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Un patrimoine en devenir à la médiathèque la Durance à Cavaillon

1999

    Un patrimoine en devenir à la médiathèque la Durance à Cavaillon

    Par Martine Pringuet, Directrice Médiathèqye de Cavaillon

    Introduction

    « La singularité est toujours subversive. »

    Edmond Jabès

    Le plus grand nombre des bibliothèques publiques et particulièrement des bibliothèques municipales ne possèdent pas de fonds spéciaux : bibliothèques de proximité, bibliothèques du quotidien, service public immédiat d'information et de documentation, ces bibliothèques sont destinées aux membres de la collectivité, de la commune dans laquelle elles s'inscrivent.

    Certaines bibliothèques municipales ont cependant en charge un fonds spécial, d'autres ont décidé « volontairement d'en créer un : c'est le cas à Cavaillon.

    À Cavaillon, depuis 1993, année de la deuxième « naissance » de la bibliothèque (la bibliothèque a été « fondée » partir d'un don de livres d'Alexandre Dumas en 1864), et dans le cadre de la programmation d'une médiathèque (ouverte en 1997), il a été décidé volontairement (et avec le soutien attentif de la mairie) de créer un fonds particulier : une collection de livres d'artistes.

    La bibliothèque souhaitait ainsi affirmer certaines valeurs essentielles de la lecture publique. Dès le début de la programmation de la médiathèque et dès l'ébauche des collections pluralistes, encyclopédiques, des acquisitions très régulières ont été entreprises pour constituer la base de cette future collection spécifique, pour lui donner tout son sens :

    • Un fonds poésie important, couvrant au mieux les propositions des grands éditeurs et des collections de référence, a été constitué. Des achats à partir des catalogues de petites maisons d'édition, ces petites maisons étant les lieux de publication de l'écriture actuelle, ont été largement entrepris, des abonnements aux revues de poésie souscrits.
    • Parallèlement, toujours dans la même démarche, un fonds arts conséquent a été constitué. L'art contemporain et la photographie y sont particulièrement présents.

    Ces deux fonds sont complémentaires, tous deux permettent la découverte du travail des créateurs actuels (écrivains, artistes) peu présents, au quotidien, à Cavaillon et dans le département. Tous deux permettent d'approfondir sa culture, ses connaissances, sollicitent l'imaginaire et l'esprit critique du lecteur - regardeur, individu, sujet actif (1) .

    Ensuite, de façon très naturelle, presque spontanée, l'intérêt de la bibliothèque s'est orienté vers les éditions dites « numérotées », les tirages de tête, les livres plus rares, plus précieux (mais pas forcément plus coûteux) que quelques éditeurs réalisent à l'occasion de la publication de certains textes : les petites structures éditoriales en sont coutumières et associent ainsi, dans un même livre, travail d'écriture et travail plastique (2) .

    Décider d'enrichir le fonds de la bibliothèque avec des livres « non ordinaires oblige à se poser les questions de gestion bibliothéconomiques qui accompagnent toute initiative en bibliothèque : comment gérer le développement du fonds, quels sont les critères d'achat que la bibliothèque doit définir, quelle est la destination de cette collection, quelle information et quelle connaissance vont être données au public (et sans doute à un public au-delà des limites de la collectivité) et pour nous, par conséquent, à Cavaillon, quelle formation, quelles découvertes et rencontres proposer à notre public, quelle accessibilité donner à la collection, comment en assurer la conservation même dans une démarche de communication « prioritaire » ?

    Définir

    « Nous sommes ennuyés des livres qui enseignent, donnez-nous-en pour émouvoir. »

    Agrippa d'Aubigné

    À la médiathèque de Cavaillon, cette collection particulière s'appelle <, livres singuliers ». De quels livres parle-t-on ?

    • De livres de poésie, proposant des textes contemporains, des recherches d'écriture, des textes critiques, des textes sur l'art, sur le travail d'artistes contemporains, des livres de créateurs.
    • De livres illustrés, livres rares et livres différents, livres introuvables dans le réseau classique de distribution.

    Mais tentons de définir ces livres.

