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    Par Maud Espérou
    Robert Netz

    Histoire de la censure dans l'édition

    Paris, Presses universitaires de France. 1997. -128 p. (Que sais-je ?n° 3260).- ISBN 2.13.048438.7.

    Faire une histoire de la censure dans l'édition, c'est revenir sur l'histoire du livre et la placer sous l'angle des interdits et de la répression. Robert Netz a tenté le pari. dans ce dernier Que sais-je ? At parcourir, en 125 pages, cinq siècles d'imprimés ainsi que leurs réglementations qui se sont succédé, au gré des régimes politiques. Il a lu tous les livres parus ces dernières années sur l'histoire du livre et il fait référence fréquemment à l'Histoire de l'édition française. Après un retour sur le terme censure lui-même qui remonte aux Romains - « le magistrat chargé d'établir le cens et qui avait le droit de contrôler les moeurs des citoyens -, il rend à Furetière la paternité de notre définition moderne, censurer c'est condamner un livre comme préjudiciable à la religion ou à l'Etat". En une soixantaine de pages, il suit les règlements successifs sur la censure préalable et l'attribution des privilèges tout au long de l'Ancien Régime ; il n'est pas sûr que cette partie soit très facile pour qui n'est pas très au fait des pratiques éditoriales des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles ; ne l'oublions pas, la liberté de la presse n'est formulée et réclamée qu'à la veille de la Révolution, malgré les très nombreuses publications de libelles scandaleux que plus personne n'oserait aujourd'hui écrire à l'encontre d'hommes politiques.

    Proclamée dès les premiers jours de la Révolution, la liberté d'imprimer ne dura pas longtemps ; la Convention et le Directoire pratiquèrent rapidement des politiques peu libérales Napoléon, bien qu'affirmant dans une lettre à Fouché : « je le dis encore une fois, je ne veux pas de censure", déclarait par ailleurs « le droit d'imprimer n'est pas du nombre des droits naturels », et faisait saisir et détruire les feuilles de De l'Allemagne (1) . Le XIXe et le XX" siècle hésitèrent entre libéralisme et puritanisme. Avec le développement de la presse, qui n'est pas le sujet de ce livre, la censure politique se concentra pour l'essentiel sur les journaux. En revanche, de nombreux ouvrages furent condamnés pour contraires à la moralité : « tout outrage à la morale publique et religieuse, ou aux bonnes moeurs... sera puni d'un emprisonnement d'un mois à un an..."Cette loi de 1819 sera la base de la censure répressive jusqu'en 1881 et son esprit perdurera jusqu'à la fin de nos années 60.

    Il a fallu plus de cinq siècles pour que l'édition se libère de trois types de censure : censure religieuse qui fut la première et qui sévit avant même la naissance de l'imprimerie : censure politique, qui n'appartient pas seulement aux pouvoirs autoritaires, royautés et empires : pendant la guerre d'Algérie. les Editions de Minuit furent poursuivies et quelques unes de leurs publications furent saisies et interdites ; dernier type de censure, la plus hypocrite et qui longtemps fit de subtils partages entre ouvrages licencieux, pornographiques ou contraires aux bonnes moeurs, la censure morale, celle qui condamna Baudelaire. Flaubert et plus tard Boris Vian.

    Robert Netz termine cette histoire de la censure dans la longue durée par une mise en garde contre tout retour possible d'"Anastasie ». L'exemple des Versets sataniques qu'évoque l'auteur doit nous instruire : Salman Rushdie est condamné à mort dans certains pays. qui nous semblent certes lointains. Mais ayons à l'esprit que. plus près de nous, certains hommes politiques ont attaqué la liberté de lire et seraient tout près de revenir à des pratiques répressives. si les moyens leur en étaient donnés.

    1. Voir notamment Bernard Youillot : Li Révolution et l'Empire in in Histoire de l'édition française : t II. Le Livre triomphant retour au texte