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    Bibliothèques et Musées, quelles coopérations ?

    Journée d'études ABF du 28 septembre 1998

    Par Françoise Rossini-Paquet, Documentaliste Musée national Message Biblique Marc Chagall
    Par Marie-Christine Grasse, Conservateur musées de Grasse
    Par Francine Guibert, Conservateur bibliothèques-médiathèque municipales de Grasse
    Par Christian Gay, Responsable Bibliothèque Jean Laude
    Par Nicole Picot, Présidente sous-section des bibliothèques d'art
    Par Françoise Leresche, SCD Lyon 3
    Le groupe régional de l'ABF Provence-Alpes-Côte-d'Azur a organisé une journée d'étude sur le thème « Bibliothèques et musées: quelle(s) coopération(s) ? ». Cette journée s'est déroulée à l'Ecole Pilote Internationale d'art et de recherche, Villa Arson à Nice. Elle a réuni 75 personnes de toute la région accueillies par l'équipe de la bibliothèque. Nous présentons ici les textes des interventions.

    Bibliothèque de Musée

    Il est très difficile de parler au nom des bibliothèques de musée de façon générale. Je vais néanmoins essayer de vous brosser un état des lieux d'une bibliothèque de petit musée. Cette précision est nécessaire car un grand musée ne fonctionne pas tout à fait de la même façon.

    Je voudrais vous décrire donc une bibliothèque particulière, spécialisée en art bien sûr mais également centre de documentation.

    En premier lieu la bibliothèque du Musée Marc Chagall ne reçoit du public, chercheurs, étudiants, ou autre que sur rendez-vous. C'est donc une entité close, fermée sur elle-même. C'est d'abord une bibliothèque pour la Conservation du musée, source d'ouvrages et de documents pour le personnel scientifique en charge de la préparation des expositions et de leurs catalogues ou d'ouvrages d'histoire de l'art. C'est également un centre de documentation dont la fonction est d'autant plus marquée que le musée est monographique. Ainsi donc est créée toute une série de dossiers documentaires : dossiers de presse sur l'artiste, dossiers de localisation des oeuvres du peintre dans les collections publiques ou privées du monde entier. Nous faisons également un suivi des ventes aux enchères concernant Marc Chagall avec une alimentation d'une base de données informatique.

    Je ne dois pas omettre l'élaboration et la mise à jour de dossiers oeuvres appartenant au musée. Ces dossiers sont de véritables fiches signalétiques de l'oeuvre, ils contiennent toutes les caractéristiques, toutes les étapes de la vie de l'oeuvre depuis son arrivée au musée et parfois même avant. Ces dossiers nous sont indispensables. Lorsque nous prêtons une oeuvre pour être exposée, en consultant son dossier, les documentalistes du musée emprunteur pourront avoir une base de travail pour la rédaction de la notice de l'oeuvre.

    Dans notre musée nous avons un fonds photographique géré par la bibliothèque. Cela nécessite donc une fonction de traitement documentaire de l'image et de gestion éventuelle de prêt à des éditeurs.

    La collection d'ouvrages de la bibliothèque Chagall en particulier contient des livres d'histoire de l'art, bien sûr, avec un fonds d'ouvrages sur Chagall aussi complet que possible, mais également un fonds important d'ouvrages sur les religions. Ce qui se comprend par les termes Message Biblique de la dénomination du musée.

    Cependant ce que nous appelons livres d'art, ces magnifiques porte-folios tirés à très peu d'exemplaires que sont les livres de peintres ne sont pas dans la bibliothèque du musée. Tellement somptueux que considérés comme oeuvre d'art à part entière, c'est le musée qui se substitue à la bibliothèque pour la conservation de tels ouvrages. Il y a donc un glissement de la fonction patrimoniale de la bibliothèque vers le musée. Inutile de vous expliquer que la consultation de ce type d'ouvrages par simple curiosité est impossible et que l'éventuel consultant doit fournir une argumentation très sérieuse pour cela.

    Les fonctions de bibliothécaire-documentaliste sont donc aussi multiples que variées.

    En tant que bibliothécaire : nous classons, indexons, cataloguons, enregistrons, achetons, en un mot nous gérons de façon tout à fait classique la bibliothèque.

    En tant que documentaliste, nous créons et alimentons les dossiers documentaires, et il se trouve que cela est sans fin car il y a toujours de nouvelles idées de dossiers à créer qui pourraient se révéler utiles dans le futur. Nous réalisons également tout un travail de recherches bibliographiques et iconographiques. Après avoir déterminé le thème d'une exposition il faut rechercher les oeuvres qui pourraient être présentées et la liste établie est toujours beaucoup plus importante que celle retenue in fine. En effet nous avons toujours des refus de prêt. Evidemment il faut trouver tout ce qui a été écrit sur les oeuvres présentées. Ces recherches sont évidemment nécessaires pour la vie du musée, une exposition par an au musée Chagall, cela se prépare. En réalité je suis constamment en train de préparer une exposition. En effet, pour chaque catalogue il faut faire une bibliographie sélective, trouver les documents nécessaires à la rédaction des textes accompagnant la représentation des oeuvres, établir index, glossaire, biographie, chronologie, enfin bref toutes les annexes d'un ouvrage qui demandent beaucoup de travail et que seuls les professionnels de la culture lisent parfois.

    Ainsi donc nous partageons notre temps entre deux activités dans le meilleur des cas. Il faut donc essayer de gérer au mieux notre temps afin que la bibliothèque ne souffre pas d'un retard trop important dans le catalogage de nouveaux ouvrages.

    La bibliothèque de musée est tournée vers les activités de son musée mais nous ne sommes pas pour autant fermés aux autres musées. En effet, il y a une coopération étroite entre les centres de documentation, parfois par le prêt d'ouvrages en ce qui nous concerne avec le musée Fernand Léger, ou par des échanges de catalogues d'exposition. En fait s'instaure un genre de service question-réponse entre documentalistes des musées, des bibliothèques publiques, ou des bibliothèques d'écoles d'art. Nous utilisons les fonds de ces bibliothèques en complément des nôtres chaque fois qu'il faut organiser une exposition.

    Cependant, je regrette un peu que la collaboration avec les bibliothèques de lecture publique ne soit pas plus développée. En effet on pourrait peut-être penser à une coopération dans l'organisation d'expositions documentaires sur des artistes ou des techniques artistiques et pourquoi pas des conférences.

    Pour conclure, le travail de documentaliste dans un musée tient de celui de femme ou d'homme orchestre.

    La bibliothèque municipale de Grasse, quel partenariat avec les musées ?

    La Ville de Grasse, situation générale

    Le département des Alpes-Maritimes comprend en 1990 près d'un million d'habitants.

    Ce département a été créé en 1860 par la réunion du comté de Nice et d'une partie de la Provence (département du Var).

    Grasse, ville de fondation romaine, d'une population estimée à 7 000 habitants dès le XIIesiècle, puis ville « franche », est rattachée à fa Provence au XIIIesiècle, et a été soumise aux guerres de Religion au XVIe siècle.

    Ville de tanneurs puis de parfumeurs, elle se développe surtout aux XVIIe et XVIIIe siècles et a une population de près de 12 000 habitants à la Révolution.

    Chef-lieu de district, en remplacement de Toulon de 1793-1794, elle est ensuite sous-préfecture du Var (1815) puis des Alpes maritimes (1860). Ville des parfums, station climatique (1922) elle compte 44 000 habitants ou dernier recensement (1990) et se place au 4erang des villes du département (après Nice, Antibes et Cannes).

    Grosse compte trois musées municipaux contrôlés par le ministère de la Culture.

    Le musée d'Art et d'Histoire de Provence.

    L'histoire de Grasse se rattache à celle de la Provence depuis 1227 et on retrouve dans l'architecture de la cité, au hasard des rues et des places, des accents véritablement provençaux.

    Situé dans l'une des plus élégantes demeures gras-soises du XVIIIesiècle, l'ancien hôtel particulier de la Marquise de Clapiers-Cabris, soeur de Mirabeau, le musée évoque la vie quotidienne en Provence Orientale de la préhistoire à nos jours.

    Faïences, céramiques, mobilier, objets d'art décoratif, peintures illustrant un véritable art de vivre provençal bénéficient depuis peu d'une présentation rénovée. Parallèlement, de nombreuses salles fermées depuis plusieurs années sont aujourd'hui accessibles au public, qui découvre également de nouvelles sections.

    Le Musée international de la parfumerie.

    Le parfum a rendu Grasse célèbre dans le monde entier. Il était donc parfaitement légitime de l'honorer en consacrant un musée à son histoire et à l'évolution de ses techniques à travers les siècles.

    De la composition parfumée, avec l'utilisation de matières premières végétales, animales ou synthétiques, à la fabrication (enfleurage, distillation, extraction le musée dévoile toutes les étapes de la création d'un parfum.

    Ce voyage dans le monde des odeurs se poursuit dans la salle des vitrines, avec la remarquable collection de flacons de l'antiquité à nos jours, et dans la serre avec des plantes à parfum telles que jasmin, vétiver, rose de mai ou vanille, cultivées sur les toits du musée.

    La villa-musée Jean-Honoré Fragonard.

