme médiéval, qui s'achève avec la prise de Constantinople par les Turcs en 1453, l'Empire de Trébizonde parvenant à prolonger l'héritage de Byzance jusqu'en 1461 ;

    la période néo-hellénique,

    ou l'hellénisme moderne, marquée d'abord par les quatre siècles de la domination ottomane, ou Turcocratie, puis par la renaissance d'un État grec indépendant après le soulèvement insurrectionnel (Epanastasi (1) ) de 1821. C'est à cette dernière période de l'hellénisme, qui va du 15esiècle à nos jours, que l'on fait référence lorsqu'on parle de tradition " grecque moderne ", également appelée " néo-grecque ".

    Les débuts du livre grec et son évolution

    Après la prise de Constantinople et la chute de Trébizonde, il n'existe donc plus d'État grec politiquement constitué. D'autre part, dans la Grèce occupée par les Turcs, l'imprimerie ne fait son apparition qu'au 18esiècle, vers 1759 ou peu avant, au mont Athos ; du moins si l'on s'en tient aux frontières actuelles du pays, car elle débute en 1620 à Constantinople où Cyrille Loucaris (2) crée la première imprimerie grecque du monde gréco-orthodoxe.

    Pourtant, le livre grec naît bien avant ces dates tardives, avec les éditions incunables du 15esiècle. En effet, la disparition de l'Empire byzantin a été suivie par l'émigration d'une partie notable de la classe intellectuelle grecque vers l'Europe occidentale, l'Italie en particulier, au moment où l'imprimerie commençait à s'y développer.

    Ces lettrés, souvent des clercs, avaient une double préoccupation : politique, sensibiliser les souverains de la chrétienté à ce qui allait devenir, une fois théorisée, la " Grande idée " (Megali idea), c'est-à-dire la reconquête de la " Deuxième Rome " sur les Turcs, sous la forme d'une nouvelle croisade ; et culturelle, transmettre l'héritage de l'hellénisme, notamment par l'enseignement de la langue et la philologie. Ces deux orientations se rejoignent ainsi dans les premières éditions incunables, qui reflètent une littérature à la fois militante et humaniste, où l'appel à l'exemple des " grands ancêtres ", les Grecs de l'Antiquité, destiné à faire face à un contexte historique difficile, est étroitement lié à l'abondante édition de leurs textes, qui sera l'un des faits marquants de la Renaissance.

    Dès lors, et jusqu'à l'apparition de l'imprimerie dans le nouvel État grec au 19e siècle, l'édition grecque est le fait de cette diaspora qui maintient à travers l'Europe, de Venise à Lvov et de Vienne à Rome, comme dans l'Empire ottoman lui-même, la permanence de sa culture grâce à une activité ininterrompue pendant près de quatre cents ans. On peut donc, en reprenant la définition d'Emile Legrand, fondateur de la bibliographie hellénique, parler pour cette époque d'un livre publié " en grec ou par des Grecs ", quel que soit le lieu d'édition.

    Enfin, à partir de 1821-1830, la résurrection de la Grèce libérée (l'Elias Ellinon Christianon, selon l'expression unitaire de l'historien Spyridon Zambélios) crée les conditions d'une nouvelle forme d'édition " nationale " et, bien qu'il reste de nombreuses presses grecques actives dans l'Europe, à Paris comme à Istanbul, on peut désormais parler aussi du livre grec comme d'un livre publié " en Grèce ".

    Aperçu du fonds de la BN

    La Bibliothèque Nationale peut s'enorgueillir de posséder, dans son fonds ancien, sous les cotes [Rés. X. 728 et 729, deux exemplaires de la prestigieuse édition milanaise de 1476 de l'Epitomi ton okto tou logou meron, texte de Constantin Lascaris édité par le Crétois Démétrios Damilas (= " da Milan ") chez l'imprimeur Dionysius Paravisinus. Ce livre est habituellement considéré par les historiens du livre grec, depuis Legrand jusqu'aux spécialistes actuels, comme le premier livre grec (entièrement imprimé en grec) qui ait obtenu les honneurs de l'impression ; en effet, les trois éditions qui l'ont précédé, celles des Erotimata de Manuel Chrysoloras (Venise, 1471 et Vicence, 1475-1476) et de la Batrachomyomachie (Brescia, 1474), comportent un texte grec mais aussi latin et ne peuvent, de ce fait, prétendre au titre de " premier livre grec " (cf. Koumarianou-Droulia-Layton, in To Elliniko vivlio : 14761830, p. 49, col. 2).

