Index des revues

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    Le discours de la presse professionnelle

    Sur la lecture des jeunes

    Par uzanne Pouliot, Université de Sherbrooke (Québec
    Par Monique Lebrun, Université du Québec à Montréal

    Liminaire

    Depuis près de trente ans, trois revues professionnelles de littérature d'enfance et de jeunesse (dorénavant LITJ), éditées dans deux provinces canadiennes, le Québec et l'Ontario, ont contribué largement à construire, diffuser et enrichir le discours sur la lecture des jeunes, en allouant un espace éditorial important à la lecture, aux jeunes lecteurs ou à la lecture littéraire. Il s'agit de Lurelu (publié depuis 1978), de Des Livres et des Jeunes (19781995) (dorénavant DLDJ) et de Canadian Children's Literaturel Littérature canadienne de jeunesse (publié depuis 1975; dorénavant CCL).

    De plus, de 1970 à nos jours, trois revues pédagogiques se sont prononcées sur la lecture chez les jeunes québécois. Il s'agit de Québec français (dorénavant QF), organe de l'Association québécoise des enseignants de français, qui commence à paraître en 1970, mais que nous analyserons à partir de 1974, de Liaisons (dorénavant LI), revue des enseignants français en perfectionnement, qui parut de 1977 à 1987, et enfin de Vie pédagogique (dorénavant VP), revue du ministère de l'Edu-cation du Québec, qui commence à paraître en 1978.

    Nous verrons tout d'abord l'image qui se dégage de la lecture dans ces six revues.Pour ce qui est des revues de LITJ, nous serons amenées à parler tant des destinataires que du matériel édité. Quant aux revues pédagogiques, elles traitent longuement du sujet, puisqu'il s'agit d'un volet essentiel des programmes ministériels dont ces revues se font l'écho. Nous verrons, sur ce point, les buts de la lecture, la discussion sur les vrais livres par rapport aux manuels et enfin, les méthodes d'enseignement-apprentissage.

    Un deuxième point abordera les bibliothèques scolaires et leur corollaire, le coin de lecture; il y sera accessoirement question de bibliothèque publique. Une troisième partie, sur la lecture de loisir, tentera de caractériser la position des revues de LITJ sur le sujet et de cerner la part de la lecture libre en classe, par opposition à la didactisation. On évoquera en quatrième partie les activités d'animation du livre dans le cadre tant des classes elles-mêmes que des bibliothèques scolaires ou d'autres lieux. L'ensemble de ces thèmes, explorés sous différents angles, constitue le discours de la presse professionnelle sur la lecture des jeunes.

    1. Conception de la lecture

    A. Les revues de littérature d'enfance et de jeunesse

    Avec des intensités différentes, les trois revues rendent compte des diverses conceptions associées à la lecture (instruire, divertir, amuser), à la situation de la lecture chez les jeunes, à leurs besoins et intérêts, et à la promotion des auteurs francoquébécois, susceptibles de répondre aux demandes des jeunes.

    Les apprentissages scolaires et les diverses expériences de lecture, vécues depuis la petite enfance, constituent différentes facettes de la conception discursive de la lecture. C'est ainsi que de nombreux auteurs s'intéressent aux raisons qui président à la lecture d'histoires aux enfants d'âge scolaire ou de l'impact de la lecture sur le développement des compétences langagières des élèves de la maternelle.

    À ce premier volet, se greffent, outre le discours sur et à l'enfance, les critères retenus pour juger de la valeur littéraire et pédagogique d'un livre pour enfants: l'humour, présent dans les albums québécois, les manifestations de l'intertextualité ou l'exergue comme procédé de légitimation. C'est dans la foulée de la lecture littéraire que plusieurs auteurs admettent que si les enfants doivent lire des auteurs francoquébécois, ils reconnaissent en même temps que le patrimoine littéraire de l'enfance est sans frontières puisque l'héritage du monde entier demeure son patrimoine.

