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    Séance de l'après-midi

    Expériences concrètes en matière de délocalisation

    Par Martine BLANC-MONTMAYEUR
    Par Jean-Claude BROUILLARD
    Par Jean GOASGUEN
    Par Hugues VANBESIEN
    Par Annick NIEL
    Par Jean-Claude ANNEZER
    Par Alain LOTTIN
    Par Gérard COURTOIS
    Par Jacqueline REY
    Par Daniel RENOULT
    Par Pierre-Jacques LAMBLIN
    Par Michèle GUINARD
    Par Nicole GIRAUD

    Martine BLANC-MONTMAYEUR :

    Ce matin, nous avons donné la parole aux partenaires officiels de la délocalisation. Cet après-midi, nous allons avoir le récit d'un certain nombre d'expériences concrètes. Je voudrais auparavant me faire l'écho des craintes exprimées par nos collègues des BU. S'il est vrai que l'initiative de ce séminaire appartient aux bibliothèques de lecture publique, il aurait été souhaitable que la section des bibliothèques universitaires soit associée à sa préparation, mais force est de constater que nous travaillons dans des villes moyennes où la présence de l'université-mère ne se fait pas sentir. Certes, les choses doivent changer dans le cadre d'une politique de contractualisation mais, si nous sommes interpellés actuellement, c'est justement, parce qu'il y a un échelon qui manque.

    Jean-Claude BROUILLARD : BU d'Angers, ADBU.

    Jusqu'à présent les bibliothèques universitaires ont considéré ces délocalisations comme des créations d'UFR négociées entre un Maire et un Directeur de département. L'apparition d'une bibliothèque y était très confuse et se faisait en dehors de nous. Quand les BU ont été prévenues, elles ont pu intervenir, soit par des crédits d'équipement, soit par une mise à disposition de personnel. L'ADBU a décidé d'organiser cette année un groupe de réflexion sur ce problème faisant suite à deux phénomènes. D'abord l'apparition des schémas régionaux, ensuite la mise à disposition d'un crédit CNL attribué à 24 sites délocalisés. Nous sommes sensibles aux problèmes de la mise à disposition des ouvrages comme à celui de l'informatisation de l'antenne en relation avec la BU centrale. Si on s'engage dans une informatisation étendue des BU, la bibliothèque délocalisée sera considérée comme une section de la BU et sera même prioritaire. Je pense qu'au prochain congrès de l'ABF, l'ADBU sera en mesure de présenter un texte et des résolutions sur ces questions.

    Martine BLANC-MONTMAYEUR :

    Nous allons maintenant vous communiquer les résultats de l'enquête réalisée grâce à Françoise Larbre-de-Villegier. Elle a été faite auprès des directeurs des bibliothèques municipales, dans les villes où, selon le Ministère, existait une antenne universitaire. Son but était de connaître les relations existant entre cette antenne et les BM, et de mesurer l'incidence éventuelle de ces créations sur la fréquentation des étudiants dans les bibliothèques municipales. Nous avons envoyé ce questionnaire à 61 antennes dépendant de 30 universités et nous avons reçu 35 réponses, soit un taux significatif de plus de 50 %.

    Toutes les BM, sauf deux, ont connaissance de l'antenne universitaire de leur ville et peuvent même, en majorité, les décrire approximativement.

    Les enseignements concernant le premier cycle et le Droit et les Sciences économiques l'emportent de manière écrasante. Sur les 35 réponses, il existe seulement 3 enseignements de sciences. On rejoint là l'inquiétude exprimée quant à l'uniformité des enseignements donnés dans les antennes universitaires. Cependant, beaucoup ont signalé l'existence d'IUT et de BTS qui viennent nuancer ce tableau.

    Les locaux : les superficies sont comprises entre 50 et 1 500 m2. Un portrait-robot est donc bien difficile à faire. Par contre, la majorité de ces antennes sont bien situées dans la ville. Les locaux ont été prêtés ou financés par les collectivités locales, il ne s'agit pas de locaux d'origine universitaire.

    Le nombre d'étudiants : le chiffre général tourne autour de 500 à 1 000 étudiants, un cas à 35 étudiants, quelques autres près de 2 000.

    La documentation : un certain nombre de bibliothèques municipales nous signale l'absence de documentation dans plusieurs antennes. Elles offrent un lieu de travail pour les étudiants, mais sans ouvrages. Pour les autres, on retrouve les mêmes collections que dans des UFR, soit entre 1 500 et 4 000 ouvrages.

    Le personnel : en dehors de quelques bibliothécaires et de documentalistes, le personnel est la plupart du temps un personnel administratif.

    Le budget : les réponses étaient moins nombreuses, mais mentionnaient toutes des financements croisés. On peut esquisser un modèle qui allie des financements municipaux au reversement par les universités, des droits de bibliothèque. Le financement est rarement direct, on trouve souvent une association, créée pour la circonstance, réunissant les partenaires locaux (ville, département et même région).

    Sur 35 réponses, 25 bibliothèques municipales ont des relations suivies avec ces antennes. Pour 16 d'entre elles, il s'agit de relations de type technique, d'une aide aux acquisitions, au catalogage, à la formation du personnel des antennes. Il semble bien que l'interlocuteur privilégié de ce personnel non qualifié soit le personnel de la bibliothèque municipale, qui est sur place, et non celui de la bibliothèque universitaire. Ceci est vrai pour les bibliothèques municipales qui n'intègrent pas l'antenne universitaire. Or, il y a déjà des cas d'intégration, comme à Châteauroux, avec une salle et une collection réservées aux étudiants.

    Les relations entre la BM et l'antenne sont le résultat de la volonté municipale ou départementale. Cette délocalisation semble souvent imposée à la BM. On pouvait lire entre les lignes du questionnaire cet engagement forcé dans la grande majorité des cas. Quand la municipalité, outre le financement des bâtiments, du personnel et parfois même du fonctionnement, s'engage dans une politique volontariste d'aide à la documentation, la BM peut être amenée à devenir petit à petit BU. C'est le cas à La Rochel-le, Agen, Châteauroux, Valence et Roanne.

    Notons toutefois que, dans ces premières implantations, la politique documentaire est rarement oubliée. Le local bibliothèque est prévu dans les nouvelles constructions. Signalons l'importance des périodiques dans ces fonds d'ouvrages qui sont, rappelons-le, plus près de 2 000 que de 100. Malheureusement, il y a rarement une politique d'acquisitions concertée entre les antennes, les universitaires et la BM. Quelques essais de liaisons sont en projet. Le public étudiant est ressenti comme une charge par les BM. Elles s'inquiètent de sa prédominance éventuelle sur les autres publics. Cette crainte est encore plus vive dans les villes qui ont fait un effort important pour la lecture publique.

