Perspectives d'avenir du dépôt légal et des bibliographies nationales officielles
Principaux résultats de la Conférence ICNBS (25-27 novembre 1998, Copenhague)
Par Françoise Bourdon, Bibliothèque nationale de France
La Conférence ICNBS (International Conference on national bibliographie services : Conférence internationale sur les services bibliographiques nationaux) a été organisée par la Division du contrôle bibliographique de l'IFLA et par le Programme fondamental UBCIM (Contrôle bibliographique universel et MARC international) pour marquer le 21eanniversaire de la Conférence de l'UNESCO sur les bibliographies nationales qui s'était tenue à Paris en 1977. La mise en oeuvre des recommandations de 1977 avait fait l'objet d'un premier bilan lors d'un Séminaire sur les bibliographies nationales organisé en 1987 dans le cadre de la conférence annuelle de l'IFLA à Brighton
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et, au cours des 10 dernières années, l'IFLA a sans cesse promu le contrôle bibliographique en organisant des séminaires sur ce sujet à travers le monde (Bucarest, Kuala Lumpur, Vilnius, Rio de Janeiro, etc.), en invitant les spécialistes à présenter des communications lors de ses conférences annuelles et en rendant compte des progrès comme des difficultés dans la revue trimestrielle publiée par le Programme UBCIM International Cataloguing and Bibliographie Control.
Le but de cette conférence de Copenhague était de confronter les recommandations de 1977 aux nouvelles conditions de recensement et d'échange de l'information bibliographique, en tenant compte du développement des nouvelles technologies de l'information (en particulier des nouvelles ressources électroniques en ligne) et du nouvel ordre géopolitique. Il s'agissait de vérifier si les recommandations énoncées il y a plus de 20 ans étaient toujours adéquates ou bien si elles nécessitaient une révision.
La participation à la conférence s'est faite exclusivement sur invitation : la Conférence des directeurs de bibliothèques nationales a été sollicitée pour que ses membres désignent un représentant par agence bibliographique nationale. La conférence a ainsi réuni 120 participants de 74 pays ; une quarantaine de représentants des pays en développement ont bénéficié d'une prise en charge par différents sponsors. C'est ainsi que le Comité français IFLA a pris en charge monsieur Diouara, responsable de la bibliothèque nationale du Mali. La France a été représentée par Claire Vayssade, alors directeur de l'Agence bibliographique nationale à la BnF, par Françoise Bourdon (BnF), membre du Comité de planification de la conférence et secrétaire de la Section de bibliographie de l'IFLA et par Maria Witt (médiathèque de La Villette), secrétaire de la Section de catalogage de l'IFLA. Marcelle Beaudiquez (BnF), invitée d'honneur en tant qu'expert, a rédigé l'exposé d'ouverture mais n'a pu participer à la manifestation.
Chaque participant a reçu, plusieurs semaines avant le début de la conférence, une brochure en anglais contenant les principaux textes devant servir de base à la discussion : les recommandations de 1977 sur les bibliographies nationales, les résultats de plusieurs enquêtes internationales lancées en 1996-1998 dans le cadre de la Division du contrôle bibliographique (sur les supports de diffusion des bibliographies nationales, sur les relations entre les agences bibliographiques nationales et l'industrie du livre, sur le recensement des ressources électroniques dans les bibliographies nationales, sur l'indexation matière et la recherche par sujet dans les bibliographies nationales) et un état du contrôle bibliographique en Asie du Sud-Est et dans le sud de l'Afrique. Tous ces textes sont disponibles en anglais sur Internet (http://ifla.inist.fr/Vl/3/icnbs/preconf.pdf). Une liste de discussion a permis d'ouvrir le débat avant même le début de la conférence y compris avec les non-participants ( icnbs-@infoserve.nlc-bnc.ca ).