    Outre les incunables, le fonds ancien est également riche de nombreuses éditions des 16e, 17eet 18esiècles, dont Emile Legrand n'a peut-être pas été en mesure de recenser tous les exemplaires conservés à la Bibliothèque Nationale, car il ne disposait pas du Catalogue général sous sa forme imprimée.

    Le fonds du 19esiècle est lui aussi remarquable, tout spécialement par le suivi dont il témoigne au regard de la politique d'acquisition. Il comprend encore des livres imprimés en " Europe " (par exemple les célèbres éditions parisiennes d'Adamantios Coray), mais aussi les ouvrages publiés en Grèce même, essentiellement à Athènes, où se structure le nouveau monde éditorial grec et qui renoue ainsi avec sa vocation ancienne de Grèce de la Grèce (Ellados Ellas Athinai).

    Le fonds du 20esiècle, en revanche, ne présente pas ce niveau de qualité. Il correspond, en effet, à des années difficiles pour la BN en moyens comme en personnel qualifié, déficiences qui n'ont pas été sans répercussion sur l'ensemble de ses fonds étrangers, en particulier pour la période de l'entre-deux-guerres, notoirement insuffisante. Les acquisitions étaient alors effectuées à titre occasionnel et bénévole par un personnel non spécialisé dans la production éditoriale de chaque pays.

    Le grec moderne a particulièrement souffert de cette situation qui, à la différence de celle des autres langues européennes, s'est prolongée pour lui au cours des décennies d'après-guerre. En effet, s'il a existé, au début des années 1970, une Section grecque au sein du département des Entrées, elle a connu, par manque de moyens et de personnel disponible, de telles vicissitudes que l'administration a été amenée à la fermer à partir de 1974. Virtuellement rouvert en 1980, mais sans pouvoir bénéficier de moyens suffisants pour résorber le passif accumulé pendant ces années, le secteur grec a vécu au ralenti avec un bibliothécaire à temps partiel pour assurer l'ensemble des fonctions, et ce jusqu'au début de 1991, qui a vu l'affectation de ce même personnel à temps complet.

    Le Service grec

    Fonctions

    Le Service grec du département des Entrées étrangères est responsable du fonds grec moderne de la BN. Il est chargé, en collaboration avec le service des Acquisitions, de la constitution actuelle de ce fonds, ainsi que de son traitement. Il a donc comme activités essentielles les acquisitions et le catalogage des livres publiés en Grèce et à Chypre, qu'ils soient écrits en grec (pour leur immense majorité) ou en d'autres langues (français, allemand, anglais essentiellement), et destinés au département des Livres imprimés de la BN. Il propose également les nouveaux abonnements de périodiques au département des Périodiques.

    Acquisitions

    De ces fonctions, la plus déterminante réside dans le suivi bibliographique des éditions grecque et chypriote et le choix des acquisitions, qui se font presque exclusivement par achat. Etant donné que la bibliographie nationale officielle n'existe en Grèce que depuis 1990 , le travail de dépouillement et de recherche bibliographiques doit être intense, constant et multiple. Les commandes sont regroupées chez quelques grands libraires d'Athènes et de Nicosie, qui fournissent les livres directement. Quelques dons, de particuliers et d'institutions, viennent régulièrement compléter ces acquisitions actives. Les critères de sélection s'inscrivent dans le cadre de la politique générale des acquisitions étrangères de la BN, dont les domaines d'excellence traditionnels sont les sciences humaines ; sont exclues les sciences, exactes et appliquées, à l'exception de l'histoire des sciences.

