Index des revues

  • Index des revues

Droit d'auteur et citoyenneté culturelle en France

1997
    ⇓  Autres articles dans la même rubrique  ⇓

    Droit d'auteur et citoyenneté culturelle en France

    Par Mahfoud Galloul, Maître de conférences Université Jean Moulin - Lyon III

    Au moment où l'ensemble des concepts traditionnels de service public et de solidarité sociale et culturelle sont remis en cause par la mise en oeuvre des politiques néolibérales en Europe, mais aussi sous les auspices des champions de l'extrême droite qui dirigent certaines municipalités, la question de la citoyenneté culturelle ne pouvait mieux trouver sa place que dans ce Congrès national de l'Association des bibliothécaires français (ABF).

    Il était urgent en effet de clarifier quelques points relatifs au droit d'auteur et aux conditions d'accès public à l'information, dans le cadre des nouvelles législations en vigueur en France et en Europe, mais aussi dans le contexte du multi-média et du réseau. Nous voudrions simplement rappeler un certain nombre de définitions relatives au droit d'auteur, au copyright anglo-saxon et aux problèmes soulevés par l'accès à l'information numérisée. Dans ce contexte, les législations européennes remettent en cause les droits d'accès traditionnels à l'information, dans le cadre de la Directive européenne du 19 novembre 1992 relative au prêt public des bibliothèques, dans le cadre de la loi du 3 janvier 1995 relative à la gestion collective des droits de reproduction par reprographie (ou droit de copie), mais aussi dans le nouveau contexte de la protection des bases de données organisée par la Directive européenne du 11 mars 1996. La volonté d'endiguer les excès du photocopiage au détriment du marché du livre se traduit notamment par la mise en oeuvre de dispositions juridiques qui interdisent à l'avenir le fonctionnement normal et gratuit du prêt public, le développement et la promotion de l'action culturelle et éducative ainsi que la mise à disposition des moyens modernes de distribution électronique des collections. C'est progressivement l'action culturelle et sociale vers les milieux défavorisés qui se voit compromise par l'emprise accrue des mécanismes commerciaux sur les services publics de la culture tels que les bibliothèques et les centres de documentation du système éducatif. Les citoyens seront contraints à payer de plus en plus l'accès à l'information auprès des pouvoirs publics, information traditionnellement gratuite, rétrocédée désormais à des concessionnaires privés.

    Droit d'auteur et copyright

    Le droit d'auteur dans notre conception germano-française, c'est-à-dire l'ensemble des droits qu'un auteur détient sur son oeuvre intellectuelle ou artistique, est défini par un certain nombre de textes qui sont les lois de juillet 1791 et août 1793, la loi du 11 mars 1957 et la loi du 3 juillet 1985 protégeant les logiciels et les vidéogrammes. Sur le plan international, les textes applicables sont la Convention de Berne du 9 septembre 1886 modifiée, la Convention universelle sur les droits d'auteur de Genève du 6 septembre 1952 modifiée, enfin l'accord OMPI du 20 décembre 1996, relatif à la protection du droit d'auteur et des artistes interprètes sur les réseaux. Sur le plan européen, de nouveaux textes sont applicables à l'ensemble des Etats membres selon des dispositifs que chacun des Etats devra définir en droit interne. Ces textes sont la Directive du 19 novembre 1992 relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d'auteur, la Directive du 29 octobre 1993 relative à l'harmonisation de la durée de protection du droit d'auteur, la Directive du 11 mars 1996 relative à la protection des bases de données.

    La notion de copyright concerne la définition anglo-saxonne et en particulier américaine du droit d'auteur et de ses attributs, différente de la conception européenne en ce qu'elle vise d'abord la protection commerciale des oeuvres et non les attributs moraux, subjectifs et culturels des oeuvres en tant que telles. Cette protection par le copyright du droit d'auteur résulte pour l'essentiel de la «common law», du premier amendement de la Constitution américaine et enfin de la loi du 19 octobre 1976 qui tente de définir toutes les extensions des droits d'auteur concernés par le copyright.

    Enfin, rappelons que, dans le cadre de la Convention de Berne de 1886, la protection internationale du droit d'auteur repose sur quelques principes essentiels : chaque Etat qui adhère à la Convention s'engage à garantir une protection minimum du droit d'auteur sur son territoire, les oeuvres sont protégées par le droit de l'Etat où elles sont divulguées, l'origine d'une oeuvre est celle du lieu de sa première divulgation. Ces principes ont des conséquences pratiques importantes par exemple sur l'interdiction de porter atteinte à l'originalité d'une oeuvre (colorisation des films, coupure publicitaire, détournement de l'esprit d'une oeuvre romanesque, changement de formats).