Les services bibliographiques nationaux au xxie siècle : évolution et révolution, des communications sur des thèmes plus précis comme le contenu des bibliographies nationales (Grethe Jacobsen, Danemark), les législations de dépôt légal (Giuseppe Vitiello, Conseil de l'Europe), les nouvelles spécifications fonctionnelles des notices bibliographiques (Olivia Madison, université de l'Iowa, membre de la Section de catalogage de l'IFLA), etc. Ces textes sont disponibles en anglais sur Internet (http://ifla.inist.fr/Vl/3/iebns/ienbs.htm
Puis les participants se sont répartis en groupes de travail selon leur intérêt pour les thèmes proposés :
- dans quelle mesure d'autres organismes que la bibliothèque nationale devraient-ils s'impliquer dans la production de la bibliographie nationale ?
- le rôle de la bibliographie nationale peut-il être bouleversé par Internet ?
- les normes ont-elles un avenir à l'âge Internet ?
- les agences bibliographiques nationales ont-elles les moyens de recenser tout ce qui est publié ?
- quel avenir pour le dépôt légal ?
- quel avenir pour la bibliographie nationale imprimée ?
Il ressort des discussions que :
- l'objectif premier étant de mieux réaliser le contrôle bibliographique universel, on reconnaît aux agences bibliographiques nationales la possibilité de travailler en coopération avec d'autres partenaires nationaux du secteur public ou du secteur privé, à condition de garder la coordination générale des opérations de collecte et de signalement des collections patrimoniales ;
- les agences gardent pour objectif le recensement et le traitement de la totalité des documents publiés même si le développement incessant des technologies de l'information fait que les types de documents évoluent sans cesse : on ne précise donc plus les types de documents concernés;
- l'amélioration du contrôle bibliographique universel passe aussi par la connaissance précise de ce qui, de fait, est ou n'est pas recensé. Il ne doit pas y avoir de sélection incontrôlée : si l'agence bibliographique nationale a des difficultés d'ordre économique qui l'empêchent de tout collecter et de tout traiter, elle doit définir et rendre publics ses critères de sélection ;
- les fichiers d'autorité font désormais partie intégrante des services bibliographiques nationaux et représentent une valeur ajoutée certaine ; la coordination internationale en la matière doit être une priorité ; la mise sur pied d'une numérotation internationale normalisée des données d'autorité a été évoquée ;
- enfin, la notion de qualité devient un principe directeur et les services bibliographiques nationaux devraient régulièrement évaluer leur adéquation aux besoins des utilisateurs et leurs résultats dans l'application des recommandations issues de la conférence.
Les animateurs des groupes ont confronté leurs travaux et formalisé une nouvelle rédaction des recommandations, qui fut ensuite discutée en assemblée générale. Ross Bourne (The British Library), qui a animé les débats, s'est vu confier la lourde tâche de stabiliser la rédaction et les représentants de la BnF se sont engagés à traduire rapidement ces recommandations en français. Les recommandations, en anglais et en français, sont disponibles sur la liste de discussion depuis la mi-décembre et la version définitive est attendue pour fin janvier. Le texte français ci-joint a été élaboré par la BnF à partir d'une version de travail en anglais très proche du texte officiel définitif.
Les Actes de cette conférence seront publiés par le Comité d'organisation danois et envoyés gratuitement à tous les participants. Chaque contribution devrait comporter au moins un résumé en français. Les recommandations devraient être publiées dans les 5 langues officielles de l'IFLA. Tous ces textes seront disponibles sur le site Web de l'IFLA (http://www.ifia.org/ ou http://ifla.inist.fr/).
Recommandations d'ICNBS
Traduction proposée par la Bibliothèque nationale de France, 15 janvier 1999
La Conférence internationale sur les services bibliographiques nationaux, tenue à Copenhague du 25 au 27 novembre 1998,
Soutenant le concept de Contrôle bibliographique universel (CBU) comme un programme à long terme pour le développement d'un système mondial pour le contrôle et l'échange d'informations bibliographiques,
Mettant l'accent sur le besoin de renforcer le contrôle bibliographique national, comme un prérequis pour le contrôle bibliographique universel,
Reconnaissant l'importance de la bibliographie nationale comme instrument majeur pour assurer le recensement complet du patrimoine national édité et pour mettre en place un contrôle bibliographique exhaustif,
Affirmant que les bibliothèques nationales et les agences bibliographiques nationales peuvent travailler en coopération avec d'autres organismes mais que la coordination et la mise en oeuvre des normes doit rester l'entière responsabilité de l'agence bibliographique nationale,
Réaffirmant la valeur du dépôt légal comme moyen d'assurer et de rendre accessibles aux usagers actuels et à venir l'héritage culturel et intellectuel et la diversité linguistique de la nation.