    Le choix des acquisitions est également déterminé par le profil de l'édition grecque (et chypriote), très hellénocentré, qui entraîne ipso facto à la constitution d'un fonds dont les orientations thématiques recouvrent les divers aspects de l'hellénisme dans ses traditions successives : histoire moderne et contemporaine de la Grèce, mais également ancienne et byzantine ; sciences auxiliaires de l'histoire (archéologie, épigraphie, archivistique) ; textes classiques des grands écrivains néo-helléniques, littérature et critique littéraire contemporaines ; auteurs de l'antiquité quand leurs oeuvres font l'objet d'éditions philologiques, ou de traductions en grec moderne de caractère littéraire ; collections de byzantinologie (textes et études) ; linguistique, du mycénien en linéaire B au roméique démotique ; laographie et chant populaire (dimotiko tragoudi) ; régionalisme, y compris les " héllénismes perdus " d'Asie mineure (Pont, Cappa-doce, Smyrne) ou maintenus (Grecs d'Italie du Sud, particulièrement de Calabre, et leurs dialectes) ; religion (théologie et liturgie orthodoxes) et philosophie (des pré-socratiques à Christos Yannaras) ; sociologie ; arts ; ouvrages de référence (encyclopédies, dictionnaires, catalogues, histoire du livre et de la presse). A titre indicatif, la ventilation par classes d'indexation CDU des achats de l'année 1989 s'établit ainsi :

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    Ventilation par classe CDU

    Partant de 150 livres par an au début de la décennie 1980 pour atteindre 300 livres en moyenne jusqu'en 1988, le rythme annuel des acquisitions courantes a pu être porté, depuis peu, à 500 livres, couvrant ainsi 10 % des éditions grecque et chypriote (auxquelles les données statistiques de l'UNESCO attribuent environ 5000 titres publiés par an).

    Parallèlement, l'activité dans le domaine des acquisitions grecques s'est doublée, depuis 1989, d'un important effort rétrospectif destiné à combler, dans la mesure du possible, les regrettables lacunes occasionnées par la fermeture du fonds pendant 6 ans et les faibles achats des périodes antérieures ; situation d'autant plus dommageable que, en l'absence d'entrées à caractère automatique telles que les échanges internationaux, dont le fonds grec ne bénéficie pas, elle n'était pas compensée, même partiellement, par la constitution passive d'un stock dans l'attente de jours meilleurs. Le Service a donc pris récemment une centaine d'abonnements aux collections d'érudition les plus importantes (dont une dizaine de chypriotes) et s'est employé à racheter les ouvrages manquants de ces collections depuis leur création. Ainsi, à l'heure actuelle, l'ensemble de ces suites a pu être complété, ou se trouve en voie de l'être ; la proportion notable d'ouvrages encore disponibles (plus de 50 %) a permis de rendre ces commandes particulièrement fructueuses et de rétablir au mieux la continuité avec le fonds existant malgré un siècle de déshérence.

    La plus ancienne collection grecque, la " Vivliothiki tis en Athinais Archaiologikis etaireias " (" Bibliothèque de la Société archéologique d'Athènes "), toujours vivante depuis sa fondation en 1851, s'est, par exemple, enrichie des comptes rendus du 1er Congrès international d'archéologie classique (première d'une suite de sessions dont la publication est ininterrompue jusqu'à nos jours), parus en français, à Athènes, en 1905. Bien entendu, outre ces publications de caractère académique désormais reçues systématiquement, on retient aussi de nombreux ouvrages appartenant à d'autres collections, ou publiés " isolément ".

    Par ailleurs, le programme rétrospectif des acquisitions grecques ne se limite pas à ces éditions savantes. Ainsi, lorsqu'une manifestation littéraire telle que " Belles étrangères " se produit (consacrée, l'année dernière, à la Grèce), le Service saisit l'occasion pour sélectionner les oeuvres les plus représentatives des écrivains participants. A ce propos, il faut noter, dans la dynamique édition littéraire grecque, la vigueur toute particulière de la production poétique, étonnante si on la compare avec la marginalisation et l'atonie dont cette écriture est victime chez nous.