    La conception française du droit d'auteur

    Notre conception définit le droit d'auteur comme la propriété incorporelle de l'auteur sur son oeuvre. Cette propriété se démembre elle-même en deux ensembles d'attributs définissant le droit moral de l'auteur sur son oeuvre et des attributs d'ordre patrimonial et pécuniaire (relatifs à ses droits exclusifs d'exploitation de son oeuvre).

    Le droit moral vise l'intégrité intellectuelle de l'oeuvre en ce qu'elle est directement l'expression subjective et morale de la personnalité de son auteur, qu'elle lui est donc aussi essentielle que consubstantielle et que par conséquent on ne peut atteindre, dénaturer ou altérer l'oeuvre sans du même coup porter atteinte à l'intégrité corporelle et morale de son auteur. Cette conception privilégie donc la dimension subjective de l'oeuvre comme création de l'individu, réputée dans notre doctrine du droit, à la fois inviolable, inaliénable, imprescriptible et sacrée. L'auteur a donc droit au respect de son nom (paternité), au respect de son oeuvre (intégrité), au droit qui lui est reconnu de divulguer son oeuvre dans les conditions auxquelles il a donné son accord et enfin de retirer son oeuvre de toute diffusion moyennant indemnisation éventuelle des tiers (éditeurs).

    Il résulte que le droit moral attaché à la personne de l'auteur sur son oeuvre est perpétuel, inaliénable et imprescriptible et qu'il ne saurait donc être violé, réduit ou détourné par des arguties contractuelles, limitant du même coup, dans certaines contraintes, les possibilités contractuelles de cession des droits d'édition en fonction des supports choisis (édition de livres, édition de logiciels, supports électroniques : cédéroms ou distribution en ligne) mais aussi au vu de l'utilisation, de la divulgation ou de l'exploitation légitimes qui sont faites de l'oeuvre.

    Les droits pécuniaires concernent en revanche l'ensemble des droits d'exploitation de l'oeuvre, reconnus exclusivement à l'auteur, droits qu'il pourra céder pour des exploitations différenciées à un éditeur, à un producteur de cinéma, ou autre (éditeur électronique).

    Ces droits comportent le droit de reproduction, c'est-à-dire la reproduction de l'oeuvre en multiples exemplaires qui seront vendus (livres, cassettes vidéos, disques) et sur lesquels l'auteur percevra une rémunération proportionnelle sur chaque exemplaire vendu ; le droit de représentation, c'est-à-dire la communication directe au public (adaptation théâtrale, déclamation publique, représentation collective par tous moyens).

    Les droits de reproduction et de représentation sont exclusifs à l'auteur qui peut les autoriser d'une manière expresse (par écrit). Toute reproduction ou représentation non autorisée par l'auteur est un délit réprimé fortement par la loi (article 40 de la loi du 11 mars 1957 ou L122 du code de la propriété intellectuelle (CPI), loi du 3 juillet 1992).

    Cependant, la conception française du droit d'auteur a voulu dans sa tradition républicaine, concilier à la fois la protection des droits de l'auteur sur son oeuvre mais aussi une conception humaniste de l'accès à la culture en reconnaissant à la fois le droit à la copie privée de l'oeuvre à l'usage exclusif, du copiste, le droit de citation courte à l'usage critique, scientifique et pédagogique et enfin un droit de représentation limité au cercle de famille pour les oeuvres musicales, théâtrales ou cinématographiques (article 41 de la loi du 11 mars 1957 et L122-5 du CPI).

    C'est précisément cette conception républicaine et équilibrée du droit d'auteur que semblent vouloir remettre en cause les thuriféraires du copyright à l'américaine, c'est-à-dire d'une protection qui interdirait à la fois la copie privée mais aussi la communication au public, en particulier dans le cadre des bibliothèques. L'opposition affirmée entre droit d'auteur et copyright, grossièrement entre l'Europe et les Etats-Unis, se situe donc essentiellement sur la question de l'intégrité morale des oeuvres (face au merchandising, publicité et autres) mais aussi sur une certaine conception du droit des citoyens que le copyright méconnaît, ne connaissant que le droit des consommateurs payeurs.