Formule les recommandations suivantes :
Dépôt légal
- 1. Les États sont instamment priés d'examiner les lois en vigueur sur le dépôt légal et d'en étudier les dispositions en fonction des besoins présents et à venir et, le cas échéant, de réviser les législations existantes.
- 2.. Les États ne disposant pas à ce jour de législation sur le dépôt légal sont instamment priés d'en promulguer une.
- 3. Les nouvelles lois de dépôt, ou les dispositions réglementaires liées à ces lois, devraient préciser les objectifs du dépôt légal ; s'assurer que le dépôt des exemplaires permet d'atteindre ces objectifs sans que le nombre d'exemplaires demandé ne soit excessif ; être rédigées en des termes suffisamment généraux pour inclure tous les types de documents existants et apportant de l'information et ceux qui se développeront à l'avenir ; et inclure des mesures destinées à faire respecter ces lois. La législation peut autoriser que la responsabilité du dépôt légal soit confiée à plus d'une institution dépositaire nationale.
- 4. L'IFLA devrait encourager la révision des principes directeurs existants pour prendre en compte les nouvelles formes de publications et celles à venir, ainsi que les principes qui sous-tendent l'étude de 1998 sur les « Functional Requirements for Bibliographie Records» (voir la Recommandation 13 ci-après).
Couverture de la bibliothèque nationale
- 5. Les bibliographies nationales devraient comprendre l'ensemble de la production éditoriale nationale courante et, dans la mesure du possible, la production éditoriale nationale rétrospective. Cependant, si cela lui est nécessaire, l'agence bibliographique nationale peut définir des critères de sélection et doit les rendre publics.
- 6. La bibliographie nationale devrait recenser les documents dans toutes les langues et/ou écritures dans lesquelles des publications sont produites dans le pays ; et dans toute la mesure du possible, ces notices devraient être produites dans les langues et/ou écritures dans lesquelles ces publications ont paru à l'origine.
Présentation et production courante de la bibliothèque nationale.
- 7. Parmi la grande diversité des supports physiques utilisables pour diffuser la bibliographie nationale, les services bibliographiques nationaux devraient en choisir un ou plusieurs qui permettent de répondre aux besoins de ses utilisateurs, y compris ceux ayant des besoins spécifiques. Ces supports devraient être conformes aux normes approuvées au plan international. Au moins un de ces supports devrait permettre de répondre aux besoins d'archivage et de conservation de la bibliographie nationale et d'assurer la pérennité de son accessibilité.
- 8. La bibliographie nationale devrait paraître sous une forme régulièrement mise à jour répondant aux besoins des utilisateurs et prévoir une distribution efficace de ses notices.
- 9. À chaque parution, sur chacun des supports physiques existants, et pour permettre son identification, la bibliographie nationale devrait présenter les informations qui suivent :
- Le titre de la bibliographie.
- La période couverte.
- Le lieu d'édition et le nom de l'éditeur.
- La date de publication.
- Le numéro international d'identification (propre au support).
- Les informations concernant les droits de propriété.
- La notice de catalogage avant publication.
- Les précisions concernant le prix et la disponibilité.
- 10. En outre, la bibliographie nationale devrait comprendre une introduction (et si besoin est un manuel d'utilisation) contenant les informations suivantes :
- l'origine des notices, par exemple, notices établies d'après des exemplaires déposés à la Bibliothèque nationale en vertu des dispositions du dépôt légal ;
- la couverture, y compris les exceptions ;
- la périodicité, l'organisation de la publication ;
- la mention des outils bibliographiques et des règles de catalogage utilisés, y compris les applications locales ou nationales, la liste des termes spécifiques utilisés, avec leurs définitions et leurs abréviations ;
- les grandes lignes de la classification systématique (le cas échéant) ;
- les grandes lignes des tables de transcription (le cas échéant) ;
- la description du système de classement ;
- les spécifications techniques liées au support (si besoin est) ;
- 11. Les notices bibliographiques paraissant dans la bibliographie nationale devraient être conformes aux normes internationales en vigueur, respecter le classement, comporter les points d'accès qui répondent aux besoins des utilisateurs/clients et respecter les caractéristiques liées au(x) support(s) utilisé(s) pour la diffusion.