    Jean-Honoré Fragonard, célèbre peintre du XVIIIe siècle, séjourna à Grasse, sa ville natale, dans les années 1790. Le musée qui lui est dédié abrite quelques-unes de ses oeuvres ainsi que celles de sa famille : Marguerite Gérard, sa belle-soeur, Alexandre-Evariste, son fils, Théophile, son petit-fils.

    Les visiteurs découvrent également dans cette élégante bastide de la fin du XVIIesiècle, aux jardins complantés de palmiers et d'essences raffinées, une étonnante décoration en trompe-l'oeil attribuée à AlexandreÉvariste Fragonard, alors âgé de 13 ans.

    Seuls le musée d'Art et d'Histoire de Provence et le Musée international de la parfumerie comprennent une bibliothèque. En effet, dès la création du premier musée d'art provençal (MAHP), alors appelé Musée Fragonard, François Carnot, son fondateur, décide que chaque section d'objets doit être accompagnée d'un fonds documentaire.

    Ainsi, dès 1918, il commence à rechercher et acheter des ouvrages que, généreux mécène, il offre au musée. D'autre part, il sollicite les érudits locaux, les collectionneurs, obtenant ainsi de nombreux dons.

    Cette politique permet de faire entrer dans les collections des ouvrages anciens tout comme les dernières publications.

    Le fonds s'enrichit vite des plus anciennes histoires de Provence (Abbé Papon, 1777, César de Nostradamus, 1614, Honoré Bouche, 1664... pour n'en citer que quelques-unes) ainsi que d'ouvrages précieux tels, par exemple, une rarissime édition des oeuvres du poète d'origine grassoise Louys Bellaud de la Bellaudière (1545).

    À côté de l'histoire, les sections de sciences annexes : héraldique, numismatique, archéologie... celles d'ethnographie, de céramologie, de parfumerie, botanique prennent de l'importance.

    Dans la section Beaux-Arts, les ouvrages concernant J.-H. Fragonard sont privilégiés, puisqu'il n'existe pas de bibliothèque distincte.

    Les administrateurs, également, participent à l'enrichissement de ce fonds exceptionnel : le vicomte de Noailles offre un album renfermant des dessins originaux de Ferdinand Bac pour la réorganisation du jardin de la Villa de Croisset, Madame Geneviève Champin, vice-présidente pendant plusieurs décennies, lègue un important fonds d'archéologie, François Giscard d'Estaing, petit-neveu de François Carnot, récemment encore, offre les six rares et importants volumes du Répertoire de la faïence française.

    Parallèlement, la bibliothèque s'enrichit de fonds complémentaires : 2 500 gravures, un millier de photographies et cartes postales anciennes et, bien que ce ne soit pas la vocation d'un musée, d'archives historiques provenant de dons ou de sauvetages.

    De 1980 à 1989, période de création du Musée international de la parfumerie, l'accent est mis sur la documentation concernant la parfumerie : ouvrages anciens et écrits, archives et prix faits des XIXeet XXe siècles, sont systématiquement récoltés. En 1989, cet ensemble est physiquement séparé de la bibliothèque du musée d'Art et d'Histoire de Provence pour être transféré au Musée international de la parfumerie à l'occasion de son inauguration.

    Désormais, les deux établissements poursuivent parallèlement l'enrichissement constant de leurs fonds respectifs.

    Les outils manuels, fichiers auteurs, matières, ne permettaient plus l'exploitation rationnelle de fonds devenus trop importants ; l'informatisation des fichiers est désormais en cours au Musée international de la parfumerie et est envisagée pour un avenir proche au Musée d'Art et d'Histoire de Provence.

    À l'heure actuelle, les bibliothèques sont essentiellement accessibles au personnel des musées et aux chercheurs. Il serait souhaitable qu'elles soient davantage ouvertes au public. Mais il n'existe pas encore de personnel en nombre suffisant pour répondre à leur rôle de service public. En effet, les deux documentalistes des musées font également de l'administration et des animations. Comme dans la plupart des musées, elles n'ont pas reçu de formation spécifique aux bibliothèques. Cependant, une bibliothécaire, dont la mission est de réorganiser les deux bibliothèques et d'en effectuer le catalogage, vient d'être nommée aux musées. Bien que le poste se justifie au sein des musées, sa nomination est plus accidentelle que véritablement voulue par la collectivité territoriale.

    Lecture publique et patrimoine écrit : le réseau grassois

    Histoire de la bibliothèque municipale

    Pendant deux ans (1793-94), la ville étant le siège du « district », un dépôt de livres, tableaux, estampes,... etc. a été constitué, provenant des confiscations des établissements religieux et des biens des émigrés. Par la suite les restitutions et les transferts à Toulon n'ont pas diminué ce dépôt. C'est donc l'origine de la bibliothèque.

    « Dès la Révolution, (musée et) bibliothèque avait(ent) été conçu(e)(s) comme des instruments pour conserver et inventorier des valeurs patrimoniales dons le but de former des individus citoyens en complément de leur instruction publique, élémentaire comme supérieure. » (Robert Tranchida in Bulletin ABF n° 179)

    Les fonds

    Le premier inventaire date de 1794 et recense 5 811 volumes.

    Après diverses péripéties, les collections sont installées en 1801 dans la maison commune (ancien palais épiscopal) où elles resteront jusqu'en 1970.

    Elles deviennent accessibles à un public plus large dès 1824, c'est en quelque sorte le début de la lecture publique à Grasse.

    En 1876 environ 9 000 volumes sont répertoriés, puis en 1912, 18000.

    En 1970, un bâtiment neuf de 1 480m2permet d'installer les collections dans des magasins (71 5m2) et d'accueillir le public (600m2). La ville compte alors environ 32 000 habitants.

    Le bâtiment a une capacité de 100 000 volumes et devait permettre d'atteindre l'an 2000. !

    Les statistiques de 1997

    Les collections :

    • en accès indirect (magasins) 15 000 imprimés antérieurs à 1800,
      • 79 manuscrits, 13 incunables,
      • 45 000 imprimés postérieurs à 1800 cotés,
      • 18 000 imprimés du fonds de poésie contemporaine, À cet ensemble inventorié et catalogué, il faut ajouter un nombre important de documents non inventoriés.
      • 610 titres de périodiques anciens,
    • en accès direct (5 sites) 80 000 imprimés,
      • 700 cassettes vidéo,
      • 1 700 CD lasers,
      • 70 cédéroms,
      • 199 titres de périodiques en cours.

    Depuis la mise en place de l'informatisation (GEAC-ADVANCE). fin 1996, 17 016 notices bibliographiques figurent dans la base. Le catalogage rétrospectif devrait s'intensifier en 1999.

    Les statistiques du prêt : 152 400 prêts annuels.

    Les lecteurs :

    Le nombre de lecteurs actifs inscrits est de 5 863. Une cotisation de 25 F à l'inscription (annuelle) est demandée pour les adultes uniquement (sauf adultes en difficulté).

    La dépense de la Ville, pour les achats de documents (support papier) est de 560 000 F.

    Enfin, le personnel est égal à 19 temps plein.

    Les publics de la bibliothèque

    À partir des statistiques, on sait que ces publics sont en grande majorité grassois (80 °/o), mais viennent également du département des Alpes-Maritimes et des départements limitrophes (20 %), du Var essentiellement.

    La période de fréquentation importante se situe entre octobre et mai.

    Les lecteurs de moins de 14 ans sont les plus nombreux (48 %), les 14-18 ans (12 0/0) et les plus de 19 ans 40 o/o.

    Récemment, la bibliothèque a pu faire entrer par acquisitions des supports autres que l'imprimé (ou reproduisant de l'imprimé, microfiches, microfilms). À l'occasion de la création de l'annexe médiathèque du centre ville ouverte en février 1997 des CD, cassettes vidéo, et cédéroms sont mis à disposition du public.

    La bibliothèque a intégré, dans ses missions, l'animation depuis la fin des années 70, avec la mise en place du secteur jeunesse.

    L'animation prend en compte tout ce qui concerne « l'écrit » et vise à permettre au public de rencontrer les éditeurs, les auteurs, les illustrateurs, etc. Il s'agit d'actions en profondeur (durée et temps forts).

    La bibliothèque a engagé des relations fortes avec le milieu scolaire, surtout auprès des enfants des classes primaires, maternelles (368 classes reçues en 1997 soit 8 768 enfants) ainsi que les crèches et le Centre de protection maternelle et infantile.

    Avec la prise de conscience des questions liées à l'illettrisme, l'importance d'une bonne acquisition de la lecture de l'image a été encouragée par des rencontres avec des artistes, des photographes et plus récemment des vidéastes. L'organisation d'ateliers d'écriture en direction de différents types de publics complète ces actions.

    Les activités pédagogiques mettent les enfants en situation active, ils ont la possibilité de découvrir les étapes de la création (d'un livre, d'une image, d'une oeuvre d'art).

    Quel partenariat, quelle coopération avec les musées ?

    La bibliothèque de Grasse, une ressource pour les musées et inversement !

    La lecture de l'ouvrage Le Patrimoine des bibliothèques (éd. Payot) permettrait de préciser l'importance des fonds anciens et patrimoniaux.

