Index des revues

  • Index des revues

Un nouveau métier émergent chez les bibliothécaires...

1997
    ⇓  Autres articles dans la même rubrique  ⇓

    Un nouveau métier émergent chez les bibliothécaires...

    Par François Lapèlerie, Conservateur bibliothèque universitaire deLuminy - université de la Méditerranée, Aix-Marseille-II

    A fin de lutter contre le chômage et particulièrement le chômage des jeunes gens, nos ministres incitent à l'inventivité. Il faut mettre à jour des métiers émergents, qui n'existent pas encore officiellement et qui ne sont pas encore formalisés, mais dont l'utilité paraîtrait évidente à tous.

    Dans tous les types de bibliothèques, universitaires ou municipales, il est un métier qui serait fort utile. La nomenclature des emplois de bibliothèques publiée en 1995 ne l'a pas mentionné, sans doute à juste titre puisqu'il s'agissait plus d'un recensement des emplois existants ou supposés existants que d'une vision des emplois futurs.

    Ce nouveau métier pourrait s'insérer dans ladite nomenclature entre le « communicateur de documents et le « gestionnaire de prêt entre bibliothèques : ce serait l'«oikobibliophore ou porteur de livres à domicile.

    En effet, les bibliothécaires sont partis du principe que le client doit faire un effort minimum pour mériter de lire : c'est au client à se déplacer pour avoir le droit de lire ou d'emprunter des livres. Puis, comme ils se sont aperçus que le client est naturellement paresseux et qu'il ne vient pas forcément de lui-même à la bibliothèque, les bibliothécaires ont pensé qu'il serait plus judicieux que le livre aille au lecteur plutôt que le lecteur au livre. Ainsi a-t-on créé les annexes en lecture publique, ce qui permettait un rapprochement certain du livre et du lecteur. Rapprochement sans doute insuffisant, puisque qu'on a réduit un peu plus encore les distances en créant les bibliothèques ambulantes que nous appelons bibliobus.

    Ils permettent un service de proximité encore plus efficace.

    Pourquoi ne pas aller encore plus loin, ou plus près ?

    L'annexe est encore trop éloignée de bien des lecteurs, le bibliobus oblige encore au déplacement. Le livre à domicile serait l'idéal. Ce ne serait que l'application du principe de la livraison à domicile connue des commerçants depuis fort longtemps. Ce serait aussi simplement généraliser une pratique déjà en usage en bibliothèque dans certains cas. Certaines personnes à «mobilité réduite », pour parler politiquement correct, en bénéficient : les prisonniers ont droit à une bibliothèque à leur «domicile temporaire. Pourquoi le citoyen libre n'en bénéficierait-il pas sous une forme adaptée ? Cette forme serait le portage à domicile, soit du livre précis que le lecteur aurait choisi, soit d'un échantillonnage de livres parmi lesquels il pourrait choisir celui qui l'intéresse. Ce ne serait donc pas simplement un métier de porteur ne nécessitant que des gros bras, puis-qu'il faudrait connaître les goûts des lecteurs pour choisir la lecture susceptible de les intéresser.

    Ce ne serait pas non plus si novateur. Dans le Japon des XVIIIe et XIX" siècles, la bibliothèque telle que nous la connaissons n'existait pas. En revanche un réseau de prêteurs de livres fonctionnait de façon très efficace selon ce principe du portage à domicile. Ces prêteurs (honya ou kashihonya ou ezôshiya) achetaient des livres qu'ils prêtaient, moyennant une faible redevance aux personnes intéressées, par l'intermédiaire de colporteurs qui visitaient les clients à domicile. En 1808, « dans la capitale Edo, qui comptait environ un million d'habitants, quelque 650 prêteurs de livres patronnaient eux-mêmes de nombreux colporteurs faisant le tour de leur clientèle ».

    Remettre cette pratique en oeuvre, au service de tous, joindrait à nouveau l'utile à l'agréable. a