    1. Le livre illustré s'inscrit dans une tradition de l'édition française. Il s'affirme avec force et prestige à partir des « tentatives de dialogue " entre Mallarmé et Manet vers les années 1870 : L Après-midi d'un faune. Il établit des échanges entre le poète et l'artiste, sans hiérarchie entre le texte et l'image. Il est le plus souvent un livre précieux, luxueux même.

    2. Le livre de peintre privilégie le travail plastique qui « envahit l'espace de la page et, parfois, traite le texte de façon secondaire. Ces livres sont édités par Maeght, Skira, entre autres. On citera pour exemples Jazz d'Henri Matisse et Paris sans fin d'Alberto Giacometti.

    3. Le livre à frontispice permet à l'artiste d'intervenir sur « le portique du livre en insérant, dans un tirage de tête, un tirage limité, une oeuvre plastique : gravure, dessin, collage, peinture... (ce sont certains livres de Fata Morgana, des éditions Unes, de Tarabuste, Télo Martius, Carte blanche...). Toujours rares et précieux, ces livres sont cependant plus largement diffusés car les textes existent le plus souvent aussi en édition courante.

    Pour ces trois formes de livres, l'éditeur joue un rôle tout à fait essentiel de création et d'initiation : conception du corps du livre, choix délibéré et mise en relation des intervenants du livre, suivi du projet, de sa réalisation, risques financiers.

    4. Le livre d'artiste est conçu par un artiste, seul. L'idée, la responsabilité et l'exécution du projet du livre lui appartiennent. Ce livre, souvent auto-édité, n'est pas forcément luxueux, ni cher. Accompagnant une exposition, un moment fort de l'activité de l'artiste, le livre d'artiste est lui-même une oeuvre et non pas un moyen de diffuser une oeuvré (3) Il conteste le statut traditionnel de l'oeuvre d'art en valorisant la notion de « multiple » et en questionnant le public, les artistes, les concepteurs sur la fonction, la nature et le prestige de l'oeuvre d'art (son image aristocratique). Le livre répond à la recherche de nouveaux supports pour la création en offrant de nouvelles possibilités de diffusion des oeuvres. Ces livres, que l'on peut découvrir dans la librairie Florence Loewy, avenue René-Coty à Paris, font l'objet de tirages oscillant la plupart du temps entre 300 et 1 500 exemplaires, ont des prix de vente qui les rendent accessibles, entre 100 F et 1 000 F pour la plupart. Ils ne sont, en principe, jamais réimprimés.

    5. Le livre objet joue sur la « séduction du sensible (François Chapon). L'exemple historique le plus repéré est celui du Soleil noir, éditeur de livres issus de la rencontre entre un écrivain et un artiste qui crée un emboîtage - sculpture pour le livre - en utilisant des matériaux divers au risque, parfois sublime, toujours surprenant et majestueux, de faire disparaître la fonction de lecture » du texte. On classera peut-être dans cet espace le travail unique de l'Atelier des Grames (4) .

    6. Le livre d'artistes terme adopté plus récemment, permet de répondre au problème des définitions en établissant une terminologie pour tous ces livres qui suscitent tensions et débats entre l'écriture et le travail plastique.

    Le plus regrettable serait sans doute d'avoir, en ce domaine si fragile et si original, des certitudes de définitions et d'appellations pour des oeuvres qui participent à la création actuelle... d'où les termes que nous retrouvons dans les bibliothèques publiques qui achètent et favorisent une meilleure connaissance de ces livres, rares, différents, singuliers (5) , par leur aspect, la qualité de leur réalisation, l'intérêt du texte qu'ils proposent, les oeuvres plastiques originales, la conception de chaque ouvrage comme un tout, essayant de faire se correspondre, s'opposer parfois, dialoguer toujours, des créateurs.

    Un livre singulier c'est, sur un papier soigneusement choisi (un vergé, un papier kraft, des post-it, un japon...), un travail de typographie (choix des caractères, des marges, des espaces), en référence au Coup de dés de Mallarmé, un petit tirage, numéroté le plus souvent, un emboîtage, une façon d'amener au livre qui n'est pas banale. Un projet éditorial.

