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Le fonds "science et société" de la bibliothèque de Jussieu, vingt ans après

1995
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    Le fonds "science et société" de la bibliothèque de Jussieu, vingt ans après

    Par Serge Guérout, Bibliothèque interuniversitaire scientifique de Jussieu

    Créée au milieu des années C soixante-dix à la bibliothèque interuniversitaire scientifique de Jussieu, le fonds d'histoire et sociologie des sciences plus couramment dénommé « science et société doit son originalité, ainsi que la demande relativement forte dont il fait l'objet, à un double courant contemporain de sa fondation et assez distinct de l'histoire des sciences traditionnelle : d'une part un ensemble de préoccupations nées dans le milieu scientifique et qu'on pourrait rattacher à la notion de responsabilité scientifique, d'autre part, quelques années plus tard, l'émergence d'un champ nouveau en histoire et sociologie des sciences, essentiellement anglo-saxon, celui des Social Studies of Science. Nous nous attacherons dans un premier temps à expliciter l'apport de ces deux sources, puis nous en viendrons à une description plus classique du fonds.

    Le fonds science et société »

    L'expression était à la mode en 1970, sinon chez nous, du moins aux États-Unis où les départements "science and society' ou "science, technology, and Soc:ef)/' fleurissaient dans les universités américaines, cependant qu'en France quelques scientifiques militaient, assez seuls, pour un développement analogue dans les universités françaises (1) . Non pas que la documentation ait été totalement absente : on trouvait à Paris des ouvrages ou des périodiques sur le thème à la Bibliothèque nationale, à la Fondation nationale des sciences politiques, à l'OCDE, au CNAM, à la bibliothèque universitaire Cujas, et probablement ailleurs encore, sans toutefois qu'il ait été possible de se faire une idée des fonds, encore moins d'en harmoniser les acquisitions.

    Mais que recouvrait au juste le terme science et société " ? Si la notion de responsabilité scientifique semble avoir agité les milieux universitaires dans les années qui ont suivi les événements de 1968, elle n'était certes pas un phénomène nouveau. En 1945, avant même le lancement de la première bombe atomique sur le Japon, il se trouva aux États-Unis des physiciens pour militer contre l'aboutissement fatal du processus qu'ils avaient contribué à engager. La » guerre froide » aidant et les années passant, la croyance que « l'équilibre de la terreur » était facteur de paix s'installa peu à peu, y compris parmi les scientifiques, aidée en cela par une prospérité qui autorisait dans les pays occidentaux un financement substantiel de la recherche. Pourtant la croissance des ressources consacrées à la recherche-développement devait bientôt se stabiliser et un rapport de l'OCDE constatait en 1971 : la croissance économique n est plus par elle-même un objectif global suffisant. Et de poursuivre en soulignant la désillusion que ressent le public devant les effets de l'application de la technologie sur la qualité de la vie de l'individu entraînant la mise en question publique du fondement éthique d'une recherche dont les résultats pourraient servir à la manipulation de l'individu ou de la société, pour conclure que l'opinion publique se concentre sur les effets négatifs plutôt que sur les avantages que valent a la société les découvertes scientifiques (2) .

    La juxtaposition récurrente des deux mots dans les études comme dans les discours devait ainsi forger le terme lui-même : au début des années soixante-dix .. science et société 'recouvre moins un thème précis qu'un ensemble de problèmes qu'on découvre, de questions posées à la science et à la technologie et dont la solution passe notamment par l'instauration d'une politique de la science. C'est ainsi que, parallèlement à des ouvrages fondamentaux d'histoire, de philosophie ou de sociologie des sciences, le fonds « science et société » se garnit, durant ses premières années d'existence, d'études consacrées aux politiques nationales de la recherche, à la place de l'idéologie dans la science ou aux liens existant entre la science et le pouvoir d'État : à côté de Bachelard en philosophie, de Duhem ou Koyré en histoire, de Merton en sociologie, on trouvait déjà des ouvrages sur le projet Manhattan aux États-Unis, sur l'affaire Lyssenko en Union soviétique, la » course aux armements " ou le complexe militaro-scientifico-industriel » - pour reprendre la formule du président Eisenhower (3) . Le développement des fichiers informatiques, bientôt suivi de celui des biotechnologies, donnera lieu à un autre type de préoccupation, non plus historienne et rétrospective mais liée à la maîtrise de ce développement et à la protection des personnes. Les rapports successifs de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ou du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé, et tout récemment les études consacrées au « Projet génome humain " sont l'écho de ces développements.