    Il faut, de plus, distinguer des fonds à caractère muséographique, d'origine et d'époques variées, notamment,

    • des collections d'affiches anciennes, d'estampes, de cartes, de plans, de tableaux, de manuscrits et de dessins d'artistes,
    • des collections de plus de 400 pipes léguées par la Baronne de Rothschild.

    Un emploi de catégorie B est affecté à ce secteur depuis 1982.

    Plusieurs dossiers de restauration auprès de la DLL pour les documents les plus précieux (principalement sur support papier) ont permis une mise en valeur certaine des fonds.

    Le catalogage des fonds anciens avec la reprise des notices manuscrites anciennes est en cours. Un inventaire progressif des documents isolés est effectué (brochures, cartes postales, photographies...).

    La bibliothèque participe au CCN (périodiques morts) et au dépouillement des périodiques (Cd-rap).

    La mise en valeur se fait par des expositions temporaires. Par exemple : « La Modernité de la Côte d'Azur » (en 1997) en étroite collaboration avec les expositions des musées de Grasse (ressource documentaire, ressource documents rares, prêt à d'autres structures) et présentation à la bibliothèque d'une exposition sur les livres rares des écrivains en résidence à Grasse durant cette période.

    L'exposition d'octobre 1998 « La description de l'Egypte » à partir de l'édition originale des fonds anciens de la bibliothèque et avec des prêts d'objets des musées de Grasse, d'archéologie méditerranéenne de Marseille, Fesch d'Ajaccio, de La Castre de Cannes et de la chalcographie du Louvre en est un autre exemple.

    Des actions communes : dans le cadre d'activités pour les scolaires, menées autour du roman « Le parfumée Patrick Suskind. Le héros se déplace dans la cité des parfums au XVIIIesiècle. Au cours d'un travail commun, les élèves ont participé à plusieurs séances à la bibliothèque et aux musées afin de différencier les descriptions fictives du roman des aspects réels de l'architecture encore in situ dans la ville ou des techniques de parfumerie exposées au Musée international de la parfumerie.

    Bien d'autres opérations peuvent être menées dans la même optique.

    La bibliothèque de Grasse : un partenaire pour les musées de Grasse dans le cadre de la politique culturelle de la ville

    Ce partenariat est issu d'une certaine complémentarité des fonds « bibliothèque » et « documentation » entre le Musée d'Art et d'Histoire de Provence, le Musée international de la parfumerie et la bibliothèque. Des contacts pour réfléchir dans un premier temps à un catalogue commun pour les imprimés ont été pris.

    La volonté d'harmoniser les propositions des services culturels en direction du milieu scolaire (primaire surtout), s'est traduite par la création par l'Adjoint délégué aux affaires culturelles d'une commission « MICAP », et par la mise à disposition d'un personnel pour assurer la coordination des offres de « services pédagogiques » de la part des structures culturelles municipales.

    Un exemple : les expositions autour de « La modernité de la Côte d'Azur », réparties sur quatre lieux culturels grassois (le MIP, le MAHP, la villa-musée Fragonard et la bibliothèque municipale) ont permis de faire circuler le public.

    Il faut y voir une volonté des responsables des structures d'élargir leurs publics et de répondre à la demande des élus.

    La bibliothèque de Grasse : partenaire de projets de musées, avec la ville.

    Exemple « L'Art en jeu » : à la suite de l'appel à partenariat de l'Atelier des enfants du centre Georges-Pompidou, avec deux autres villes de la région et de la DRAC (financement). la ville de Grasse a été coproductrice de cette exposition itinérante.

    Différents niveaux de partenariat, aussi bien pour la formation de professionnels de bibliothèques de musées et de structures d'animation ont pu se mettre en place au niveau régional et départemental.

    Un inventaire des services pédagogiques des musées du département et une sensibilisation des enseignants ont laissé des traces durables.

    La bibliothèque de Grasse : ressource dans la politique des sites

    pour l'expérimentation du développement de l'éducation artistique, grâce au Fonds Vendel de poésie contemporaine issu du dépôt légal (depuis 1950).

    À Grasse le Pôle a permis d'encourager le développement de la coopération de proximité avec les musées locaux et départementaux notamment au niveau des rencontres entre les équipes des services pédagogiques pour les musées et du personnel de la bibliothèque ainsi que la rencontre pour les élèves avec les artistes et leurs oeuvres.

    Pour conclure

    Dans l'avenir, les axes suivants se dégagent des préoccupations communes aux responsables des musées et de la bibliothèque :

    • conservation et mise en valeur des collections (au sens large) entre les bibliothèques des musées et la bibliothèque municipale ;
    • informatisation, catalogue partagé, acquisitions, numérisation...
    • mise en commun des ressources documentaires et d'information (déjà pratiquée au coup par coup) ;
    • développement du multimédia et des réseaux d'information et de communication déjà préfigurée dans la présentation multimédia de l'« anneau culturel grassois à la médiathèque.

    Bibliothèque de musée et réseau : l'exemple de la Bibliothèque Jean Laude au sein de BRISE

    Dans la première partie de son intervention Christian Gay retrace l'historique de Brise (Bibliothèques en Réseau Informatisé de Saint-Étienne) ; il analyse son fonctionnement.

    Le lecteur pourra se reporter au n° 168 du Bulletin et plus particulièrement aux articles d'Emmanuel Dousset et Monique Lenoir.

    (NDLR)

    La bibliothèque Jean-Laude

    En 1967, lors de sa prise de fonction comme conservateur du Musée d'art et d'industrie de Saint-Étienne, B. Ceysson décide de créer une véritable bibliothèque d'art, destinée au personnel du musée, mais aussi ouverte à des utilisateurs extérieurs (étudiants, enseignants).

    Cette volonté s'appuie sur la conviction que l'accès à l'art moderne et contemporain ne peut se faire que si l'on propose, à côté des expositions, des conférences, les moyens au public le plus large de s'informer, de se documenter et ainsi de se former. La création d'un service pédagogique ou d'animation répond au même souci.

    Malgré un budget réduit pour le musée d'art et d'industrie, à cette époque, le conservateur s'attache à en consacrer une part, même minime, à l'achat d'ouvrages et à des abonnements à des publications françaises et étrangères.

    Mais la source principale d'accroissement du fonds de la bibliothèque est une politique d'échange de publications soutenue avec les musées français et étrangers

    ayant des collections et une politique d'expositions comparables à celles du MAI.

    Cette politique d'acquisition s'est poursuivie régulièrement pendant toutes ces années et elle s'est amplifiée lors de l'ouverture du Musée d'art moderne dans un nouveau bâtiment en 1987 : la BJL, à partir de cette date, s'est vu dotée d'un budget propre important (190 000 F). Cet apport lui a permis de consolider les deux axes de sa politique d'acquisition.

    D'une part, documenter la collection du musée en réunissant toutes les publications (livres, catalogues, revues...) concernant les artistes et les mouvements présents dans cette collection.

    D'autre part, constituer un fonds de référence pour l'étude de l'art moderne et contemporain, susceptible d'avoir un rayonnement régional, voire national.

    Elle est considérée, il est vrai, comme l'une des plus importantes bibliothèques d'art en province, notamment pour le XXe siècle.

    Pour satisfaire à ces deux axes d'acquisition, la BJL achète la production éditoriale courante, de langues française et étrangères, dans ces domaines de compétence (peinture, sculpture, arts graphiques, photographie, design, esthétique, muséologie).

    Mais une part des achats a également un caractère rétrospectif, afin de combler ses lacunes concernant les documents essentiels de l'histoire de l'art du XXe siècle : collections de revues, catalogues plus ou moins anciens, livres de références, etc.

    À côté des achats proprement dits, les échanges de publications (celles éditées par le musée ; la gestion de nos doubles en échange se révèle extrêmement lourde) avec les autres musées représentent chaque année environ 2 000 nouvelles entrées à la bibliothèque.

    L'ancienneté de cette politique d'échanges et le nombre de partenaires, 320, expliquent la richesse de son fonds de catalogues d'expositions, et la situe à un échelon important dans le réseau national et international.

    Les dons, en 1986 et 1993, de deux bibliothèques personnelles, ont enrichi de manière remarquable les collections.

    La première, celle de Jean Laude, historien de l'art (spécialiste des rapports entre l'art moderne et les arts primitifs) et poète (membre du Surréalisme révolutionnaire, dans l'après-guerre), donnée par sa fille, après sa disparition, témoigne de ses multiples centres d'intérêt et de son activité de chercheur.

    Ce don s'explique par les liens d'étude et d'amitié que Jean Laude entretenait avec Saint-Étienne ( Il avait animé régulièrement les colloques d'histoire de l'art qui s'y sont déroulés dans les années 1970, Le cubisme, Le retour à l'ordre, etc.).

    Parmi les 3 000 documents donnés, figurent des éditions originales, notamment surréalistes, des revues d'avant-garde devenues rares (Cobra), des éditions illustrées ou dédicacées.

    En remerciement et en hommage, le nom de Jean Laude a été donné à la bibliothèque du MAM en 1987.

    La deuxième bibliothèque personnelle, celle de Vicky Rémy, illustre son activité de collectionneur, s'attachant à réunir autour des oeuvres et des artistes de sa collection tous les documents susceptibles d'éclairer la démarche de création. Ainsi, revues, catalogues d'expositions, livres illustrés côtoient cartons d'invitation, photographies, dossiers de presse, tracts, constituant un ensemble remarquable sur les années 70, au même titre que les 700 oeuvres de sa collection données au musée en 1993.