    En conformité avec leurs orientations éditoriales respectives, Lurelu et DLDJ prennent davantage en compte les destinataires selon leur âge et leurs difficultés d'apprentissage alors que la revue CCL s'attarde surtout aux marques de légitimation littéraire.

    B. Les revues pédagogiques

    Du côté des revues pédagogiques, un discours pléthorique sur les diverses conceptions de la lecture nous oblige à scinder notre propos en trois points, à savoir les buts de la lecture, l'utilisation de manuels en lieu et place de vrais livres et enfin, les méthodes d'enseignement-apprentissage.

    Les buts de la lecture

    Discours professionnel oblige, les buts fonctionnels sont sans cesse mis de l'avant, dans les revues pédagogiques, bien qu'on ait garde toutefois d'oublier l'imaginaire et l'expressivité. Au fonctionnalisme, on relie le développement linguistique, la capacité communicative et l'accroissement des connaissances ; à l'expressivité, on rattache l'identification personnelle et la découverte de soi et du monde. On sent dès lors le dilemme de l'école, obligée, en tant qu'institution, de veiller au décodage, mais entraînée, par une psychologie de l'apprentissage personnaliste et par les théories de la réception littéraire, vers la lecture de plaisir.

    Les vrais livres ou les manuels

    Les manuels semblent, aux enseignants amants de la vraie lecture, de pauvres substituts aux livres. Ce sont des écrits artificiels ne correspondant ni aux goûts ni aux besoins des enfants. Pour André Mareuil (QF, 1978), les méthodes s'attardent trop aux aspects phono-graphiques et font fi de l'aptitude sémiotique des jeunes lecteurs. QFfait état de certains projets pédagogiques d'envergure, conçus à partir de vrais livres, et non de manuels, dont le projet LALA (lecture accompagnée, littérature apprivoisée.

    Les méthodes d'enseignement-apprentissage

    Il est difficile de résumer rapidement la position des trois revues sur le sujet : durant plus de 20 ans, plus de cent articles pertinents ont été publiés sur le sujet. On discute des méthodes de lecture de la maternelle à la fin du cours secondaire supérieur. Des didacticiens chevronnés se font promoteurs d'avenues nouvelles, pour les activités de pré-lecture de la maternelle : pictogrammes visant le développement d'habiletés (1) cognitives.

    Pour le primaire, les pédagogues conseillent de présenter à l'enfant différents types de textes, à condition que ceux-ci soient signifiants et lisibles. Les avancées de la didactique de la lecture sont modestes, dont celles sur les niveaux de compréhension. On insiste sur les stratégies, particulièrement à l'aube des années quatre-vingt-dix, qui voient apparaître d'intéressants travaux sur l'enseignement stratégique ; c'est ainsi que l'on abordera les connaissances déclaratives et procédurales ; au nombre de ces dernières, le survol et l'anticipation. L'évaluation de la compréhension pose problème : il faut s'attarder à la façon dont l'enfant traite l'information, et non seulement à ses connaissances antérieures ou à sa vision du monde. Quelques esprits novateurs prêchent l'intégration des matières afin de promouvoir les buts fonctionnels de la lecture scolaire. D'autres, influencés par les avancées de la sémiotique, conseillent de récupérer les schémas narratifs des théoriciens. Les aspects particuliers de la lecture des jeunes ne sont pas oubliés, dont, entres autres, l'illustration, analysés à l'aide de grilles.

    La description des situations d'enseignement-apprentissage se complexifie au secondaire, puisqu'il y est question de lecture littéraire et d'une évaluation formative plus sophistiquée qu'au primaire. On mentionne de nombreuses techniques d'enseignement stratégique, dont le questionnement réciproque, les cartes sémantiques. On pose clairement le problème des corrélations entre compétence en lecture et en écriture. La politique ministérielle d'objectivation, technique de mise à distance du texte empruntée à l'enseignement stratégique, fait l'objet d'un consensus. Vers la fin des années quatre-vingt se fait jour un intérêt pour le texte littéraire en soi, comme porteur de messages esthétiques et socio-culturels. Dorénavant, on ne parlera plus seulement de « types de textes » ou encore de « textes de fiction », mais bien de « textes littéraires ». Les critiques de manuels de QF parlent plus volontiers du carcan linéaire des stratégies appliquées aux textes littéraires. On souligne que le choix des textes littéraires ressortit à l'idéologie des auteurs de manuels et d'anthologie, tout en s'inquiétant d'une directive ministérielle qui oblige dorénavant les enseignants à faire lire quatre oeuvres littéraires intégrales par année (Cécile Dubé, QF, 1993).