    Quoique l'ensemble de ces thèmes puisse être somme toute considéré comme ressortissant à « l'étude sociale de la science », ce qu'il est convenu d'appeler les Social Studies of Science procède d'une généalogie bien différente et se caractérise à l'inverse par une forte unité de thème corrélative d'un public assez bien circonscrit d'historiens et de sociologues. Ce n'est plus la responsabilité scientifique qui est ici au centre mais plutôt une manière nouvelle de faire, et donc d'écrire, l'histoire des sciences (4) . Jusqu'aux années soixante l'histoire des sciences était relativement peu perméable aux « vicissitudes de l'humain et du social (5) . Certes Thomas Kuhn, avec sa théorie des « révolutions scientifiques (6) », souligne déjà que la pratique scientifique s'inscrit dans un contexte social, mais ce contexte, qu'il nomme » science normale ", est encore étroitement lié à des facteurs cognitifs et n'a de vraiment social que le fait d'être tacitement accepté par un groupe au travers d'un apprentissage de règles et de pratiques permettant la résolution de problèmes posés dans une discipline donnée (pM.22'/e solving). Les idées comptent encore chez lui plus que les circonstances sociales qui les voient naître.

    Bien plus radical est le point de départ du projet des Social Studies of Science : dans son ouvrage publié en 1976 le mathématicien et philosophe des sciences David Bloor pose d'emblée une question quelque peu provocatrice : La sociologie de la connaissance peut-elle étudier la nature et le contenu de la connaissance scientifique (7) ? Le « programme fort » (strong programme) qu'il définit par là même exige essentiellement de traiter sur un même plan les connaissances vraies 'et les connaissances "fausses '(c'est-à-dire celles qui se révélèrent telles) ou ce qui revient au même à ne pas anticiper dans l'étude d'une période historique sur ce que « l'histoire » a tranché par la suite (8) . D'où un regain d'intérêt pour les études de controverses en histoire des sciences. Déroulées dans leur contexte politique, social, ou religieux, ces dernières s'appliquent à en suivre pas à pas les acteurs dans une période temporelle nécessairement courte et dans des lieux institutionnels ou géographiques bien définis (9) . Mais plus généralement c'est l'étude de « la science en train de se faire » (science :M the making) qui surgit avec l'irruption du sociologue-anthropologue dans le laboratoire (10) . Volontairement neutre, le regard porté par ce dernier ignorera la finalité des activités qu'il décrit (la production de - la science ") au profit d'un suivi quotidien des tâches observées, fussent-elles les plus terre à terre (11) .

    Pourtant, si les Social Studies q/ Science semblent « donner le ton » actuellement en histoire et sociologie des sciences, on ne saurait dire que l'abandon de toute forme d'explication téléologique et rationnelle de l'activité et des connaissances scientifiques au profit d'un causalisme essentiellement social se fasse sans heurts. Plus ou moins violemment attaqué par les philosophes des sciences (12) , le programme fort » en sociologie des sciences se voit reprocher d'occulter chez le scientifique les facteurs cognitifs, le simple exercice de la raison, la visée du vrai, cependant que les tenants d'une forme quelconque de réalisme scientifique (il existe un monde réel hors de nous, indépendant de nous et connaissable) cherchent à concilier une " étude sociale de la science " avec les notions de progrès, de rationalité ou d'évidence scientifiques (13) . Quelle que soit l'issue de ce qui peut apparaître parfois comme une bataille rangée dans le milieu de l'histoire, de la philosophie et de la sociologie des sciences (14) , on ne peut nier que les Social Studies of Science ont considérablement renouvelé le travail dans ce domaine, qu'il s'agisse des études historiques ou des manières d'envisager les oppositions traditionnelles (réalisme/relativisme, internalisme/externalisme, par exemple). Nombre d'études documentent cette évolution trop brièvement esquissée. Contentons-nous d'ajouter que le fonds « science et société de la bibliothèque interuniversitaire Jussieu possède certainement, au plan national, la documentation la plus fournie dans ce domaine, ce dont témoigne la sortie de plus en plus fréquente de ce type d'ouvrage dans le circuit du prêt entre bibliothèques (15) .

