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La situation de la Bibliothèque Nationale et Universitaire de Sarajevo (septembre 1998)

1999
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    La situation de la Bibliothèque Nationale et Universitaire de Sarajevo (septembre 1998)

    Par Bernard Gauthier, Association pour la Renaissance de la Bibliothèque Nationale de Sarajevo (ARBNS

    La Bibliothèque nationale et universitaire de Sarajevo avant 1992

    La Bibliothèque nationale de Sarajevo a été fondée en 1945, pour recevoir le dépôt légal des publications de Bosnie-Herzégovine, mais aussi des autres républiques de la Fédération yougoslave ; elle a également assumé, à partir de 1957, la fonction de bibliothèque universitaire.

    La Bibliothèque disposait de 6 000 m2, et offrait 420 places de lectures, réparties dans quatre salles (étudiants, chercheurs, périodiques, réserve des documents précieux). Elle était installée dans l'ancien Hôtel de Ville de Sarajevo (Vijecnica), où elle s'est rapidement trouvée à l'étroit : dès les années 1970, un projet de construction d'un nouveau bâtiment, mieux adapté, a été élaboré, sans suite.

    La Bibliothèque possédait des collections particulièrement inestimables de périodiques, publiés depuis le milieu du XIXesiècle, et un important fonds austro-hongrois ; ces collections ont été entièrement détruites lors du bombardement et de l'incendie d'août 1992. Ont été également détruits les catalogues, les systèmes informatiques, les collections de références, les collections musicales et sonores, les collections photographiques et graphiques, la plupart des cartes et plans, les ouvrages pour les aveugles, le fonds hébraïque... Certaines collections spécialisées ont été en partie sauvées, mais sont en mauvais état (incunables et manuscrits, archives et documentations privées importantes pour l'histoire de la Bosnie-Herzégovine). La bibliothèque disposait de plus d'un million de volumes ; seul 10 °/o de ce fonds subsiste.

    La situation en septembre 1998

    Les activités de la Bibliothèque nationale et universitaire de Sarajevo, dirigée par E. Kujundzic, ont connu un développement encourageant depuis quelques mois.

    La Bibliothèque s'est installée au printemps 1998 dans le bâtiment de la caserne « Maréchal Tito » qui lui a été octroyé par le gouvernement bosniaque, et qui constitue un local provisoire pour une dizaine d'années. Ce bâtiment a été partiellement rénové par la Banque mondiale et l'UNESCO ; l'apport financier de l'UNESCO correspondant, pour l'essentiel, à la donation française pour la restauration de la bibliothèque. La bibliothèque a d'abord eu à sa disposition, au rez-de-chaussée, 750 m2 de locaux comprenant des magasins, bureaux, et une salle de lecture. Le 1er étage vient d'être rénové, et abrite également l'Institut oriental. La Bibliothèque dispose actuellement de trois salles de lecture (dont une salle austro-hongroise). L'aménagement du deuxième étage est en projet. Les nouveaux locaux de la bibliothèque sont dotés d'accès à Internet, et une salle de libre accès à internet doit prochainement ouvrir.

    Les documents sauvés lors de l'incendie de 1992 (environ 150 000 documents) et les ouvrages provenant des diverses collectes et donations de livres sont en cours de traitement et de mise à la disposition des lecteurs. La bibliothèque reçoit et traite le dépôt légal bosniaque et des doubles du dépôt légal croate. Elle emploie 66 personnes (contre 108 avant la guerre).

    Dans le cadre d'un accord bilatéral, l'Institut slovène des sciences de l'information (IZUM) fournit à la bibliothèque un système informatique (programme COBIS : catalogage en ligne, accès public en ligne), dont la première phase sera prochainement opérationnelle ; ce système est également fourni à trois autres bibliothèques de Sarajevo (Bibliothèque municipale, Bibliothèques de la faculté de philosophie et de la faculté de mathématiques), première étape pour la constitution d'un catalogue commun pour l'ensemble du pays.

    Le système COBIS existe aussi à Tuzla, Zenica, où il est déjà largement opérationnel, ainsi qu'à Mostar et dans des établissements de l'entité serbe. Des séminaires de bibliothéconomie ont eu lieu à Tuzla, Zenica, Bihac. Mais il n'existe presque pas de contacts avec l'entité serbe, où la bibliothèque la plus importante est celle de Banja Luka ; ainsi, cette dernière refuse de participer au système national de numérotation des périodiques, malgré les démarches de la bibliothèque de Sarajevo. Celle-ci dépend actuellement du canton de Sarajevo, et du ministère de la Culture de la Fédération croato-musulmane. Elle pâtit de la division politique du pays, qui affaiblit son statut national.

