agence bibliographique de l'enseignement supérieur
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En n 1997, démarrait, avec le choix du maître d'oeuvre Pica, la réalisation du Système universitaire de documentation. Après l'installation dans les locaux de l'ABES d'un prototype fondé sur le progiciel standard Pica et sur une base d'expérimentation d'un million de notices, le projet est entré dans la phase décisive des développements complémentaires, destinés à adapter le logiciel aux besoins spécifiques du SU. Voici, esquissés à grands traits, le portrait du futur système ainsi que les prochaines étapes à franchir avant sa mise en production.
La coopération dans les bibliothèques universitaires est une réalité déjà ancienne.
Réservoirs bibliographiques et catalogues collectifs, à échelle régionale ou nationale, à couverture thématique ou spécialisés par support, se sont multipliés au cours des vingt dernières années, tandis que se développait la pratique du prêt entre bibliothèques. Parmi ces outils, les bases de données et services à vocation nationale ont connu une mise en place échelonnée qui a certes facilité le travail en réseau mais qui a également abouti à la coexistence de trois réseaux de catalogage de monographies et d'outils d'identification et de localisation hétérogènes. Ainsi, pour repérer une thèse, une monographie et un titre de périodique, le lecteur doit consulter trois bases de données Téléthèses, Pancatalogue et CCNPS -, aux interfaces d'interrogation dissemblables. Il doit de plus, s'il souhaite obtenir l'un de ces documents par le prêt entre bibliothèques, copier la référence bibliographique et la transmettre au service PEB de sa bibliothèque. Force est de constater également l'obsolescence de certains de ces outils - PEB en ligne, Téléthèses - dont l'exploitation serait devenue coûteuse et techniquement complexe, dans l'hypothèse d'une maintenance au-delà de l'an 2000. L'objectif d'un outil unique, intégré et conforme aux standards informatiques s'imposait donc à court terme.
Au coeur du SU, on trouve un catalogue multisupports en format UNIMARC, dont la volumétrie à l'ouverture est estimée à 4,5 millions de notices et 7 millions de localisations. Le catalogue d'origine sera constitué à partir de données issues de sept sources : OCLC, BN-Opale et SIBIL pour les monographies ; Téléthèses pour les thèses ; le CCNPS pour les publications en série ; les fichiers autorité BN et F-Mesh pour les autorités. En production, les catalogueurs auront à leur disposition un réservoir de notices non localisées, alimenté par diverses sources en fonction des besoins des bibliothèques participantes ; de sorte que, tout en étant un outil de catalogage partagé, le SU vise à minimiser fortement la part de créations de notices au sein du réseau, avec un taux de dérivation estimé à 80 0/0. Pour des besoins ponctuels non couverts par ce réservoir « interne » de notices non localisées, les catalogueurs auront de plus la possibilité de dériver des notices en Z39.50 à partir de réservoirs « externes » tels que, le cas échéant, le catalogue de la Bibliothèque du Congrès.
Réservoir interne, réservoirs externes, on se trouve bien ici dans une logique d'économie des ressources : limitation du travail de production bibliographique par une offre de notices riche et pertinente ; mutualisation des coûts.
Le travail de production bibliographique sera également facilité par la mise à disposition en ligne des référentiels d'autorité. Ainsi, lors de la création des notices bibliographiques, l'ensemble des points d'accès sous autorités sera contrôlé en ligne par les référentiels correspondants : pour les autorités matière, RAMEAU pour l'ensemble des notices quel que soit le type de document et, facultativement, F-Mesh ; autorités auteurs noms de personnes et collectivités. Les autorités auteurs noms de personnes et collectivités, bien que reprises des fichiers autorités de la BnF, seront gérées de manière autonome ; on disposera certes des mises à jour de ces fichiers, mais on évoluera progressivement, au fil de la création de nouvelles autorités dans le SU, vers la constitution d'un référentiel auteurs noms de personnes et collectivités propre au SU, les besoins du SU n'étant pas tous couverts par la bibliographie nationale. En revanche, l'évolution du référentiel autorités matière dans le SU sera parfaitement calquée sur celle de RAMEAU. Comme c'est déjà le cas, la gestion de RAMEAU par la BnF comportera un volet coopératif : les catalogueurs du SU pourront en effet émettre des propositions d'évolution du référentiel, intégrées provisoirement dans le SU, puis examinées par la BnF et traitées en retour par le SU.
