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    Le chantier acquisitions

    Par Nicole Simon, Directrice du département des Entrées étrangères

    L'article d'Elisabeth Vilatte décrit la situation, jusqu'en 1990, du Service des acquisitions au département des Entrées étrangères (qui, rappelons-le, ne s'occupe que des achats pour l'accroissement des départements des livres Imprimés et des Périodiques). A partir de la fin de l'année 1990, nous a été confiée une autre mission, l'exécution d'un programme particulier d'acquisitions, lié à l'ouverture de la Bibliothèque de France, et financé par l'établissement public constructeur.

    Ce programme visait (je reprends les termes de la convention signée en août 1990 et liant les deux établissements) à :

    • " combler les lacunes des acquisitions étrangères déterminées à la suite des travaux des commissions mises en place par la Bibliothèque de France et d'études complémentaires ;
    • élargir les acquisitions non rétrospectives dans les pôles d'excellence actuels de la Bibliothèque Nationale pour ce qui relève du niveau recherche. "

    Le " chantier acquisitions " est l'un des " principaux chantiers de la Bibliothèque Nationale nécessaires à la réalisation de la Bibliothèque de France ", énumérés dans le relevé de décisions Bibliothèque Nationale / Bibliothèque de France, du 31 juillet 1990 (1) .

    Le programme démarrait dès le 1er septembre 1990, pour un montant de 1 MF en 1990 et 10 MF en 1991 (il est prévu une attribution globale, d'ici 1995 de 50 MF), pour les opérations suivantes :

    • achat de documents (livres, microformes, CD-ROM) et abonnements de périodiques ;
    • leur traitement matériel (reliure, fournitures de conservation) ;
    • leur traitement intellectuel (assistance technique et/ou vacations).

    L'objectif est le doublement du nombre des acquisitions actuelles, soit environ 18 000 documents et périodiques supplémentaires par an.

    Le programme documentaire

    C'est à partir de 1989 que s'est élaborée la politique documentaire de la Bibliothèque de France, au travers du groupe de travail politique documentaire (rapport de J. Gattegno daté du 16/02/90), puis des commissions d'acquisition spécialisées qui se sont réunies à partir de mai 1990 pour voir, domaine par domaine, ce qu'attendaient les chercheurs de la Bibliothèque de France, voir les lacunes ou les points forts de la BN et d'autres bibliothèques de la région parisienne, déterminer quelle devait être la couverture documentaire de la BDF, qui se veut encyclopédique, mais " dans un esprit de partenariat avec d'autres bibliothèques ". Aux réunions de ces commissions d'acquisition spécialisées, participent des chercheurs, enseignants et responsables de bibliothèques concernés par la discipline, et aussi des conservateurs de la BN lorsqu'il s'agit de l'un des domaines d'excellence de la BN (essentiellement sciences humaines et sociales).

    La répartition des tâches entre la BN et l'établissement public constructeur s'est définie, puis affinée tout au long de cette période, dans ces commissions d'une part, mais aussi au cours de réunions bilatérales BN/BDF, qui se poursuivent actuellement régulièrement.

    A la Bibliothèque Nationale les missions suivantes :

    • combler les lacunes des acquisitions étrangères, dans certains secteurs des sciences humaines et sociales, en coordination avec la BDF ;
    • élargir les acquisitions courantes dans les pôles d'excellence actuels de la Bibliothèque Nationale (2) ;
    • la responsabilité de la constitution des fonds de la future salle de références, encyclopédique, de la BDF (environ 50 000 volumes) par une extension des fonds de l'actuelle salle des catalogues de la BN (actuellement environ 30 000 volumes) (avec une concertation toutefois pour les sciences et les sciences appliquées entre les deux établissements) ;
    • la responsabilité de la constitution des fonds en libre accès de la future BDF dans trois domaines, pour lesquels les ouvrages actuellement en libre accès dans les salles de lecture du département des Imprimés et du département des Périodiques sont un solide noyau : histoire de France, sciences religieuses, histoire de la Presse.

    A la Bibliothèque de France ... le reste ! c'est-à-dire la constitution des fonds en libre accès du futur établissement dans tous les domaines, soit un objectif, à terme, de 460 000 documents dans les salles de recherche, et de 460 000 dans les salles grand public, auxquels s'ajoutent les espaces de la recherche bibliographique, de l'image et du son, de la Réserve.

