Il me semble que dans ce tableau ainsi que dans celui de M. Renoult, on voit mal le rôle d'acteurs des universitaires. On le voit en tant qu'agent administratif décidant de la délocalisation. Mais en avez-vous rencontrés qui ont des projets plus que des envies d'heures complémentaires ? C'est le partenariat qui est le moins visible dans votre tour de France.
C'est donc de la déformation professionnelle. La manière de la présenter est un peu péjorative, mais c'est une réalité. Il est vrai que dans ces antennes, on retrouve un nombre d'universitaires qui retrouvent le plaisir d'enseigner. C'est très fréquent qu'ils redécouvrent une proximité, une présence et un rapport pédagogique avec leurs étudiants qu'ils n'arrivaient plus à avoir dans les amphis de 1 000 ou de 1 500. Ils redécouvrent une identité professionnelle qui était estompée dans l'uni-versité-mère.
Ne croyez-vous pas que la masse des étudiants attendus ne créera pas finalement comme dans les années 60 de nouvelles universités dans ces villes moyennes, et non pas uniquement des antennes délocalisées ?
C'est une question fondamentale. Il faudra attendre les résultats du schéma national. Par contre par rapport aux années 60, on descendrait d'un cran dans l'échelle démographique des villes desservies par des universités : en 1960 il s'agissait de villes de 200 000 habitants, en 90 il s'agit de villes de 50 à 80 000 habitants. Une autre orientation est possible, renforcer les établissements universitaires, en les démultipliant, là où ils existent déjà. A noter que le critère de pôle européen introduit par le Ministère va plutôt dans le sens d'un renforcement des pôles existants.
Ne peut-on craindre également que décentraliser la pédagogie du premier cycle mais concentrer la recherche dans le pôle principal, ne nuise pas à l'identité de l'université française telle qu'on l'a connaît aujourd'hui.
Vous avez évoqué le rôle des partenaires et notamment le rôle des entreprises. Il va de soi que la spécificité d'une région, c'est son environnement économique ; on a parlé de la crainte de privatisation de certaines universités, prenons un exemple sur la marge si vous le voulez. Dans les DOM-TOM, il y a des revendications très nationalistes de doter ces départements d'une structure universitaire à la française puis peu à peu d'une spécificité dans un contexte culturel, politique, et économique pour draîner les étudiants sur le marché de l'emploi.
Avez-vous l'impression que dans les entreprises il y ait une volonté de partenariat qui va nécessairement cliver la spécificité de l'antenne ? Quelle est l'importance du facteur économique ?
Je n'ai pas l'impression que ce soit un élément déterminant. Il me semble que ce qui intéresse les milieux économiques et professionnels, ce sont les pôles recherche, et la pertinence des formations par rapport aux emplois. C'est là-dessus qu'ils sont prêts à s'investir sous différentes formes. En revanche, pour ce qui est des premiers cycles, particulièrement des cycles d'études longs, rappelons qu'il s'agit des formations générales, par comparaison avec les filières courtes, professionnalisées. Par contre rappelons l'existence dans les lycées, depuis longtemps, de BTS et aussi, l'existence d'IUT.
Ne croyez-vous pas que les collectivités locales qui recherchent l'implantation d'antennes dans un souci de développement économique, ne fassent finalement pas fausse route, puisque le seul critère clairement indiqué par le Ministère pour implanter une antenne, soit celui de la saturation de l'université principale.
Il s'agit plutôt d'un élément de contrôle. Il est évident que le Ministère ne peut pas laisser s'implanter une filière AES, si celle de l'université-mère offre encore des places. Il y a un vrai débat entre partenaires sur le choix et la filière dans la région qui tourne sur la relation formation-emploi. Les demandes majoritaires sont des demandes sur l'administration économique et sociale, droit, sciences économiques, tout ce qui tourne autour du secteur tertiaire, du commerce, des services. Il n'y a pas d'hostilité a priori, du Ministère de l'Education Nationale sur le développement de ces filières, mais simplement le souci de ne pas multiplier les centres de droit international dans toutes les sous-préfectures.
Loin de nous, l'idée que c'est là, ou il y a des trop pleins, que l'on va laisser se développer des filières, toute l'idée du schéma, c'est de prévoir, et d'arrêter des orientations avec les principaux acteurs, et l'idée est bien que les partenaires que sont les collectivités locales aient leur mot à dire, y compris sur les orientations pédagogiques et pas seulement sur les problèmes d'infrastructure.
Je reviens sur les risques d'émiettement des universités pour dire que le débat est plus tranché que vous ne le disiez tout à l'heure : le premier Ministre a précisé qu'il n'était pas question de laisser se développer de manière anarchique un trop grand nombre de centres universitaires. Ca n'est pas l'intérêt de notre pays face à l'enjeu européen.
La question qui était posée, était de savoir si c'était inévitable ou pas. Je crois qu'il n'y a pas d'université de chef-lieu de canton. Mais compte tenu des besoins financiers, l'Etat pourra-t-il réellement résister aux pressions de la collectivité locale qui lui apportera sur un plateau, un site équipé, et une participation à la couverture des coûts de fonctionnement ?