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    La Maison de Balzac et ses projets informatiques

    Par Robert Tranchida, Biliothécaire Maison de Balzac

    LaMaison de Balzac est, depuis 1949, un musée littéraire de la Ville de Paris qui conserve, gère et anime des collections patrimoniales relatives à Balzac, sa vie, son oeuvre et son époque. Après une longue période de réflexion et de mise au point, des projets informatiques se sont avérés indispensables à la fois pour développer les missions du musée et de sa bibliothèque et pour contribuer à la création de nouveaux outils documentaires.

    Je présenterai essentiellement le projet informatique du musée: la création d'une banque de données balzaciennes et, en fin de parcours, un autre projet, tout à fait annexe : la réalisation d'un cédérom « Balzac pour lequel la Maison de Balzac serait sollicitée comme partenaire de ressources documentaires.

    Créer une banque de données balzaciennes

    Le projet de création d'une banque de données balzaciennes s'inscrit dans le contexte particulier des équipements culturels de la ville de Paris et de leurs propres réseaux documentaires informatisés : d'un côté, le réseau des bibliothèques qui a développé sa base, son catalogue collectif des bibliothèques de lecture publique et un second système autonome des bibliothèques et des fonds spécialisés ; côté musées, un système est déjà en place qui établit, par applications progressives, l'inventaire des collections patrimoniales.

    Ce contexte est une première source de problèmes pour le musée littéraire qu'est la Maison de Balzac qui d'une part conserve un fonds d'imprimés de près de 13 000 volumes et d'autre part de nombreuses collections d'estampes, de photographies, d'objets, de manuscrits. En effet, sur quel réseau informatiser ces différentes collections et développer un programme répondant à nos besoins spécifiques ? Ce contexte est particulièrement contraignant dans la mesure où la base des musées n'est pas à même d'intégrer une base bibliographique, donc l'ensemble de nos « imprimés », tandis que du côté des bibliothèques, mettra du temps à émerger le système qui permettra de traiter les collections d'objets, d'oeuvres d'art, de manuscrits, tous types de collections que certains grands établissements spécialisés possèdent.

    Or la Maison de Balzac s'est fixé un certain nombre d'objectifs qui ne seront pas atteints si elle mise exclusivement sur des programmes de raccordement à ces deux réseaux ; ce qui reviendrait à opérer un traitement partagé des collections elles-mêmes réparties sur deux bases et sans liens possibles, tout au moins dans l'immédiat. C'est pourquoi, nous prévoyons une solution mixte, un programme spécifique consistant à développer dans un premier temps un système local tout en préparant à plus long terme un fonctionnement en réseau.

    Ce projet, réalisé par étapes, devrait aller au-delà d'un simple traitement informatique de nos collections. Ces objectifs sont de trois ordres.

    Nous souhaitons mettre en oeuvre un système qui permette une gestion spécifique de l'ensemble de nos collections locales, en reprenant les inventaires, en complétant les catalogues existants, en harmonisant les descriptions et surtout en unifiant la recherche sur un ensemble de cadres documentaires hétérogènes. Il s'agirait, en particulier de développer les liens entre les collections muséales et le fonds documentaire afin d'en permettre une meilleure exploitation, de mettre en relation les différentes collections, les textes, les images, les objets. Pour donner un exemple, faire en sorte qu'une seule interrogation sur une oeuvre comme Illusions perdues puisse donner accès à l'ensemble des éditions successives, et au besoin trier les éditions illustrées, réunir l'ensemble des études critiques sur ce titre mais aussi signaler que nous conservons un jeu d'épreuves corrigées. Autre exemple, sur un titre comme La Peau de chagrin, faire en sorte qu'aux notices des éditions et des études critiques, s'ajoutent celles des annonces publicitaires qui ont accompagné sa parution, les estampes représentant le personnage de Raphaël, que s'établissent d'éventuels liens avec des pièces de la correspondance, avec telle ou telle image générée par l'oeuvre ou attestée comme une source de l'oeuvre, etc. On pourrait multiplier les exemples.

    Pour répondre en particulier aux besoins de la recherche, à l'étude des collections, pour l'activité muséographique comme pour les travaux universitaires critiques ou éditoriaux relatifs à l'oeuvre de Balzac, notre centre balzacien se doit de fournir des outils performants mais aussi des inventaires et des états complets de tous les documents de travail balzaciens disponibles, que ce soit sous forme originale ou substitutive, conservés sur place ou dispersés sur d'autres sites documentaires. C'est pourquoi le système que nous souhaitons mettre en place devrait également permettre des inventaires multiples intégrant ce que j'appellerais des références balzaciennes extérieures, des références d'oeuvres ou de documents n'appartenant pas au musée, telles que les collections publiques ou privées de manuscrits littéraires, des pièces uniques, des éditions rares ; ou encore l'ensemble des prépublications des oeuvres de Balzac parues en feuilleton dans des journaux entre 1830 et 1850, des périodiques rares et aujourd'hui d'accès difficile.

    Dans un second temps, une banque d'images numérisées pourrait être progressivement constituée afin de compléter les références textuelles. Elle devrait permettre de consulter des textes en mode image, de feuilleter et disposer de copies de manuscrits littéraires provenant en particulier de l'immense collection du fonds Lovenjoul, conservé à l'Institut de France.