    La bibliothèque universitaire est d'une perception difficile pour un usager de base. Par exemple, à Valence, nous avons souvent des réflexions des habitants, qui demandent s'ils auront encore le droit de venir à la médiathèque une fois l'intégration universitaire faite. Les BM s'inquiètent aussi de l'origine très diverse du personnel, du coût, des difficultés de relations avec les universitaires.

    Voici les principaux résultats de cette petite enquête qui n'est sûrement pas le tableau détaillé que nous attendons. Il est évident qu'une investigation directe auprès des antennes universitaires elles-mêmes reste à faire.

    Annick NIEL : bibliothèque universitaire de Lille.

    Les BU se font beaucoup de soucis au sujet de ces antennes. Je voudrais tout d'abord corriger ce que vous avez dit au sujet du reversement des droits de bibliothèques. Il s'agit de consacrer aux acquisitions des antennes, les droits des étudiants, ainsi que la subvention documentaire ministérielle.

    Quelques chiffres : pour 1989, la bibliothèque inter-universitaire de Lille a consacré 22 % de ses achats aux antennes de Droit et de Lettres, et 28 % aux antennes scientifiques. Nous avons malheureusement beaucoup d'antennes à desservir : Lille III à Cambrai en Histoire, Cambrai en Droit, Arras en Lettres modernes, Arras en Histoire, Dunkerque en LEA, Boulogne en LEA. Lille 1 à Dunkerque, Calais, l'IUT de Béthu-ne. Respectivement Lille III a consacré en 90, 165 944 F à ses antennes, et Lille I, 190 488 F. Nous leur demandons de nous fournir des listes d'acquisitions et nous faisons les achats. Nous avons également des projets en commun en matière d'informatisation, avec des schémas différents selon les universités : intégration complète pour Lille 1, choix non tranché pour Lille III.

    La participation des bibliothécaires universitaires est donc réelle, d'autant que nous sommes, dans le Nord-Pas-de-Calais, une région sinistrée. Nous avons actuellement 57 000 étudiants, l'augmentation prévue est cette année de 10 %, et nous n'avons en tout et pour tout que 96 postes budgétaires.

    Jean GOASGUEN :

    Le problème des antennes universitaires est bien un problème interministériel, inter-disciplinaire, qui concerne le Conseil Supérieur et l'Inspection Générale des Bibliothèques, tant par la rencontre sur le terrain de toute la gamme des partenaires que par la réflexion concernant le champ documentaire. Je ne peux pas vous dire sous quelle forme le Conseil Supérieur et l'Inspection Générale vont mener cette affaire, mais les uns comme les autres, nous sommes immergés dans ce problème, et c'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui. Nous travaillons de concert avec les Directions concernées pour dégager des règles générales.

    Martine BLANC-MONTMAYEUR :

    L'ADBU prévoit-elle une enquête nationale ?

    Jean-Claude BROUILLARD :

    Nous n'avons pas encore lancé de groupes de travail, mais nous avons bien l'intention de faire une évaluation de l'existant et d'établir des propositions aux responsables des BU.

    Hugues VANBESIEN :

    Si l'on se place dans une perspective de construction, on rencontre deux possibilités. La première consiste à créer de toutes pièces dans les locaux universitaires, largement financés par les collectivités locales, des locaux à fonction documentaire. La deuxième solution consiste à déléguer cette mission documentaire pour le public étudiant à la bibliothèque municipale. Là 3 cas de figure se présentent. Soit on agrandit et éventuellement on surdimensionne l'équipement programmé, soit on accueille le public étudiant dans la bibliothéconomie habituelle de la lecture publique, soit enfin on individualise des espaces, du personnel, des collections. L'enquête a-t-elle apporté des précisions à ce sujet ? Quand on a inséré dans des équipements de lecture publique des enclaves universitaires, est-ce le résultat de la réflexion du bibliothécaire, ou la réponse à une exigence soit des universités, soit des collectivités locales ?

    Martine BLANC-MONTMAYEUR :

    L'enquête actuelle, trop limitée, ne permet pas de répondre à ces questions. Les récits d'expérience que nous allons maintenant avoir, nous en diront peut être plus. Mais, nous l'avons bien senti ce matin, dans la plupart de ces projets, ce sont les collectivités territoriales qui se révèlent extraordinairement fonceuses. Ce sont elles qui choisissent, ou non, de s'appuyer sur la bibliothèque municipale dans le cadre par exemple d'une construction neuve pour la politique documentaire étudiante. Après, les bibliothécaires répondent le mieux possible.

    Hugues VANBESIEN :

    Tel n'était pas le sens de ma question. Je la précise. Quand la politique documentaire étudiante a-t-elle été attribuée à la bibliothèque municipale, qu'est-ce qui peut conduire à créer une section spécialisée ou à accueillir simplement ce public dans l'équipement existant, en agissant simplement sur le fonds, l'accueil, etc.

    Martine BLANC-MONTMAYEUR :

    En l'absence de directive officielle, tout dépend de la réflexion locale, d'autant que les partenaires locaux peuvent préférer l'une ou l'autre. Lors des premières rencontres, on a pu sentir que les universitaires préféraient des locaux spécifiques, alors que les collectivités locales visaient l'intégration. Le rapport Miquel indique qu'une documentation maximum doit être à la disposition de tous. Il y a donc des textes d'intention, mais localement c'est un petit peu le rapport de forces ou, si vous préférez, un rapport de contractualisation. Lors du séminaire d'Arles, par exemple, le Président de l'université de Marseille demandait des locaux séparés, à côté de la médiathèque de l'espace Van Gogh, et de plus il exigeait, il y a un an, que ces locaux soient réservés aux seuls étudiants. A Valence, avec l'accord des universitaires, on a choisi l'optique opposée.

    Annick NIEL :

    Dans les universités du Nord-Pas-de-Calais, au départ de la réflexion, les bibliothèques universitaires avaient été prévues dans les BM. Mais, en réalité cela ne s'est fait, ni à Cambrai, ni à Boulogne où la construction d'une bibliothèque d'UFR est prévue, ni à Arras où les collections n'ont pas été intégrées à la BM comme cela avait été dit au départ.

    Jean-Claude BROUILLARD :

    On pourrait tirer partie de l'expérience et de l'histoire des BU de ces 30 dernières années. Les universitaires préfèrent de beaucoup créer leurs chapelles documentaires. Je ne vois pas pourquoi, ayant voulu créer leur chapelle à Lille, ils voudraient, à Cambrai, aller dans la cathédrale ! Et c'est le processus normal. Les universitaires ont besoin d'une documentation propre, de conditions de travail pour leurs étudiants, et préfèreront toujours développer leur bibliothèque. La politique du Ministère est d'ailleurs de prendre acte de cette situation, de la récupérer dans un service commun de la documentation, en y rattachant ces chapelles, en les faisant marcher si possible dans le même sens, pour le bien des étudiants. Les délocalisations devraient entrer dans ce processus ce qui n'exclut pas une collaboration avec les BM.

