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    Des petites bibliothèques et leur fournisseur

    Le club des utilisateurs LIBER

    Par Nicole Vibert, Médiathèque de l'Orangerie,Claye-Souilly (77

    La présentation des sites laisse apparaître une grande diversité de structures.

    Les 68 bibliothèques municipales représentent elles aussi un éventail relativement large : allant de la bibliothèque de village gérant 4 000 documents à plusieurs gros sites dont le plus important compte 140 000 documents. Mais la majorité déclare entre 10 000 et 50 000 documents. C'est dire que le logiciel LIBER couvre bien le réseau des petites et moyennes bibliothèques.

    En ce qui concerne les comités d'entreprise, les configurations sont encore plus complexes. Cela peut aller d'un site sur un seul lieu ouvert deux heures trois fois par semaine, jusqu'à un réseau reliant 140 bibliothèques sur toute la France.

    Diversité des tailles, mais aussi diversité des besoins. Par exemple, l'apport d'un groupe de travail constitué de collègues de bibliothèques universitaires et spécialisées ayant à accomplir quotidiennement un dépouillement des imprimés a entraîné le développement d'un module périodique extrêmement pointu, mais d'une complexité considérée hors de portée par d'autres adhérents du club, hors norme quant aux nécessités d'une bibliothèque municipale. Ou encore la conception par une bibliothécaire d'un outil (CODEX) adapté à son fonds ancien a créé au sein du monde LIBER un produit spécifique, dont on connaît peu l'évolution mais qui semble satisfaire les usagers.

    Nous touchons là à la spécificité des relations des petites et moyennes bibliothèques avec leur fournisseur. Dans les groupes de travail du club des utilisateurs, nous constatons régulièrement avec surprise que tel site a vu résoudre un problème, a bénéficié d'une amélioration ou d'un plus sur un module par le passage d'un technicien. Mais l'amélioration, la résolution, le plus, n'a pas été étendu à l'ensemble des sites.

    Ceci explique la situation paradoxale du club des utilisateurs LIBER, qui est à la fois de rassembler beaucoup d'adhérents mais en même temps de les avoir dispersés sur le territoire dans bon nombre de petites structures. L'Assemblée générale est souvent le seul moment où l'ensemble des adhérents du club vivant quotidiennement un isolement sont avides d'échanges sur leurs difficultés. Entre ces rencontres, des commissions se réunissent sur différents thèmes pour l'ensemble des adhérents, car l'éclatement favorise une relation sans intermédiaire avec le fournisseur et provoque chez certains un sentiment de solitude, voire d'angoisse, face à des problèmes que l'on ne maîtrise pas.

    Il est à noter à ce sujet le succès de la participation aux enquêtes envoyées aux membres du club des utilisateurs LIBER. Le club a réalisé en 1994 une enquête sur la maintenance.

    Cette nécessité de bilan s'inscrivait à un moment de crise chez le fournisseur. Les collègues ont largement répondu puisque les membres du bureau du club ont réalisé par téléphone cette enquête. Il est ressorti de ce travail ambitieux que l'appel à la maintenance revêt un caractère primordial parce qu'il recouvre un besoin d'aide, souvent au-delà d'une simple intervention technique dans une situation telle que nous venons de la décrire. Mais aussi l'intérêt pour nous de faire cette enquête par téléphone fut de réaliser à quel point le besoin de communication était intense. Le club doit remplir un rôle de soutien et de défense par rapport à un fournisseur au regard de ses adhérents. Trop souvent, le technicien ne répond pas exactement ou pas suffisamment en donnant une raison claire à un problème posé par son client. Certaines demandes, par exemple sur le module statistiques, n'ont jamais été prises en compte par LIBER ou n'ont pas pu être satisfaites, mais cela sans explications intelligibles. Certes, il y a une panne, mais pourquoi ?... Certes il y a un manque, maintes fois signalé, sur les réponses à donner aux questions du rapport annuel... POURQUOI ?... Signalons au passage que le taux de réponse à l'enquête lancée par la FULBI a aussi été représentatif. Cette situation repose probablement sur le fait que le fournisseur assure une maintenance avec des techniciens polyvalents : un jour... répondant sur la version actuelle... puis travaillant en même temps sur la prochaine, etc. Ce qui donne parfois un sentiment de flou et d'inachevé dans la réponse, et surtout un manque de suivi. Il est très difficile d'obtenir que quelqu'un rappelle quand le problème n'est pas immédiatement résolu par exemple.

    Or LIBER s'est tout d'abord fondé sur le marché des petites bibliothèques : monoposte, multi-fonctions. En conséquence, la formation initiale était assurée par un technicien se déplaçant sur le nouveau site. Cette tradition quelque peu paternaliste s'est longtemps maintenue. Le développement du nombre de sites ne fut donc pas sans créer de vastes problèmes.

    En poursuivant sur le chapitre de la formation, il est à remarquer que les tentatives de regrouper les collègues d'une même région pour des journées de formation se sont soldées par des échecs à de rares exceptions : éloignement des sites, personnel réduit dans chaque lieu, problème de coût sur des faibles budgets pour ne citer que cela...

