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Les expositions à la Bibliothèque Municipale

1961

    Les expositions à la Bibliothèque Municipale

    Par P. Hamon

    Parmi les diverses activités de la Bibliothèque de Grenoble, il en est une, l'exposition temporaire, qui est due à l'heureuse initiative de Louis Royer, en 1920.

    La Bibliothèque avait, en effet, la chance de posséder une grande et belle salle d'exposition, avec de nombreuses vitrines fixes. Jusqu'alors, comme dans la plupart des bibliothèques, on s'était contenté d'y disposer, sans objet précis, sans ordre préétabli, des manuscrits précieux, des livres rares, des estampes qui étaient offerts à l'admiration du public. Ces expositions permanentes, qui présentaient de nombreux inconvénients pour la conservation des documents toujours ouverts à la même page, avaient cependant l'avantage de satisfaire rapidement la curiosité d'un visiteur désireux de voir un quelconque manuscrit de la Grande Chartreuse, un incunable ou un manuscrit de Stendhal. La portée et l'intérêt d'une telle exposition restaient malgré tout fort limités.

    Avec l'exposition temporaire, au contraire, il devenait possible de passer progressivement de sujets généraux fournis par l'histoire du livre à des thèmes plus particuliers utilisant les ressources d'un fonds local spécialement riche. Et si, dans les premières années, le caractère très général des expositions consacrées à l'art du livre n'exigeait pas l'impression d'un catalogue, il s'avéra, par la suite, qu'un catalogue, même modeste, sur un sujet précis était très souhaitable.

    Pour ne pas rompre brutalement avec les habitudes acquises, on commença par installer, de juillet à septembre 1920, dans une salle commune au Musée et à la Bibliothèque, une Exposition de manuscrits, portraits et documents standhaliens. Il est intéressant de souligner que cette exposition où, pour la première fois, furent réunis des manuscrits, des éditions originales, des portraits de l'auteur de La Chartreuse de Parme, se trouve à l'origine de la fondation du futur musée Stendhal. Elle permit de constater que le fonds Stendhal de la Bibliothèque de Grenoble était suffisant pour envisager la création d'un musée et c'est à ce titre que le Musée Stendhal doit d'être véritablement le fils de la Bibliothèque de Grenoble et de son conservateur, qui l'installa et l'organisa.

    Après ce premier essai, une série d'expositions, de 1924 à 1932, retraça l'histoire du livre. Elle avait un double but, attirer des lecteurs et initier "le public à l'art du livre. Pourtant, malgré leur intérêt ces expositions touchaient assez peu le public touristique qui avait l'occasion d'en admirer de semblables ailleurs.

    C'est alors que furent organisées, en 1937 et 1938, deux expositions vraiment originales : Grenoble à travers les âges et Le centenaire des Mémoires d'un touriste, de Stendhal. Elles donnaient une orientation nouvelle aux manifestations de la Bibliothèque de Grenoble. Les thèmes choisis en fonction du fonds de la Bibliothèque, tenaient compte d'une documentation exceptionnellement riche n'existant qu'à Grenoble. Pour cette raison, ils ne pouvaient pas être traités ailleurs d'une façon aussi complète.

    La disparition de L. Royer, puis la guerre suspendirent momentanément les expositions qui ne reprirent qu'en 1943, avec pour sujet : Grenoble, les Alpes et le Dauphiné à travers les récents accroissements de la Bibliothèque. Des dons nombreux - pendant trois ans ne firent-ils pas tripler le chiffre annuel des entrées - avaient décidé de cette exposition, car il convenait, à la fois de rendre hommage aux généreux donateurs et de souligner l'importance, l'intérêt de ces dons pour en assurer l'utilisation. A l'exception de l'Exposition des plus beaux manuscrits, en 1956, toutes alors eurent pour thème le Dauphiné, ses artistes, ses écrivains et Grenoble. Une rapide énumé-ration en donnera une idée : La lettre ornée à travers les manuscrits cartusiens, (1945) permit pour la première fois de réunir 83 manuscrits de la Grande Chartreuse sur un total de 450, et d'en souligner l'intérêt artistique. Le Dauphiné et ses artistes au XIXe siècle (1947) mit en valeur une collection de dessins, d'aquarelles et de gravures récemment acquises. Enfin l'Exposition Hector Berlioz (1953) présenta un choix de documents manuscrits et imprimés du grand compositeur. Stendhal, bien sûr, ne pouvait pas être oublié. A deux reprises il sera le sujet d'une exposition. Stendhal et Grenoble (1955), fut réalisé avec les seules collections de la Bibliothèque. La très large place réservée aux documents iconographiques, vues ou portraits, permit véritablement d'illustrer la Vie d'Henri Brulard. Du reste, sous chaque pièce exposée, outre sa notice descriptive, figurait le plus souvent un passage tiré des souvenirs de Stendhal. Ainsi, se trouvait évoquée la cité telle qu'il l'avait connue et l'idée de réunir un jour dans la maison natale d'Henry Beyle les objets, les portraits, les documents de la période grenobloise s'imposa à tel point que l'on espère maintenant en voir la réalisation.