    À l'heure actuelle, la politique d'acquisition de Cavaillon, comme celle de la plupart des bibliothèques municipales, concerne essentiellement les tirages de tête d'éditeurs de poésie (Unes, Tarabuste...), les livres d'artiste, les livres de l'Atelier des Grames, mais peu de livres « prestigieux » et rares.

    Les bibliothécaires sont conscients de procéder à des achats certes différents du quotidien des acquisitions, mais pourtant destinés à « toucher un public de proximité et qui, de ce fait, pour des raisons d'accessibilité, de communication, de budget, de compétences à entreprendre ces achats et de lucidité sur les missions de l'établissement, ne peuvent se dérouler que dans un cadre précis et restreint.

    L'information et la formation des bibliothécaires responsables de ces collections sont nécessaires. Les échanges et rencontres entre professionnels sont précieux : c'est l'objectif de l'association Spécimen, qui regroupe les collègues curieux et intéressés par ce travail sur le patrimoine contemporain (6) .

    Des librairies spécialisées existent à Paris et en province, des manifestations comme le Marché de la poésie, le SAGA, la FIAC, les expositions de l'association Pages qui regroupent tous les éditeurs de livres d'artistes français, et même le Salon du livre (un peu !) sont les lieux où les livres (et leurs créateurs) peuvent être découverts. Les visites de représentants à la bibliothèque ne sont qu'un moyen parmi d'autres pour connaître ce domaine de l'édition.

    Assembler

    « Jadis, quand je rêvais à la terre promise, c'est une bibliothèque que je voyais. »

    Jorge Luis Borges

    Les achats, pour la collection de « livres singuliers à Cavaillon, sont effectués en fonction des événements qui rythment la vie de la commune, la vie de l'établissement (rencontres, lectures, expositions, éditions...).

    Ils comblent une lacune, c'est une évidence pour les bibliothécaires ; ils suivent l'actualité (livres d'artiste de Louise Bourgeois achetés lors de sa rétrospective au musée national d'Art moderne, de même pour Ilya Kabakov au Centre Pompidou...) ; ils donnent de la cohérence et de la solidité à l'ensemble puisqu'ils complètent et enrichissent les découvertes, les apprentissages et les informations engrangés par les usagers dans les « fonds courants ».

    Permettre l'accès du public à cette collection est souhaité clairement dans le projet de Cavaillon (7) : témoigner pour chaque usager de l'existence de ces livres-là, les donner à voir, susciter découvertes et étonnements, permettre l'initiation, « ouvrir les yeux », « mettre sous les yeux » et même entre les mains », car la relation à ces livres est une relation au texte, au travail plastique et aussi, par le toucher et la manipulation, une relation intime à l'oeuvre dans son entier : il faut lire le texte, apprécier, feuille à feuille, les interventions de l'artiste et les résonances entre texte et illustrations. Il faut également favoriser la rencontre immédiate, personnelle et intime, silencieuse avec le livre.

    Tous ces mobiles ont guidé le travail de mise en place du projet à Cavaillon depuis six ans.

    La bibliothèque est le seul lieu où le « grand public » peut ainsi découvrir l'existence, puis approcher, toucher, explorer (manipuler ces livres. Elle devient le lieu idéal pour sortir le livre de son passé prestigieux, quand il paralyse la connaissance et les possibilités d'accès des lecteurs, ces lecteurs qui ne sont pas des experts ni des spécialistes, public dont on souhaite qu'il s'approprie cette collection avec autant de bénéfice, de plaisir que les autres collections de l'établissement.

    Ce travail s'effectue de façon collégiale : tous les rendez-vous avec les éditeurs, les représentants, les créateurs, toutes les décisions d'achat sont entrepris en équipe par les collègues concernés, appelés à être médiateurs pour cette collection (bibliothécaires des espaces adultes et jeunesse, de l'espace images...).

    La politique d'acquisition est définie, programmée et budgétisée chaque année, de façon à éviter tout achat impulsif, désordonné.