    Signalons, enfin, l'achat récent d'une édition d'antiquariat qui se distingue en alliant l'intérêt linguistique à la rareté bibliophilique le " Lexikon tetraglos-son " de Daniel de Moschopoli, dictionnaire quadrilingue grec-roumain-bulgare-albanais, publié en 1802 (sans doute à Venise) et dont il n'existe que cinq exemplaires connus au monde ; il s'agit de l'édition, probablement la seule parue, d'un manuel considéré par Legrand (in " Bibliographie albanaise ", N° 121) comme marquant pour l'histoire de l'hellénisation des populations balkaniques de l'Empire ottoman. Cet ouvrage précieux contribue ainsi à enrichir le fonds ancien de la BN.

    Traitement

    Le Service grec, de par son fonctionnement en service par langue à traitement intégré, est également chargé du traitement des livres qu'il reçoit et de la rédaction du catalogue grec courant. Le catalogue est régi par les normes françaises en vigueur. Les notices de description bibliographique sont établies en caractères originaux sous la forme de fiches dactylographiées et intercalées au fichier grec de la Salle des catalogues. Jusqu'en 1990, la dactylographie obéissait aux principes traditionnels de l'accentuation " polytonique " (complète de tous les signes diacritiques, esprits rude et doux, accents aigu, grave et circonflexe), avec présence du iota souscrit lorsqu'il y avait lieu ; depuis le début de cette année, à la suite d'un changement de matériel, le passage au système " monotonique " a été rendu nécessaire, et la dactylographie s'effectue désormais sous cette forme simplifiée d'accentuation (réduite au seul accent aigu sur les mots de deux syllabes et plus) ; l'usage s'en étend, d'ailleurs, de jour en jour, et en est même rendu officiel dans l'enseignement et l'administration depuis plusieurs années. La transcription est conforme au tableau ci-dessous - et ceci quelle que soit la graphie que présente le livre (ou les graphies, certains ouvrages, souvent collectifs, comportant alternativement les deux types d'accentuation).

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    Accentuations moderne et classique

    Parallèlement à cette question d'écriture, le problème de la coexistence des " langues " au sein du grec moderne n'est pas sans conséquence sur certains choix de catalogage. Coexistence, plus exactement, entre plusieurs états de langues, principalement puriste et populaire (ou " katharevousa " et " dimotiki "), sans oublier la langue dite mixte (" mikti ") ni la courante et la chevelue.

    Cette cohabitation est attestée, dans l'histoire littéraire, depuis plus de dix siècles, comme en témoignent le Digénis Akritas dès la première moitié du 10e siècle, puis les poèmes prodromiques, le Spanéas (début du 12esiècle) et, plus tardivement (14esiècle), la Chronique de Morée (histoire de la conquête du Péloponnèse par les Francs) : il s'agit là des premiers textes byzantins écrits en " romaïque " ou " grec vulgaire ", conservés jusqu'à nous.

    La victoire définitive du démoticisme, auquel de grands écrivains ont su donner ses lettres de noblesse depuis plus d'un siècle, est, certes, incontestable, mais encore trop récente (du moins dans les publications savantes) pour qu'il soit déjà tenu compte de toutes ses implications, qui se heurtent à l'homogénéité d'un catalogue commencé à une époque où les formes puristes dominaient encore largement. Ainsi, par exemple, en ce qui concerne l'élaboration et l'harmonisation des vedettes d'autorité : tel auteur signera sa thèse (ou un ouvrage d'érudition) sous la forme puriste de son prénom, puis continuera de publier sous la forme populaire ; de même, pour les collectivités et les titres de regroupement, des formes modernes doivent progressivement remplacer les formes archaïsantes.

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    Formes moderne et archaïsante

    Recherches

    Dans l'état actuel des catalogues de la BN, le grec, à l'instar des autres langues écrites en alphabets non latins, n'est pas informatisé pour des raisons techniques, la base bibliographique OPALE ne comportant que les caractères de l'alphabet latin. Seuls sont donc à y rechercher les livres grecs et chypriotes quand ils sont écrits en français, anglais, allemand... ou bilingues à la condition qu'ils possèdent une double page de titre grecque / autre langue.