    L'acquisition en 1957 des lettres autographes de Stendhal à son ami Adolphe de Mareste servit de prétexte à l'exposition Stendhal et ses contemporains.

    Parmi ces lettres furent exposées celles où Beyle s'était exprimé avec le plus de liberté sur ses amis et sur les personnages connus de son époque. Pour les illustrer, des portraits, des vues, des oeuvres littéraires imprimées ou manuscrites, des partitions, des lettres adressées à Stendhal furent empruntées aux collections du Musée Stendhal et de la Bibliothèque. L'exposition, après avoir été inaugurée dans le premier établissement se vit transférer, un mois plus tard, à la Bibliothèque. Et l'année suivante, à l'occasion du cinquantenaire de l'Institut français de Florence, cette exposition fut installée, sans aucune modification, dans les salles de la Laurentienne. C'était, croyons-nous, la première manifestation de ce genre dans les annales des bibliothèques françaises de province.

    Une autre innovation avait eu lieu en 1957 à l'occasion de l'exposition consacrée aux Ecrivains dauphinois du temps passé : des conférences données dans la salle même de l'exposition sur quelques écrivains qui en constituaient le thème. Ainsi le sujet, qui avait été particulièrement difficile à rendre vivant et à illustrer, voyait à chaque conférence son intérêt se renouveler en même temps qu'il touchait un public différent. C'était en outre le moyen d'associer une société locale - celle des écrivains dauphinois qui fournit les conférenciers - à une manifestation de la Bibliothèque.

    La croissance spectaculaire de Grenoble, au cours de ces dernières années ne laissant indifférent aucun Grenoblois ancien ou nouveau, il parut intéressant de donner aux habitants de cette ville, comme à leurs hôtes de passage, une vue d'ensemble sur le développement de la cité du XVIe siècle à nos jours. C'est ce qui fut tenté en 1959 avec l'exposition Grenoble hier et aujourd'hui, où près de 200 plans, dessins, gravures retracèrent les divers aspects de la ville, son développement incessant et à un rythme de plus en plus accéléré. Le succès rencontré par cette exposition permit de la maintenir en 1960, mais pour en augmenter l'intérêt, une série de six conférences sur Grenoble au cours des âges, fut donnée de mai à novembre.

    Toutes ces expositions, qui exigèrent souvent une longue préparation, eurent un caractère original et inédit. Qu'en resterait-il si des catalogues n'avaient pas été publiés ? Peu de chose sans doute. Les catalogues sont importants, non seulement parce qu'ils aident, renseignent les visiteurs pendant toute la durée de la manifestation et fixent leur souvenir, mais parce que, par la suite, ils deviennent - même s'ils sont très loin d'être établis comme ceux ses expositions de la Bibliothèque nationale - des instruments de travail, parce qu'ils maintiennent groupés des documents de nouveau dispersés dans des fonds très divers, parce qu'ils donnent la durée à une réunion provisoire.

    Telles sont les raisons qui, depuis plus de vingt ans, font que des catalogues sont toujours édités à la Bibliothèque de Grenoble. Certes, ils ont été bien modestes, au début, puisqu'il ne s'agissait que de tirés à part de la Société des bibliophiles dauphinois. Peu à peu, il devint évident que le rayonnement d'une exposition dépendait aussi de son catalogue et de ses illustrations. A chaque publication, les trois quarts des exemplaires furent toujours destinés à la vente et le reste aux dons et à la publicité. Leur faible dimension permit d'en abaisser le prix de revient et d'en faciliter la vente dont le succès, il faut le souligner, a toujours été fonction des reproductions et plus spécialement de celles en couleurs. Chaque fois qu'elles ont été réduites, la vente s'en trouva diminuée. Le premier de ces catalogues - La Lettre ornée - avec sa lithographie en couleurs sur la couverture, a été rapidement épuisé (400 ex.), comme du reste les 400 exemplaires du Dauphiné et ses artistes, avec ses seuls clichés en noir.

    Dès les premiers jours d'août 1955, les 700 exemplaires de Stendhal et Grenoble étaient vendus et l'année suivante les 1 300 exemplaires des Plus beaux manuscrits connurent le même sort. La vente des catalogues sur les Ecrivains dauphinois, atteignit 825 sur 1 000 et celle de Grenoble hier et aujourd'hui, 1 549 exemplaires.

    Ainsi en quarante ans, peu à peu, s'est dégagée une certaine originalité dans les expositions de cette bibliothèque. Il a été tenu compte des possibilités d'une très grande salle d'exposition, d'un fonds régional particulièrement riche et des goûts d'un public touristique. Aux expositions temporaires nettement éducatives sur l'histoire du livre, ont succédé, peu avant cette guerre, des expositions d'un caractère original et inédit, faisant appel aux fonds locaux les plus riches. Pour les rendre plus facilement accessibles à un public de passage, on s'efforça toujours de donner aux expositions, malgré un sujet particulier, une portée générale, de mettre l'accent sur le document iconographique et de présenter des catalogues soignés et bien illustrés.