    J'ai moi-même, à Angers, choisi une collaboration avec la BM de Cholet, parce que, dans ce cas précis, la BU d'Angers était complètement privée de moyens sur place. Il m'était impossible de dégager un poste de BA pour aller faire fonctionner la bibliothèque de Cholet. Nous avons donc, en accord avec le Secrétaire Général de la ville, mis en place une structure provisoire à la BM de Cholet. Mais attention, cette structure est seulement provisoire. Si le Maire veut donner une image universitaire aux locaux qu'il a dévolus à cet enseignement, il doit y inclure une BU, qui est aussi un symbole de l'université. Une université qui n'offre pas à ses étudiants un large fonds encyclopédique, pluridisciplinaire, n'est pas une vraie université. Fournir une documentation limitée, c'est aller vers l'émergence de premiers cycles pauvres. Il faut donc rattacher ces nouvelles unités à la BU-mère. Je vois déjà les étudiants de Cholet faire, une fois tous les quinze jours, 50 km pour venir à la BU mobiliser les photocopieurs pendant une demi-heure pour réunir leur documentation.

    Lise BOIS, Bibliothèque universitaire de Lille III - antenne d'Arras :

    Commençons par un bref historique.

    Cette bibliothèque, comme une partie du centre universitaire, a été mise en place dans le cadre d'accords Etat/district urbain d'Arras. J'en suis la responsable, avec deux autres personnes assurant des fonctions d'employés de bibliothèque. Elle est ouverte depuis octobre 1989. Il nous a fallu entreprendre une véritable course contre la montre. Le local était nu, sans livres, sans mobilier, et nous devions dès l'ouverture, offrir aux étudiants les principaux ouvrages de leur programme et répondre à leur attente. Le prêt a été ouvert le 1er janvier 1990.

    Le local de 300 m2 offre 75 places assises. Nous devons accueillir 900 étudiants de DEUG Lettres et Histoire, et, depuis la rentrée 90, de licence de Lettres. Les collections, 4 000 ouvrages et 32 périodiques, concernent surtout les questions précises du programme en dehors des encyclopédies.

    La bibliothèque, très agréable, ressentie et proclamée comme telle par les étudiants, est dûe à l'investissement du district urbain d'Arras. Le financement mobilier et l'agencement intérieur ont été faits par la municipalité d'Arras. Pour l'année 89-90, le district urbain a financé les acquisitions.

    En 1989-90, les deux tiers des étudiants étaient inscrits à la BU, mais une petite moitié seulement la fréquentent régulièrement. Les relations avec les étudiants sont très agréables, en dehors de quelques problèmes de surveillance. Nous leur apprenons à devenir des utilisateurs autonomes. Nous ne pouvons leur fournir en prêt les mêmes ouvrages dans les mêmes périodes, nous les incitons donc à venir travailler sur place ; par ailleurs, nous leur demandons de respecter les délais de prêt pour une bonne rotation des livres. Nous avons du mal à acquérir beaucoup d'ouvrages en réimpression ou épuisés, et nous devons faire comprendre à nos lecteurs qu'il est de leur intérêt de fréquenter d'autres bibliothèques ayant un fonds plus important ou plus ancien. Le dialogue est facile dans l'ensemble, même quand il s'agit de vérifier les sacs ! Nous essayons aussi de stimuler leur curiosité intellectuelle en leur signalant les activités culturelles du centre Maurois, avec qui nous sommes en étroite collaboration.

    Au terme de cette première année d'ouverture, nous constatons une utilisation importante des ouvrages critiques en rapport avec les auteurs du' programme, mais une sous-utilisation des périodiques. L'instauration du 2ème cycle modifiera peut être cette pratique. Par contre, les relations avec les enseignants restent complexes, ceux-ci n'attendent pas de la BU les mêmes services que les étudiants mais bien plus un contact avec la recherche. Comment arriver à remplir à la fois le rôle de bibliothèque d'UFR et celui de BU ?

    Je voudrais aussi aborder le problème des rapports de l'antenne avec la BIU de Lille et la BM d'Arras. Des échanges fréquents sont indispensables. Ils sont suivis avec la BU de Lille. Elle nous fait parvenir une partie de sa documentation et, notamment, les listes de ses nouvelles acquisitions, qui nous sont très précieuses. Par ailleurs, dans le cadre de la contractualisation, une somme nous est réservée sur son budget pour des acquisitions traitées entièrement à Lille et envoyées ensuite à Arras. Nos rapports avec la BM d'Arras sont également fructueux, même si chacun tient à garder ses spécificités. La BM est tout à fait orientée vers la lecture publique. Il est important de garder ces deux visages, y compris pour nos étudiants, qui, par ailleurs, bénéficient des fonds encyclopédiques, voire épuisés de la BM. Nous confrontons aussi nos propositions avec le responsable des acquisitions du fonds d'études. L'informatisation prévue devrait faciliter ce travail en réseau.

    Quelles sont nos perspectives d'avenir ? Nous espérons par la mise en place de cette bibliothèque, contribuer au plaisir que peuvent éprouver dans leur travail les étudiants, même s'il reste des améliorations à apporter et des problèmes à résoudre. Le plus aigu est celui de l'accroissement rapide des collections pendant encore quelques années. Les sommes à investir doivent être importantes d'autant que de nouveaux DEUG sont annoncés. Se posera alors le problème des places assises et de la surface même de la BU (300 m2).

    La question d'un personnel qualifié et suffisant, de statut clairement défini, est aussi cruciale. Les interrogations actuelles ne favorisent absolument pas la sérénité du personnel en place. Enfin, reste à informatiser la bibliothèque. Elle ne l'a pas été dès l'ouverture, par suite de la faible quantité d'ouvrages, par suite du manque de disponibilité du personnel. Qu'en sera-t-il enfin de l'avenir de l'antenne ? S'agira-t-il toujours d'une délocalisation de Lille III ou, comme le laisse présumer la conjoncture, d'une université à part entière ? Dans ce cas, la bibliothèque universitaire sera à redéfinir obligatoirement.

    Anne-Marie BERTRAND, bibliothèque municipale de Nantes :

    Qu'en est-il exactement du financement des acquisitions ?

    Lise BOIS :

    Le financement est multi-source. L'Etat a donné 180 000 F pour les Lettres, 200 000 F pour l'Histoire. Le district 100 000 et 100 000 F. La BU, 30 et 30 000 F.