    Histoire, philosophie, sociologie et politique de la science

    Une constatation s'impose quand on parcourt un ouvrage de critique de la science des années soixante-dix : quelque chose a changé depuis que ne suffit pas à expliquer l'arrivée des études sociales de la science ». A tout prendre les Social Studies of Science sont aujourd'hui une institution, ce que ne fut jamais la critique de l'institution scientifique par des scientifiques dans ces an-nées-là. Elle s'en défendait, bien au contrairel (16) . Qu'on rouvre (Autocritique de la science (1973) ou L'Idéologie de/dans la science (1977), ou encore Discours biologique et ordre .social (17) (1977), on y est immédiatement frappé par le ton militant ; on a affaire à une contestation - d'une institution, d'un ordre, d'une société tout entière. Rien de cela, nous semble-t-il, dans un ouvrage des années quatre-vingt-dix, quand bien même il traiterait du même sujet. Ainsi si nombre d'ouvrages paraissent actuellement sur le thème "les femmes et la science ', aucun d'eux n'a le ton des contributions analogues dans les ouvrages cités ci-dessus (18) . Le thème initial, fortement protestataire, a, pourrait-on dire, « éclaté " en approches disciplinaires diverses : historique, épistémologique, sociologique, ou biographique, émoussant du même coup son caractère de revendication globale au profit d'une étude « scientifique.. de ses composantes.

    Nous touchons là - notons-le au passage - à une des difficultés d'aménagement du fonds. Vingt années d'existence pour un sujet qui bouge, quelque 5 000 ouvrages et 80 titres de périodiques posent inévitablement des problèmes de classement des livres. Au début des années soixante-dix les choses étaient assez simples : on savait, avec plus ou moins de bonheur, séparer un ouvrage de philosophie des sciences d'un ouvrage d'histoire des sciences. Quant à la sociologie des sciences, ses thèmes étaient encore relativement cadrés : on y examinait les normes éthiques du travail scientifique, les découvertes simultanées et les querelles de priorité qu'elles engendrent, la stratification sociale dans la communauté scientifique, ou encore des phénomènes plus fins comme « l'effet Mathieu » dans la science ou les citations bibliographiques (19) . Grosso modo on peut dire que la référence historique servait alors d'illustration au propos théorique, facilitant ainsi la séparation de ces ouvrages de ceux proprement d'histoire des sciences. Les ouvrages liés au thème de la responsabilité scientifique que nous évoquions au début de cette présentation trouvaient place quant à eux dans deux sections thématiques : « la science et l'Etat » et « science et avenir de l'homme ». L'émergence de l'étude sociale des sciences au tournant des années quatre-vingt a, pour ce qui concerne le bibliothécaire, rendu plus floue la frontière entre histoire et sociologie des sciences. Un livre comme celui de Martin Rudwick (1985, op. cit. note 9) est à la fois un ouvrage d'histoire de la géologie et une étude sociologique du milieu scientifique anglais au siècle dernier. Si les ouvrages de philosophie des sciences se démarquent encore assez clairement de cette « sociologisation de l'histoire, c'est peut-être que les philosophes sont dans une position de relative rivalité avec les sociologues pour l'étude de « la science ». David Bloor n'écrivait-il pas en 1976 dans son " programme fort » en sociologie des sciences : la sociologie de la connaissance aMra!fpM s'imposer beaucoup plus dans le domaine occupé actuellement par les philosophes, qui ont eu ainsi tout le loisir de définir eux-mêmes la nature de la connaissance (20) .

