Index des revues

  • Index des revues

Le récolement au département des Livres imprimés de la Bibliothèque nationale

1991
    ⇓  Autres articles dans la même rubrique  ⇓

    Le récolement au département des Livres imprimés de la Bibliothèque nationale

    Par Anne Pasquignon, Conservateur au département des Livres imprimés

    Le récolement des collections du département des Livres imprimés et du département des Périodiques, conservées à Paris et à Versailles, est un projet financé par la Bibliothèque de France, préalable au déménagement de l'ensemble de ces fonds sur le site de Tolbiac. Envisagé en 1989, il devait alors faciliter la coupure des collections, suivant le critère de date qui aurait été retenu. L'idée abandonnée, il fut décidé de récoler l'ensemble des collections transférées. Cet inventaire a commencé, après une année de préparation, au mois de février 1991, au département des Livres imprimés et fut informatisé au mois de mai. Il doit être impérativement terminé fin 1994.

    C'est le premier récolement général entrepris depuis celui de 1947 qui dura 5 ans (1946-1951) et sans aucun doute le plus complet jamais mené. Il porte sur des collections qui occupent au département des Livres imprimés 110 km de rayonnages et constituent un ensemble estimé a neuf millions de volumes.

    Entreprise exceptionnelle par son ampleur, elle offre peu d'exemples récents si ce n'est celui de la BPI qui, en décembre 1989, fit l'inventaire de ses 400 000 ouvrages, expérience particulièrement instructive en raison de la similitude des conditions de délai imposées.

    Cette opération, qui consiste traditionnellement à vérifier la présence des ouvrages en rayons à l'aide des carnets de cotation, est pour la première fois informatisée. Projet réalisé par la société de service Alcatel-TITN Answare, le récolement est géré par le même système informatique, dénommé Sycomore, que le suivi de la communication.

    L'organisation du récolement

    a Les conditions

    Sur la base du traitement d'un livre par minute, nous avons estimé nécessaire, pour le seul département des Livres imprimés, d'engager 70 récoleurs à plein temps pendant 4 ans, répartis, à raison de 10, en 7 équipes ayant à leur tête un responsable de l'encadrement, lui-même secondé par deux personnes affectées aux recherches, soit un total de 91 personnes engagées, sur des contrats de trois mois renouvelables, à des taux de rémunération différents suivant leur fonction. Des possibilités de travail à temps partiel étant accordées, l'effectif au complet varie entre 120 et 130 personnes. Cette organisation répond au principal souci d'un encadrement solide, capable d'assurer au mieux les fonctions de gestion et de formation.

    Il fut attribué à chaque équipe le nom d'un personnage célèbre dans l'histoire de la Bibliothèque Nationale (Bignon, Clément, Delisle, Labrouste, Marolles, Rigault et Van Praet), chaque membre d'une équipe arborant un badge de couleur différente.

    Nous avons exigé un très bon niveau pour ces trois catégories de poste A, B et C : maîtrise ou plus pour le A, licence ou plus pour le B, bac ou plus pour le C. Le candidat devait montrer aussi soit des capacités à encadrer une équipe ou un goût pour les recherches et manifester de l'intérêt pour les livres, sans aucune aversion pour la saisie informatique. Le niveau d'études des personnes recrutées est en réalité bien supérieur à celui qui avait été demandé (les responsables d'équipe sont au moins titulaires d'un DEA) si bien que c'est le plus souvent la disponibilité des candidats qui détermine leur affectation.

    a La formation

    Les responsables d'équipe et la moitié des chercheurs arrivèrent en décembre 1990 pour suivre une formation préalable d'un mois. Leur programme de stage alternait cours, visites et exercices pratiques à partir des carnets de cotation et des registres d'absences constatées à l'issue du récolement de 1947 : ce fut l'occasion de noter le retour en place de quelques 1 000 ouvrages sur les 26 000 inscrits.

    Un stage de formation d'une semaine est ainsi organisé sur ce modèle à chaque nouveau recrutement de chercheurs (janvier, avril et octobre), avec la participation de nombreux conservateurs et bibliothécaires du département. Les tandems de récolement, à partir du 8 janvier, furent progressivement engagés, à raison d'un par semaine, pour chaque équipe. Ce principe de montée en charge fut également retenu lors du démarrage du récolement informatisé, quant au nombre de micro-ordinateurs utilisés.

    a Le planning de récolement

    Le récolement débuta par les lettres r (jurisprudence) et J (histoire ancienne). Les imprimés de la Bibliothèque Nationale sont en effet répartis suivant une classification établie à la fin du XVIIe siècle par Nicolas Clément, en 23 subdivisions représentées chacune par une lettre de l'alphabet. Le taux de communication de ces différentes séries, mis à jour par une enquête récente, le degré de complexité du classement de chacune d'elles, leur situation géographique en magasin déterminèrent ce premier choix. Furent ensuite récolées les lettres K (histoire de l'Italie moderne), G (histoire et géographie générale), H (histoire ecclésiastique) et V (sciences et arts). A la mi-juin, commençait le récolement du fonds de la Réserve.

    Le planning des quatre années de récolement fut d'autre part établi en considération d'autres exigences : la campagne de dépoussiérage des collections, les activités du chantier de la reproduction et les impératifs du déménagement. Chaque semaine, de nouvelles tranches de cotes, qui correspondent à autant d'épis de rangement en magasins, sont déclarées incommunicables pour une durée de 15 jours. Une feuille d'information est régulièrement diffusée à l'attention des lecteurs (les pages jaunes). Chaque équipe doit impérativement gérer son secteur de récolement dans ce délai.