    Les intentions d'achat sont listées en attente d'être réunies et comparées avec les informations provenant de diverses sources. Les décisions sont prises avec du recul et du temps, en justifiant les choix calmement (au fil des années, les achats se font de plus en plus lentement, avec une volonté d'attente et de prospection le plus exhaustive possible).

    Une fiche d'appréciation est établie pour tout livre présenté lors d'un rendez-vous de sélection en vue d'achat (méthode due à Dominique Frasson-Cochet, responsable des fonds patrimoniaux à la BMIU de Clermont-Ferrand).

    La règle est de ne pas céder aux sollicitations, aux coups de coeur, aux coups de fatigue après plusieurs heures de présentation d'ouvrages... Le principe est de ne pas commander dans l'instant.

    Il faut se donner le temps de la réflexion et surtout celui de l'information, de la prospection : aller dans les manifestations, rencontrer et échanger les expériences avec les collègues qui travaillent dans ce domaine, se rendre chez les libraires spécialisés, consulter et dépouiller les catalogues des librairies plus éloignées, consulter et dépouiller les catalogues des manifestations en France et à l'étranger, regarder les livres, lire des textes publiés en revue quand les auteurs ne sont pas encore reconnus et édités, suivre les expositions des artistes, connaître l'art contemporain...

    S'assurer, quand un livre est rare, qu'il est publié à un tout petit nombre d'exemplaires, que le dépôt légal a bien été effectué de façon à ne pas priver la communauté « scientifique et les « générations à venir de la possibilité de découvrir le livre dans les institutions qui ont mission de conserver les oeuvres éditoriales.

    Inscrire les livres au patrimoine de la commune. Cette décision est prise par le conseil municipal. De ce fait, l'acte d'achat et l'existence de la collection sont des actes publics.

    Programmer

    « De l'inconnu, il n'y a pas de désir. »

    Adage cité par Pierre Bourdieu

    Le premier travail était l'ébauche de constitution, l'affirmation de la présence des livres par une large information sur la ville, une affirmation publique de son existence.

    La priorité a été ensuite donnée aux manifestations autour de cette collection : rencontres avec des auteurs, des artistes, des éditeurs. À Cavaillon, ces rencontres ont été nombreuses et programmées régulièrement ; en 1994, Charles Juliet, invité pour une lecture, a longuement parlé de ses "rencontres avec Bram Van Velde (8) -. Une exposition unique des livres illustrés par Bram Van Velde complétait cette rencontre.

    Une rétrospective TXT (9) , lors de la sortie en 1995 de l'anthologie TXT, a été l'occasion d'une manifestation proposant elle aussi lectures et expositions de livres et documents originaux, de travaux d'artistes. Très importante et unique par sa conception, sous forme de partenariats avec sept autres bibliothèques, a été l'exposition, complétée de lectures et de débats autour des « livres d'artiste de Jean Clareboudt (10) . L'expérience la plus mémorable pour ces manifestations restant la complicité établie avec les éditions Unes pour des expositions et lectures, accompagnées d'un catalogue des « livres singuliers des éditions Unes (11) , - plus de 400 personnes étaient présentes pour une lecture qui invitait neuf auteurs publiés par Jean-Pierre Sintive. En 1997, la bibliothèque entreprenait un travail similaire, mais sans réalisation de catalogue, avec l'Atelier des Grames, puis avec les éditions Al Dante. Enfin, en 1998, la médiathèque a accueilli les éditions Cheyne pour des rencontres, lectures, ateliers, expositions, débats, visites de classes (12) ...

    L'autre particularité du projet de Cavaillon est qu'il a été entrepris dans le cadre de la programmation de la médiathèque : la construction de la médiathèque a été une merveilleuse opportunité pour mettre en valeur cette collection. Problème latent dans de nombreux établissements : dès l'origine de la réflexion sur les espaces de la médiathèque, une salle a été prévue pour présenter cette collection, la salle des livres singuliers (avec l'aimable autorisation des éditions Unes).