    Dans les revues de LITJ, le thème des bibliothèques est étudié principalement par Lurelu et DLDJ.

    Comme il est fort difficile, pour ces revues, d'opérer une nette division en ce qui regarde les bibliothèques scolaires et les bibliothèques publiques, nous les traiterons de concert. De 1980 à 1989, Lurelu publie 12 articles sur les bibliothèques scolaires et publiques alors que DLDJ en publie 19, répartis entre les bibliothèques scolaires de niveau secondaire, les bibliothèques publiques et les bibliothèques centrales de prêts (BCP). Les revues insistent sur le rôle des bibliothécaires en tant que facilitateurs et animateurs de la lecture dans les bibliothèques.

    2. Les bibliothèques scolaires et publiques

    A. Les revues de littérature d'enfance et de jeunesse

    Au passage, DLDJ constate l'état de dégradation des bibliothèques scolaires et conséquemment de ses retombées sur la lecture des jeunes. Les deux revues n'allouent que deux articles aux politiques culturelles qui régissent et orientent les bibliothèques en soulignant les rapports d'enquêtes, les commissions d'études ou les octrois alloués par les instances ministérielles à leur fonctionnement. L'intérêt pour la thématique des bibliothèques décroît à la fin des années 80, sans doute parce que le Québec est désormais mieux doté en infrastructures. Lurelu et DLDJ rendent compte des travaux réalisés au regard des bibliothèques scolaires et publiques.

    Lurelu et DLDJ, préoccupés par les bibliothèques publiques et privées, examinent sous différents angles les rôles joués par ces lieux de lecture. Selon la décennie, il sera davantage question du problème de la lecture et des bibliothèques scolaires en suggérant de diversifier les lectures à l'école, puis d'introduire des auteurs francoquébécois, ou de souligner le travail d'animation réalisé à la bibliothèque de l'école Saint-Jean-Baptiste de Montréal.

    À l'automne 1980, DLDJ consacre quasi un numéro entier au rôle des bibliothèques en faisant ressortir autant la place et l'importance des documentaires dans la formation des jeunes à la lecture que l'aptitude de ces derniers à les utiliser adéquatement. À cette fin, la revue présente des réalisations d'aménagement et d'animation du livre et de la lecture dans différentes régions du Québec : la rive-sud de Montréal (Brossard), Montréal, Québec. Près de quinze ans plus tard, la même revue, qui s'était surtout préoccupée du documentaire au secondaire, met en évidence les avantages de l'exploitation de la bande dessinée dans ce même milieu d'enseignement. Lurelu s'intéresse autant à la bibliothèque idéale des jeunes Québécois, aux bibliothèques municipales (1984, 1989), à la bibliothèque scolaire en milieu ethnique (1987), qu'à la bibliothèque en milieu hospitalier (1983).

    B. Les revues pédagogiques

    Les trois revues QF, LI et VP ne traitent qu'occasionnellement la question des bibliothèques publiques. Pour ce qui est des bibliothèques scolaires, le sujet est cependant relativement bien couvert. On retrouve même mention d'activités ayant pour cadre le coin lecture de la classe. Nous n'avons retrouvé que six articles sur les bibliothèques publiques, dont quatre dans QF, un dans VP et un dans LI.