    Les régimes de copyright

    Ce que l'on entend habituellement par copyright résulte d'un ensemble de pratiques issues de la common law anglo-saxonne et de textes successifs précisant les formes d'expression qui pourront faire l'objet d'une protection. Ainsi un certain nombre de législations, la première loi de 1831 établissant des droits sur l'oeuvre écrite ou visuelle, la loi de 1909, la loi du 3 mars 1965, enfin la loi du 19 octobre 1976 vont reconnaître à certains supports écrits traduisant une certaine originalité de conception une protection au profit exclusif de l'auteur.

    Cependant, cette protection vise pour l'essentiel les droits d'exploitation commerciale des oeuvres, quel qu'en soit le moyen, dans la seule optique du profit de l'exploitation. Ainsi, l'article 1-8 de la loi du 19 octobre 1976 précise que le Congrès aura le pouvoir de promouvoir le progrès de la science et des arts utiles en accordant pour un temps limité, un droit exclusif sur les écrits et découvertes respectifs. La conception américaine du copyright ne reconnaît aucun droit moral sur/et de l'oeuvre mais une exclusivité ou un monopole d'exploitation de l'auteur « sur son procédé,,, sur son écrit... Il résulte donc que ce droit est un droit commercial qui n'a pour but que de garantir les droits d'exploitation d'un objet pour son auteur. On peut donc imaginer que les formes de cession des droits d'exploitation d'un objet sont aussi multiples que les formes de droit d'adaptation reconnues par le droit français. Cependant, le bénéficiaire de la cession des droits n'est pas tenu dans le cadre du copyright à un quelconque respect moral de l'oeuvre (exemple : colorisation des films, interruptions publicitaires multiples, détournement de l'esprit de l'oeuvre, etc.). Le droit américain assimile donc les oeuvres culturelles à n'importe quel bien et lui applique une forme de droit commercial sous la catégorie du copyright.

    C'est tout ce qui oppose les régimes de copyright de la conception européenne du droit d'auteur et en particulier lorsqu'il s'agit de l'exportation réciproque entre les pays d'Europe et les pays de droit anglo-saxon. Des régimes de protection hétérogènes qui sont applicables aux oeuvres culturelles (musique, cinéma, découvertes scientifiques...), étant spécifiques à chaque pays et reconnus comme tels dans le cadre de la Convention de Berne, sont appelés, sous la pression américaine et celle de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), à être alignés sur les régimes commerciaux des autres produits.

    C'est précisément l'opposition irréductible de ces deux conceptions des oeuvres culturelles, conçues comme simples produits de consommation par les anglo-saxons, qui constitue ce que l'on a appelé l'exception culturelle en matière d'audiovisuel (Convention européenne du 15 mars 1989).

    Enfin, les régimes de copyright ignorent le droit de copie privée, le droit de citation courte et les régimes dérogatoires du service public, en d'autres termes ce qui fait la conception originale de la culture citoyenne, ou encore de l'oeuvre intellectuelle ou artistique comme patrimoine inaliénable.

    Les difficultés s'accroissent avec les technologies numériques et les réseaux dans la mesure où ceux-ci, par le biais du changement de sup port des oeuvres et en particulier des écrits, rendent possibles la reproduction illimitée, la délocalisation des sources, les transformations de format et finalement l'appropriation sans limite des contenus. De nombreuses difficultés ont accompagné la protection des nouveaux supports (logiciels, Cédéroms), des oeuvres composites qualifiées de multimédias, des services et des bases de données de toutes sortes.

    Simultanément, une certaine dénaturation du droit d'auteur s'est immiscée, rédimant progressivement le droit moral au profit de pratiques commerciales proches du copyright, cependant que de nouvelles législations allaient, dans le cadre européen, remettre en cause les droits traditionnels des citoyens à un accès public libre et gratuit dans le domaine notamment des bibliothèques et de l'enseignement.

    De la protection des logiciels au droit des oeuvres multimédias, une nouvelle conception marchande du droit d'auteur voit le jour.

    Protection des logiciels et oeuvres multi-médias

    La loi du 3 juillet 1985 visait à protéger les oeuvres électroniques, programme de toute nature, dont la matérialisation indirecte (sur un écran) et la destination d'usage (utilitaires de travail) nécessitaient une protection spécifique liée à l'originalité de la forme d'expression de ces créations mais aussi à leur exploitation spécifique et mutable dans le temps.