À noter que des référentiels « d'appui pourront venir compléter les référentiels de contrôle, fichiers d'autorités dont les catalogueurs s'inspireront librement lors de la création de nouvelles notices.
On le voit, les échanges sont la clé de voûte du SU : échanges avec les bases externes mais aussi échanges avec les systèmes locaux des bibliothèques membres du réseau. Un bel outil coopératif serait en effet bien peu attractif s'il n'évitait pas aux bibliothèques d'effectuer deux fois le même travail.
Les flux d'informations entre SU et systèmes locaux sont ainsi conçus de manière à ce que l'information soit saisie une seule fois, et à l'endroit le plus pertinent. C'est en central que s'effectueront la production et la mise à jour des notices bibliographiques, ainsi que la création de données d'exemplaire ; par contre, c'est dans son propre système que la bibliothèque mettra à jour ses données locales. L'alimentation des systèmes locaux à partir du SU pourra s'effectuer en ligne et en temps quasi réel, par l'installation sur le système local d'un module Pica, ou via FTP, à un rythme pouvant être quotidien.
La cohérence de ces mises à jour réciproques nécessite le respect d'un format d'échange : ce sont les recommandations pour l'échange des données d'exemplaire en format UNIMARC, fruit de la coopération entre la BnF, l'ABES et leurs autorités de tutelle.
Deux interfaces de consultation coexisteront : l'une destinée aux professionnels, l'autre de type web. L'interface web permet d'activer les liens hypertextuels contenus dans la notice pour réorienter la recherche. Dès l'expérimentation pilote (fin 1999), le catalogue du SU ainsi que le répertoire des centres de ressources seront consultables gratuitement sur Internet. La consultation pourra être élargie au catalogue de la BnF et à celui des bibliothèques municipales rétroconverties, grâce à la passerelle Z39.50 du Catalogue collectif de France.
L'intégration des différents modules du SU permettra de lancer une demande de prêt entre bibliothèques dès la localisation d'un document. Les lecteurs habilités par la bibliothèque pourront, depuis leur poste de travail, consulter le catalogue sur Internet et intégrer les références bibliographiques dans un formulaire de prêt entre bibliothèques, traité par le service PEB de la bibliothèque. L'intégration du module ILLPiCa et de PebNet permettra aux bibliothèques équipées de ce logiciel de bénéficier des mêmes fonctionnalités qu'aujourd'hui pour la gestion locale de l'activité de fourniture de documents.
La fourniture de documents électroniques sera assurée via le module WebDOC. Non prévue au marché SU, la mise en oeuvre de WebDOC passera par une période d'expérimentation débutant en mai 1999, au cours de laquelle seront testée l'intégration de notices de documents électroniques dans le catalogue SU et l'accès à plusieurs milliers de documents.
Fonctionnalité originale par rapport à l'offre standard Pica, le système de pilotage permettra aux bibliothèques, au moyen de requêtes élaborées, de suivre précisément leur activité dans tous les domaines fonctionnels couverts par le SU.
La gageure n'est pas seulement de réaliser un outil performant et adapté aux besoins des usagers, mais aussi de faire en sorte que les changements qui vont inévitablement affecter les modes de travail individuels et collectifs s'opèrent de la manière la plus harmonieuse possible.
C'est tout d'abord, de manière très concrète, construire un catalogue cohérent à partir des données issues des 7 sources mentionnées précédemment. La reprise des données est un travail au long cours, qui fait mesurer l'extrême variété des pratiques bibliothéconomiques. Ainsi, des données en 5 formats différents doivent-elles être converties dans le format interne Pica, puis en UNIMARC bibliographique ou autorités ; autant de conversions qu'il faut mettre en cohérence, avant de traiter les inévitables doublons.
