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L'art contemporain dans la politique de la Bibliothèque municipale à vocation régionale de Poitiers

2001
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    L'art contemporain dans la politique de la Bibliothèque municipale à vocation régionale de Poitiers

    Par Jean-Marie Compte, Directeur BMVR de Poitiers

    PARLER DE LA PLACE DE L'ART CONTEMPORAIN DANS LA POLITIQUE CULTURELLE de la Bibliothèque municipale à vocation régionale de Poitiers revient à interroger le rôle de la bibliothèque par rapport à la création et à la diffusion, selon une approche disciplinaire qui a longtemps été étrangère à notre pratique ; laquelle est plutôt tournée vers l'encyclopédisme et l'accès à l'information.

    C'est justement, me semble-t-il, parce que ces aspects de notre activité, liés à la définition d'une vraie politique documentaire, sont mieux assumés maintenant, qu'il nous est permis d'appréhender et de regarder autrement les disciplines dites artistiques. Nous entretenons avec elles un rapport de proximité qui, malgré tout, peine à se transformer en relation de familiarité.

    À Poitiers, depuis près de cinq ans, l'occasion nous a été donnée d'enrichir notre expérience dans ce domaine grâce à un partenariat avec tous ceux dont la mission principale consiste à enseigner, soutenir ou diffuser la création en art contemporain.

    Cela nous a encouragé à concevoir et à définir une politique qui ne déplace pas les limites de la compétence de la bibliothèque, mais enrichit et renouvelle l'approche proposée au public.

    Après que j'aurai précisé dans quel contexte se déroule notre action, j'indiquerai les directives qu'elle suit, afin de montrer quelle vraie présence de l'art contemporain, à travers les livres et à travers les oeuvres, est assurée au sein d'un établissement : la Médiathèque François Mitterrand, qui s'efforce de ne jamais se prendre ni pour une galerie, ni pour un centre d'art contemporain, encore moins pour un musée.

    L'offre documentaire

    Poitiers est la capitale de la région Poitou-Charentes. Elle est surtout une ville universitaire de 85 000 habitants, où vivent environ 25 000 étudiants. Elle rassemble plusieurs établissements culturels qui s'intéressent de près à l'art contemporain : l'École supérieure de l'Image, le musée, le Confort Moderne, mais ne compte plus aucune galerie privée.

    Si la municipalité consent des efforts importants en faveur du développement culturel, elle n'a favorisé aucune politique cohérente, n'a arrêté aucun choix en matière d'art contemporain. Il apparaît que cette absence de volonté pose aujourd'hui problème.

    C'est pourquoi des priorités nouvelles devraient être affirmées pour les six prochaines années.

    Ce contexte, marqué par la présence d'un public nombreux et plutôt curieux, et par l'absence de ligne directrice, a laissé une grande liberté à la Bibliothèque municipale à vocation régionale pour s'intéresser aux problématiques de l'art contemporain, et multiplier les collaborations.

    Au départ, il convient de s'attarder un instant sur l'aspect documentaire de la question. Il s'agit en réalité de mesurer, à partir de l'offre bibliographique, la pertinence de l'intérêt du public pour les questions de l'art contemporain, en même temps qu'on lui donne des moyens supplémentaires de le comprendre et de s'y intéresser.

    La collection de la Bibliothèque municipale à vocation régionale de Poitiers a un caractère encyclopédique. Elle rassemble 850 000 titres d'ouvrages généraux sur l'art depuis 1945. La base bibliographique commune à la Bibliothèque municipale à vocation régionale, à l'École supérieure de l'Image, aux musées et au Conservatoire National de Région recense 17 000 volumes intéressant les beaux-arts au sens large.

    La collection la plus complète et la plus riche sur l'art au XX" siècle appartient à l'École supérieure de l'Image. Les musées de leur côté se sont fait une spécialité d'acquérir ou de recevoir sous forme d'échange les catalogues d'exposition. Cette répartition des tâches pour la constitution des fonds a été obtenue en 1991. Elle fait l'objet de rencontres plus ou moins régulières. Sans doute y a-t-il là encore des possibilités d'améliorer le fonctionnement de ce partage des rôles, comme cela a été réussi pour le pôle associé à la Bibliothèque nationale de France sur le Moyen Âge, par exemple.

    Néanmoins, l'offre documentaire ainsi élaborée fournit le socle sur lequel il a été possible de produire tous les efforts à partir desquels la politique d'action culturelle de la Bibliothèque municipale à vocation régionale a ménagé une place de plus en plus importante à l'art contemporain. Bref, si un fonds documentaire est une condition nécessaire, il n'est pas suffisant pour fonder une politique d'établissement qui repose sur la confrontation avec les oeuvres originales.

    Partenariat et exigence

    La priorité a donc été donnée dans un premier temps, à l'ouverture de la Bibliothèque municipale à vocation régionale Médiathèque François Mitterrand en 1996, à un partenariat privilégié avec le Confort Moderne. La plupart des expositions monographiques consacrées à un artiste ont pu trouver une « déclinaison » à la Médiathèque. On y a vu des oeuvres de Pierrick Sorin : Un spectacle de qualité, de Marylène Negro : Nivu ni connu, de Mathieu Laurette : Satisfait ou remboursé.

    De plus, une place a été faite à des artistes dans des manifestations comme Écrivains présents, ce qui, pendant le moment de la rencontre, a suscité de courtes mais grandes expositions : de Jason Karaïndros L'empreinte de notre rencontre, de Marie-Ange Guilleminot : Le mariage de Saint-Maur à Saint-Gallen, de Marylène Negro : Alex ou de Jacques Villegle : L'abécédaire politique.

    Autour de chacun de ces projets, l'idée que la bibliothèque peut devenir un lieu privilégié pour mettre le public en contact avec les oeuvres et les artistes d'aujourd'hui a été confirmée par l'expérience. Dans ce cas, cela s'est vérifié autant en raison de l'espace, de son architecture, de sa fonction, de son organisation que de la force propre de chacun des projets.

    Tout en développant cette collaboration, le département de l'action culturelle de la BMVR a mené à bien la réalisation d'un programme annuel de présentation de travaux d'artistes choisis pour la médiathèque. À chaque fois, une exposition a été montrée, accompagnée de rencontres et de conférences. Après les peintures de l'écrivain Claude Margat et l'installation de Catherine Brachet, ce sont les sculptures de Dominique Deghetto qui sont présentées en ce moment, sous le titre : Le domaine de la fatigue.

    Avec le recul que donnent cinq années de fonctionnement, il ressort de tout ce travail que la sensibilisation du public - et parfois aussi des bibliothécaires - à l'art contemporain a pris un tour nouveau à Poitiers, même si la seule volonté manifestée par la BMVR ne saurait tenir la place d'une politique à la mesure de la ville.

    Il s'est agi d'imposer la légitimité qu'il y a pour une bibliothèque à questionner l'art contemporain autrement qu'à travers la bibliophilie ou les estampes, en offrant à un public nombreux et riche de la diversité de ses approches, une vision des arts plastiques qui ne soit ni trop figée ni trop résistante. Pour cela, il a fallu afficher une exigence et bâtir un partenariat.

    Dans le travail de médiation mis en oeuvre, avec le même soin que lors-qu'il faut traiter d'autres disciplines, beaucoup de persévérance et de détermination ont été nécessaires. Nous avons surtout cherché à rendre l'art contemporain plus présent et plus proche, sans que jamais les artistes choisis ne cessent de nous interroger, de nous surprendre, de nous émerveiller.