    Jean-Claude ANNEZER :

    Il est intéressant de comparer ce que vous avez dit, aux métaphores de M. Brouillard, vieux routier des BU. Il a utilisé la métaphore de la chapelle, de la cathédrale, il a oublié les catacombes et les sectes schismatiques et hérétiques ! Mais est-il encore de mode de faire dans le discours misérabiliste ? Je ne le crois pas. Les forces, les enjeux, les conjonctions sont différentes. Même si la nouveauté semble une agression par rapport à des structures établies, les enjeux actuels ne sont pas que d'argent, que de statuts, que de petite cuisine. Je crois qu'on peut regretter que la section des BU au sein de l'ABF n'ait pas suffisamment réfléchi à ce contexte nouveau. Je voudrais saluer l'enthousiasme d'une personne qui s'occupe d'une antenne ou d'une petite BU, qui tient un discours naïvement lyrique mais riche. Il y a actuellement une réflexion menée par l'Association des Responsables de BU et d'organisations universitaires francophones, qui réfléchit sur la bibliothèque universitaire fondamentale. Quel serait le seuil à partir duquel cette institution bibliothèque serait viable ? Doit-elle être encyclopédique ? Doit-elle reproduire les centres de documentation des UFR ? Ne peut-il y avoir d'autres supports ? Ne peut-on utiliser les nouvelles technologies ? Pourquoi ne pas réfléchir en terme de tissu documentaire, qui, comme tout tissu, peut avoir des textures différentes ?

    Alain LOTTIN : Président de l'université de Lille III.

    On m'a demandé de venir vous parler du problème des antennes universitaires et de leurs relations avec les bibliothèques. Deux mots d'abord sur les raisons de leur existence, en particulier dans le Nord-Pas-de-Calais. La croissance actuelle de l'université Charles de Gaulle est de 2 000 étudiants par an. En dix ans, elle est passée de 10 000 à 20 000 étudiants. Deux milliards de francs de constructions sont nécessaires pour les cinq ans à venir. Ces chiffres vous donnent l'explication des antennes ; sans elles, Lille III n'aurait pas fonctionné. La région du Nord-Pas-de-Calais est sous-équipée et n'offre pas à la population, un accès suffisant à l'enseignement supérieur avec trois universités lilloises pour quatre millions d'habitants. De plus, les chiffres montrent que, plus on s'éloigne de Lille, moins on a accès à l'enseignement supérieur, la pauvreté est périphérique et verticale. Le taux d'accès dans le Cambrésis est extrêmement faible par rapport à celui de la région lilloise. Le taux d'accès maximum est à Villeneuve-d'Ascq. Il n'est pas rare que des parents demandent leur mutation dans cette ville quand leurs enfants ont l'âge d'entrer à l'université. Toutes ces raisons ont poussé aux antennes. Deux ans après leur création, Arras et Dunkerque ont plus de 800 étudiants, et Boulogne 300. Pour les universités à dominante de sciences humaines, de Lettres et d'Art, les fonds documentaires existant sur place ont joué un rôle déterminant dans le choix des antennes, ainsi à Arras et Boulogne, sans omettre aussi la richesse de leur activité culturelle. L'historien que je suis se permet de rappeler l'importance des fonds anciens. Quant aux nouvelles disciplines, nous passons un accord avec les collectivités territoriales pour qu'elles accroissent leurs collections dans ces nouveaux domaines enseignés.

    Si les étudiants en Histoire ou en Lettres modernes vont naturellement vers les bibliothèques, ceux de LEA ou d'AES ont besoin d'y être poussés. Ce fut la raison des difficultés rencontrées à Boulogne pour la fréquentation de la bibliothèque municipale. Les étudiants ont réclamé une bibliothèque sur place. Nous avons donc choisi la politique suivante : installer une bibliothèque de proximité pour les usuels au sein même de l'antenne à Arras ou à Cambrai ; réserver aux BM les achats plus spécialisés.

    Je voudrais rappeler également, contrairement à ce qui a été dit, que certaines bibliothèques d'UFR sont remarquables pour leurs efforts d'informatisation ou pour l'encadrement de stages.

    J'en viens aux problèmes du personnel et aux perspectives d'évolution. Dans la pénurie actuelle, toutes les antennes ont été créées sans personnel d'Etat, je parle des ATOS. En revanche, nous sommes catégoriquement opposés au recrutement d'enseignants sur fonds extérieurs. La route étant maintenant ouverte à la création d'universités de plein exercice, il va bien falloir qu'il y ait des dotations en postes, et que, de plus, ces bibliothèques-antennes deviennent de réelles bibliothèques universitaires. Dans l'avenir, il ne restera plus comme antenne, pour Lille III, que Cambrai. Toutes les autres seront intégrées au sein des nouvelles universités.

    Gérard COURTOIS :

    Pouvez-vous être plus précis sur les raisons qui vous ont amené à créer des structures de bibliothèques dans les antennes de Boulogne et d'Arras ? Est-ce la pression des étudiants, celle des universitaires ou la réticence des bibliothèques municipales ?

    Alain LOTTIN :

    Le problème est complexe. On ne peut pas mettre sur le même plan des formations personnalisées très tournées vers l'actualité auxquelles les BM ne sont pas adaptées, et d'autres plus traditionnelles. Pour les premières (LEA, AES), le développement sur place était incontournable, la BM ne jouant qu'un rôle de complément. Il faut aussi tenir compte de l'éloignement géographique, comme à Arras, et de l'incontestable nécessité pour les étudiants de travailler sur place. Ajoutons-y le problème du nombre d'exemplaires. Il est certain que, bien que les enseignants ne se soient pas beaucoup manifestés, les étudiants ont, sans aucun doute, la volonté d'avoir une bibliothèque à proximité.

    Lise BOIS :

    Les étudiants ont effectivement absolument besoin de livres sur place. Ils ne font pas l'effort d'aller "vers" la BM, même si elle n'est pas éloignée. Par ailleurs, ils réclament un accueil spécifique et un encadrement que la BM, à cause du poids des autres lecteurs, ne peut leur assurer. Ne négligeons pas cet aspect du problème.

    Alain LOTTIN :

    Il est évident que le comportement des étudiants change au niveau du 2ème cycle et que, paradoxalement, étant initiés, ils iront plus facilement dans les BM où la présence des fonds anciens se révèle alors importante.

    Jacqueline REY : enseignante en sciences de l'information à Lyon.

    Une fois le DEUG obtenu localement, où vont aller ces étudiants ? Ont-ils un accès direct dans leur université de rattachement ?

    Alain LOTTIN :

    Le problème ne se pose pas dans le Nord, puisque les antennes vont devenir des universités ; mon espoir est qu'ils puissent y passer leur licence. Cela n'est cependant pas possible pour toutes les disciplines, et requiert la création des emplois nécessaires. Mais à Lille comme à Valenciennes, il n'y aucun numérus clausus, de plus tous les étudiants de Boulogne ou de Calais sont des étudiants de Lille à part entière. Ils ont la même carte, passent les mêmes examens, obtiennent les mêmes diplômes. Ils peuvent même déménager en cours d'année si nécessaire. Les seuls problèmes sont d'ordre économique, social, humain, mais sont bien réels. Beaucoup d'étudiants de milieu modeste font leurs études dans ces antennes. 50 % d'entre eux ne les auraient pas suivies hors de ce contexte. Ils vont sans doute les continuer ; les problèmes se poseront alors dans des termes différents : avec un diplôme en poche, le DEUG, ils se sont aguerris au milieu universitaire, savent mieux se débrouiller, sont boursiers pour un certain nombre d'entre eux. La Fondation de France, dans le Nord-Pas-de-Calais, va développer des programmes d'aide aux non-boursiers nécessiteux.