Mais c'est aussi faire en sorte que les circuits de travail collectif ne soient pas rompus, dans un contexte organisationnel en mutation. Ainsi, le circuit de production des données bibliographiques relatif aux thèses va-t-il être raccourci, les thèses étant directement cataloguées dans le SU par les bibliothèques des universités de soutenance, à partir du document original.
De la même façon, les bibliothèques universitaires prendront en charge le catalogage de leurs publications en série, jusqu'à présent confié aux centres régionaux du CCNPS. Afin d'éviter de gérer des mises à jour réciproques entre la base CCNPS actuelle et le SU pendant la période transitoire du déploiement, on prédéploiera les centres régionaux dès l'expérimentation pilote, fin 1999, les bibliothèques universitaires quittant progressivement le giron des centres régionaux au fur et à mesure de leur déploiement.
Ceci ne va pas, loin s'en faut, condamner les centres régionaux à l'inactivité. La préservation et le développement de la richesse que représentent les collections de publications en série de tous les organismes documentaires non universitaires actuellement membres du réseau CCNPS demeurent un objectif essentiel pour le SU. C'est grâce à sa structuration régionale que le réseau a pu étendre ses ramifications : 2 900 organismes localisent aujourd'hui 294 000 titres de publications en série dans le catalogue collectif. Inciter les organismes non membres à signaler leurs collections, former les catalogueurs, faire les mises à jour pour les établissements non connectés : autant de missions qu'il faudra continuer à assurer pour les bibliothèques et centres de documentation non universitaires. À la différence de la situation actuelle qui permet aux « entrées secondaires » d'effectuer en ligne la mise à jour de leurs états de collections, c'est par bordereaux que les bibliothèques non universitaires transmettront leurs demandes de mise à jour aux centres régionaux, chargés de l'ensemble du travail de saisie. Une fois le SU en production, on étudiera les conditions de faisabilité d'un accès en mise à jour au SU pour les établissements qui le souhaitent.
Pour le prêt entre bibliothèques, la question de la continuité de service se pose à la fois en termes techniques et organisationnels. Il faut en effet : d'une part, trouver une solution pour les bibliothèques travaillant sur un outil - PEB en ligne - dont l'an 2000 marquera l'arrêt définitif et, d'autre part, assurer la communication entre deux systèmes - PebNet et module ILL Pica - qui seront intégrés mais fonctionneront aussi en parallèle, tant que l'ensemble des sites PebNet n'aura pas été déployé.
Enfin, RAMEAU, application gérée sur le plan informatique par l'ABES jusqu'en 1999, rejoindra en toute logique le système d'information de la BnF qui, outre la gestion intellectuelle, prendra également en charge l'administration de la base et l'édition des produits dérivés.
Comment maintenir un biseau entre les différentes sources et le SU pour éviter une interruption dommageable de la production bibliographique dans les outils collectifs ? Plusieurs scénarios de déploiement étaient envisageables, parmi lesquels le « big bang », bascule simultanée de l'ensemble des bibliothèques dans le nou-veau système, et le « small bang », bascule en trois étapes,source après source. Les difficultés logistiques inhérentesà la première solution ont porté le choix sur le secondscénario, qui réduit les risques et permet de mieux maî-triser la montée en charge de la production. L'ordre dedéploiement des sources privilégie le réseau BN-Opaledont le système de production s'interrompt en juin 99 ;viendra ensuite SIBIL qui passe l'an 2000 mais ne seraplus maintenu ; puis les bibliothèques AUROC consti-tuant la troisième vague de déploiement.
En amont, l'expérimentation pilote, véritable déploiement anticipé sur 7 sites pilotes, permettra à l'automne 99 de vérifier le fonctionnement de l'ensemble des dispositifs techniques, fonctionnels et organisationnels prévus pour l'opération de déploiement grandeur nature, qui débutera au début de l'année 2000. Ce sera l'occasion notamment de tester la formation et la documentation, dont on connaît l'importance pour la maîtrise de l'outil.