    Cette banque de données pourrait également intégrer d'autres collections, de type iconographique, ou encore établir l'inventaire des adaptations cinématographiques en attendant de pouvoir disposer d'une filmothèque balzacienne dûment constituée sur place.

    Le dernier objectif que j'évoquerai nous tient particulièrement à coeur car nous approchons de 1999, l'année du bicentenaire de la naissance de Balzac; nous aimerions célébrer l'événement avec la publication d'un premier catalogue des collections les plus importantes du musée : notre collection quasi complète des éditions originales et successives parues du vivant de Balzac, notre collection de correspondances, de manuscrits littéraires, les portraits de Balzac, ses objets personnels, des collections relatives à l'illustration de l'oeuvre. L'outil informatique optimiserait la publication de ce catalogue qui serait un produit extrait en grande partie de la base biblio-iconographique.

    Ce programme spécifique a trouvé un écho auprès de la direction des Affaires culturelles de la mairie de Paris qui s'est engagée à le soutenir et qui devrait démarrer dès 1997. Et il n'est pas impensable qu'une fois constituée, cette banque de données puisse être accessible sur Internet.

    uvrer à un cédérom « Balzac »

    Notre rôle doit également consister à promouvoir la création d'outils documentaires nouveaux ou encore à participer à la création de produits numériques susceptibles de renouveler les approches. C'est pourquoi, et j'en viens maintenant au second projet, nous suivons avec intérêt l'idée de réaliser un cédérom « Balzac » dont l'initiative revient à un collectif de balzaciens et de dix-neuviémistes de tous horizons, des membres de sociétés balzaciennes mais aussi des laboratoires de l'ITEM (Institut des textes et manuscrits modernes) ou de l'INALF (Institut national de la langue française). Nous nous intéressons à ce projet non seulement pour avoir pris part à sa conception mais aussi parce que la Maison de Balzac y participerait en tant que partenaire de ressources documentaires. Mais l'idée induite par le projet consiste en un travail programmatique à long terme qui reviendrait à proposer une nouvelle édition de l'oeuvre de Balzac, et par le biais de sa fonction « hypertexte », un nouveau type d'édition, permettant à l'utilisateur de circuler dans l'oeuvre et dans tous les états de l'oeuvre. Le souhait de tous les partenaires du projet est donc de réaliser non seulement un produit pédagogique sur Balzac mais aussi, à l'horizon du bicentenaire, une véritable production « scientifique et qu'accompagneraient, dans ses différentes versions enrichies, la recherche et la pédagogie balzaciennes.

    Ce cédérom inclurait la base textuelle comprenant au minimum La Comédie humaine saisie à partir de l'édition originale et richement illustrée de 1842, l'édition dite « Furne », puis la correspondance, un ou plusieurs dossiers génétiques exemplaires livrant tous les états d'un texte donné et toutes les éditions contrôlées par l'auteur, puis un ensemble d'outils référentiels (inventaires, chronologies, index, glossaires, etc.) et, bien sûr, la base bibliographique des éditions et des références critiques de notre bibliothèque.

    Pourront s'y adjoindre, par le biais de liens hypertextuels dûment établis, des fichiers contextuels, par exemple, celui des romans publiés entre 1815 et 1850, un ensemble d'outils comme des répertoires, dictionnaires ou encyclopédies de l'époque, etc. Et en extensions hypermédias sont encore prévus des ensembles iconographiques, voire les citations musicales qui parcourent les contes artistes" de Balzac.

    Le type de projet documentaire que la Maison de Balzac cherche à promouvoir (inventaires ou banques de données littéraires informatisés) va probablement se développer. Et ce type de projet induit, pour le centre d'études ou la bibliothèque thématique rattaché à un musée littéraire, une redéfinition de ses fonctions ou de ses missions. La bibliothèque de musée continuera, bien sûr, d'être au service du chercheur qui dispose d'un lieu où, comme dans l'intimité d'un cabinet de travail personnel, il peut encore manipuler des livres, déchiffrer un manuscrit, examiner une estampe ou tout simplement butiner, documents en main, sur les rayonnages. Mais au rôle patrimonial auquel elle participe, à ses fonctions traditionnelles vient s'articuler celle de la bibliothèque de références en tant qu'elle vise à réunir, dans son domaine d'excellence, l'exhaustivité des références et des inventaires y compris de collections qui lui sont extérieures et dans la mesure aussi où elle pourra être accessible à distance par tous les chercheurs à travers le monde. Rêve d'exhaustivité, peut-être utopique, mais auquel les outils informatiques et les nouvelles technologies de reproduction, de stockage et de communication peuvent donner une certaine consistance.

    Permettez-moi, pour finir, un dernier rêve prospectif: pourquoi ne pas imaginer qu'un jour prochain puisse être mise en place, par exemple, sur Internet, un site commun qui donnerait accès aux collections des maisons d'écrivains, souvent peu ou mal connues, voire à l'ensemble des banques de données littéraires? Si une telle initiative pouvait un jour être prise, la Maison de Balzac ne serait sans doute pas la dernière à y oeuvrer.