    Disparition ou éclipse d'un certain caractère polémique, multiplication d'études historiques fortement "sociologisées », fallait-il donc réduire le fonds à ses trois classes principales : histoire, sociologie, et philosophie des sciences ? Nous avons préféré conserver la classification d'origine, à la fois disciplinaire et thématique. Solution commode certes, mais aussi solution de prudence : si la section « science et avenir de l'homme » accueillait dans les années soixante-dix nombre d'ouvrages sur la mise en question du nucléaire, elle accueille aujourd'hui des études critiques du » Projet génome humain " - avec ici encore un changement de ton qu'il serait intéressant d'analyser.

    Les ouvrages du fonds « science et société » sont aujourd'hui répartis dans les sections suivantes :

    Histoire des sciences et des techniques - Sociologie des sciences et des techniques - Philosophie des sciences - Économie politique de la science - La science et l'État - Science et avenir de l'homme - Enseignement et société - Biographies.

    Il est clair que cette classification comporte aujourd'hui une part d'arbitraire. Elle présente néanmoins l'avantage de « déployer » le thème fondateur aux yeux du lecteur non initié en y introduisant un certain ordre sans lequel il pourrait apparaître comme traitant de « tout et n'importe quoi à côté de la science (21) ». Quant aux chercheurs historiens ou sociologues des sciences ils peuvent s'y retrouver en consultant le catalogue informatisé de la BIUS Jussieu ou même le Pancatalogue.

    L'informatisation du fonds

    L'informatisation récente de la Bibliothèque interuniversitaire scientifique Jussieu, notamment de son catalogue d'ouvrages et de périodiques, a particulièrement servi le fonds « science et société », puisqu'elle permet, certes comme tout catalogue matières, de retrouver les ouvrages traitant d'un même sujet quelle que soit leur localisation dans le fonds, mais surtout de modifier avec une grande souplesse les mots-clés attribués à tel ou tel ouvrage lorsque le bibliothécaire envisage de recentrer un sujet ou de le relier à un autre. Ainsi une recherche par mots-clés concernant le thème que nous citions plus haut, « les femmes et la science », fait précisément apparaître l'évolution notée, puisque si la plupart des ouvrages trouvés sont de sociologie des sciences, les titres 9, 13 et 15 sont des biographies (des physiciennes Lise Meitner et Marie Curie) cependant que le titre 4 se trouvera en « philosophie des sciences » et le titre 12 en « histoire des sciences » (cf. tableau 1). Plus intéressante est la possibilité qu'offre le système au lecteur d'élargirsa recherche. Si l'on est en quête d'ouvrages sur la découverte de la fission nucléaire en 1938 on pourra proposer assez simplement dans un premier temps le mot-dé 'fission nucléaire », générant 7 titres (cf. tableau 2).

    Affichant les notices bibliographiques successives à l'écran, on s'apercevra que le titre 2, « Opération Epsilon. Les transcriptions de Farm Hall (22) », a été indexé aux noms des physiciens allemands détenus à la fin de la guerre. On peut alors désirer en savoir plus sur l'un des découvreurs de la fission, Otto Hahn. L'option .. ouvrages apparentés » appliquée à Hahn, génère alors des titres supplémentaires (cy. tableau 3). De la même façon on pourrait, à partir du même titre initial, générer des ouvrages sur Werner Heisenberg, lui aussi indexé parmi les sujets (cf. tableau 4).

    L'intérêt de cette recherche de proche en proche est évident pour un fonds tel que « science et société " où très souvent des mots-matières, quoique n'exprimant pas exactement la même chose, font partie d'un même paysage » intellectuel, par exemple : eugénisme », sociobiologie » et « social-darwinisme " ou en histoire des sciences : - externalisme », " relativisme », « constructivisme ».