    Les tableaux ci-dessous rappellent les salles prévues à la BDF :

    Vignette de l'image.Illustration
    Espaces recherche

    Vignette de l'image.Illustration
    Espaces grand public

    La mise en oeuvre

    Pour le " chantier acquisitions " dévolu à la BN, notre première tâche a été d'élaborer un " plan d'utilisation " annuel du crédit mis à notre disposition, en prenant en compte avec le plus de précision possible, en accord avec les services concernés, tous les aspects liés à l'accroissement des collections.

    Le résultat en a été la répartition du crédit prévisionnel, pour la documentation, entre monographies, abonnements de périodiques, microformes, CD-ROM ; entre acquisitions courantes et rétrospectives ; entre acheteurs des départements suivants : Entrées étrangères, des Périodiques, des Livres imprimés, Entrées françaises pour les publications officielles ; entre documents destinés aux magasins et documents destinés aux salles en libre accès.

    Une part du crédit a été affectée aux moyens en personnel nécessaires au traitement de cet accroissement documentaire, à toutes ses étapes : aide à la sélection des documents, gestion des factures, catalogage, maintenance des fichiers d'autorité, conservation. Trente vacataires ont été recrutés pour renforcer tous les secteurs concernés : département des Entrées étrangères, Entrées françaises (pour les publications officielles), Imprimés, Périodiques, CCBT, Services financiers.

    Pour le calcul du nombre de documents comme pour le personnel, nous nous sommes basés sur la situation existante, en prenant comme ratio le prix moyen du livre et du périodique achetés en 1990, et la productivité moyenne du personnel selon les fonctions (sélection, catalogage).

    Bilan provisoire

    Au moment où cet article est écrit (à la mi-septembre 1991), il ne s'est pas encore écoulé un an depuis le début de la mise en oeuvre du chantier acquisitions. Le bilan ne peut donc qu'être partiel et provisoire.

    En ce qui concerne l'aspect documentaire, le bilan est déjà très satisfaisant. L'augmentation de leur budget a permis aux acheteurs du Service des acquisitions d'atteindre à peu près le niveau d'acquisition souhaitable, chacun dans son secteur. Ceci étant dû aussi au " métier " de ces acheteurs, conservateurs titulaires, et à la connaissance qu'ils ont de leur domaine. Les acheteurs des autres départements concernés par le chantier (Périodiques, Salle des catalogues, Salle de travail des Imprimés, Publications officielles) ont eu leur budget, en moyenne, décuplé et pu de ce fait réaliser des achats d'une grande qualité. Par exemple, un nouveau type de document très attendu par les lecteurs de la BN, des CD-ROM bibliographiques, a pu être acquis pour la salle des Catalogues : la British National Bibliography (depuis 1950) ; le catalogue collectif national des publications en série, Myriade ; quatre bibliographies spécialisées courantes, l'Art index (depuis septembre 1984), l'Humanities index (depuis février 1984), le Social sciences index (depuis février 1983), la Modern Language Association International Bibliography (depuis janvier 1981) ; Electre-biblio (livres disponibles français) ; Books in Print Plus (livres disponibles américains) ; Alice (livres disponibles italiens) ; VLB (livres disponibles allemands) ; Whitakers book bank (livres disponibles anglais) ; Ulrichs Plus ; Dissertation abstracts ; PAIS (Public affaires information services, 1972-1991) ; et les deux premières livraisons du British Library General catalogue of printed books to 1975. Ces CDROM sont venus s'ajouter à deux titres dont disposait déjà la Salle des Catalogues, la Bibliographie nationale française depuis 1975 et Lise, le catalogue de la Bibliothèque publique d'information, ainsi qu'au seul titre obtenu par échange, la Deutsche Nationalbibliographie.

    Très bientôt, un serveur de CD-ROM, CDNET de Meridian Data, le premier de ce type à être implanté en France, va permettre aux habitués de la salle des Catalogues (et au Service des Acquisitions) de consulter beaucoup plus aisément plusieurs CDROM en même temps.