    La présence des fonds Jean Laude et Vicky Rémy, où figurent éditions originales et livres illustrés contemporains, a conduit naturellement la BJL à consacrer chaque année une part de son budget à l'acquisition de ce type d'ouvrages, dans une perspective patrimoniale soucieuse de cohérence avec la collection du musée.

    Au cours de la discussion, je vous donnerai des éléments concrets, si vous le souhaitez : 34 000 volumes, 620 titres conservés, 120 abonnements, dossiers d'artistes, gestion des archives photographiques des expositions, etc.

    La BJL au sein de BRISE

    Lors de l'ouverture du MAM en décembre1987, la BJL disposait de moyens nouveaux (locaux, financiers, personnel professionnel...), mais son catalogue restait disponible uniquement sous forme de fichier papier ; son informatisation n'avait pas été prévue à l'occasion du déménagement. L'opportunité d'un don de matériel informatique (IBM : promotion du nouveau OS 2 à l'époque) nous avait conduit à l'envisager rapidement.

    Mais dès que le projet BRISE fut évoqué, la BJL fut sollicitée pour y participer. Après accord, elle fut donc associée, avec les autres bibliothèques, aux différentes phases de mise en place du réseau.

    Les avantages de cette participation étaient de plusieurs ordres :

    • expression et prise en compte (au moins partielle) de besoins spécifiques (par ex. : niveau de catalogage, gestion des échanges, etc.),
    • partage avec les collègues de l'investissement en temps sur le projet,
    • économie de dépenses (dans la mesure où la BM prenait en charge directement les investissements pour les sites municipaux, seule restant à leur charge la liaison spécialisée. En outre, il me paraissait difficile, voire contradictoire, de solliciter isolément la ville pour informatiser un établissement, alors qu'un projet global existait),
    • mise à disposition du fonds de la BJL auprès d'un public plus large, confortant ainsi cette volonté d'ouverture,
    • coopération professionnelle, exigeante et contraignante par certains aspects, mais rompant l'isolement des petites unités.

    À toutes les étapes du projet, la méthode de travail a été de constituer des groupes multipartenaires : la BJL y a toujours été présente, s'investissant plus particulièrement sur des thèmes proches de ses préoccupations : le catalogage, la recherche, Rameau, la bibliothèque n'utilisant pas les modules AQC et PRT.

    J'évoquais plus haut le prochain renouvellement du système informatique : la BJL participe naturellement à cette nouvelle étape. Un questionnaire adressé à tous les établissements sur les évolutions qu'ils souhaitent voir prendre au futur système et une première réunion ont permis de dégager une synthèse qui sera présentée au cours d'un comité de pilotage pour validation par le service informatique de la ville.

    En résumé les nouveaux services ou fonctionnalités attendus sont les suivants (hors spécifications techniques, que je ne maîtrise pas) :

    • amélioration de l'ergonomie et de la convivialité, pour les professionnels et le public (environnement micro),
    • accès et participation aux catalogues externes : par ex. la BNF a un projet de base bibliographique de livres illustrés et livres d'artistes, pour lequel la BJL a été sollicitée,
    • création d'un serveur WEB,
    • mise en réseau des collections de publications numérisées (Cédéroms),
    • programme de numérisation de fonds (textes, images fixes ou animées, ex. archives de la cinémathèque) (la BJL pourrait par exemple numériser un certain nombre de ses dossiers d'artistes ou l'ensemble des documents autour d'une exposition du musée),
    • gestion des autorités bibliographiques.

    Une question importante a été soulevée : la nécessité de prendre en compte la saisie rétrospective des fonds lors d'une réinformatisation ; en effet cela n'a pas été le cas en 1987, et si certaines bibliothèques ont pu assurer cette tâche en raison du nombre réduit de documents ou grâce à des moyens en personnel, d'autres n'ont pu le faire (BM pour un partie de son fonds local, et la BJL qui n'a jamais pu obtenir les moyens au cours de ces 10 ans, bien que des études aient été menées).

    Ce point, qui n'a pas à voir directement avec la notion de réseau, n'a pas été négligé cette fois-ci : la saisie rétrospective des fonds sera étudiée et budgétisée.

    En intégrant les évolutions technologiques, le nouveau système devrait avoir un visage séduisant : sur un même poste de travail le lecteur peut accéder à la référence d'un document, au document lui-même (après numérisation), à d'autres sources d'information textuelle ou d'images.

    Ainsi la BJL pourrait proposer, au delà de la référence bibliographique d'un ancien catalogue d'exposition du musée, introuvable car épuisé, le contenu même de ce document, voire des documents associés (vues des salles d'expositions, dossiers de presse, affiches, cartons d'invitation) ou l'accès à des bases complémentaires (je pense à la liaison évidente avec les oeuvres de la collection du musée ou d'autre musées - vidéomuseum)

    En matière d'acquisitions, il pourrait sembler naturel qu'au sein de BRISE, étant donné son mode de fonctionnement « collégial », ait été mise en place une politique d'acquisition partagée.

    Cela ne s'est pas fait, n'a pas été formalisé, car les bibliothécaires du réseau intègre cet aspect dans leur pratique. Je prendrai l'exemple du domaine de l'art.

    Comme vous l'avez vu précédemment, parmi les membres du réseau figurent des établissement qui traitent de ce domaine : EASE, EBA, BU section Lettres (enseignement arts plastiques) et bien sûr la BJL.

    Chaque bibliothécaire a une connaissance empirique, fondée sur l'expérience, la pratique de plusieurs années, des orientations de chaque bibliothèque en matière d'acquisitions : ainsi la présence de la bibliothèque de l'EASE nous conduit à minorer la place de l'architecture dans notre fonds (toutefois nous achetons des monographies d'architectes lorsqu'ils ont une activité de designer, notamment s'ils figurent dans la collection du musée).

    Par ailleurs, la BJL, par son système d'échange, reçoit un nombre très important de catalogues d'expositions, plus de la moitié étant d'origine étrangère, catalogues que le budget de la bibliothèque de l'EBA ne lui permet pas d'acquérir ; elle peut donc pour ce type de documents recentrer sa politique.

    Je précise que, pour améliorer le service rendu au lecteur dans le cadre de BRISE, nous donnons régulièrement nos doubles de catalogues d'expositions à la bibliothèque de l'EBA, où ils peuvent être empruntés alors qu'ils sont uniquement consultables sur place à la BJL.

    L'approche de l'art par la BU et certains centres de recherche (Centre international d'études et de recherches sur l'expression contemporaine, déjà évoqué plus haut) intègre une dimension théorique, esthétique que nous revendiquons également, mais moins présente dans les autres bibliothèques.

    Il est un type d'ouvrage que l'on ne trouve pratiquement dans aucune autre bibliothèque, mais essentiel dans une bibliothèque de musée, c'est le catalogue raisonné d'un artiste, qui constitue un véritable instrument scientifique destiné aux spécialistes, les premiers d'entre eux étant les conservateurs.

    Je pourrais parler plus en détail de la politique d'acquisitions rétrospectives de la BJL qui la distingue des autres bibliothèque d'art du réseau, ou bien de l'approche du design différente de celle de l'EBA.

    Mais je voudrais simplement signaler une expérience de politique documentaire qui a pris forme au sein du réseau.

    Dans le cadre de l'association pour la promotion de BRISE, une commission « Périodiques » avait été créée avec comme objectif l'étude d'une conservation partagée des périodiques, étendue à d'autres bibliothèques que celles du réseau (BM Roanne).

    Ce travail, qui n'a pas eu de conclusion, a été repris par l'Association de coopération et d'échanges documentaires de la Loire (ACED42), susceptible de mieux répondre à une approche plus globale de la question, notamment au niveau régional, en partenariat avec l'Agence Rhône-Alpes pour le livre et la documentation (ARALD).

    Si on peut parler d'un relatif échec au niveau du réseau, le travail se poursuit tout de même (autres groupes de travail d'ACED 42 : animations, publication d'un annuaire, formations...).

    Pour conclure j'aimerais revenir sur l'intitulé de cette journée « Bibliothèque et musées : quelles coopérations ? », non pas de façon théorique, mais en présentant des situations qui pourront peut-être alimenter le débat.

    J'ai beaucoup parlé de la BJL mais je voudrais rappeler qu'à Saint-Étienne il existe deux autres musées, le Musée d'art et d'industrie, et le Musée de la mine, lesquels possèdent également des ressources documentaires.

    Si dans ces trois lieux, enrichir la collection constitue l'activité de base d'un service de documentation, l'importance des fonds, leur nature, leur ancienneté, l'existence ou non de fonds similaires dans d'autres bibliothèques, induisent des politiques documentaires différentes.

    Autant la BJL, par la richesse de son fonds, a vocation à être une bibliothèque de référence en matière d'histoire de l'art du XXesiècle, s'attachant à être la plus complète possible, autant la documentation du MAI est articulée sur la collection du musée, à savoir la passementerie, les armes et le cycle. Ainsi elle a recueilli la bibliothèque de travail d'Étienne Mimard, fondateur de Manufrance, restée dans son bureau, ainsi qu'un ensemble de dossiers provenant du bureau d'études de cette entreprise, qui sont une mine d'information sur certains produits (étude de la concurrence, prototypes, études techniques et financières ), dont certains exemplaires figurent dans la collection du musée, par exemple la célèbre bicyclette « Hirondelle ».