Normes internationales utilisées
- 12. L'agence bibliographique nationale devrait assumer la responsabilité de la préparation des notices bibliographiques complètes de la production éditoriale nationale (ou coordonner cette préparation) et devrait adopter les principes directeurs et les normes nationales et internationales en ce qui concerne les règles de catalogage, les systèmes d'identification tels que l'ISBN et l'ISSN, les systèmes de transcription, le contrôle des autorités, les systèmes de classification, les métadonnées et le nom-mage des objets numériques.
- 13. Les agences bibliographiques nationales devraient adopter les éléments qui constituent la notice de base telle que définie dans le rapport final du Groupe de travail IFLA sur les « Functional Requirements for Bibliographie Records (Saur : Munich, 1998. UBCIM Publications New Séries ; vol. 19).
- 14. Les agences bibliographiques nationales devraient jouer un rôle moteur dans la mise à jour et la défense des principes directeurs et des normes nationales et internationales et dans le développement de tous les outils bibliographiques cités au point 12, y compris le lancement de projets visant à développer et à promouvoir des normes, des principes directeurs et des procédures pour le contrôle des autorités, afin de faciliter l'échange international des données d'autorité.
- 15. Il faut veiller en priorité, au plan national et international, à la compatibilité, à la convertibilité et à l'accessibilité des formats d'échange bibliographiques des secteurs des bibliothèques, de l'information et de l'édition, en s'assurant que tous les éléments sont bien identifiés et ne sont pas perdus lors des procédures de conversion.
- 16. Les agences bibliographiques nationales doivent encourager les travaux actuels d'harmonisation des normes bibliographiques établies en tenant compte de tous les types de publications, à commencer par les publications en série.
Actions à entreprendre
- 17. L'IFLA devrait encourager les études de faisabilité sur la publication de bibliographies multinationales dans les régions où, pour une raison quelconque, il n'est pas envisageable actuellement de publier des bibliographies nationales, et/ou dans lesquelles existent des liens géographiques, linguistiques ou culturelles.
- 18. L'IFLA devrait encourager les organisations intergouvernementales et les organisations internationales non gouvernementales à recenser leurs publications dans des bibliographies, en respectant les normes bibliographiques internationales.
- 19. L'IFLA devrait aider à la mise en oeuvre de projets pilotes d'agences bibliographiques nationales, à la production de bibliographies nationales et à l'organisation de séminaires et de stages de formation pratique de caractère national, régional ou international.
- 20. Les agences bibliographiques nationales devraient se mobiliser pour promouvoir de nouvelles normes bibliographiques et de nouvelles législations sur le dépôt légal, y compris en organisant des séminaires et ateliers de formation afin de s'assurer que leurs utilisateurs, professionnels ou non, maîtrisent les nouvelles pratiques.
- 21. Les agences bibliographiques nationales devraient évaluer régulièrement leurs résultats dans l'application de ces recommandations.
- 22. Il faudrait faire en sorte que les agences bibliographiques nationales ne disposant pas d'accès à l'information sous forme électronique ne soient pas pénalisées et restent partie prenante du réseau bibliographique universel.
- 23. L'IFLA ou un État membre devrait demander à l'Unesco d'approuver ces recommandations.
1. Proceedingsof the National Bibliographies Seminar, Brighton, 18 August 1987, held under the auspices of the IFLA Division of Bibliographie Control / éd. by Winston Roberts. - London : IFLA UBCIM Programme, 1988. [résumés en français, textes en français de Marcelle Beaudiquez et de Geneviève Boisard ; disponible auprès de : IFLA UBCIM c/o Die Deutsche Bibliothek, Adickesallee 1, D-60322, Frankfurt, 15 DM]
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