    Daniel RENOULT :

    Je voudrais rassurer le Président Lot-tin s'il en a besoin, et lui dire que le Ministre tiendra ses engagements en matière de création d'emplois de bibliothèques. La démarche de contractualisation est particulièrement sérieuse, il n'y a ni esquive, ni ambiguïté. Il ne faut pas accréditer l'idée qu'on travaillerait de nouveau par année. La méthode de contractualisation sur une durée pluriannuelle a été validée par la plupart de nos interlocuteurs. Certes, des difficultés de gestion existent. Nous ne pouvons pas toujours nommer à la date dite, l'enseignant-chercheur annoncé pour permettre la rentrée. Mais j'insiste fortement, les engagements pris pour tous ces postes, y compris ceux d'ATOS, seront tenus. 2 800 créations d'emplois d'enseignants-chercheurs sont programmées en 90-91, mais aussi 900 ATOS. Comparons cette situation aux gels et aux suppressions de postes auxquelles nous étions confrontés il y a cinq ans. Même s'il y a des carences par rapport aux ambitions légitimes, notons les efforts.

    Hugues VANBESIEN :

    Nous avons, à propos du personnel, évoqué deux questions, celle des statuts que je laisserai pour l'instant de côté, mais aussi celle de la qualification. Quelles exigences de qualification présentez-vous aux collectivités territoriales quand elles recrutent des agents devant servir dans ces centres de documentation ? Siégez-vous dans les jurys de recrutement ?

    Alain LOTTIN :

    Nos conventions précisent que, pour tous les ATOS, le choix s'opère en collaboration. Le personnel retenu vient faire un stage à l'université. Ce n'est qu'à l'issue de ce stage que nous donnons notre feu vert pour son affectation ou non dans l'antenne. Si le choix initial pour les sténos-dactylos est davantage à l'initiative des collectivités territoriales, l'initiative quant aux bibliothécaires est plutôt dans le camp des universités. Nous demandons la licence et un diplôme professionnel, et nous jouons un rôle majeur dans leur recrutement. Jus-qu'à présent, les collectivités territoriales se sont adressées à nous pour nous demander des bibliothécaires. Par exemple, le district urbain de Boulogne-sur-Mer fait appel à nous pour un poste actuellement vacant.

    Hugues VANBESIEN :

    Ce sont donc des bibliothécaires-documentalistes diplômés ?

    Alain LOTTIN :

    S'il s'en présente ! Dans le cas contraire, nous prenons des diplomés d'université qui, par la suite, suivent une formation professionnelle, type CAFB.

    Pierre-Jacques LAMBLIN : Directeur de l'Institut de Formation aux métiers du livre et de la documentation, Lille III.

    Je voudrais confirmer ce manque de candidats à Boulogne-sur-Mer, mais aussi dans les bibliothèques municipales de la région. Pour beaucoup de gens, le Nord appartient déjà aux régions sub-polaires, c'est regrettable, mais c'est un fait !

    Anne-Marie BERTRAND :

    Vous avez intégré, dans votre politique de délocalisation, dès le départ, la possibilité de travailler avec les BM. Or, apparemment, cette politique a échoué. Lille III avait signé des conventions avec les collectivités locales, pour créer des fonds dans les BM, ont-ils été transférés dans les antennes ?

    Alain LOTTIN :

    A Dunkerque, les fonds donnés par la ville ont été majoritairement mis dans l'antenne. Mais les relations sont excellentes. Une partie des collections peut très bien être mise à l'antenne, l'autre à la BM, en fonction des nécessités pédagogiques. Il n'y a pas de doctrine. En revanche, ce qui est doctrine, c'est la propriété universitaire au niveau de l'inventaire. Nous ne pouvons pas non plus, parler d'échec entre BM et antenne, la collaboration est indispensable et inéluctable, elle peut encore être balbutiante, mais elle se fera.

    Martine BLANC-MONTMAYEUR :

    Pour la Drôme, je devais venir avec M. Olivères, chargé du projet de délocalisation universitaire auprès du Conseil Général. Il n'a pu venir, je vais essayer de rapporter pour lui quelques idées essentielles. En octobre 1990, Valence comme l'indiquent les affiches dans la ville, compte 3 300 étudiants, répartis en 3 DEUG, 3 IUT, des BTS, 3 classes préparatoires, une école régionale d'art. Leur nombre a doublé en 3 ans. Pour mettre sur pied leur venue, il y a eu une convergence d'intérêts entre la ville et le Conseil Général, convergence aidée par le fait que le Président du Conseil Général est aussi le Maire de Valence. Cette convergence politique doit être signalée, car elle est assez rare en France : il y a peu de départements où c'est le Maire du chef-lieu qui est Président du Conseil Général.

    Les financements se répartissent ainsi: 60 % pour le département, 40 % pour la ville. J'ai appris, à ce propos, qu'il n'existe à l'heure actuelle aucun texte écrit, aucune convention en bonne et dûe forme, entre les universités de Grenoble I-II-III concernées par cette délocalisation et les collectivités territoriales. C'est en quelque sorte une délocalisation sauvage. Tout se fait au cours de réunions, dans des rapports, par des décisions prises ensemble. Les textes sont encore à venir dans les projets soumis au Ministère de l'Education Nationale. Les locaux ont été construits, les étudiants sont venus, les professeurs ont été nommés à Valence, le tout fonctionne parfaitement sans aucun contrat signé !

    Le total sur trois ans de ces investissements, en matière de locaux d'enseignement, de chambres universitaires et de CROUS, se monte à 95 millions de francs, dont 61 pris en charge par les collectivités territoriales, le reste par l'Etat et la région. Tout repose sur un pari, qui repose lui-même sur la confiance, de créer des infrastructures suffisantes, et de faire des plans de développement opérants, pour que, selon la théorie de notre Maire, le train se prenne en marchant. Je suis pour ma part inquiète de cette relative fragilité, à voir ces efforts non contractualisés. L'expérience de la Drôme corrobore tout à fait les chiffres déjà annoncés quant au recrutement local de ces antennes : sur les 80 étudiants du DEUG A ouvert à cette rentrée, 90 % sont des Drômois ou des Ardéchois, et plus encore, 50 à 60 % sont boursiers.