    Le fonctionnement de cette documentation dans le MAI rénové devra prendre en compte, en matière d'acquisitions, la présence à la BM d'un fonds local ancien, très riche sur ces activités qui ont marqué l'histoire de la ville.

    Il est vrai que des dons (documentation réunie par un particulier sur le cyclisme depuis de nombreuses années) et des dépôts (documentation de la Fédération française de cyclotourisme) peuvent faire de cette documentation une référence pour le cyclisme, certainement unique en France (le MAI vient d'ailleurs de publier un ouvrage sur l'histoire du dérailleur « Du vélocipède ou dérailleur moderne : la surprenante histoire des changements de vitesse » par Raymond Henri).

    (À contrario, pour l'arme, elle ne peut rivaliser avec la bibliothèque du Musée de l'armée, sauf pour l'arme de chasse).

    La coopération qui doit exister entre musée et bibliothèque s'est illustrée par exemple lors de l'achat d'une collection d'affiches de cycle intéressant les deux établissements, le MAI se portant acquéreur, après accord avec la BM, dans la mesure où sa propre collection était beaucoup plus importante et dans la mesure où certains cycles présentés sur les affiches figurent dans la collection.

    Des réflexions identiques seraient à mener également à propos de la documentation du Musée de la mine (présence de l'ENSM, avec son fonds ancien très riche, collections de la BM, documents de la cinémathèque, missions de la documentation).

    Un autre exemple de coopération bibliothèque-musée : le service des publics du Musée de la mine propose des visites thématiques du site Couriot, accompagnées de projection de films documentaires ou d'archives à la cinémathèque de Saint-Étienne.

    En résumé je serais tenté de dire qu'il n'y a pas de modèle à cette coopération et que chaque situation trouve des solutions originales.

    Pour conclure sur les bibliothèques des trois musées, il faut préciser qu'à l'heure actuelle seule la BJL est réellement organisée ; mais il est certain qu'il faudra réfléchir pour l'avenir à un fonctionnement en coopération : la gestion des échanges de publications me parait en être un bon exemple (à développer éventuellement).

    Je terminerai mon intervention en présentant deux anecdotes, pourrait-on dire, sur les rapports entre bibliothèque et musée.

    L'un des conservateurs du MAM a fait un récolement approfondi de la collection (dont l'art ancien), notamment pour faire le point sur les dépôts. Au cours de ses recherches, il a constaté qu'un ensemble de gravures, décrites dans un catalogue de la collection du musée datant de la fin du XIXesiècle, manquait. J'ai retrouvé la trace de ces gravures en faisant des recherches à la BM pour aider ce conservateur à situer grâce à des documents extérieurs les oeuvres d'art ancien acquises au XIXesiècle et au début du XXesiècle (dates exactes, moyens...) : elles sont conservées dans le fonds local de la BM. Cette situation s'explique tout d'abord peut-être parce qu'à un moment donné le musée et la BM ont cohabité dans le même bâtiment, et aussi parce que le sujet de ces gravures avait à voir avec l'histoire locale (on y trouve de nombreux portraits de personnalités) et qu'elles sont sans grande valeur artistique. La situation a été régularisée (le musée ne contestant pas l'intérêt de ce fonds pour la bibliothèque) par une convention de dépôt.

    Récemment on a découvert que, à l'inverse, le musée conservait des manuscrits enluminés, qui ont figuré dans une exposition de livres illustrés de la BM en 1956. Pour le moment la situation n'a pas été éclaircie.

    En fin de compte il semblerait que l'histoire des collections montre qu'elles ont souvent « voyagé », et que ces déplacements les ont souvent démembrées.

    Un dernier exemple : la bibliothèque de l'EBA nous a donné son fonds ancien, qui ne correspondait plus aux orientations actuelles de l'école ; la liste sommaire qui l'accompagnait nous a permis de découvrir que certaines publications en série [revues d'arts décoratifs anciennes, collections encyclopédiques) dont nous possédons des états lacunaires, trouvent là leur complément (dans le cadre de la future organisation des bibliothèques des musées, ces fonds seront répartis entre elles).

    Au sein même du musée, certains documents, en l'occurrence les livres illustrés, et encore plus, les livres d'artistes, posent la question de leur inscription à l'inventaire : oeuvres ou documents de la bibliothèque.

    Je prendrai deux exemples. Hans-Peter Feldman reproduit, sans rien en modifier, ni les commenter, mais en les accumulant, des clichés de presse (clichés photographiques et clichés opinions) soit au format d'affiches soit sous la forme de petits livrets aux couvertures cartonnées, aux titres réduits à « Bilder » (images-oeuvres), parfois réunis en ensembles.

    La donation Vicky Rémy comporte plusieurs séries de ces livres, qui ont été inventoriés comme oeuvres.

    La BJL a acheté un journal intitulé Il Dimanche 27 novembre », qui est un faux quotidien, entièrement rédigé par Y. Klein, et placé dans les kiosques le dimanche matin 27 novembre 1960. Cette publication, dont les articles, signés Y. Klein, traitent de ses oeuvres, et notamment d'une représentation théâtrale, constitue sa participation au Festival d'art d'avant-garde de Paris (nov-déc. 1960), et peut donc être considérée comme une oeuvre, conceptuelle certes, mais une oeuvre à part entière.

    On pourrait multiplier les exemples. J'ai simplement voulu montrer ici que certains « objets » peuvent engager des réflexions de fond selon le regard que l'on porte sur eux.

    Les bibliothèques de musées : leur richesse et leur rayonnement

    C' est par la préface suivante que Madame Françoise Cachin, Directeur des musées de France, introduit l'ouvrage de Marie-Thérèse Cavignac. - Les bibliothèques des musées en Aquitaine (Bordeaux : Coopération des bibliothèques en Aquitaine, 1995.- 150 pages).

    « Richesses et diversité ! La lecture de ce volume fait découvrir l'étendue des domaines couverts par les bibliothèques des musées de la région Aquitaine, qu'il s'agisse du musée Bonnat de Bayonne, ou du musée national du château de Pau, des musées consacrés à l'histoire de l'Aquitaine, du Pays Basque, du Périgord, à la Préhistoire ou à l'art contemporain, à l'hydraviation, comme aux douanes ou aux arts et traditions populaires. »

    Cette affirmation est tout aussi valable pour la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et en particulier pour la ville de Nice qui s'enrichit notamment des bibliothèques du musée Archéologique Nice-Cimiez, du musée des Beaux-arts Jules-Chéret, du musée d'Art moderne et contemporain, du musée international d'Art naïf, du musée Matisse, du musée national du Message biblique Marc-Chagall.

    Un effort considérable a été réalisé en France pour la modernisation des musées depuis plus de vingt ans, leurs bibliothèques ont suivi la dynamique de ce mouvement de rénovation.

    Nous allons tenter de décrire la spécificité de ces établissements et de définir leur place dans le musée.

    Cette intervention portera sur les bibliothèques et les centres de documentation des musées d'art.

    1 Un trésor

    Ces bibliothèques sont des gisements documentaires aux domaines très étendus : tous les arts, toutes les époques, tous les pays y sont représentés.

    Leurs collections sont très variées : en plus de l'archéologie, de l'architecture et de l'histoire de l'art (éventuelle). Elles collectionnent aussi les documents sur l' histoire, la topographie, la géographie, l'ethnologie, sur les sciences auxiliaires de l'histoire (numismatique, héraldique, sigillographie, iconologie), sur les littératures et les langues anciennes, sur la muséologie, la muséographie, sur l'histoire des collections privées et publiques.

    La typologie des documents est très riche,

    • des publications très spécialisées : thèses, mélanges, rapports de fouilles, congrès, suites, corpus, inventaires, publications de sociétés savantes,
    • des catalogues d'expositions, des catalogues de musées, des catalogues de ventes,
    • des périodiques, des tirés à part, des manuscrits, des archives, des livres dédicacés, de la littérature grise, des bases de données,
    • des images fixes et animées,
    • des dossiers documentaires contenant des cartons d'invitation, des éléments biographiques, des articles,
    • des estampes, des affiches, des photographies, des reproductions, des objets, des livres d'artistes, etc.

    Tout ceci dans des documents divers qui échappent souvent au circuit commercial.

    Ces bibliothèques sont un département du musée avec souvent également des pièces dignes des vitrines : des objets, des reliures précieuses, des exemplaires uniques.

    Les fonds patrimoniaux de ces bibliothèques ont accompagné l'enrichissement et les évolutions des musées Ils sont le reflet de leur histoire.

    2 Un trésor peu connu en dehors des institutions elles mêmes

    La sous-section des bibliothèques d'art a réalisé en 1993 un répertoire des fonds d'art en France :

    THOMPSON (Marie-Claude).- Les Sources de l'histoire de l'art en France. Répertoire des bibliothèques, centres de documentation et ressources documentaires en art, architecture et archéologie- Paris : ABF, 1993.-310 pages

    Dans l'introduction, Catherine Schmitt remarquait que parmi les 587 fonds décrits : « 208 documentations de musées et de centres d'art représentent la plus importante collection documentaire en France. »

    Ce sont plus de 2 millions de volumes, dont la moitié est à Paris.