    Les bibliothèques publiques

    Ce dernier, publié en 1982 par Catherine Karnas et al., constitue une enquête auprès de 18 bibliothèques municipales pour connaître les 50 livres pour jeunes les plus lus. L'article de VP souligne la complémentarité entre la bibliothèque publique, la bibliothèque de l'école et celle de la classe. Quant aux articles de QF, ils constituent des descriptions de collections, sauf pour le cri d'alarme d'Alain Gendron (1990) sur l'état alarmant des bibliothèques publiques ; l'article cite le rapport Sauvageau et l'incurie des gouvernements, mentionnant que le Québec est au 9erang au Canada pour le développement de ses bibliothèques publiques.

    Les bibliothèques scolaires

    On sait que la bibliothèque de l'école est importante, car bon nombre des auteurs d'articles y situent, entre autres, des activités d'animation du livre dont il sera question plus loin. Pourtant, là aussi, le marasme existe, comme le souligne Yves Léveillé qui relève sept mauvais usages de ce local, dont la bibliothèque salle d'étude, ou encore, dépôt de livres.

    Flore Gervais propose pour sa part de les réaménager en misant sur une atmosphère de détente et sur une grande variété de documents. On suggère à l'enseignant de se servir de la bibliothèque scolaire comme d'un outil pédagogique et d'en enseigner le fonctionnement à ses élèves. On n'a garde d'oublier les bibliothécaires eux-mêmes: leur rôle d'animateur est bien souligné. On renseigne même les enseignants sur les listes bibliographiques à l'usage des professionnels, sur les politiques d'élagage, sur l'informatisation des fonds, sur les politiques de choix de livres. Quant au coin lecture en classe, il permet à l'enseignant de faire de l'animation quotidienne du livre, d'embrigader les élèves dans le choix des livres et d'intégrer de vrais livres à la démarche pédagogique.

    Ce troisième volet sera traité en trois sous-sections : les visions des intervenants du milieu ; les clubs de lecture et finalement la place du livre québécois. Il regroupe 86 articles, dont 50% proviennent de la revue DLDJ.

    3. Images associées à la lecture de loisir

    A. Les revues de littérature d'enfance et de jeunesse

    Visions des intervenants du milieu

    Le colloque «L'enfant et son environnement», tenu à Sherbrooke en 1979, et plus récemment le Forum «Lire pour réussir» (10-11 novembre 1993), organisé conjointement par la Corporation des bibliothécaires professionnels du Québec (CBPQ), l'Association pour l'avancement des sciences et des techniques de la documentation (ASTED), et l'Association du personnel des services documentaires scolaires (APSDS), et commandité par le ministère de l'Éducation et le ministère de la Culture (Lurelu, 1993 et 1994), ont largement contribué au développement d'un discours sur la lecture, centré sur la face longtemps cachée du livre, soit son côté ludique. Ainsi, autant les enseignants que les bibliothécaires, les auteurs, les éditeurs, les libraires, les animateurs du livre, les conseillers pédagogiques, les bibliotechniciens que les universitaires ont collaboré à l'émergence de ce nouveau discours, éloigné des préoccupations didactiques d'antan.

    Les articles dépouillés font état des bilans, des synthèses, des entrevues de cette «armée silencieuse », de ces pionniers et pionnières, des politiques éditoriales qui régénèrent la production littéraire des jeunes auxquels s'ajoutent les événements annuels tels les Salons du livre, qualifiés d'"antichambrels] de la culture ».

    À divers titres, tous ces intervenants du livre et de la lecture soulignent, suggèrent, décrivent, incitent, proposent de nouvelles approches susceptibles de séduire le lectorat jeune et moins jeune en insistant sur le plaisir de lire. La lecture loisir répond à de nombreux besoins, nourrit l'imaginaire, d'où son importance, soulignée par Noël. Les libraires, quant à eux, offrent des environnements alléchants, suggèrent des titres, des auteurs, des maisons d'édition, des collections qui correspondent à la lecture hédoniste.

    Au fil des années, la recension a mis en lumière que les revues mettent davantage en avant la lecture hédoniste, composée de lectures débridées, porteuses des valeurs de la postmodernité, proposée autant par les auteurs, les éditeurs, les libraires, les bibliothécaires que par les enseignants.