    Pour que la démarche apparaisse de façon évidente et lisible aux usagers, la salle est visible dès l'entrée dans le bâtiment, par un jeu de parois transparentes, vitrées - en face, les bacs à bandes dessinées viennent « discrètement » affirmer une autre mission de la bibliothèque. La salle est cependant accessible uniquement après un cheminement en espace adultes, cheminement qui permet aux usagers de ressentir l'accès à cet espace comme particulier, à côté de l'agitation et du bruit, de l'activité de la médiathèque. De plus, ce cheminement a été pensé puis-qu'il amène les lecteurs à traverser le fonds arts et photographie, le fonds poésie et littérature, le théâtre, la danse... Un moyen encore une fois discret mais volontaire de montrer la complémentarité des fonds.

    La pièce elle-même est aménagée différemment : ouverte sur l'espace adultes, elle s'en distingue par son mobilier et par un traitement particulier de l'aménagement intérieur. C'est la seule pièce ayant un parquet de bois blond, équipée de meubles coordonnés ; étagères, rayonnages, vitrines, lutrins, tables et chaises ont été choisis en harmonie et sont absolument différents du mobilier de l'espace adultes. L'idée étant de créer une ambiance chaleureuse, intime, silencieuse, et d'individualiser l'espace.

    Cependant cette pièce n'est pas seulement un lieu d'exposition de documents précieux dans des vitrines soigneusement fermées : en permettant de présenter des livres sur les lutrins, des oeuvres aux murs, des livres sur les tables, voire au sol (exposition de l'Atelier des Grames en 1997), la salle des " livres singuliers propose une réponse à cette envie de « mettre les livres entre les mains des lecteurs ", de favoriser dans les meilleures conditions possibles les rencontres lecteurs/livres singuliers. C'est une démarche fidèle aux objectifs de la lecture publique et sans doute un peu utopique. Elle souhaite permettre à chacun de vivre les émotions et les enchantements que procurent ces livres.

    Communiquer Conserver

    « Tout ce qui fut aussi, pour que je sois encore. »

    Georges Perec

    Proposer ces livres en bibliothèque publique, dans une bibliothèque comme celle de Cavaillon, avec la volonté de les montrer le plus largement possible, n'exclut pas, bien au contraire, l'attention portée à la conservation.

    Mais en réfléchissant à rendre accessible : c'est pourquoi la collection de livres singuliers » est entièrement informatisée et peut être consultée sur l'OPAC de la médiathèque (et par Minitel) au titre, à l'éditeur, à la collection, à l'auteur, à l'artiste, en format UNI-MARC. Des accès au nom patronymique de l'éditeur (701) et au terme " livres singuliers (606) permettent un affichage complet de la collection à partir de ce terme et permettent une recherche combinée et des sélections pour une recherche affinée : exemple « livres singuliers + Gervais Jassaud », ou « livres singuliers + Bernard Noël.... Les techniques de réalisation du livre et des interventions plastiques font également l'objet d'entrées matières.

    Chaque livre est catalogué selon les normes de description bibliographique, avec une zone de notes détaillée qui reprend le colophon (achevé d'imprimer), complète la notice, apporte les informations indispensables pour apprécier le document (« décrire selon les normes de catalogage c'est aussi, pour ces livres, susciter l'envie de les voir tels sont les principes de catalogage de Dominique Frasson-Cochet).

    Pour certains livres a été rédigée une sorte de carte d'identité permettant de connaître l'aventure du livre, de découvrir l'oeuvre de l'artiste, le projet de l'éditeur. Les Dentelles de Montmirail de René Char, publié par Pierre André Benoit, et Récit d'Edmond Jabès, accompagné de travaux de Jean Degottex, publié par Fata Morgana, font partie de ces livres. Ces fiches viennent compléter les cartels d'exposition, elles informent les bibliothécaires qui assurent des présentations de livres et préparent des expositions.

    La visibilité de la salle des " livres singuliers et l'objectif atteint de cataloguer l'ensemble du fonds (avec une réflexion pour en permettre une consultation aisée) favorisent grandement la communication et l'accessibilité de cette collection. Chaque usager, sur simple demande au bureau de prêt adultes, peut consulter dans la salle un livre de ce fonds.