    Cependant, si nous analysons la situation aujourd'hui, nous constatons une informatisation massive des petites bibliothèques : la revue Livres de France d'octobre 1997 dénombre que les trois quarts des contrats d'informatisation, soit 160 bibliothèques équipées, sont passés pour des petites configurations (moins de 10 postes).

    Une réalité qui va de pair avec la réinformatisation, souvent associée à un changement de système pour les grosses configurations.

    Or, le marché des grands pèse sur la réalité des petits comme dans la phase initiale d'informatisation des années 80. Des maisons comme LIBER, spécialisées dans le domaine des petits a voulu grignoter, de plus en plus, de plus gros marchés. Tous présentent aujourd'hui de nouveaux produits nous démontrant, à juste titre, que nos joujoux actuels ne sont plus que de vieux coucous.

    Avec les technologies nouvelles, le multimédia aidant, il faut bien se confronter aux lois du temps. Par ailleurs, force est de constater, dans notre département de Seine-et-Marne, que les très petits lieux de lecture qui pouvaient jouer hier sur l'atout de la proximité pour attirer leur public voient fuir les lecteurs adultes vers les plus grandes bibliothèques, offrant plus de services. Une réalité peut-être spécifique à la région parisienne où les grandes villes poussent dans les champs.

    La demande des habitants d'une petite commune du nord de la Seine-et-Marne ne diffère pas de celle des citoyens d'une ville moyenne : la nouveauté dont on vient de parler en télévision, le cédérom... Bien plus, lors d'une dernière réunion dans notre département, des bénévoles témoignèrent du fait que les propositions de prêt à domicile chez des personnes âgées s'étaient soldées par un échec...

    Il nous faut donc passer par les fourches caudines du progrès. Mais c'est à cet endroit que le bât blesse. Présenter la facture de LIBER MEDIA à une mairie dans le contexte budgétaire actuel de ce qui est dans les faits une réinformatisation ne représente pas une tâche facile. Passage d'autant plus problématique qu'un logiciel comme LIBER, ayant déjà confronté certains de ses clients à des difficultés dans la mise en réseau par exemple, n'inspire pas une totale confiance dans son nouveau produit aux professionnels devant envisager une migration. Les nouveaux clients bénéficiant d'une configuration neuve sont plus satisfaits.

    Par ailleurs, le problème de la formation évoqué précédemment va se poser à nouveau. Dans l'ensemble des sites, les bibliothécaires prenant en cours de route une bibliothèque équipée par LIBER recherchaient désespérément un manuel (inexistant ou inutilisable) et avec l'expérience, parvenaient à assimiler le fonctionnement. La nouvelle génération des logiciels n'autorisera pas une telle pratique. Le suivi du site devra donc être assuré par le fournisseur dans le contexte décrit précédemment.

    Or les diffuseurs de logiciels de petites et moyennes bibliothèques sont dans la même situation en personnel que les équipements auxquels ils s'adressent. La croissance et le développement sont-ils à la mesure de ces entreprises ?

    Il n'est pourtant pas à souhaiter que les grands établissements mobilisent à eux seuls les gros fournisseurs. Mais l'analyse des besoins doit ouvrir la voie à des adaptations. Pour exemple de ce propos, je citerai nos entretiens avec la société ELECTRE et CHADWYCK-HEALEY France : entretiens sur la demande de la FULBI (Fédération des Utilisateurs de Logiciels de Bibliothèque).

    L'objectif de ces entretiens sur le déchargement des données disponibles et sur les cédéroms était d'obtenir des tarifs réservés aux communes de moins de 10 000 habitants. Pour résumer ces entretiens, la possibilité offerte par les deux sociétés était de proposer un abonnement avec une mise à jour annuelle. Mais cette proposition ne peut pas répondre aux besoins exprimés précédemment : les nouveautés, la rapidité...

    De la même manière, je ne pense pas qu'il soit envisageable de demander aux fournisseurs un produit moins développé pour les petits établissements.

    Aujourd'hui, les CDI et les Comités d'entreprise s'informatisent. L'environnement WINDOWS permet d'établir des réseaux dans toute situation et je le redis volontiers : les demandes de nos lecteurs font qu'il me paraît impossible de se contenter des dons pour alimenter un fonds à l'heure d'Internet. Encore faut-il que les fournisseurs des petites bibliothèques assurent réellement ce virage et ne se contentent pas seulement de faire changer le parc matériel.

    Pour ma part, en conclusion, je fonde beaucoup d'espoir dans le rôle des bibliothèques départementales de prêt en tant que pôle de formation et d'information de collègues isolés. Par exemple, signalons que, dans un premier temps, le choix d'un fournisseur de logiciel a souvent échappé aux bibliothécaires en poste dans les petits et moyens établissements (décision en mairie en l'absence de professionnels ou par relation, d'un conseiller ou autre, avec un fournisseur...). La situation a changé aujourd'hui dans un département en expansion démographique.

    L'intercommunalité est aussi un enjeu important pour nous et certains exemples récents nous ouvrent de nouvelles perspectives. Le fait que nos préoccupations sont présentes et prises en compte pendant ce congrès prouve que l'ensemble de la profession est sensible et attentif à l'enjeu de la lecture publique dans ce qui représente la majeure partie de notre territoire national.