    Le fonds « science et société offre en outre la possibilité d'interroger les bases de données bibliographiques propres à son domaine telles que FRANCIS (serveur Télésystèmes Questel) ou aux États-Unis Historical Abstracts, ou la très utile base de données des thèses soutenues dans les universités américaines. L'accès au Catalogue collectif national des publications en série via MYRIADE permet en outre de localiser en France des périodiques que nous ne pouvons acquérir faute de place et de moyens financiers. Enfin le Science Citation Index sur CD-Rom peut servir à la fois de source bibliographique, de dépouillement des citations bibliographiques, comme de matière première à une étude de sociologie de la science.

    Le public du fonds science et société

    Que peuvent bien avoir en commun trois lecteurs dont le premier s'intéresserait à « l'initiative de défense stratégique américaine des années quatrevingt (23) , le second à l'état actuel de la protection des personnes face à la multiplication des fichiers informatiques et la troisième à l'histoire des cosmologies médiévales ? Pas grand-chose, si ce n'est qu'il leur arrivera de se côtoyer dans le fonds « science et société ». L'exemple peut paraître caricatural mais il traduit bien la variété du public que nous rencontrons. Variété du public, variété des thèmes, la question de savoir laquelle des deux a précédé l'autre est sans doute futile, mais elle souligne une autre caractéristique du fonds : il n'existerait pas sans ses lecteurs. Aurions-nous songé à acquérir tel ouvrage relatif à la science du XLXesiècle dans le cadre de l'expansion coloniale sans la suggestion de tel étudiant en thèse, puis à en étendre la documentation en dépouillant les bibliographies d'articles s'y rapportant? Nous pourrions en dire autant du thème de la science allemande sous le national-socialisme : entamé au milieu des années soixante-dix grâce à une demande de don d'ouvrages effectuée auprès de la Deutsche Forschungsgemeinschaft (c'était une époque de « vaches maigres pour les bibliothèques universitaires françaises !) il nous est devenu un intérêt personnel, puis semble-t-il un sujet à la mode ces dernières années et le fonds est certainement aujourd'hui la première source documentaire en France sur ce thème.

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    Exemples de résultats de recherche

    Pour ce qui est de l'histoire des sciences, le public potentiel de chercheurs peut être évalué à partir d'un Guide de l'histoire des sciences et des techniques en France publié en 1987 (24) , lequel recensait près de cinq cents chercheurs dont cent cinquante en province et le reste en région parisienne. A ces professionnels du domaine il faut ajouter un complément aussi important que difficile à chiffrer formé d'un public de scientifiques curieux de l'histoire de leur discipline ou des « problèmes de société qui peuvent s'y rapporter.

    Le même ouvrage de référence répertorie nombre d'associations, séminaires ou centres de recherches en histoire, philosophie ou sociologie des sciences. Citons en particulier :

    • le « Centre de recherche en histoire des sciences et des techniques » (CRHST) localisé dans la Cité des sciences et de l'industrie (La Villette). Ce centre anime un séminaire très actif, notamment dans le domaine des Social Studies of 6'c!'eMce ;
    • le " Centre science, technologie et société .. (CSTS) localisé dans le Conservatoire national des arts et métiers. Le CSTS anime depuis une quinzaine d'années un séminaire orienté vers l'institutionnalisation et la professionnalisation de la science du XVIF au XXesiècle et les politiques nationales de la science ;
    • le .' Centre de sociologie de l'innovation .' (CSI) localisé dans l'École nationale supérieure des mines de Paris. Le CSI s'intéresse plus largement à la sociologie des sciences et aux rapports entre science et politique ;
    • le « Groupe d'études et de recherches sur la science '(GERS), dépendant de l'École des hautes études en sciences sociales. Le GERS s'intéresse notamment à l'histoire de la physique et de la chimie ;
    • le centre de « Recherches épistémologiques et historiques sur les sciences exactes et les institutions scientifiques » (REHSEIS), localisé dans l'université Paris-VIL REHSEIS anime un séminaire très actif d'histoire des sciences dans leur contexte socioculturel ;
    • le « Centre Alexandre-Koyré ' ;
    • 'l'Institut d'histoire et philosophie des sciences et des techniques , dépendant de l'université Paris-1-Sorbonne ;
    • le » Centre interdisciplinaire d'étude de l'évolution des idées, des sciences et des techniques " (CIEEIST), laboratoire universitaire localisé dans l'université Paris-XI-Orsay.

