Voici donc une nouvelle édition du Cours élémentaire de formation professionnelle de l'Association des bibliothécaires français, devenu depuis sa 6eédition en 1979 Le Métier de bibliothécaire. Ouvrage très attendu, car depuis la dernière édition (sept. 90) le paysage et l'environnement bibliothéconomiques ont changé. Paradoxalement, un peu de retard dans cette édition eût permis aux rédacteurs d'être plus précis sur les nouveaux statuts de la filière culturelle territoriale (rapidement esquissés p. 286-287) et surtout sur le paysage de la formation que ces changements induisent.
Cette geédition conserve le plan détaillé de la précédente, sur un nombre de pages augmenté - certains chapitres sont développés, avec une meilleure cohérence des sujets traités : ainsi, dans la section Différents types de documents ", on parlera du " document sonore " et non de la discothèque de prêt. Je ne parlerai longuement que des véritables innovations, sachant que les bibliographies, les listes d'adresses et de références ont été mises à jour, fournissant ainsi un document d'utilisation courante pour tous les professionnels.
Les rédacteurs ont terminé le premier chapitre " Livres et bibliothèques " par la citation du texte " Missions des bibliothèques publiques " adopté par l'Association en 1990. Manifeste militant, délibérément, ce texte a le mérite de poser des questions actuelles - de plus-en plus - sur les politiques publiques en matière de bibliothèque : un apport théorique utile alors que s'élabore dans une discrétion certaine, une " Charte des bibliothèques " au Conseil supérieur des bibliothèques. Telle quelle, elle pourrait aussi bien être l'introduction aux " Fonctions de la bibliothèque ".
En ce qui concerne la production, l'édition et la diffusion du livre, la tentation est grande pour la critique de dire " il aurait fallu... ". Je trouve cependant les rédacteurs un peu optimistes sur la diffusion, la distribution et surtout l'édition de livres. Dire que la loi Long " a permis la sauvegarde d'un réseau de librairies de qualité sans bémol me semble rapide : ces derniers mois, on a vu fermer la grande librairie de Saint-Étienne, .... La crise du livre remplit les pages " Chronique actualité " de Livres-Hebdo et autres revues littéraires : je crois qu'il eût fallu y insister plus longuement. Les restructurations d'éditions comme Stock, Lattès, Laf-font, Denoël... auraient pu être signalées.
C'est dans la partie Catalogage que les changements semblent les plus importants.
Dans le chapitre " Gestion et administration ", je crois bon de signaler l'utilité des quelques premières pages : la rédaction administrative. On se rend compte en effet que la méconnaissance de ces notions handicape beaucoup les candidats aux concours ou examens, et aussi les agents en poste dès qu'il s'agit d'avoir des contacts écrits avec les partenaires extérieurs. Ces exemples de correspondance administrative répondent à un vrai besoin.
Le chapitre " Sociologie de la lecture " a été remanié, en particulier pour tenir compte des dernières enquêtes Pratiques culturelles des Français. Après quelques définitions sur les méthodes utilisées en général pour les enquêtes, les rédacteurs citent et commentent abondamment l'enquête de 1989, heureusement de façon critique, ne confondant pas achat de dictionnaires (81 %) et lecture de ce type de document, montrant combien la connaissance de l'acte individuel de lecture est difficile (et peut-être impossible dans le cadre d'enquêtes statistiques nationales).
La lecture de " la fréquentation des bibliothèques " (p. 303-306) m'a laissée sur ma faim. Je sais que nous ne disposons malheureusement pas de statistiques fines à ce sujet, mais nous ne pouvons laisser le chiffre de 17 % de plus de 15 ans inscrits en bibliothèque en 1989 (source Direction du Livre ?) à côté de 15,7 % de la population desservie : il y a entre ces chiffres une flagrante incohérence qu'il eût été bon de montrer. Je ne retrouve pas non plus ici, comme cause possible de désaffection en particulier dans les catégories socio-culturellement plus faibles, le coût de l'inscription : il a été signalé plus tôt, au chapitre " Accueil " l'importance de la tarification (modique), de la gratuité pour les enfants,... A partir de la très juste constatation sur la capitalisation des classes moyennes, il faudrait un jour se pencher sur ces chiffres terribles : quand 60 à 80 % d'une classe d'âge fréquente une bibliothèque municipale à 10 ans, le pourcentage est divisé par 3 ou 4 à 12 ans (dans les meilleurs cas).
Je crois qu'il serait juste également de dire que la politique depuis plusieurs années de faire payer l'inscription alors qu'elle était gratuite (à l'occasion de l'informatisation, à l'occasion de la création d'une nouvelle médiathèque intégrée) n'est pas une incitation, elle est souvent un frein à l'inscription des scolaires et étudiants (le plus souvent exonérés) dont la proportion dans le public augmente considérablement, orientant les acquisitions, excluant parfois certains publics des salles de lecture ! ... L'étude de l'enquête Pratiques culturelles ne peut suffire même à une étude superficielle.
Peut-être, en conclusion, dirai-je que ce chapitre est trop court (ou trop long ?). Le chapitre " Construction et aménagement " est aussi complet que peut l'être un ouvrage non spécialisé. La bibliographie aurait pu être enrichie de la mention du vidéodisque édité par la Direction du Livre et de la Lecture en 1990 : Bibliothèques publiques 1919-1989 dont les images sont largement complétées par le livret qui présente de nombreuses réalisations avec chiffres à l'appui.
La critique oublie souvent que l'art est difficile, et qu'une synthèse telle que ce Métier de bibliothécaire fait des choix, ne peut que faire des choix. Les compléments nombreux seront fournis par les bibliographies, les expériences du terrain, et la lecture régulière des publications professionnelles...