Tandis que la formation initiale au SU des sites pilotes sera assurée par Pica et Bull, la formation de plus de 1 200 personnes dans 103 établissements devra s'appuyer sur une équipe de 20 à 30 formateurs-relais, formée au dernier trimestre 1999, qui démultipliera la formation tout au long de l'année 2000. Le planning de la formation sera étroitement calqué sur celui du déploiement du SU, l'objectif étant de réduire au maximum l'écart entre formation et prise en main du système. La préparation de cette vaste opération passe par la constitution du réseau de formateurs-relais, la mise au point des plans de formation, mais aussi, du côté des bibliothèques, par une éventuelle mise à niveau des équipes sur un certain nombre de prérequis : familiarisation avec l'environnement Windows, avec l'utilisation d'un navigateur, d'un logiciel de messagerie, mais aussi sur le plan bibliothéconomique, dans le cas des catalogueurs-indexeurs par exemple, apprentissage du format UNI-MARC-UBCIM et de RAMEAU.
Loin de se réduire à l'installation d'un logiciel sur de multiples sites, le déploiement doit favoriser l'appropriation du système par les « utilisateurs », c'est-à-dire à ce moment du projet les professionnels des bibliothèques universitaires. Si la formation y contribue pour une bonne part, la mobilisation est d'autant plus grande que les utilisateurs auront été associés plus tôt au projet.
Dès le schéma directeur, des groupes de travail ont été mis en place pour permettre l'expression des besoins à prendre en compte dans le programme fonctionnel détaillé. Fin 1996, la commission de choix du maître d'oeuvre a associé des représentants des réseaux de bibliothèques et de l'ADBU, dont la voix a ainsi pesé dans l'analyse des offres et bien entendu le choix du prestataire. Une fois le projet en phase de réalisation, deux types de groupes d'utilisateurs ont été mis en place.
Quatre groupes de travail ont pour mission d'étudier les fonctionnalités du nouveau système : production et gestion scientifiques, consultation, fourniture de documents et système de pilotage. Au premier semestre 1998, ils ont évalué les fonctionnalités et les interfaces du logiciel standard Pica et aidé les experts de l'ABES à préciser les évolutions nécessaires pour adapter au mieux le produit existant aux besoins des utilisateurs ; à la fin de la tranche 1 (avril-mai 1999), ils participeront à la recette du logiciel final.
Quatre groupes de travail « réseaux ont dégagé les principes de fonctionnement actuel, les services offerts, les modes d'organisation de chaque grand réseau dont les données seront reprises dans le catalogue du SU : AUROC, BN-Opale, CCNPS, SIBIL Cet état des lieux a pris la forme, pour chaque réseau, d'un rapport de synthèse, disponible sur le web de l'ABES. Ce travail descriptif est la base de recommandations sur le futur réseau, dont la discussion a fait apparaître convergences et divergences entre les différents groupes, tant il est vrai que chaque réseau a développé une véritable de culture de travail coopératif. Différents thèmes restent à creuser, sur lesquels desreprésentants des réseaux seront encore sollicités : for-mation et documentation, règles de catalogage et orga-nisation de l'administration de la base, relations entre lesdifférents échelons du réseau, principes de tarification,relations entre système central et systèmes locaux...Autant de sujets sur lesquels l'expérience accumulée parles réseaux actuels constitue un précieux acquis.
Mais ce sont bien sûr les sites pilotes qui sont le plus étroitement associés à la mise en oeuvre du SU. L'objectif de l'expérimentation étant de tester l'ensemble des fonctionnalités du système mais aussi les dispositifs de déploiement, il était important que les sites pilotes participent à la préparation de l'expérimentation. Une longue phase préalable a d'ores et déjà débuté, au cours de laquelle les correspondants des 7 bibliothèques vont contribuer à l'élaboration et à l'acceptation du plan de formation et du dossier d'expérimentation, fournir des informations sur le contexte local et exprimer leur avis sur un certain nombre de dossiers au fur et à mesure de l'avancement du projet.
On imagine sans peine que la dernière année avant le SU ne sera pas paisible et sereine. Un calendrier très serré, une forte contrainte de continuité de service, 330 sites à déployer, la construction à partir d'éléments hétérogènes d'un catalogue et d'un réseau unique : autant de défis qui font de ce projet une entreprise non dénuée de risques mais en tous points passionnante. +