Des sa création, en 1906, l'Association des bibliothécaires français s'est préoccupée de la formation professionnelle en réfléchissant à un manuel des bibliothèques. En 1912, elle publie "Règles et usages observés dans les principales bibliothèques de Paris pour la rédaction et le classement des catalogues d'auteurs et d'anonymes"; puis en 1929 le "Code administratif des bibliothèques françaises".
Le succès de ces publications suscite au sein de l'A.B.F. l'idée de rédiger un véritable manuel du bibliothécaire, d'autant qu'à cette date les villes confiaient leurs bibliothèques à des personnes de bonne volonté, mais dépourvues de qualification professionnelle.
En 1932 paraît un ouvrage rédigé par Léon Crozet avec la collaboration d'une équipe de bibliothécaires appartenant à diverses catégories. En 1938 la section de la Lecture publique, issue de la nouvelle organisation de l'association, se préoccupe de mettre en place une formation professionnelle destinée à des responsables de petites bibliothèques. A Paris, Myriam Foncin conservateur à la Bibliothèque nationale, prend l'initiative de ces cours, bientôt suivie à Lille, Lyon, Nantes...
Après la guerre le contexte de la formation se modifie peu à peu.
Dès 1950, la formation dite "moyenne" s'effectue autour de la préparation au Certificat d'aptitude aux fonctions de bibliothécaire, en liaison étroite avec l'Université.
En 1964 l'Ecole nationale supérieure des bibliothèques prend en charge la préparation aux diplômes et concours d'Etat. Par ailleurs se multiplient les structures privées soucieuses du développement de la lecture : comités d'entreprises, associations, dépôts de livres suscités et gérés par des bénévoles...
Pour l'Association des bibliothécaires français s'impose alors la nécessité d'accueillir ces "oubliés des di-plômes"1", désireux d'obtenir une formation professionnelle.
En 1978, l'A.B.F. est reconnue en tant qu'organisme formateur sur l'objectif : "faire connaître les techniques de base du métier de bibliothécaire à toute personne exerçant ou souhaitant exercer ces fonctions et dont le niveau d'instruction peut être celui du brevet ou du baccalauréat".
Pour ce niveau de formation, la demande est telle que l'A.B.F. doit passer de cinq à plus de vingt centres entre 1977 et 1989, qui se répartissent sur la quasi totalité du territoire : ainsi l'année 1989-1990 a permis de former près de six cents bibliothécaires.
Dès 1979, sur l'instigation de Mar-celle Beaudiquez alors Secrétaire générale, une harmonisation des centres est réalisée sur le contenu de l'enseignement et le déroulement de l'examen ; garant de cette harmonisation, se met alors en place un Conseil de perfectionnement, réunissant à Paris, deux fois par an, tous les responsables de centres et un représentant du Bureau national, sous la présidence du responsable national de la formation.
L'enseignement, réparti d'Octobre à Juin, comporte des cours, des travaux pratiques des visites et un stage d'application de trois jours. Il est complété par des travaux personnels et en équipe, des recherches en bibliothèque, un rapport de stage, un examen blanc écrit et oral. Chaque stagiaire doit donc consacrer environ trois cents heures à cette formation.
Le programme des cours s'appuie sur le "Métier de bibliothécaire", dont la première édition, multigraphiée, a été publiée en 1968, sous le titre "Cours élémentaire de formation profession-nelle" et la huitième édition en 1988, mise à jour en 1990. Il s'articule selon les axes suivants :
Un examen national écrit et oral sanctionne les connaissances acquises. Le jury composé par les enseignants est présidé par un membre du Bureau national ou du Bureau de la Section des Bibliothèques publiques.
Les formateurs sont des professionnels du livre qui interviennent ponctuellement selon leur spécificité (librairie, édition, audiovisuel, littérature pour la jeunesse...) et surtout des bibliothécaires qui appuient leur enseignement sur leur pratique professionnelle. Une formation des formateurs devra être envisagée et aller au-delà de la simple réactualisation des compétences.
Une collaboration étroite et positive s'est très généralement instaurée entre le groupe régional, qui ne vit parfois que par la formation, les collectivités territoriales, les agences de coopération et le CNFPT.
Telle est donc la situation de la formation élémentaire A.B.F.
Depuis plus de cinquante ans, elle a dû évoluer en fonction de diverses mutations : éclatement de la Direction des bibliothèques, modification des directions au sein des autorités de tutelle, décentralisation, régionalisation, statuts professionnels... mais elle doit encore faire face à de nouveaux défis.
L'augmentation du nombre des demandeurs d'emplois, le manque de qualification des jeunes doivent susciter une réflexion sur le rôle de l'A.B.F. organisme formateur : c'est précisément l'objectif de la commission mise en place en 1990 par le Bureau.
L'homologation du diplôme - qui depuis quelques années finit par s'apparenter à l'Arlésienne ! mais qui, maintenant, suit une procédure normale nous permettant d'espérer une réponse en 1991 - ne résoudra pas toutes les questions.
La catégorie C de nos personnels ne reçoit à ce jour aucune formation initiale. Les nouveaux statuts tout à la fois espérés et ... redoutés devraient permettre des recrutements sur des qualifications professionnelles reconnues.
Il y aurait alors la place pour une formation scolaire en LEP à laquelle l'A.B.F. pourrait collaborer : mise en place des programmes, préparation des outils pédagogiques, enseignement...
Il resterait à l'A.B.F. une tâche encore immense de formation initiale professionnelle des bénévoles de tous niveaux de culture générale, en collaboration avec les B.C.P. pour leurs dépositaires, et de formation continue élémentaire des personnels communaux en activité soucieux de leur qualification ou de leur promotion en liaison étroite avec les délégations régionales du C.N.F.P.T.
Si on pouvait sourire d'une formation en 20 ou 40 heures sur une quinzaine de jours, elle avait néanmoins le mérite d'exister ! L'enseignement qui est actuellement donné dans nos centres correspond aux objectifs de base qui ont été définis, même s'il doit encore s'adapter aux techniques nouvelles et aux réalités quotidiennes.
Bien que le diplôme ne soit pas officiellement reconnu, sa possession est vivement souhaitée pour des recrutements même par des collectivités publiques. Par ailleurs, dans de nombreux centres, il est remis par les élus au cours de cérémonies officielles. Il est un aspect très particulier de cette formation tout à fait remarquable : le fait que les enseignants ne soient pas des formateurs, mais des professionnels qui acceptent de consacrer un peu de leur temps, souvent bénévolement, pour cette formation élémentaire de collègues.
Il convient aussi d'insister sur l'importance donnée à ces cours par les stagiaires eux-mêmes qui n'hésitent ni devant les distances à parcourir et la désorganisation de leur emploi du temps professionnel ou familial, ni devant les contraintes d'un apprentissage à un âge quelquefois assez éloigné des préoccupations estudiantines, ni devant... l'émotion d'un examen ! Qui a eu la chance de présider (ou participer à) un jury dans un centre n'a pu qu'être sensible à ces constatations.
Souhaitons longue vie à cette formation A.B.F. qui saura s'adapter aux nouvelles exigences politiques, économiques et professionnelles sans renier des spécificités qui lui confèrent une reconnaissance qui n'a pas attendu le label de l'Administration.
Je tiens à remercier Mme Froissart, responsable national de la formation A.B.F. depuis plus d'une dizaine d'années, qui m'a guidée depuis que je collabore à cette formation et qui m'a communiqué quelques remarques et souvenirs pour la réalisation de cet article.