    Le travail de récolement

    a La saisie en rayons

    Les récoleurs, après avoir systématiquement passé en revue les rayonnages, poursuivent leur travail deux par deux, à raison de quatre tandems par équipe, le cinquième étant chargé des travaux d'entretien : l'un sort les livres des rayons et dicte à son coéquipier les informations à enregistrer sur un microordinateur portable. Il s'agit d'un modèle de la marque Atari, de la taille d'un portefeuille et fonctionnant sur piles, ce qui assure une totale autonomie de travail pour une durée de 5 jours. Il est équipé d'une carte mémoire ou bee-card d'une capacité de 128 Ko, déchargée chaque soir.

    La saisie est facilitée par une incrémentation de la cote qui permet aussi de suivre la cohérence de la succession des chiffres annoncés et de repérer les lacunes. Différents contrôles sur les données enregistrées guident l'opérateur dans son travail.

    La grille de saisie

    La grille de saisie conçue pour cette opération est utilisée indifféremment aux départements des Livres imprimés et des Périodiques suivant des règles d'enregistrement précises adoptées conjointement. Elle se décompose en trois écrans indépendants réservés, le premier, à la saisie de la cote, sous-cote (pour les collections et suites), période et tomaison (pour les périodiques), date d'édition, code présence, code communicabi-lité, code conditionnement, le deuxième, à celle du motif d'indisponibilité de l'ouvrage : absence constatée à une date antérieure, renvoi à un nouveau lieu de stockage ou à un autre exemplaire de consultation (microformes, reprints, doubles en usuel) même si l'original est en place, avec l'indication de la nouvelle cote, et le dernier à l'enregistrement de particularités, complétant des informations enregistrées précédemment, comme la présence d'une table à la fin d'un volume, d'anomalies qui donnent à la notice le statut à voir et interdit son transfert dans la base des documents originaux ; enfin tout groupe de cotes reliées ensemble y est identifié afin qu'un lecteur ne soit pas autorisé à faire la demande d'une cote figurant dans un volume communiqué sous une autre référence.

    Une session ne doit pas comporter plus de 200 notices. Une moyenne quotidienne de 500 notices par bee-card, surtout lors de l'enregistrement de cotes de périodiques particulièrement longues ne doit pas être dépassée, soit un total de 10 000 saisies par jour environ.

    m Les signets de couleur

    Des signets sont glissés dans les livres qui nécessitent une intervention manuelle immédiate, telle qu'un rondage, un estampillage ou une mise en pochette pour les documents détériorés par l'acidité du papier. Ils sont de couleurs différentes suivant le type d'opération à effectuer. La charge en revient au 5e tandem formé dans les ateliers du département au cours d'un stage qui inclut des séances de calligraphie. Sont signalées de la même façon les reliures en mauvais état et les petites réparations qu'entraîne la présence de cahiers décousus, de feuilles volantes ou déchirées à l'intérieur des ouvrages. D'autres signets enfin sont mis dans les ouvrages à l'intention des équipes de recherche.

    Les recherches

    Les moyens de contrôle

    Dans chaque équipe, deux et depuis le 1er octobre trois personnes (niveau B) sont chargées des recherches qui s'avèrent constituer une tâche plus lourde que prévu. Elles travaillent principalement à partir des listings d'anomalies qui chaque matin sont édités, à la suite des traitements faits la nuit sur les données déchargées sur un micro-ordinateur en magasin et transférées le soir : contrôles de cohérence par rapport au cadre de cotation du dictionnaire des cotes, aux fichiers des tables de renvoi, saisis par une société externe (d'après le carnet des Périodiques 1960, les registres de concordances PFM, microformes, transferts Réserve, les listes d'absences constatées, le fichier de reprints et les bordereaux d'usuels des différentes salles de lecture du département des Livres imprimés) et aux données de la base réelle provenant du récolement.

    a Les attributions des chercheurs

    Les chercheurs ont donc à leur disposition quatre types de listes regroupant, par équipe, les anomalies d'absence, les anomalies détectées par le système, les anomalies de renvois et les anomalies constatées au récolement. Ils interrogent la base de travail du récolement et relisent les sessions dont la correction leur incombe. Ils disposent des photocopies des carnets de cotation qui confirment ou. complètent les informations saisies en magasin. Des contrôles effectués dans les fichiers des collections et des suites françaises et étrangères leur permettent de repérer les lacunes éventuelles. Ils sont enfin chargés de l'identification des ouvrages dont l'absence aura été constatée. Les sessions sont relues par les titulaires autorisés à les valider, ce qui, a la suite de nouveaux contrôles, occasionne leur transfert dans la base réelle.

    1 Quelques chiffres

    A la mi-octobre, le million d'enregistrements était atteint, provenant en partie de la saisie rétrospective, réalisée au mois de juillet par une équipe de récoleurs supplémentaire, qui a permis de rattraper la moitié du récolement manuel. Une centaine de demandes de corrections de cotes dans les catalogues avait été transmise, sans compter des interventions directes dans la base bibliographique BN-Opale. Enfin, l'absence de quelques mille ouvrages dans les trois premières lettres récolées avait été répertoriée. Pour les travaux d'entretien, 15 000 rondages, 18 000 mises en pochette, 5 000 estampillages environ étaient à cette date comptabilisés.

    Conclusion

    A l'issue de ce récolement, sera constitué un inventaire informatisé de tous les documents ayant reçu à leur arrivée à la bibliothèque une cote d'Imprimés ou de Périodiques. Un compte exact pourra en être donné, que ne fournissent pas les carnets de cotation, du fait qu'ils assignent des cotes génériques aux titres de collections, de suites et de périodiques. Le récolement dresse en effet un état, par unité matérielle, des cotes communes à plusieurs volumes, précisant les informations portées dans les catalogues. Dès le début de l'année 1992, cette base sera accessible aux lecteurs au fur et à mesure de sa constitution..