    Le processus de cette délocalisation a été mûrement pensé par les collectivités territoriales et les 3 universités grenobloises. A défaut de contrat, il existe un certain nombre de rapports préparatoires. Tous les bâtiments ont été financés par les collectivités territoriales, y compris le restaurant universitaire remis à la gestion du CROUS, y compris les chambres d'étudiants.

    Il n'y a pas eu, en revanche, de plan pré-établi pour le choix des filières. On a simplement cherché à les diversifier. La première, comme partout ailleurs, a été le Droit, puis 3 IUT ont été implantés, suivis de 2 DEUG en Lettres modernes et en DEUG A. J'en resterai là pour l'aspect général. Les arguments pour justifier un effort d'une telle ampleur rejoignent ceux que nous avons déjà entendus : Valence n'a pas le choix. En terme de politique et de rayonnement économique, il faut que la ville puisse acquérir une image de pôle culturel pour attirer des entreprises entre Grenoble et Lyon.

    Un mot sur le projet de médiathèque universitaire. Au cours d'une réflexion collective qui a débuté depuis déjà 18 mois entre les Présidents des universités et particulièrement M. Pouyet, les universitaires qui travaillent sur Valence, les élus et les administratifs municipaux et le personnel de la bibliothèque, nous nous sommes fixés les enjeux suivants.

    Réussir l'intégration complète d'une antenne universitaire dans une bibliothèque municipale, en respectant les particularités des différents publics. Nous disposons pour cela de quelques atouts, dont une expérience de fonctionnement en réseau sur la ville entre les 5 annexes et le bibliobus de la bibliothèque municipale. La BM sera le pôle central de la documentation universitaire sur la ville, mais travaillera en liaison étroite avec les 3 bibliothèques d'antenne existant à la fac de Droit, au nouveau Centre Scientifique Joseph-Fourier, à l'Ecole Normale qui accueille le DEUG de Lettres. Il s'agit surtout de jouer un rôle de coordination, d'essayer de bâtir un réseau informatique intégré ou, à défaut, un réseau de consultation type minitel, et de développer une politique commune d'acquisitions. Le fonctionnement de la future bibliothèque universitaire est décrit dans une convention actuellement à la signature des trois Présidents de Grenoble et du Maire de Valence. J'en cite quelques phrases clefs... (Cette bibliothèque universitaire sera intégrée à la médiathèque, les parties admettent qu'il s'agit d'une fonction intégrée et non séparée... On créera un conseil de documentation local à l'instar des conseils de documentation des BU).

    Comment faire passer ces principes dans la réalité ? Par un programme d'un an de travaux, pour une valeur de 9,6 millions, qui conduisent à une restructuration totale de la médiathèque, achevée pourtant en février 83. Les surfaces au public sont doublées. Le fonds d'études est multiplié par 3 en superficie, en places assises, en documents. Actuellement, le Ministère de la Culture subventionne cet agrandissement. Une subvention est demandée au Ministère de l'Education Nationale dans le schéma de développement des universités grenobloises. La mise à niveau des fonds est estimée à 1 million de francs.

    Nous avons déjà réussi une expérience encourageante de réseau avec le Centre Scientifique Joseph-Fourier, puisque ses collections sont en cours d'informatisation sur notre catalogue consultable par minitel dont je rappelle le numéro 75 55 78 18. Le centre accepte que son fonds scientifique soit consulé sur place par tous les usagers. On attend beaucoup de l'impact de cette consultation en réseau des collections scientifiques pour approfondir une politique commune d'acquisitions.

    Parallèlement, nous avons modifié l'organigramme de la médiathèque, surtout en renforçant l'encadrement, qui passe de 2 postes à 4 avec la création de 3 postes de bibliothécaires 1ère catégorie. Il nous faut accentuer notre fonctionnement en réseau en direction des étudiants qui logent dans les quartiers où sont implantées les annexes.

    Ce mélange des publics respecte cependant des spécificités étudiantes comme, par exemple, l'aménagement de 5 salles de travail en groupes. Il nous faut aussi imaginer les mises en espace des différentes collections à destination universitaire, quitte à "casser la Dewey". On se rend bien compte, en effet, que l'accès aux documents pour chacun des publics doit être repérable sinon séparé. La complémentarité est facile dans les disciplines scientifiques et économiques. La BM est relais INSEE depuis 2 ans, toute la documentation acquise dans ce cadre sert autant à la population active de Valence qu'aux étudiants des IUT commerciaux et de gestion.

    Notre but serait d'arriver à un pôle d'acquisitions commun, gérant l'argent destiné aux fonds universitaire, quelle que soit son origine, et distribuant les ouvrages entre les antennes et la centrale. Il est bien évident, et cela les universitaires l'ont fortement souligné, que s'il y a de l'argent, il ne doit pas servir exclusivement au fonds de la bibliothèque centrale. Au total, cette opération conduit à la création de 8 postes et demi supplémentaires, tous d'origine territoriale. Les universitaires ont demandé un poste d'Etat qui serait affecté aux antennes.

    Michèle GUINARD : Responsable de la bibliothèque publique de l'agglomération nouvelle de Cergy-Pontoise :

    L'expérience de Cergy est récente.

    L'antenne universitaire s'est installée à la rentrée 89-90, avec l'ouverture d'une première année de Droit et de LEA, regroupant 350 étudiants. Le Syndicat de l'agglomération nouvelle (SAN) a participé à l'investissement et au fonctionnement de cette création. En octobre 89, la bibliothèque a reçu une demande d'aide pressante du Directeur de l'antenne. Nous y avons répondu, pour l'année scolaire 89-90, sur deux plans : par la mise à disposition de personnel territorial, soit un temps complet d'une personne de catégorie A, pour procéder à la constitution du fonds et à l'accueil des étudiants ; ce poste a été ponctionné sur notre effectif, et j'ajoute que cette personne était l'une de nos meilleures professionnelles ; par le prêt d'une somme de 100.000 F à reverser ultérieurement sous forme de livres à la bibliothèque du SAN.

    La bibliothèque de l'antenne bénéficiait d'un local provisoire sommairement meublé, d'un crédit d'acquisitions de 50 000 F, de 120 000 F du CNL, de 500 heures de vacations de la part de l'Education Nationale. Cet embryon de BU a ouvert ses portes de janvier à juin 90, tous les après-midi, uniquement en consultation sur place. En juin 90, 1 000 livres représentant 500 titres et une quarantaine de périodiques étaient équipés.

    La BU de Nanterre a, tout au long de cette expérience, apporté à notre collègue une aide efficace et chaleureuse. En septembre 90, l'aide ponctuelle du SAN est terminée. Elle ne fait l'objet d'aucune convention signée avec Nanterre, seulement d'un accord verbal. Des postes de conservateurs et des crédits ont été demandés. Notre bibliothécaire de catégorie A postule pour un détachement, sans avoir reçu de réponse à ce jour. Aujourd'hui, le SAN propose au CROUS ses services de restauration et met en place une aide à la recherche de logement.