    D'autres centres sont à signaler en province : à Nantes un séminaire « Sciences, techniques et sociétés », à Rennes un séminaire « Science, histoire, société ", à Strasbourg un « Groupe d'étude et de recherche sur la science de l'université Louis-Pasteur.. (GERSULP), à Nice une « Équipe de recherche en histoire des sciences » (ERHS), etc.

    Un problème commun à ces centres, que l'énumération précédente n'épuise certes pas, transparaît à travers les demandes reçues dans le cadre du prêt entre bibliothèques : si la documentation primaire en histoire des sciences peut être consultée dans les lieux les plus divers (Bibliothèque nationale, Académie des sciences, Muséum d'histoire naturelle, Palais de la découverte, Archives nationales ou départementales, archives des ministères, bibliothèques de grandes écoles, grands instituts (25) ...), la documentation sur le thème propre " science et société " est en revanche difficile à trouver en France, alors même que les travaux s'y rapportant se multiplient. Aussi la politique documentaire du fonds consiste-t-elle à en assurer une couverture aussi complète que possible, tant il nous apparaît évident que l'excellence dans un secteur où la demande est assez pointue est préférable à un éparpillement des ressources.

    En l'état actuel des choses nous avons conscience de ne pouvoir atteindre à l'exhaustivité. Seule la création d'un CADIST d'histoire et de sociologie des sciences, dont le fonds « science et société - pourrait être partie prenante, permettrait de répondre à une demande croissante du prêt-entre-bibliothèques sans grever d'une absence trop longue le fonds d'ouvrages acquis actuellement en un exemplaire.

    En guise de conclusion

    Vingt années sont déjà une longue période. Si " science et société », a évolué c'est que la société elle-même a changé. Là où l'on parlait assez péjorativement de « manipulations génétiques » on parle au-jourd'hui de « biotechnologies ». La critique des années soixante-dix s'est en quelque sorte institutionnalisée et les brochures polémiques sont devenues d'épais rapports annuels de comités ou commissions qui n'en sont pas moins vigilants à stigmatiser dans le détail les dangers des nouvelles technologies. Dans la montée des « études sociales de la science.. il nous semble également entrevoir ce que nous serions tenté d'appeler l'avènement du détail, l'abandon des grands panoramas historiques au profit des périodes courtes, du foisonnement descriptif. Ce recul de l'idéologie, ou des idéologies, est certainement la marque de notre fin de siècle, et on ne peut s'étonner qu'un fonds tel que " science et société en porte témoignage.

    1. En 1970 Roger Godement, mathématicien et professeur à l'université Paris-VU, alertait les présidents des universités de Jussieu en vue d'obtenir l'acquisition d'ouvrages sur ce thème par la bibliothèque universitaire. Ce qui devait devenir le fonds - science et société - commença ainsi - difficilement - par une collection de quelques centaines d'ouvrages dont il avait obtenu l'achat à la BU. retour au texte

    2. Science, croissance et société. Une perspective nouvelle. - Paris : OCDE, 1971, pp. 99-100. retour au texte

    3. L'énumération de ces thèmes n'est évidemment pas exhaustive. retour au texte

    4. J'emprunte ici, pour l'essentiel, à la-Journée d'études intitulée : Z 'Étude ïooa/e des sciences. Bilan des années 1970 et 1980 et conséquences pour le travail historique. - Paris : Centre de recherche en histoire des sciences et des techniques, Cité des sciences et de l'industrie, 1992. retour au texte

    5. D. Pestre, ibid. p. 5. A noter cependant quelques ouvrages pionniers antérieurs à la Seconde Guerre mondiale : The Social Function of Science. Cambridge / D. Bernai. - MIT Press, 1939; Science, Technology, and Society in seventeenth-century R.K. Merton. - England, in OSIRIS, 1938 ; mais surtout l'ouvrage de Ludwig Fleck, étonnamment précurseur du courant des études sociales de la science Genesis and Development of a scientiflc Factl Fleck L. - The University of Chicago Press, 1979 (édition originale allemande 1935). retour au texte