    Les clubs de lecture

    Les clubs de lecture comme Livromagie " (6 à 12 ans) et « Livromanie » (12 à 16 ans), mis sur pied par l'organisme à but non-lucratif Communication-Jeunesse, dès 1987 pour les adolescents, et en 1989 pour les enfants, traversent la province et accroissent ainsi la présence de la littérature québécoise pour la jeunesse dans les milieux scolaires. En 1995, Thibault notait « que les jeunes lisent plus grâce à la création de la Livromagie et de la Livromanie pour faire connaître les oeuvres d'ici et donner aux jeunes le goût de lire dans les écoles et dans les bibliothèques ».

    La place du livre québécois

    Les articles repérés autant dans Lurelu que dans DLDJ identifient la place du livre québécois sur la scène internationale, insistent sur la variété des lectures en identifiant les genres, en analysant les illustrations et en présentant la politique du ministère de l'Éducation en lien avec le livre.

    Au chapitre des ouvrages génériques, on constate que les revues analysées ont privilégié des créneaux littéraires spécifiques. Ainsi, DLDJ consacre près de 40% des articles de ce sous-thème aux dictionnaires, aux contes populaires français en Amérique du Nord, aux contes québécois ou aux contes d'origine franco-ontarienne, à la presse de jeunesse, au documentaire, au roman, à la légende alors que Lurelu prend plus spécifiquement en compte, en premier lieu, les romans, qu'ils soient humoristiques, animaliers, d'anticipation, puis les magazines de jeunesse, la bande dessinée, les documentaires, et finalement les recueils de comptines et de poésie en passant par les livres de chansons.

    B. Les revues pédagogiques

    Le discours explicite des enseignants

    Les enquêtes (cf. le chapitre 1) permettent de faire le point sur l'importance des bons lecteurs parmi la population étudiante. Quant aux enseignants de langue, on sait que ce sont les plus grands lecteurs de la confrérie et qu'ils cherchent à encourager ce goût chez leurs élèves. C'est, selon eux, une des missions primordiales de l'école. Pour développer ce goût, on inscrit parfois les élèves à des clubs de lecture, ainsi, les clubs de « livromagie » et de « livromanie » de Communication Jeunesse, organisme déjà mentionné, on l'a vu, dans les revues de LITJ. On recourt aussi à des moyens plus traditionnels : visite à la bibliothèque, présentation de livres en classe. Il faut évidemment accepter de ne pas tout évaluer. C'est là un des buts du journal dialogué : par un échange de lettres avec l'enseignant ou avec ses pairs, l'élève raffine ses analyses au fil de sa lecture; on ne note que sa participation et son respect des consignes.

    La stratégie des « vrais livres » en classe (cf. chapitre 1) contribue également au plaisir de lire. Depuis longtemps, les vrais pédagogues se sont rendus compte qu'une évaluation de la lecture par objectifs ou compétences détruit la significativité des situations d'apprentissage et que la lecture partagée est une « histoire d'émerveillement, de découverte, de communication réelle ». Flore Gervais (QF, 1996) édicte même quelques règles d'une didactique du plaisir de lire » : faire sentir le livre comme une source de plaisir accessible, aider les élèves à identifier leurs intérêts en lecture, les convier à parler de leurs découvertes.

    Le discours explicite des équipes éditoriales

    On peut adjoindre à ce discours sur un plaisir de lire non équivoque, même dans le cadre scolaire, le discours des équipes éditoriales de l'une des trois revues en cause.

    4. L'animation de la lecture

    A. Les revues de littérature d'enfance et de jeunesse

    Ce dernier thème regroupe 133 articles répartis en quatre sous-thèmes: les campagnes de lecture, les lieux et les sources d'animation et finalement les personnes ressources.

    En 1987, Communication-jeunesse et la revue Lurelu ont participé à la campagne de lecture Le plaisir de lire , lancée par le ministère des Affaires culturelles.

    B. Les campagnes de lecture

    Cette association a eu pour effet de suggérer 16 activités d'animation aux éducateurs et aux éducatrices (parents, corps enseignant, psycho-éducateurs, etc.) pour permettre à des jeunes (enfants et adolescents) de participer à de nouvelles activités orientées vers la promotion des livres et de la lecture.