    L'accès au fonds grec moderne, quant à lui, est différencié selon plusieurs tranches. chronologiques, correspondant à deux modalités de traitement différentes :

    • les ouvrages entrés jusqu'en 1959 figurent au Catalogue général imprimé, ainsi qu'à son supplément sur fiches, et aux fichiers des collectivités et des anonymes de la Salle des catalogues ; ils y sont décrits sous une forme translittérée (non normalisée) du nom d'auteur, le corps de la notice étant rédigé en caractères grecs. On y trouve, par conséquent, les ouvrages du fonds ancien et du 19esiècle, ainsi que ceux du 20epubliés et entrés avant 1960 ;
    • les livres entrés depuis 1960 sont répertoriés dans une section particulière de la série en caractères non latins du Nouveau catalogue général ; l'ensemble de la notice, y compris la vedette auteur, est rédigée en caractères grecs, ce qui permet d'éviter au lecteur tout problème de translittération (dont le choix peut toujours apparaître épineux aux yeux du chercheur non averti...)

    Deux périodes sont à distinguer :

    • d'une part les catalogues publiés des décennies 1960-1969 et 1970-1979, qui correspondent aux années de faibles acquisitions déjà évoquées, et comprennent surtout des entrées par don complétées de quelques achats ;
    • d'autre part le fichier du catalogue en cours, commencé en 1980, qui recense les ouvrages publiés et entrés depuis cette date, mais inclura aussi, à terme, les livres édités avant 1980 et achetés ces dernières années. L'afflux massif de ces acquisitions récentes, courantes et rétrospectives, a inévitablement entraîné la constitution d'un stock important, plus de 2500 volumes, dont les notices n'apparaîtront que progressivement au catalogue. Cependant, en attendant d'avoir accès à ce fonds dans sa totalité, on peut d'ores et déjà trouver plus de 3000 titres répertoriés dans ce fichier, dont la publication sous forme de catalogue autonome (par reproduction des fiches) constituerait l'aboutissement avant que l'informatisation du grec ne prenne le relais.

    Conclusion

    Au terme de cet aperçu de la situation passée et récente du fonds grec à la BN, une réflexion s'impose sur la place qu'occupe dans notre culture la tradition néo-hellénique qu'il représente. Celle-ci, souvent méconnue malgré le courant philhellène qui a beaucoup contribué à sa renaissance politique, est en fait victime de deux facteurs prépondérants dans l'évolution de la grécité.

    Le rétrécissement du bassin linguistique hellénophone, qui a progressivement réduit le grec, langue vernaculaire de la moitié de l'Empire romain et de l'Orient méditerranéen, au statut de langue d'un pays de 10 millions d'habitants, auxquels il convient, certes, d'ajouter 500 000 Chypriotes et quelques millions de locuteurs potentiels parmi les émigrés ou descendants d'émigrés qui ont encore conservé, à travers le monde, l'usage de leur langue d'origine ;

    La seconde raison est plus paradoxale. Le néo-hellénisme subit l'ombre quelque peu écrasante de ses " grands ancêtres " de l'antiquité auxquels il est inévitablement comparé. Et il est vrai que les écrivains grecs contemporains sont les héritiers de cette prodigieuse floraison qu'a représenté, d'Homère au 7esiècle après J.-C., la littérature grecque classique : pas moins de 3 000 auteurs et de 8 400 oeuvres parvenues jusqu'à nous, sans parler des Byzantins qui ont joué un rôle essentiel dans la transmission de l'hellénisme. Mais de Solomos à Elytis et de Palamas à Ritsos, les " Grecs modernes "n'ont-ils par réussi, eux qui avaient déjà un " nom ", à se faire un " pré-nom", école de la difficulté s'il en est ?

    Quant au recul d'influence de la langue grecque et à la " nostalgie " des héllénismes disparus mais jamais oubliés qui, d'Istanbul (" eis tin Polin " = " vers la Ville ") à Trébizonde, jalonnent l'histoire de la Grèce, ne s'agit-il pas de péripéties pour une culture qui, de l'Ithaque visible d'Ulysse à celle, plus secrète et que chacun porte en soi, de Constantin Cavafy, est assurée de sa pérennité ?

    1. Les expressions et mots grecs, quand ils ne sont pas francisés par l'usage, ont été translittérés d'après la norme ELOT 743 de l'Organisme hellénique de normalisation (Ellinikos organismos typopoiisis). retour au texte

    2. Les noms d'auteurs sont cités sous la forme française courante. retour au texte