    Certains sont la bibliothèque de référence en France sur le sujet : Guimet pour les arts asiatiques, Saint-Germain-en-Laye pour la Préhistoire, les Arts et Traditions Populaires pour l'ethnologie, la documentation du Musée national d'art moderne-Centre de Création Industrielle au Centre Pompidou pour l'art du XXesiècle.

    Ces importants gisements documentaires ont été acquis d'une manière bien spécifique qui explique leur originalité :

    Par des échanges.

    Une documentation précieuse est souvent obtenue par échanges grâce aux relations suivies avec les musées du monde entier. Cette tradition très ancienne permet d'obtenir ainsi une documentation scientifique qui n'est pas distribuée par les circuits commerciaux habituels : les musées échangent leurs publications respectives.

    Par des dons et des legs.

    Les dons et legs sont une autre source d'enrichissement des collections : de nombreuses bibliothèques conservent les documents des conservateurs du musée.

    Le fonds Alfred-Merlin (1876-1965) à la Bibliothèque centrale des musées nationaux en est un exemple. Cet éminent historien fut professeur à la Faculté des lettres de Lille, puis à l'École du Louvre où il enseigna l'histoire ancienne, la papyrologie et l'épigraphie. Il fut Directeur des antiquités de Tunisie de 1905 à 1920, puis Conservateur du Département des antiquités grecques et romaines au Louvre. Il fut aussi membre de l'École française de Rome, membre de l'Institut, Secrétaire perpétuel de l'Académie des inscriptions et belles lettres, membre de la Société des antiquaires de France. Il fit don de ses carnets de campagnes de fouilles et de dépouillements d'inscriptions latines, d'une collection de tirés à part de ses articles et de ceux de ses confrères, de nombreux ouvrages d'archéologie.

    Ce legs est un témoin précieux sur toutes les recherches archéologiques menées à son époque.

    Ces documents sont aussi significatifs pour l'histoire de la discipline que les pièces exposées dans les salles.

    Les fonds patrimoniaux de ces bibliothèques reflètent aussi l'histoire de la discipline.

    3 Des bibliothèques en mutation

    Ces fonds prestigieux doivent servir les recherches menées dans les musées. Très longtemps ces bibliothèques ont été tenues uniquement par un conservateur du musée : le volume des collections ne dépassait pas quelques centaines de livres, tous rangés dans quelques bureaux. Les musées français se sont modernisés depuis ces dernières décennies : leurs bibliothèques se sont redéployées et agrandies, certaines sont ouvertes au public.

    L'inflation de la documentation depuis les années soixante a amené les responsables des musées à confier la documentation à un professionnel.

    Dans ce même ouvrage sur les bibliothèques en Aquitaine, Monsieur Jean-Sébastien Dupuit, directeur du livre et de la lecture, notait « La fonction documentaire prend une place de plus en plus grande à l'intérieur de l'institution muséale ». La documentation est essentielle pour toutes les activités du musée : la vie des collections et leur connaissance par le public. Ils documentent les oeuvres, ils permettent de préparer les expositions, les acquisitions, les publications. Ce sont des fonds très spécialisés mis à la disposition de spécialistes, de chercheurs, grâce aux conseils des conservateurs.

    Leur modernisation est donc récente. On remarque de nombreux signes de changements dans la gestion de ces trésors.

    • L'informatisation des catalogues est commencée. Elle est même exemplaire au MNAM-CCI qui propose son catalogue sur Internet. Il suit les normes internationales
    • L'interrogation des bases de données s'y généralise, le plus souvent sur des cédéroms
    • Une volonté de coopération se dessine : ainsi le musée de Grenoble accueille les étudiants de l'université.

    De nombreuses bibliothèques de musées font partie du Catalogue collectif national des publications en série. Une interrogation rapide en dénombre 68 dont 2 à Nice, le musée archéologique de Cimiez, le musée Message biblique Marc Chagall. D'autres sont pôles associés de la BnF : telle la Bibliothèque du Musée des arts décoratifs à Paris. Certaines travaillent en réseau : le réseau BRISE de Saint-Etienne est exemplaire.

    Toutes ces habitudes de coopération leur permettent d'affirmer leur place dans le réseau documentaire régional ou national.

    Le Service des Bibliothèques et archives des musées nationaux est un autre exemple de travail coopératif. Sa mission est d'alimenter en ouvrages et en périodiques l'activité de recherche menée dans ses musées. Il assure des acquisitions pour l'ensemble de ses 24 bibliothèques et le catalogage pour une dizaine d'entre elles pour lesquelles les notices sont entrées dans un catalogue collectif informatisé avec le logiciel Géac-Advance.

    Une nouvelle étape est à l'étude qui consistera à harmoniser les différents catalogues des bibliothèques des musées nationaux afin de permettre :

    • la mise à disposition pour tous des ressources offertes notamment pour les fonds de référence, Guimet, ATP, Saint-Germain, Musée des Arts d'Afrique et d'Océanie, Bibliothèque centrale. Les catalogues deviendront consultables sur chaque site et de chaque site ;
    • le travail partagé, notamment en matière de catalogage

    4 Bibliothèque/musée

    La place de la bibliothèque dans l'institution est très variable : de la petite bibliothèque moins importante que le service de documentation au département structuré.

    Elles sont le pôle essentiel de la recherche, elles devraient être des agences bibliographiques encore plus reconnues, plus visibles à l'extérieur. Leur rôle est primordial au coeur de l'entreprise culturelle qu'est le musée.

    L'ouverture au grand public doit-elle être générale ? Est-ce ainsi qu'elles doivent affirmer leur rôle et leur valeur ?

    La répartition des missions des bibliothèques et des musées a été fixée au moment de la Révolution française. L'organisation des musées et des bibliothèques a réparti ainsi les confiscations révolutionnaires : les livres dans les bibliothèques, les objets, les oeuvres d'art dans les musées confiés aux artistes pour leur organisation.

    Dominique Vivant-Denon, premier directeur du Louvre, en 1803, demandait des livres pour sa documentation au dépôt des livres. Les musées se sont depuis dotés de bibliothèques pour leurs travaux.

    Cette répartition des fonctions est encore valable : les amateurs de documentation sont accueillis dans les bibliothèques. Très longtemps les fonds « arts » des bibliothèques municipales ou des bibliothèques universitaires furent suffisants. Il y a seulement 25 ans les ouvrages de la célèbre collection de Gallimard l'Univers des formes étaient à la Réserve de la Sorbonne maintenant ils sont en usuels dans les bibliothèques municipales, et les bibliothèques centrales de prêt.

    Nous devons maintenant faire face à l'explosion du nombre des demandes d'un public de plus en plus large et motivé. La question de l'ouverture des bibliothèques de musées à un plus large public a donc déjà été posée.

    Au moment de l'ouverture en 1987 du Grand Louvre, il y eut une proposition de constitution de bibliothèque pour le public qui ne fut pas réalisée. L'accueil du public, le rôle pédagogique du musée fut confié à un service culturel très structuré et actif. Il permet de préparer ou de prolonger la visite. D'autres musées, tout en constituant des services pédagogiques ont pu développer leur bibliothèque et l'ouvrir au public. Mais les collègues responsables de ces bibliothèques savent à quel point c'est un équilibre délicat à maintenir que de devoir répondre à ces deux types de publics aux exigences si contradictoires : la constitution et la conservation « d'un trésor» et sa mise à la disposition de tous.

    Ces bibliothèques sont des bibliothèques de recherche qui doivent servir la recherche

    Pour répondre au grand nombre il faut plus qu'un fonds important, il faut de très nombreux services aux lecteurs, du personnel que les bibliothèques de musées n'ont pas. Le rôle de médiation culturelle que la pression du public exige ne peut être tenu par les bibliothèques de musées. C'est le rôle des services culturels, de l'enseignement qui devrait être plus développé, des bibliothèques universitaires et publiques.

    Les nouvelles technologies peuvent permettre une meilleure diffusion des fonds patrimoniaux et permettre aux bibliothèques de musées de tenir leur rôle dans le réseau local ou national

    Les bibliothèques de musées pourraient assumer leur responsabilité à la fois vis-à-vis de la recherche et auprès du public, même si elles ne sont pas équipées pour le recevoir :

    • toutes les collections devraient être cataloguées et tous les catalogues devraient être accessibles à distance ;
    • la bibliothèque devrait être le catalyseur de toutes les informations produites par le musée et reçues au musée : les nombreux éléments bibliographiques et biographiques sur les oeuvres et les artistes qui intéressent tout le monde de l'art devraient être accessibles à distance ;
    • elles devraient renforcer leur place dans le réseau local. Alimentées par les demandes des chercheurs elles sont à la pointe de la recherche, leur expertise est précieuse en matière d'acquisition et d'indexation des livres et des périodiques. Elles pourraient faire partie d'un réseau d'acquisitions partagées ;
    • une étude sur les besoins en bibliographie pourrait repérer les articles essentiels au niveau local qui ne sont jamais signalés dans les grands répertoires nationaux tels la Bibliographie d'histoire de l'art, La Bibliographie annuelle de l'histoire de France et les faire connaître ;
    • elles pourraient numériser des textes épuisés essentiels et les mettre à la disposition de la communauté des historiens d'art, par exemple les salons locaux ;
    • elles pourraient proposer des banques d'images qui serviraient à l'enseignement.