    Cette année, l'antenne de Cergy abrite 1 100 étudiants. Sont venus s'ajouter des départements de sciences économiques, ainsi que de sciences par délocalisation d'Orsay. A terme, Cergy-Pontoise recevra 10 000 étudiants. Par ailleurs, l'agglomération nouvelle développe la mise en place d'un réseau informatisé des bibliothèques des communes de l'agglomération, actuellement 5, et bientôt 8. Ce réseau pourrait inclure la BCP du Val-d'Oise, l'ESSEC et pourquoi pas l'université ?

    Nicole GIRAUD : Responsable de la bibliothèque de Lorient.

    Je vais essayer de parler de Lorient, de ne pas faire du localisme qui serait du misérabilisme, mais j'ai été très étonnée de l'avancement de la réflexion sur la documentation universitaire, surtout dans la région Nord et à Valence, car vous allez voir qu'en Bretagne Sud, ce n'est malheureusement pas le cas.

    Les villes universitaires les plus proches de Lorient sont Brest et Rennes, situées chacune à environ 130 km. Lorient est une ville de 60 000 habitants à proximité de deux autres villes moyennes, Vannes et Quimper, qui ont aussi des délocalisations. Ce qu'on a évoqué ce matin, concernant la volonté des élus d'avoir une université, est ici très marqué. Il s'établit une rivalité par rapport aux universités, et une pratique de surenchère qui aboutit à des situations peu claires.

    Jusqu'à ce jour, il y avait à Lorient, comme dans tant d'autres villes moyennes, des classes préparatoires, des BTS, des écoles dépendant de la Chambre de Commerce, un IUT avec deux départements spécifiques, hygiène et sécurité et affaires thermiques. La rentrée 90 voit l'ouverture d'un 3ème IUT maintenance industrielle, d'un DEUG LEA, d'un DEUG A sciences, d'un DEUST rare de matériaux avancés, fruit de la collaboration d'industriels et de chercheurs. Nous dépendons de 3 universités, celle de Brest et deux de Rennes, et nous sommes victimes de la mauvaise entente entre ces 3 universités.

    En dehors de l'IUT, les nouveaux enseignements ne voient le jour que par les financements des collectivités territoriales et par la volonté de la municipalité de rendre la ville plus attractive pour aider à son développement économique. Les collectivités territoriales sont ici regroupées en SIDEREL, structure un peu plus grande que le SIVOM. Tous les locaux payés par les collectivités ont été construits avant même l'arrivée des étudiants : le restaurant universitaire, la cité universitaire, la rénovation d'une ancienne école maternelle, le local provisoire de l'antenne. Les professeurs viennent par vacation de Brest et de Rennes, et sont payés très cher par la collectivité territoriale.

    Quelle est la situation de la documentation post-bac ?

    Il y avait des CDI dans les lycées ayant des classes préparatoires et des BTS, un Centre de Documentation à l'IUT avec une documentaliste et un conservateur d'Etat en surnombre, détachés de la BU de Brest pour des raisons de santé, une documentation très performante à la Chambre de Commerce, très ouverte sur les classes post-bac, et une BM datant de 30 ans, dans l'attente d'une nouvelle construction. En octobre 90, un embryon de fonds universitaire va se mettre en place dans un local de 150 m2, avec un crédit de 100 000 F, des listes d'acquisitions données par les professeurs, un système anti-vol, et que vogue le navire. A la dernière minute, on a ajouté 2 SES dont l'un titulaire d'une licence. Que peut faire la BM face à cette situation ? Nous sommes intervenus auprès des Présidents d'université, mais la priorité est d'ouvrir l'antenne coûte que coûte, afin de se placer dans ce contexte de rivalité. La difficulté est alors de trouver un interlocuteur. La nomination d'un directeur d'antenne, faite par les universités, devrait intervenir la semaine prochaine, ce qui nous permettra, je l'espère, d'avoir cet interlocuteur. Pour limiter les dégâts, et par conscience professionnelle, nous avons proposé de former les 2 SES et la secrétaire, d'acheter des doubles à la BM, d'intégrer l'antenne universitaire à la réflexion sur l'informatisation projetée de la centrale, des deux annexes et du bibliobus.

    Les services municipaux sont même prêts à construire eux-mêmes une bibliothèque universitaire, en dépit des difficultés économiques de la ville. Pourquoi ? Parce que les universitaires la souhaitent et qu'il faut donc la faire, sinon ils vont partir ailleurs. L'avenir est bien incertain ! Nous ne pouvons apporter que notre aide technique, accueillir les étudiants, mais nous avons de très gros problèmes de place, puisque notre bibliothèque n'est plus adaptée aux besoins de la ville et que nous refusons des lycéens tous les mercredis.

    Un mot sur les catalogues en réseau. Que faut-il choisir ? L'accès des étudiants dans une antenne au catalogue de la BU, sachant qu'ils auront du mal à avoir les documents et connaissant les difficultés du prêt-interbibliothèques ? Ne vaut-il pas mieux que les étudiants connaissent réellement toutes les ressources disponibles dans une ville moyenne, où les relations inter-professionnelles entre documentalistes et bibliothécaires sont faciles à établir ? A Lorient, nous sommes en train de constituer une association de documentalistes regroupant le CDI, l'hôpital, la CCI et la BM.

    Yves CHEVALLIER, bibliothèque municipale de Bayonne :

    Comment avez-vous résolu à Valence, la question du réseau informatique puisque les BU choisissent de préférence SIBIL et que les BM font appel à des logiciels moyens comme OPSYS ou TOBIAS ?

    Martine BLANC-MONTMAYEUR :

    Nous avons essayé de résoudre localement la question en prenant les bibliothèques existantes sur notre logiciel. Nous leur proposons gratuitement une place en mémoire pour permettre au public valentinois la consultation du catalogue. Si, en termes de duplication de notices, la part des ouvrages possédés dans les antennes doit être reversée, après coup, sur le réseau SYBIL ou sur un autre réseau qui serait constitué sur Grenoble, il n'y a pas selon moi de véritables obstacles techniques. On sait désormais copier des catalogues. Il est bien évident qu'il est important pour Grenoble d'avoir dans son catalogue, toutes les collections de ses antennes universitaires. Mais, pour le moment, le réseau grenoblois est en cours de constitution alors que le nôtre existe. De plus, nous accueillons réellement ces antennes : on vient en 15 jours d'intégrer la quasi-totalité du fonds du DEUG A. Je suis tout à fait d'accord avec ma collègue de Lorient. Le réseau local est jouable, prenons l'opérationnel existant, après on pensera au transfert.