    Des collections de référence , elles aussi certainement uniques en France, sont entrées à la BN, au Service des publications officielles : les spécialistes de l'histoire des États-Unis peuvent maintenant y consulter sur microfiches la collection complète des arrêts de la Cour Suprême et plusieurs séries parlementaires, débats du Congrès (1789-1875), rapports, enquêtes et audiences (hearings) des différentes commissions de la Chambre et du Sénat à partir de 1823 ; ces collections, publiées sur microfiches par le Congressional Informatique service, sont accompagnées d'index très détaillés sur papier.

    Les acquisitions rétrospectives, pour combler les lacunes étrangères, ont, elles aussi, bien démarré. Mais la tâche est immense et malaisée. Un petit historique d'abord. C'est dès après la Première guerre mondiale que les acquisitions d'ouvrages étrangers ont été très négligées par la BN, mais, parmi les périodes sombres, on se rend compte que les lacunes des années 60 et 70 sont les plus pénalisantes pour les chercheurs (ce n'est qu'à partir de l'année 1984 que les crédits alloués commencent à être relevés permettant alors un certain accroissement des achats). Paulette Perec, responsable de ce secteur pour les monographies et aidée d'un vacataire, s'est attaquée avec énergie à ce travail gigantesque, en utilisant diverses méthodes : libraires spécialisés dans l'occasion, catalogues de maisons d'édition, pointage des fichiers de collections et suites... Parmi les ouvrages qu'elle a acquis pour être mis en libre accès, la Salle de travail du département des Imprimés nous a signalé les titres suivants : le Corpus christianorum (300 volumes), la Patrologie de Migne, l'Armorial général de Rietstap, les Archives parlementaires publiées par le CNRS. Au département des Périodiques, beaucoup de nouveaux abonnements ont pu être pris et des collections entières achetées ou complétées sous forme de microfilms, comme par exemple : Classical journal (vol. 1 à 82, 1905-1987), Classical world (vol. 1 à 82, 1919-1989), Downside review : a quarterly of catholic thought (18801939), The Monist : a quarterly magazine devoted to the philosophy of science (1891 -1965).

    L'aspect le plus préoccupant est celui des ressources humaines. Nous avons donc dû recruter du personnel vacataire, faute d'attribution à la BN de postes de titulaires. Ces personnels sont instables, étant donné qu'ils ont des contrats temporaires renouvelables, et que la seule perspective d'avenir, dans notre métier, au moins actuellement, est de passer les concours professionnels.

    On peut ajouter la " concurrence " que nous fait la Bibliothèque de France en proposant des rémunérations plus attirantes, soit, directement, soit par l'intermédiaire de sociétés de service ! Or la formation que nous leur donnons pour qu'ils soient opérationnels est importante, reposant en grande partie sur le personnel titulaire en place. Il ne faut pas oublier le processus de recrutement, le temps passé à chercher, et sélectionner les candidats. Etant donné les spécialités, notamment linguistiques, requises, des postes sont restés vacants plusieurs mois. Par contre, des licenciements ont été nécessaires.

    On peut se sentir à juste titre découragé lorsque, par exemple, un germaniste, recruté début avril, formé par nos soins au catalogue signalétique et matière (Rameau), et devenu à peu près autonome, nous quitte début octobre. La seule consolation, si l'on peut dire, est que la formation que lui avons donnée lui a permis de trouver un travail dans une bibliothèque, en province. Nous avons calculé que nous lui avons consacré cinq heures par semaine de relecture pendant six mois ; il a ainsi bénéficié d'environ 120 heures de formation, qu'il faut multiplier par deux puisqu'il faut compter aussi le temps du relecteur (un conservateur) ; il faut y ajouter la formation de base donnée par le CCBT : au total 54 heures.

    Je ne voudrais pas conclure sur cette note pessimiste ; il faut bien dire, et redire que les crédits d'acquisition supplémentaires obtenus grâce au projet de la Bibliothèque de France permettent à la Bibliothèque Nationale de commencer à se rapprocher de la situation de bibliothèques nationales comparables. C'est notre objectif commun, à l'équipe de la BDF, et à celle de la BN de continuer à réduire l'écart d'ici 1995.

    1. Les autres sont : le récolement et le suivi de la communication, la conversion rétrospective, la restauration / reconditionnement I reproduction, le déménagement. retour au texte

    2. Dans les deux cas, il s'agit d'accroître les fonds magasins de la BN qui seront transférés dans les magasins de la BDF. retour au texte