    Toutes ces suggestions pourraient être le point de départ d'une collaboration fructueuse entre les différentes bibliothèques d'une région. C'est ainsi qu'elles pourront satisfaire la demande du très large public, tout en respectant leur mission fondamentale auprès de la recherche.

    Bibliothèques et musées : des catalogues collectifs sont-ils possibles ?

    Généralement considérée comme une évidence, la complémentarité des bibliothèques et des musées demeure pourtant difficile à mettre en oeuvre dès qu'il s'agit des collections et de leur signalement. De fait, parmi les projets réunissant les deux institutions, la coopération bibliographique apparaît comme le parent pauvre... et les expériences réussies sont à la fois peu nombreuses et limitées dans leurs objectifs.

    L'analyse de ces expériences permet toutefois de dégager une typologie des coopérations possibles et des obstacles auxquels elles se heurtent. En outre, l'évolution des pratiques documentaires et la généralisation des réseaux offrent en ce domaine des perspectives nouvelles qui permettront peut-être de constituer de véritables catalogues collectifs au-delà des clivages traditionnels entre les deux types d'établissements.

    Deux axes de coopération

    La coopération entre musées et bibliothèques en matière de catalogues peut s'effectuer selon deux axes principaux : le traitement des collections documentaires d'une part, et le signalement des fonds patrimoniaux d'autre part.

    Le premier axe de coopération consiste à mettre en place un catalogue collectif en réseau des collections documentaires possédées tant par les bibliothèques que par les musées.

    Les collections concernées sont essentiellement des livres contemporains (monographies, catalogues d'expositions ou de musées), des périodiques (dont certains peuvent être dépouillés) et parfois des dossiers documentaires (sur des artistes, des oeuvres, etc.). Si elles représentent l'essentiel des collections des bibliothèques (municipales ou universitaires), pour les musées en revanche, elles se limitent aux collections constituées en marge de leur fonds pour permettre l'étude et la mise en valeur de celui-ci et regroupées dans des centres de documentation plus ou moins importants et autonomes.

    Dans ce cas, la coopération ne semble pas poser de problème particulier - et de fait, elle s'est mise en place avec succès, le plus souvent au niveau municipal : si la réussite la plus remarquable est celle du réseau BRISE à Saint-Étienne, les exemples sont nombreux (Grenoble, Nice, etc.). Le système de gestion de la bibliothèque (qu'il s'agisse selon les villes de la bibliothèque municipale et/ou de la bibliothèque universitaire) est ouvert aux centres de documentation des musées de la ville, permettant ainsi la mise à la disposition du public d'un catalogue collectif des fonds documentaires des différents établissements. Selon les cas, cette coopération peut concerner l'ensemble de la chaîne documentaire (acquisitions harmonisées, catalogage, indexation commune, accessibilité des documents des différents établissements) ou se limiter au seul catalogue commun.

    Les seules conditions pour le succès de cette coopération sont politiques d'une part, avec l'existence de relations équilibrées entre établissements qui garantissent la prise en considération des besoins de chacun, et techniques d'autre part, avec un système bibliographique suffisamment puissant pour traiter correctement les besoins propres des fonds documentaires spécialisés (dépouillement, dossiers, etc.).

    Mais il est admis par tous que le traitement de ces collections et des types de documents (livres, périodiques) qui les constituent relève des bibliothèques et des règles de description qu'elles ont élaborées (ISBD, formats MARC, indexation RAMEAU).

    Ce consensus sur le traitement documentaire et la description bibliographique définis par les bibliothèques pour le livre et les publications en série imprimées n'est pas remis fondamentalement en cause lorsque l'on passe de collections documentaires à des collections à caractère patrimonial, tant que l'on reste dans le domaine du livre.

    Ainsi, l'inventaire des catalogues de quatre salons (1) , entrepris par la Section des bibliothèques d'Art de l'ABF en 1994-1995 en vue de leur numérisation et de la publication d'un cédérom contenant en texte intégral la collection complète des catalogues des différents salons (du XVIIe au XXe siècles) avec leur description bibliographique et leur localisation, réunit des bibliothèques et des centres de documentation de musées.

    Les catalogues régionaux d'incunables, établis par des conservateurs de bibliothèques et publiés sous les auspices de la Direction du livre et de la lecture, signalent également les collections localisées dans des musées. Cet exemple est emblématique de la frontière implicite qui traverse les collections patrimoniales et établit leur partage entre bibliothèques et musées : car pour être des documents patrimoniaux, les incunables n'en sont pas moins d'abord des livres...

    Le second axe de collaboration vise à réaliser, le plus souvent autour d'un thème ou d'un artiste, des catalogues collectifs des collections patrimoniales conservées par les deux types d'établissements.

    Dans ce cas, les collections concernées sont les collections patrimoniales, et en particulier les documents graphiques (estampes, photographies, dessins, aquarelles) et les livres d'artistes (très représentés dans l'art contemporain) qui sont conservés dans les deux types d'établissements (2) . Si, pour les bibliothèques, ces documents, rassemblés dans leur fonds ancien, leur fonds iconographique ou leur réserve, ne représentent qu'une part de leurs collections, la plus prestigieuse certes, ils constituent le coeur des collections des musées qui ont développé des techniques propres pour les inventorier et les décrire.

    La collaboration en ce domaine serait très fructueuse et la réalisation de catalogues collectifs, tels que l'inventaire au niveau local ou régional de l'oeuvre d'un artiste (originaire de la région ou ayant illustré celle-ci) au lieu de la juxtaposition d'inventaires limités aux fonds de chaque établissement, rendrait de réels services aux chercheurs en leur évitant une recherche longue et dispersée... avec le risque d'oubli d'une collection importante ou intéressante qu'elle comporte.

    Et pourtant, un constat s'impose : alors que les thèmes ne manquent pas et que la recherche aurait beaucoup à y gagner, peu de réalisations existent. Quelques tentatives ont bien été faites, mais aucune n'a réellement abouti.

    Cette absence de coopération pose problème et l'on peut s'interroger sur les raisons de celle-ci.

    Les obstacles à la coopération

    L'expérience du projet de Catalogue collectif de l'oeuvre d'Atget conservé en France (et principalement en Ilede-France) est instructive à cet égard et permet d'avancer quelques explications.

    Ce projet, mis sur pied en 1990 à l'initiative du Département des estampes et de la photographie de la Bibliothèque Nationale, réunissait onze partenaires, dont quatre musées, six bibliothèques et un service d'archives (3) . Il avait pour objectifs le catalogage signalétique et l'indexation matière des photographies d'Atget, la reproduction photographique de l'intégralité de celles-ci et enfin la mise à disposition des chercheurs d'un inventaire de l'oeuvre d'Atget sous une forme qui restait à définir (volume illustré, vidéodisque...).

    Après deux ans de travail en commun, ce projet a tourné court. L'analyse de cette expérience met en évidence les différents obstacles auxquels sont confrontés les projets de ce type. Ils sont de trois ordres : psychologique, managérial et technique.

    La mise en commun des fonds patrimoniaux s'avère toujours difficile car chaque établissement développe un véritable instinct de propriété par rapport à « son » fonds et semble craindre que son identité ne se perde s'il est mêlé à celui d'autres établissements dans un catalogue collectif. « À première vue, la coïncidence est quasi parfaite entre le musée et sa collection », note Dominique Poulot (4) , pointant ainsi sur la cause profonde de bien des réticences.

    La conduite du projet devrait être assurée par un organisme extérieur (une autorité de tutelle, par exemple). Lorsqu'un établissement, important de surcroît, est à la fois l'animateur-coordonnateur du projet et un partenaire à part entière, cette position ambiguë génère une réaction de défense de la part des autres établissements, ce qui rend le management particulièrement délicat.

    Enfin, les problèmes bibliographiques ont constitué un obstacle technique fort à la coopération entre les deux types d'établissements réunis dans ce projet. Ce dernier point mérite que l'on s'y arrête.

    Le premier objectif du projet étant le catalogage signalétique et l'indexation matière des photographies d'Atget conservées dans les collections publiques françaises, des réunions de travail ont eu lieu pour définir la notice de catalogage commune et sa structure en format d'échange. C'est alors qu'est apparue une différence fondamentale entre les approches descriptives des deux types d'établissements, qu'il me semble possible de résumer (schématiquement) comme l'opposition entre deux cultures, liées à la nature même de la majorité des collections que chaque type d'établissement a vocation à conserver :

    • pour les musées, culture de l'oeuvre originale n'existant qu'en un exemplaire (peinture, dessin, etc.) qui les conduit à considérer chaque document comme unique et à privilégier la description de l'exemplaire ;
    • pour les bibliothèques, culture du document édité (donc produit en plusieurs exemplaires identiques) qui les conduit à distinguer le niveau de l'édition (commun à tous les exemplaires) et celui de l'exemplaire (ou des exemplaires) avec leurs particularités éventuelles telles que annotations manuscrites, provenances, détériorations éventuelles, etc.