    6. La Structure des révolutions scientifiques l "T S. Kuhn. - Paris : Flammarion, 1972 (lreéd. américaine 1962). A noter que Ludwig Fleck, dont Kuhn se réclamait, énonçait en 1935 : La découverte scientifique (de la réaction de S. G.Wassermann) doit être regardée comme un événement social (Fleck, op. ct<. note 5, p. 76). retour au texte

    7. Knowledge and social Imagery/ D. Bloor. - Lon-don : Routledge and Kegan Paul, 1976, p. 1. Une traduction française, malheureusement épuisée, est parue dans les années quatre-vingt, éditée par la défunte association Pandore, sous le titre Sociologie de la logique les limites de /'q')Ktëft:o/og<a retour au texte

    8. Avertissement que donnait déjà l'historien britannique Herbert Butterfield en 1931 dans un petit opuscule stigmatisant cette manière d'écrire l'histoire : The Whig Interprétation of History I H. Butterfield - New York : Norton, 1965 (édition originale anglaise 1931). Il visait alors l'interprétation trop schématique selon laquelle le parti protestant (Whig) aurait représenté au XVI'' siècle en Angleterre la démocratie et la liberté individuelle, concepts modernes, face au parti catholique (Tory), jugé réactionnaire. Transposé en histoire des sciences, le même travers consiste à écrire l'histoire d'une théorie scientifique en faisant implicitement référence à sa figure actuelle, en quelque sorte comme une lutte de la vérité 'contre - l'erreur ». retour au texte

    9. En particulier deux remarquables études de controverses parues au milieu des années quatrevingt : Leviathan et la pompe a air: Hobbes et Boy/e entre science et politique I S. Shapin et S. Schaffer - Paris : La Découverte, 1993 (édition originale anglaise 1985). et The Great Devonian Controversy ; </)e shaping of scientific knowledge among gentlemanlyspecialists M. Rudwick - Chicago : University of Chicago Press, 1985. Nombreuses autres études de controverses scientifiques dans le fonds - science et société - : la fusion froide - , )a - mémoire de l'eau ., les pluies acides -, le créationnisme opposé à l'évolutionnisme en biologie, etc. retour au texte

    10. La Vie de laboratoire I B. Latour et S. Woolgar - Paris : La Découverte, 1988 (éd. orig. anglaise 1986) ; La Science telle qu'elle se fait : anthologie de la sociologie des sciences de langue an-glaise/M. Callon et B. Latour - Paris : La Découverte, 1991 ; La Science en action / B. Latour - Paris : La Découverte, 1989. retour au texte

    11. C'est encore Herbert Butterfield qui recommandait en 1931 une distanciation quasi ethnologique de l'historien avec son sujet : ... considérer les Protestants et les Catholiques du XVIe siècle comme des gens étranges et distants [..J dont les querelles sont aussi lointaines des nôtres que pouvaient l'être les factions des Bleus et des Verts dans l'ancienne Constantinople. (The Whig Interprétation..., op. cit. note 8, p. 38). retour au texte

    12. Par exemple Science and relativism / Laudan - Chicago : The University of Chicago Press, 1990, notamment le chap. 6 : "Interests and the social déterminants of beiief" !"A Critical examina-tion of the new sociology of science", in Philosophy of the Social Sciences M. Bunge - 1991 (21), pp. 524-560 et 1992 (22), pp. 46-76 ; "Bloor's b)uff : behaviourism and the Strong Programme", in International Studies in the Philosophy of Science /P. Stekar - 1991 (5), pp. 241-256. retour au texte

    13. Cf. The Advancement of Science: science without legend, objectivity without illusions/?. Kit-cher - Oxford : Oxford Univ. Press, 1993 et Making Science. Between nature and society/S. Cole - Cambridge : Harvard Univiversity Press, 1992. retour au texte