    Pour le public, l'accès à la salle des « livres singuliers peut être différent selon les principes d'exposition : si les livres sont tous en vitrine et si seules des éditions courantes sont en libre accès sur les tables et les lutrins, la salle reste ouverte à tous et aucun contrôle ne sera exercé.

    Par contre, certaines expositions ont présenté des livres singuliers en libre accès ; le choix a alors été fait de ne pas utiliser de vitrines, d'installer les livres « rares » sur les lutrins, sur les tables. Dans ce cas, la porte est fermée et, sur demande, les lecteurs accèdent à cette salle et se retrouvent dans les mêmes conditions que pour la consultation sur place mentionnée plus haut.

    Des gants de coton blanc sont disponibles et prêtés pour la consultation des ouvrages les plus remarquables, les plus rares, mais aussi de façon systématique lors de la venue de groupes d'enfants par exemple, pour des ateliers de découverte du fonds.

    Tous ces apprentissages sont favorisés par l'ambiance qui règne dans la salle et qui a été pensée pour cela : entrer dans cette salle est ressenti comme une démarche particulière.

    Les lecteurs de la médiathèque, de nombreux groupes d'enfants, d'adultes, des classes de tous niveaux et de tous établissements, les participants à des ateliers d'écriture, d'art plastique, à des clubs de lecture, les personnes du troisième âge, le Rotary et le Lions Club, les associations les plus diverses et les plus inattendues ont pu découvrir, accompagnés et guidés, cette salle et les expositions qui y ont été présentées.

    Les bibliothécaires sont chaque fois étonnés et surpris par l'importance de telles présentations : les usagers de la médiathèque ignoraient tous, à de très rares exceptions, l'existence de tels livres.

    Leur plaisir, leur curiosité, les questions et les discussions qui s'ensuivent justifient pleinement ce travail, la constitution de cette collection et les actions de promotion programmées pour la faire connaître. La bibliothèque prend encore un peu plus de sens, et, comme lorsque le livre conseillé a plu au lecteur, la satisfaction des visiteurs de la salle des livres singuliers nous ramène à l'essentiel :

    « Une bibliothèque est toujours un lieu chargé d'imaginaire, à cause de tout ce qui s'y trouve caché, comme en hibernation, à l'intérieur des livres fermés et qui attend pour s'éveiller que tel ou tel lecteur ouvre tel ou tel livre et lui donne une nouvelle vie. »

    Henri Atlan

    1. Cf. entretien avec J-L. Gautier-Gentès in La Gazette des communes du 18 janvier 1999 sur le thème « Comment définir le pluralisme des bibliothèques ». retour au texte

    2. Cf. texte de Martine Pringuet dans Exemplaires édité par l'école d'art de Gennevilliers, 1994. retour au texte

    3. Selon la définition d'Anne Moeglin-Delcroix dans son ouvrage Esthétique du livre d'artiste, éditions Jean-Michel Place, 1997. retour au texte

    4. Pour connaître ces deux éditeurs : catalogue « Le Soleil noir », réalisé par la médiathèque du Carré d'art en 1995, et catalogue des livres réalisés par l'Atelier des Grames, 84190 Gigondas. retour au texte

    5. Pour cette appellation précise, cf. le catalogue « Des livres singuliers », réalisé par la bibliothèque de Cavaillon et les éditions Unes en 1995. retour au texte

    6. Spécimen : médiathèque la Durance, BP 81, 84303 Cavaillon Cedex. retour au texte

    7. Cf. texte de Martine Pringuet sur la constitution du fonds « livres singuliers », éditions Apogée, 1997. retour au texte

    8. En référence à l'ouvrage publié chez Fata Morgana. retour au texte

    9. 7X7; une anthologie, publié par Christian Bourgois. retour au texte

    10. « Jean Clareboudt et les livres », catalogue de l'exposition, 1994. retour au texte

    11. Des livres singuliers », catalogue publié par la Ville de Cavaillon et le conseil général des Bouches-du-Rhône, 1995. retour au texte

    12. Cheyne, un éditeur, des voix, livre singulier réalisé pour la manifestation, ainsi qu'un CD de textes enregistrés à Cavaillon. retour au texte