    Les lieux d'animation

    Les articles réservés aux lieux d'animation de la lecture se préoccupent autant des destinataires que des buts poursuivis par les intervenants. Ainsi, onze lieux d'animation ont été identifiés, de la bibliothèque scolaire en passant par la classe, la maison, le musée, la librairie, la bibliothèque publique, l'éditeur, le centre culturel, la galerie d'art, le camp de vacances et la garderie.

    Les sources d'animation

    Comment animer le livre et la lecture ? À quelle source se documenter ? C'est principlement à ces deux questions que les articles répondent en s'attardant davantage aux revues spécialisées et aux manuels qui suggèrent diverses entrées comme l'exploitation par genre (album, B.D., conte, roman...), par thème (Noël, Halloween, les animaux, l'amitié, la science), par le biais de l'illustration ou encore des collections. Préoccupées par la lecture des jeunes, les rubriques de la revue Lurelu «Des livres à exploiter et « Sous un autre angle », regroupent des activités ouvertes inspirées des livres. La particularité de ces ensembles sériels, c'est d'offrir une variété de pistes originales, en plus de proposer de nombreuses possibiblités offertes à ceux et celles qui veulent donner aux jeunes le goût de la lecture, selon diverses entrées génériques.

    Les animateurs et personnes ressources

    Les revues Lurelu et DLDJ, conscientes du rôle phénoménal joué par les bibliothécaires dans le développement de la lecture auprès des jeunes consacrent de nombreux articles à la mise en lumière des initiatives, des réalisations, des transformations apportées par ces spécialistes du livre, désormais moins préoccupés par la gestion du livre, son classement, son rangement, sa protection, que par l'enfant lecteur et sa lecture. À cette fin, tout au long de la décennie 80, plusieurs articles soulignent le travail d'animation, réalisé par les bibliothécaires sous la forme d'entrevues, de descriptions qui brossent les « 10 ans d'animation dans les bibliothèques scolaires de Verdun », ou qui énumèrent les activités d'animation culturelle dans l'une ou l'autre des bibliothèques publiques.

    Parmi les autres personnes ressources, les revues mentionnent d'abord les auteurs, qui ont la possibilité de rencontrer leurs jeunes lecteurs dans les écoles, les bibliothèques municipales, les centres de loisirs, puis les librairies, les éditeurs, les enseignants et les éducateurs, et enfin les organismes voués aux livres et à la lecture comme Communication-Jeunesse et l'ASTED, qui travaillent étroitement à la promotion de la lecture des jeunes.

    B. Dans les revues pédagogiques

    L'origine pédagogique des trois revues QF, VP et LI colore leur conception de l'animation du livre. On est parfois à la limite d'une didactisation du livre de loisir. Les enseignants en sont bien conscients, qui se retiennent parfois pour ne pas tout évaluer. On peut distinguer l'enseignant animateur de l'animateur professionnel invité.

    L'enseignant animateur

    Pour animer le monde des livres au bénéfice de ses élèves, il convient de bien se préparer, de connaître son public et de disposer d'une bonne dose de créativité. Il faut idéalement bien connaître le corpus, d'où la nécessité de lire et d'arpenter fréquemment la bibliothèque. Les aides audio-visuelles ne sont pas à dédaigner. Pour maximiser l'impact, on peut également penser à des activités de prolongement (ex.: écriture de poèmes et de récits). Certains esprits systématiques appellent «animation l'enseignement aux élèves de la classification Dewey, afin qu'ils se retrouvent sur les rayonnages. Plus fréquemment, les articles s'attardent à des projets inventifs ayant la bibliothèque pour cadre : création d'un livre géant en première année, exploitation d'un thème, par exemple les chats, mise sur pied d'un salon du livre.