    L'une des premières transformations du droit d'auteur résulte du fait que la loi du 3 juillet 1985 ne reconnaît aucun droit moral à la création de logiciels qui relèverait presque d'un procédé industriel nécessitant l'adaptation dans le temps. En outre, l'article 45 de ce texte crée un droit de dévolution des droits d'auteur des salariés au profit de leur employeur lorsque le logiciel a été créé par les moyens et sur le lieu d'exécution du travail du salarié. Cette première inflexion du droit d'auteur a été amplifiée par la question des oeuvres multimédias, c'est-à-dire des oeuvres associant un programme, du son, des images animées ou non, qui nécessitent la combinaison de compétences créatrices multiples, rendant indistinctes les contributions au produit final ainsi que les modes éventuels d'individualisation des droits d'auteur, jusque là identifiables, soit dans l'oeuvre individuelle soit dans l'oeuvre de collaboration qui juxtapose les contributions ou dont celles-ci sont facilement sécables du fait de leur nature (dessins et textes).

    Le changement de nature que réalise le support multimédia, en amalgamant toutes sortes de documents et donc d'oeuvres, implique de ce fait plusieurs déformations des droits d'auteur : 1) l'indétermination du nouveau support du point de vue de sa qualification juridique soit comme oeuvre collective au profit de son producteur (une société et non un individu) ; 2) la transformation du mode de rémunération des créateurs; 3) le relatif abandon du concept de droit moral au profit des seuls droits pécuniaires. Cette évolution est particulièrement visible à propos des logiciels (loi du 3 juillet 1985) mais aussi dans la Directive européenne du 11 mars 1996, protégeant les bases de données en créant pour celles-ci un droit sui-gene-ris relatif à la forme de l'organisation des contenus mais sans référence aux contenus eux-mêmes.

    Au-delà des problèmes de titularité des droits d'auteur ou de qualification des oeuvres, les nouvelles technologies de réseau transforment les questions traditionnelles de l'accès aux documents et à l'information, notamment par la remise en cause du droit de copie privé ou à usage pédagogique et de recherche - dans le cadre de la loi du 3 janvier 1995 relatif au Centre français de la copie - par l'organisation d'un prêt public payant pour les bibliothèques, dans le cadre de la Directive européenne du 19 novembre 1992 ou encore par les effets induits de la Directive européenne du 11 mars 1996.

    Législations européennes et limitations du droit d'accès

    La fin des années 1980 et la période de crise économique et sociale qu'elle incarne correspond à une détérioration importante du marché du livre en France que les éditeurs avaient imputée au prêt gratuit des bibliothèques publiques mais aussi au photocopiage accru des documents lié, à la dissémination des matériels.

    C'est dans ce contexte que la Directive européenne du 19 novembre 1992 a été décidée : mettre à contribution les institutions publiques, et indirectement les usagers des bibliothèques, en vue de rémunérer ou de compenser le manque à gagner supposé des éditeurs et des auteurs. Audelà des difficultés techniques de mise en oeuvre d'une telle directive, c'est le principe même du droit d'accès aux documents qui est remis en cause et, par ricochet, l'égalité de traitement des citoyens du fait du critère pécuniaire. Cette législation étant pratiquement inopérante, c'est vers une taxation du droit de copie privée, autorisée dans le cadre de l'article 41 de la loi du 11 mars 1957, que les pouvoirs publics vont tenter de régler les revendications des éditeurs. La loi du 3 janvier 1995, relative à la gestion collective des droits de reproduction par reprographie accorde, au Centre français de la copie, la compétence exclusive pour signer des conventions avec tous les utilisateurs publics et privés de moyens de reproduction, en vue de rémunérer les auteurs qui subissent un préjudice supposé du fait du photocopiage et donc de ventes de livres non réalisées. Les redevances forfaitaires de photocopiage remettent en cause la viabilité du service public des bibliothèques et l'accès démocratique à la culture et à la formation, même si par ailleurs les activités de photocopiage de documents par les entreprises privées peuvent légitimement être taxées, celles-ci trouvant dans ces documents l'un des moyens de réalisation de leur activité.

    La Directive européenne du 11 mars 1996 concernant la protection des bases de données accroît les difficultés relatives à l'accès à l'information dans les bibliothèques et au développement de la recherche et de la formation.