    Les services en activité sont les suivants :

    • *Acquisitions : ce service gère le dépôt légal, les dons, les échanges internationaux ; il n'y a pas vraiment de budget pour les acquisitions. Au titre du dépôt légal, la bibliothèque reçoit environ un millier de livres par an.
    • *Traitement : le catalogage est en cours d'informatisation.
    • *Salles de lecture : les fonds n'ayant pas encore entièrement été reclassés en magasin, il peut y avoir un délai d'un jour pour consulter le document demandé.
    • *Service de références : il met à la disposition des chercheurs des bases sur cédéroms (certaines en texte intégral), ainsi qu'internet.
    • *Service bibliographique : il dépouille les articles, et s'efforce d'établir une bibliographie rétrospective.
    • *Service de conservation : il s'agit essentiellement d'un service de reliure des périodiques.
    • *Centres ISBN et ISSN (numérotation normalisée des ouvrages et périodiques).
    • *Service des périodiques.
    • *Collections spéciales : elles comportent cartes, manuscrits et documents précieux, éditions anciennes, archives ; ces collections en mauvais état nécessite un programme de restauration.

    La bibliothèque publie la revue Bosniaca, sur les éditions anciennes et la bibliographie rétrospective bosniaque, et développe une politique de reprint de livres anciens, pour la mise en valeur de son fonds. Elle contribue également à la publication de Bibliotekarstvo, revue de bibliothéconomie fondée en 1955, dont le premier numéro depuis la guerre a paru en 1997.

    Une série d'axes ou de projets a été définie pour l'avenir : par exemple, création d'un site web de la bibliothèque, en lien avec le Département de bibliothéconomie de l'université, et numérisation de textes bosniaques ; programme de bourses et de stages ; nomination d'un expert informatique...

    Dans l'immédiat, il faudrait développer les services de références, poursuivre l'aménagement de salles de lecture, en les dotant de collections et d'outils de recherche attractifs. Il conviendrait de doter la bibliothèque d'un matériel informatique rénové ; et aussi de moyens de restauration, en coordination avec d'autres établissements de Sarajevo qui s'efforcent de préserver des collections anciennes, avec peu de moyens (en particulier, la Bibliothèque du musée national).

    Le programme de recherche sur les « Bosniaca » (bibliographie rétrospective et reconstitution des fonds détruits) semble pour l'instant peu avancé. La bibliothèque poursuit un travail de bibliographie rétrospective entamé avant la guerre. Des contacts existent avec les bibliothèques de Prague, Vienne, Skopje, pour la reconstitution des collections des périodiques. D'autres établissements de Bosnie-Herzégovine disposaient d'exemplaires du dépôt légal bosniaque (Bibliothèque de Tuzla), et peuvent aider à la reconstitution du fonds.

    Des perspectives

    L'UNESCO, actuellement engagé dans l'ambitieux programme de la bibliothèque d'Alexandrie, ne dispose malheureusement pas de crédits importants pour la bibliothèque de Sarajevo. Le projet de reconstruction d'un nouvel édifice moderne est reporté à moyen terme.

    La principale des priorités dans l'immédiat est de maintenir le caractère national de la bibliothèque ; notamment en affirmant son rôle dans la constitution du futur catalogue commun des bibliothèques de Bosnie-Herzégovine, en coopération avec l'IZUM et son antenne qui, à Sarajevo, gère le système COBIS. La bibliothèque devra animer le réseau des bibliothèques bosniaques, par exemple par l'organisation de séminaires et journées de formation rassemblant des bibliothécaires de tout le territoire bosniaque.

    Une autre priorité est la reconstitution du fonds détruit et des Bosniaca. Dans ce domaine, d'autres bibliothèques, notamment nationales, peuvent intervenir par des programmes de microfilmage et de numérisation. Il serait logique qu'une cellule de coordination soit financée par l'UNESCO. Peut-être certains fonds pourraient-ils être regroupés au sein de la Bibliothèque nationale de Sarajevo (par exemple, tout ou partie du fonds de la bibliothèque du Musée national de Bosnie-Herzégovine).

    La bibliothèque doit également reconstituer un fonds universitaire de référence, multilingue, en libre accès. Des dons d'ouvrages, de collections de références (notamment sur cédéroms) pourraient y contribuer. Par ailleurs, des aides techniques et matérielles dans les domaines du microfilmage, de la conservation, de la numérisation, seraient particulièrement utiles.

    À moyen terme, l'édification d'une nouvelle bibliothèque, déjà prévue avant la guerre, doit être envisagée. L'édifice, construit dans le centre de Sarajevo, au bord du fleuve, reprendrait les fonctions antérieures de l'institution, mais en élargissant ses publics dans le cadre d'une complémentarité avec les bibliothèques municipales. Elle devrait probablement compter 800 et 900 places, réparties entre plusieurs salles voire plusieurs bâtiments (salles du grand public et des premiers cycles universitaires, salle audiovisuelle et musicale, salles pour les chercheurs et les étudiants avancés, salle de la réserve et des collections spécialisées). Des services modernisés, dans la lignée de l'ancien établissement, seraient établis : services pour les aveugles et handicapés, laboratoires de langues et civilisations, postes de PLAO.:. Son caractère national se manifesterait par un réel travail en réseau avec les bibliothèques de Bosnie, où la numérisation jouerait un rôle important. La bâtiment central serait alors autant un centre informatique et administratif, qu'un ensemble de magasins (dont la future étendue est difficile à déterminer, et évoluera en fonction de la reconstitution du fonds et de ses supports). L'ancien bâtiment, Vijecnica, conserverait une galerie d'exposition d'ouvrages précieux, dépendant de la bibliothèque. +