    Alain LOTTIN :

    Après avoir écouté les différentes interventions, j'estime utile d'apporter quelques précisions. Dans mon université, il n'existe aucune antenne sauvage, elles sont toutes légales avec 'des conventions. Ensuite, en ce qui concerne Lille III, les enseignants sont nommés sur des postes fléchés, Arras, Boulogne, etc. Ceux qui viennent en heures supplémentaires sont exclusivement rétribués aux tarifs d'Etat sur les heures supplémentaires du Ministère. La seule prise en charge locale, parfaitement légitime, est celle des frais de transport quand ils ne sont pas nommés sur place: Quant au personnel territorial qui travaille dans des antennes, il bénéficie sur un pied d'égalité avec le personnel universitaire, de la formation et de la préparation aux concours. Après ce que je viens d'entendre, je tenais à préciser ces points.

    Jean-Claude BROUILLARD :

    Puis-je être provocateur ? Oui ? Ne pensez-vous pas que la politique que vous menez avec vos municipalités dans les B.M., rend service au Ministère de l'Education Nationale : vous créez 8 postes que M. Renoult est tout à fait content de ne pas avoir à vous donner et vous nous rendez éminemment service car l'argent qu'on ne vous donne pas va enrichir nos BU. Dans 5 ans, tout ceci aboutira à des petites universités de 3ème zone à côté d'universités européennes et d'universités classiques. Je crains que la politique faite n'encourage ces clivages déjà évoqués même si on les nie : on vient de recruter un SES avec une licence, sans doute sortait-il d'une délocalisation puisqu'on y forme, à la pelle des gens, dans des filières sans débouchés en dehors du secteur technologique, tels que les LEA ou des juristes. Je sais que je fais de la provocation !

    Martine BLANC-MONTMAYEUR :

    M. Renoult va répondre, M. Legendre n'est plus là pour le faire et je le regrette. Si, simplement, les collectivités territoriales sont prêtes à dépenser tant d'argent, ce n'est pas pour faire faire des économies au Ministère ou aux BU, c'est parce qu'elles ont tout à y gagner. Mais gagner cela ne veut pas dire gagner sur l'autre ou gagner en faisant des choses de second ordre. Et s'il est vrai que les collectivités locales parlent toujours de démocratisation de l'enseignement supérieur et d'égalité des chances, c'est qu'elles permettent, (les chiffres le montrent) que l'accès d'une classe d'âge à l'université passe de 5 à 20 %. Je dirai que la justification en soi est dans ce chiffre. Après il nous appartient de nous battre pour que l'enseignement donné ne soit pas de seconde zone. Mais si ces délocalisations n'ont pas lieu, nous resterons dans les villes moyennes avec un taux d'accès de 5 % à l'enseignement supérieur.

    Daniel Renoult :

    Je voudrais tout d'abord, dans ces dernières minutes, remercier l'ABF d'avoir organisé cette journée de travail. J'ai écouté attentivement tout ce qui s'est dit, et tout, nous a permis aux uns et aux autres d'avancer très sérieusement, d'avoir une meilleure vue de la situation dans sa très grande complexité. Je rappelle que nous sommes prêts à vous aider à publier les actes de ce pré-séminaire. D'autre part, il me semblerait dommage de terminer cette journée où chacun a joué cartes sur table, par de la provocation. Je n'y suis pas allergique, mais le sujet est trop difficile pour qu'on tombe dans la caricature. Première caricature, des formations sans débouchés : toutes les études montrent qu'avec un niveau BAC + 2, les jeunes trouvent un emploi, pas forcément stable tout de suite ou dans leurs qualifications, mais ils en trouvent un, et c'est primordial dans la lutte actuelle contre le chômage, comme pour favoriser l'insertion des jeunes dans la société. On parle en effet de 80 % d'une classe d'âge qui parviendrait au BAC, pensez au 20 % restant. Et lorsqu'on discute avec les collectivités locales sur les filières, c'est bien ce type d'enjeu que nous avons en tête. Ensuite, il y a des initiatives à prendre en ce moment, pourquoi ? Parce que l'Etat a pris la responsabilité de lancer un plan de développement de l'enseignement supérieur et que c'est le moment d'investir. Si les collectivités territoriales se lancent dans la bagarre en dépit des coûts, c'est que, en terme de qualification, d'insertion, d'égalité de chances pour les jeunes, ces investissements sont payants.

    Ensuite, il me semble que ce qui est en jeu, ce n'est pas le fait que le Ministère soit dégagé de telle ou telle obligation. Nous arrivons à un moment où les pressions sur les budgets publics sont très fortes, et tout le monde sait qu'il ne pourra pas y avoir une augmentation continue des dépenses publiques. C'est une donnée constante que tous les gouvernements qui se sont succédés depuis 10 ans connaissent. C'est une donnée nouvelle qui n'existait pas, il y a 30 ans. En conséquence, les collectivités locales se sont lancées dans des dépenses d'infrastructure, mais on peut observer comme à Lorient par exemple, qu'on est dans un processus dangereux parce qu'inflationniste. Il est évident, et encore une fois j'apprécie la sincérité des interventions, qu'il y a des rivalités entre villes, ce que nous savons parfaitement. Le risque est qu'ayant financé des infrastructures, les villes se tournent vers l'Etat et lui demandent sa participation, c'est une logique très dangereuse parce qu'a posteriori.

    J'en reviens à ce que j'ai dit ce matin, si on n'introduit pas une logique de schéma et de maîtrise de cet aménagement, plus personne ne contrôlera plus rien. Si on ne peut conclure aujourd'hui, sur des problèmes tels que la forme idéale d'une antenne et notamment de sa partie documentaire, il est par contre évident qu'il doit toujours y avoir des conventions. Je connais bien la situation de Cergy, je peux vous dire que s'il y avait une convention écrite, un certain nombre de difficultés actuelles ne se poseraient pas. Dans l'expérience de Valence, que nous trouvons tout à fait intéressante, lorsque j'entends qu'il n'y a pas de convention, je trouve ça extrêmement dangereux.

    Il est de notre responsabilité, à notre niveau d'intervention, d'appeler l'attention des pouvoirs publics et de nos interlocuteurs, sur le fait qu'il est nécessaire de prévoir et d'écrire les obligations réciproques des uns et des autres. Il n'est pas possible de laisser les initiatives se multiplier librement sous peine d'arriver à une énorme facture, alors que par ailleurs, les investissements sont tout à fait nécessaires sur les sites universitaires déjà existants, qui doivent, comme les pôles européens, être eux aussi développés. Le schéma national sera achevé en 1991.

    A vrai dire, et je rejoins M. Courtois, il n'y a aucun intérêt à créer des universités locales qui n'auraient aucun poids scientifique. Le développement de la recherche est une des conditions essentielles pour maintenir la qualité qui nous préoccupe tous. Voilà les leçons que je retire de cette journée très intéressante.

    Merci à tous...