Le Service des prêts collectifs gratuits de la Bibliothèque Populaire a été créé en décembre 1946, dans le but de procurer de la lecture aux ouvriers et employés que leurs occupations ou leur éloignement empêchaient de venir à la salle de lecture. En effet, bien que celle-ci fût ouverte trois fois par semaine jusqu'à 22 heures, il était apparu, après dix-huit mois d'existence, qu'elle n'était fréquentée que par 7 à 8 % d'ouvriers et employés, proportion nettement insuffisante pour une bibliothèque qui voulait s'adresser surtout à cette classe sociale.
Le prêt collectif est destiné aux usines, administrations, banques, etc. Il fonctionne trois jours par semaine, de 14 à 17 heures. L'entreprise qui désire un prêt désigne un responsable, membre du personnel, ou du Comité d'entreprise, ou souvent l'assistante sociale. Celui-ci vient choisir les livres à la Bibliothèque et se charge, à l'intérieur de la collectivité, du prêt aux lecteurs. Le prêt se fait par caisses de 30 livres, sans limitation de nombre ; sa durée est de deux mois. Une liste des ouvrages empruntés est envoyée au responsable, ainsi qu'un questionnaire statistique très simple qu'il nous rapporte en venant faire l'échange de ses livres, deux mois plus tard.
Gratuité absolue, formalités réduites au minimum, entière liberté du choix dans un fonds important, sont les avantages de notre prêt collectif, qui a fonctionné, jusqu'à présent, à la satisfaction unanime. D'une manière générale, les livres reviennent en bon état. Les quelques-uns qui sont détériorés ou perdus sont, du reste, remboursés sans discussion par les responsables, qui ont signé un engagement dans ce sens.
Quels sont les résultats ?
Après un départ modeste : 8 dépôts avec 14 caisses en 1947, le prêt s'éleva rapidement, grâce à la prospection dans les usines et à une grosse publicité, à 28 dépôts avec 68 caisses en 1949. Depuis, il est à peu près stationnaire, avec des hauts et des bas, suivant les années. Les chiffres de 1960, 28 dépôts avec 73 caisses, représentent assez bien la moyenne de ces quinze années de fonctionnement. Ces 28 dépôts se répartissent en 9 administrations, 3 banques, 7 usines, 3 casernes, 6 services sociaux. Ils ont emprunté dans l'année, 280 caisses, soit 8 400 livres. D'autre part, d'après les statistiques fournies par les responsables, le nombre d'emprunteurs serait d'environ 1 100, dont 22 à 23 % d'ouvriers. 725 livres environ ont été distribués par semaine, dont 70 % de romans et 15 % de livres de voyages et d'histoire.
Les fluctuations que nous venons de signaler, au cours des années, et qui ont des causes diverses, nous donnent une indication sur ce que peut être l'avenir de cette forme de prêt. Certes, tous les besoins ne sont pas comblés, mais l'extension du prêt collectif n'est pas chose facile. Beaucoup d'entreprises, grandes et petites, ont été sollicitées instamment et plusieurs fois sans résultat. La difficulté majeure est de trouver dans la collectivité un responsable du prêt. La perspective d'un travail supplémentaire souvent ingrat, une responsabilité qui pourtant n'est pas tellement grande (l'expérience nous l'a prouvé), font reculer ceux qui, de par leurs fonctions (secrétaires de comités d'entreprises, assistante sociale), seraient tout désignés pour cette tâche. Si pourtant une entreprise nouvellement créée ou implantée sollicite un prêt, une autre grande usine, qui peu à peu aura constitué sa propre bibliothèque, abandonnera le sien, négligeant un appoint cependant intéressant et renouvelé. Si une collectivité qui s'étend demande l'augmentation d'un premier emprunt insuffisant, une autre, en raison d'une compression de personnel, réduira le sien. Ailleurs c'est le responsable qui quitte l'entreprise, et personne ne veut le remplacer. Ou bien la collectivité emprunteuse disparaît (par exemple les Services du ravitaillement, ou plus récemment le Centre social de la ganterie).
Le prêt s'adressera donc surtout aux administrations, aux collectivités peu importantes, sans gros moyens, aux nouvelles entreprises qui n'ont pas encore leur propre bibliothèque et qui sont situées dans des quartiers de banlieue sans dépôt de prêt individuel ni passage de bibliobus urbain.