    Les technologies de réseau, en permettant une délocalisation des sources, un accès universel aux documents mais aussi une multiplication illimitée des possibilités de copies, rendaient nécessaire l'actualisation du droit d'auteur et des modes de régulation de l'information distribuée. Trois principaux problèmes pouvaient se poser concernant : 1) la constitution de bibliothèques virtuelles gratuitement accessibles; 2) le maintien du droit de copie privée à partir des documents en ligne; 3) la protection des bases de données publiques et de recherche à l'égard des détournements commerciaux potentiels.

    • 1. - La constitution de bibliothèques virtuelles est aujourd'hui relativement compromise du fait de l'interdiction de la reproduction numérisée des documents ou du coût de celle-ci pour les bibliothèques au profit des éditeurs et des auteurs. L'exemple de la Bibliothèque nationale de France est significatif. Parallèlement, le prix des licences d'accès électroniques aux serveurs commerciaux des grandes revues scientifiques ou autres est tel qu'il grève par avance les budgets d'investissement des bibliothèques publiques puisqu'aujourd'hui l'abonnement à une revue électronique se fait au double du prix de l'abonnement pour la revue sur papier. Cette situation oblige les bibliothèques soit à facturer les services en ligne soit à renoncer à ce mode d'accès.
    • 2. - La distribution électronique pose en outre le problème de la reproduction potentiellement illimitée des documents. Dès lors, le droit de copie privée est interdit soit d'une façon contractuelle soit éventuellement par le cryptage des données et l'installation à distance du logiciel de lecture. Cette situation pose le problème d'une part du cumul de tarification du service électronique, de la multi-utilisation du document et donc de l'individualisation de la tarfification, d'autre part, celui de l'introduction de critères de discrimination économiques dans l'accès aux documents pour les usagers. En fin de compte, les bibliothèques sont condamnées ou bien à l'archaïsme des services offerts ou à une évolution vers la privatisation des modes de fonctionnement et à la rupture d'égalité des citoyens.
    • 3. - La diffusion de la recherche publique se trouve relativement contrainte par l'absence de protections efficaces contre le pillage des bases de données en ligne des laboratoires de recherche. En effet, la Directive du 11 mars 1996 protège la mise en forme des données en instituant un droit sui-generis, sans véritablement s'intéresser à l'originalité des données elles-mêmes, dans un contexte où le flou est largement entretenu sur les conditions d'exploitation et de titularité des données publiques elles-mêmes. La Commission européenne, en voulant privilégier le développement des investissements et de l'emploi dans le domaine des technologies et des services de communication, a rendu anarchique et totalement dérégulé le partage des sphères d'activités publiques et privées au profit du seul secteur privé. Le secteur public et ses multiples institutions d'information et de recherche, n'ayant pas les moyens financiers d'un investissement soutenu dans la diffusion électronique de l'information, c'est donc automatiquement que ces institutions sont condamnées à être pillées ou encore à concéder, à vil prix, à des opérateurs privés des informations qu'elles ont produites dans le cadre du service public et qui seront ainsi facturées deux fois aux citoyens.

    Force est de constater que l'essentiel des problèmes induits par les nouvelles législations du droit d'auteur (droit de copie, droit de prêt, bases de données...) demeurent sans véritables solutions, soit parce que ces législations compromettent l'accès à la culture des catégories sociales les moins favorisées, soit parce qu'elles empêchent à terme le développement de la diffusion de la recherche et des serveurs académiques.

    En guise de conclusion

    Les évolutions paradoxales du droit d'auteur, sous la pression, du développement des technologies numériques et des réseaux, des éditeurs et des producteurs mais aussi des orientations économistes de la Commission européenne, se traduisent à la fois par la dénaturation du droit d'auteur qui tend à devenir une annexe du droit commercial, une déformation des services publics de l'information et de la culture condamnés à la commercialité, et enfin à une remise en cause d'une certaine conception citoyenne de la culture et de ses accès. L'absence de régulation efficace du droit d'auteur, dans le contexte du réseau mais aussi dans celui de la mondialisation du commerce des activités culturelles résulte d'une absence d'expertise des dispositifs techniques et juridiques des pouvoirs publics, des institutions culturelles, et des différents protagonistes face à une évolution complexe et inachevée des technologies de la culture. On peut cependant espérer, compte tenu des insuffisances des dispositifs juridiques mis en oeuvre, que l'on s'oriente vers des systèmes d'ajustements interprofessionnels pour réguler les situations à la fois discontinues et hétérogènes des diverses filières, de la culture à la condition que la citoyenneté effective soit toujours au coeur de la construction européenne.