    14. Les échanges ne sont pas tendres : The most prominent and pernicious manifestation of anti-intellectualism in our lime (Laudan, op. cit. note 12, p. x). A grotesque cartoon of scientifique re-search (Bunge, op. cit. note 12, p. 525). retour au texte

    15. Due notamment à la signalisation maintenant régulière des acquisitions du fonds dans le Pancatalogue, ce dernier étant accessible dans toutes les bibliothèques universitaires et par minitel. retour au texte

    16. Cf. par exemple le refus du physicien J.M. Lévy-Lebtond de participer au colloque Science et société - de Saint-Paut-de-Vence en 1972 : - Lettre ouverte aux organisateurs du colloque Science et société- , in Le Progrès scientifique, n° 160, janvier 1973, pp. 23-24. retour au texte

    17. (Autocritique de la science / Textes réunis par Alain Jaubert et Jean-Marc Lévy-Lebtond - Paris : Seuil, 1973. L'Idéologie de/dans la science, par Hi-lary Rose, Steven Rose... - Paris : Seuil, 1977. Discours biologique et ordre social, par Pierre Achard, Antoinette Chauvenet... - Paris : Seuil, 1977. retour au texte

    18. Whose Science? Whose Knowledge? l 'S. Harding - Ithaca ; Cornell Univ. Press, 1991, à comparer à : (Auto)critique de la sct'CMce..., chap. 9 : Les femmes - , p. 347 et suiv., ou encore : Z'7dco/og<e de/dans la science..., chap. 3 et 4: 'Sciences, femmes, idéologie ' , pp. 62-111 (op. cit. note 17. Tandis que Sandra Harding développe une approche féministe de la science, les pamphlets ou textes courts des deux autres ouvrages dénoncent les discriminations de toute sorte dont sont victimes les femmes-chercheurs. retour au texte

    19. Les auteurs s'appelaient alors Robert K. Merton, Joseph Ben-David, Jonathan R. Cote, Bernard Barber, Diana Crâne, Harriet Zuckermann, Warren 0. Hagstrom... Mis en évidence par Merton, - l'effet Mathieu en science tire son nom d'une citation de l'Évangile selon saint Mathieu : à celui qui possède il sera donné en abondance, à celui qui n'a presque rien on reprendra jusqu 'au peu qu ';'< possède ; transposé au milieu scientifique il signifie qu'un chercheur célèbre recevra, à qualité de contribution égale, plus de crédit qu'un chercheur moins connu. retour au texte

    20. D. Bloor, op. cit. note 7, p. 3. retour au texte

    21. Le reproche a déjà été fait. Aux États-Unis les chercheurs dans ce domaine ont parfois été appelés par les scientifiques - purs et durs 'des muckrakers ; "muck" signifie en anglais - fumier - et le verbe "to rake" signifie foui)ter -. L'expression française équivalente serait 'fouiUe-m...-. retour au texte

    22. Lieu de détention des atomistes allemands en Angleterre entre mai et décembre 1945. Les Anglais y effectuèrent des écoutes téléphoniques dont le texte a été récemment déclassifié. retour au texte

    23. En 1983 le président Reagan lance un appel à la communauté scientifique américaine qui avait donné (aux États-Unis) les armes nucléaires, afin au 'elle applique ses grands talents n la cause de l'humanité et de la paix dans le monde en donnant au pays les nioj'p)M de rendre ces armes nucléaires inefficaces et obsolètes. Le projet, plus connu sous le nom de - guerre des étoiles - , divisa la communauté scientifique aux États-Unis. retour au texte

    24. Guide de l'histoire des sciences et des techniques en francs / C. Blondel et V. Gourlet - Paris : Cité des sciences et de l'industrie ; Société française d'histoire des sciences et des techniques, 1987. Une nouvelle mise à jour est en cours d'édition. retour au texte

    25. Cf. Les Archives scientifiques: Communications présentées à /ayoMrMëe d'études organisée par le Centre de recherche en histoire des sciences et des techniques de la Cité des sciences et de l'industrie ; Paris, La Villette, 25 février 1988, in La Gazette des archives, nouvelle série n° 145, 1989. retour au texte