    La distinction des deux niveaux (édition-exemplaire) opérée par les bibliothèques est à la base des ISBD, qui ne concernent que le niveau de l'édition (l'exemplaire n'est pas pris en compte ou à peine). De leur côté, les musées ont développé des méthodes de description basées sur l'unicité de l'objet décrit, qui mêlent étroitement les informations relatives à la création et celles relatives à l'histoire de l'objet et aux avatars de sa présentation matérielle. Ainsi, dans le cas de la photographie, la distinction entre cliché ou prise de vue (création) d'une part, tirage (édition) et épreuve (exemplaire) d'autre part, n'est pas faite dans les notices rédigées par les musées, alors que c'est une démarche évidente pour un bibliothécaire.

    Il existe donc, selon les types d'établissements, deux cultures descriptives qui correspondent à la majorité des documents que chacun a vocation traiter. Toutefois, dans chaque catégorie d'établissements, il existe des documents qui dérogent à la logique majoritaire des fonds et que chaque système descriptif traite tant bien que mal (de manière un peu arbitraire ou redondante, selon les cas) : dans les bibliothèques, dérogeant à la logique de l'édition, les manuscrits, les dessins, les aquarelles... ; dans les musées, les documents multipliables tels que les estampes, les photographies, les monnaies et médailles...

    L'informatisation, dans sa première phase - celle de la constitution de bases bibliographiques qui remplacent les catalogues ou inventaires sur papier - n'a fait que renforcer l'opposition entre ces deux cultures, en inscrivant dans la structure des notices et des bases les caractéristiques de chaque logique descriptive.

    Du côté des bibliothèques, la notion de description au niveau de l'édition se retrouve dans les formats MARC [USMARC Bibliographie, Manuel UNIMARC, etc.) et dans la structure des bases bibliographiques qui distinguent en général notice bibliographique et notice(s) d'exemplaire(s) pouvant contenir des notes si le système est suffisamment performant.

    Les bases créées par les musées en revanche, et les formats qui leur correspondent (MICROMUSÉE, MISTRAL pour la base JOCONDE), sont fondés sur la notion d'oeuvre unique et ne distinguent donc pas différents niveaux dans les informations relatives au document décrit. Dans le cas de documents multipliables (gravures, photographies), cette logique conduit à créer une notice complète pour chaque exemplaire possédé, ce qui est très redondant. C'est le cas dans VIDEOMUSEUM : si plusieurs établissements possèdent la même gravure ou la même photographie, il y a autant de notices (et de reproductions) qu'il y a d'exemplaires sans regroupement au niveau de l'édition.

    Il faut être conscient des obstacles, bibliographiques et techniques, que représentent ces structures de notices et ces formats trop différents pour pouvoir être échangés facilement ou fusionnés dans une base commune quand on veut lancer un projet. Il est essentiel de savoir que ces problèmes existent et de bien évaluer leur importance pour pouvoir mettre en oeuvre les moyens de les surmonter.

    Les perspectives d'évolution

    Avec la mise en réseau des données, une seconde phase de l'informatisation des établissements a commencé ces dernières années. Elle ouvre de nouvelles perspectives qui font espérer que ces problèmes pourront être surmontés, sans toutefois être supprimés.

    Dans les bibliothèques du moins, la conception des catalogues et des notices est en train d'évoluer et l'on assiste à une remise en cause de certains principes fondamentaux des ISBD. Plusieurs facteurs y concourent :

    La numérisation tend à effacer l'opposition édition/exemplaire : dans les bases multimédia qui rattachent à la notice bibliographique le document numérisé (ou un extrait numérisé de celui-ci), cette distinction peut apparaître artificielle dans bien des cas car le document numérisé réunit fréquemment ces deux aspects de manière indissociable (estampe portant une annotation manuscrite, page de titre avec un ex-libris, etc.).

    La capacité de stockage de plus en plus grande des systèmes n'oblige plus à économiser l'espace mémoire et autorise donc la redondance des informations d'une notice à l'autre.

    Les réseaux et la norme Z 39-50 imposent leurs contraintes : pour faciliter la recherche sur les serveurs Z 39-50, il s'avère nécessaire de supprimer pour le moteur de recherche la distinction entre notice bibliographique et notice d'exemplaire (qui peut continuer d'exister dans le catalogue interne mais pas au niveau de l'interface avec le serveur) et de regrouper dans une même notice informations bibliographiques et données d'exemplaires.

    Deux démarches ont été définies pour y parvenir : les pays anglo-saxons préconisent de descendre les informations bibliographiques dans chaque notice d'exemplaire, alors que l'option retenue en France pour le CCFr est de faire remonter les informations d'exemplaires dans la notice bibliographique, en dupliquant au besoin la notice bibliographique pour des exemplaires ayant des particularités originales telles que ex-libris, annotations, reliure, ajouts, marques diverses (5) .Si l'on se place d'un point de vue strictement informatique, les démarches et les programmes qu'elles impliquent sont fondamentalement différentes entre le domaine anglo-saxon et la France. Mais elles visent au même résultat : regrouper les informations bibliographiques et les particularités d'exemplaires dans une notice unique (au niveau des serveurs Z 39-50 du moins).

    Or cette évolution tend à rapprocher le traitement des bibliothèques de celui effectué par les musées.

    Parallèlement, l'IFLA a entrepris une réflexion sur les fonctions des notices bibliographiques dans un catalogue (6) : elle a conduit à enrichir la simple opposition édition/exemplaire et à distinguer quatre niveaux d'analyse d'un document (la création, la représentation, l'édition et l'exemplaire), certains de ces niveaux (représentation ou édition en particulier) pouvant être absents.

    Ainsi, dans un dessin, seuls les niveaux de la création et de l'exemplaire sont présents. Une estampe en revanche associe généralement les niveaux de la création, de l'édition et de l'exemplaire (le niveau de l'édition pouvant parfois être absent, comme dans le cas d'une estampe contemporaine tirée directement par l'artiste).

    Les ISBD devraient être révisés pour prendre en compte les résultats de cette étude et intégrer les éléments de données nécessaires pour gérer les transactions dans les protocoles, notamment ceux utilisés dans les applications Z 39-50.

    Les catalogues des bibliothèques ont donc de fortes chances d'évoluer vers une structure où il y aura une notice par exemplaire (ou une notice pour plusieurs exemplaires identiques). C'est là un rapprochement considérable en direction du mode de description pratiqué par les musées.

    Mais les bibliothèques conserveront, en l'affinant encore, la distinction claire entre les différentes étapes de l'élaboration d'un document (de la création à l'exemplaire). Pouvoir bien identifier le niveau de l'oeuvre s'avère particulièrement utile, car cela rend la recherche plus claire et plus efficace (l'utilisateur n'étant pas noyé par des doublons, plus ou moins réels). Pour rendre compte de ce niveau, plusieurs méthodes sont déjà utilisées, de la gestion de fichiers d'autorité pour les titres ou les auteurs/titres à la technique des « clusters (ou grappes de notices). D'autres verront sans doute le jour et permettront une articulation efficace des différents niveaux définis par l'IFLA.

    On peut espérer, et il faut souhaiter, que les musées effectueront de leur côté une évolution similaire et qu'ils se rapprocheront de l'analyse effectuée par les bibliothèques. Cette évolution devrait se faire dans le sens d'une meilleure distinction des différents aspects d'un document et des données qui servent à le décrire, en dissociant les informations sur la création de l'oeuvre de celles relatives à l'histoire de l'exemplaire et en ne mélangeant plus au sein d'une même notice les données qui relèvent d'une notice d'autorité pour l'artiste et celles qui décrivent l'oeuvre.

    C'est au prix de cette double évolution que les catalogues des bibliothèques et ceux des musées pourront un jour se rejoindre, non pour se confondre, mais pour dialoguer et s'enrichir mutuellement, permettant ainsi une coopération réelle au sein de réseaux à différents niveaux (local, régional ou national)..

    1. Le Solon, 1673-1993 Salon de la Société nationale des Beaux-Arts, 1890-1983, Solon des Indépendants, 1884-1993, Solon d'automne, 1903-1994 retour au texte

    2. Les peintures, sculptures et autres objets décoratifs offrent peu d'occasion de travail en collaboration car ils sont généralement exclus des collections des bibliothèques (à l'exception de la BnF) et ne se rencontrent que dans les musées. retour au texte

    3. Étaient partenaires du projet : le musée d'Orsay, le musée Carnavalet, le musée des monuments français, le musée de l'Île-de-France à Sceaux, la Bibliothèque nationale, la Bibliothèque historique de la Ville de Paris, la bibliothèque de l'École nationale es Beaux-Arts, la bibliothèque des Arts décoratifs, la bibliothèque de l'Institut d'art et d'archéologie, la bibliothèque municipale de Rouen et enfin les Archives photographiques de la Direction du patrimoine. retour au texte

    4. Le musée et la bibliothèque : vrais parents ou foux amis Bibliothèque publique d'information Centre Georges-Pompidou, 1997, p. 151 retour au texte

    5. Recommandations pour l'échange de données d'exemplaire en formatUNIMARC, Version 1, ABES, BnF, 1998 retour au texte

    6. Functional requirements for bibliographie records : final reparti IFLA Study group on the Functional requirements for bibliographie records, K.G. Saur, 1998 retour au texte