    L 'animateur professionnel

    Les écoles requièrent l'aide d'un animateur professionnel lorsqu'elles entreprennent des projets ambitieux tels que les semaines du livre. Ainsi, dans VP 1988, Frances Solinas-Digironimo décrit le déroulement d'une semaine CTEL (Cessez-tout et lisez) à son école, alors que la direction a invité un illustrateur et une poétesse. Un collectif d'enseignant raconte comment, au cours d'un projet de promotion de la lecture, on a chargé le « Génie de la bibliothèque de suggérer des livres aux enfants ; des comédiens ont incarné par la suite les personnages de ces livres lors d'une fête. Grâce à la collaboration de Communication Jeunesse et de ses animateurs professionnels, plusieurs commissions scolaires peuvent offrir aux enfants des activités où le livre vit et s'incarne dans un personnage protéiforme. Gisèle Desroches, animatrice experte, reste convaincue que l'animation est le moyen idéal pour susciter le plaisir ; selon elle, l'animation vise à augmenter le nombre de lecteurs, à leur inoculer l'amour des livres. Il ne s'agit pas d'enseignement, mais de création de liens entre une matière abstraite et un public grouillant. Tous les chemins sont bons qui conduisent à faire aimer la lecture.

    Conclusion

    Au terme de ce survol, voyons à dégager quelques lignes de force. Les revues de LITJ, fidèles à leurs orientations éditoriales de base, inlassablement, veillent à susciter, à maintenir et à développer le goût et le plaisir de la lecture des tout-petits et des plus grands, selon une approche qui combine esthétique et loisir. Les prescripteurs, mis à contribution, décrivent, relatent et analysent les raisons qui les motivent à intervenir auprès d'un lectorat enfant ou jeune, mesurent l'impact de leurs diverses interventions et souhaitent que tous les enfants soient à tout jamais contaminés par les bienfaits de la lecture. Les revues pédagogiques, pour leur part, offrent de la lecture une image contrastée. Elles savent expliciter les linéaments des programmes ministériels et s'en montrer critiques à l'occasion. Attentives prioritairement aux démarches pédagogiques et à l'évaluation, elles n'en abordent pas moins avec constance, et parfois enthousiasme, des questions qui outrepassent le simple mandat de l'enseignant. Ainsi, à côté d'une pléthore d'articles sur les « habiletés à viser dans la compréhension en lecture, ou encore, sur les arcanes des types de textes, elles s'interrogent sur le plaisir de lire, sur les activités d'animation qui prolongent le cadre strict des activités scolaires. On est loin du fixisme du début du XXesiècle, où seul le discours officiel avait droit de cité. Le monolithisme pédagogique a éclaté : les revues autorisent une variété de discours qui augure bien de l'avenir de la lecture.

    En bout de ligne, le langage de la presse professionnelle apparaît convergent, qu'il s'agisse de l'un ou de l'autre type de revues : il dessine un réseau conceptuel sur la lecture des jeunes, pris en charge et partagé par les auteurs, les enseignants, les éditeurs, les illustrateurs, les bibliothécaires et les libraires, reléguant aux oubliettes le discours moralisateur et didactique sur la lecture des jeunes du début du siècle.

    Les interventions individuelles ou institutionnelles (colloques, guides variés et adaptés à diverses clientèles, semaines de sensibilisation, campagnes de promotion de la lecture, programmes d'études, activités formelles d'enseignement-apprentissage) dévoilent une conception de la lecture qui s'est récemment traduite d'une part par une politique culturelle abordant nommément la question de la lecture via les bibliothèques publiques et d'autre part, par des publications du ministère de l'Edu-cation aux titres non équivoques (Lire et aimer lire au secondaire, en 1989, et De la lecture à la culture, en 1995).

    (NDLR: cet article a été présenté à IFLA 97. Nous nous sommes permis, pour sa meilleure lisibilité, de supprimer les références précises d'articles dont il était émaillé afin de le rendre accessible à nos lecteurs. Bien entendu, l'intégralité de cet article pourrait être mis à la disposition de tous ceux qui en feraient la demande.)

    1. On aurait pu traduire. habileté. par. capacité. retour au texte