Index des revues

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    La bibliothèque de l'Institut Polytechnique

    Par Mireille Caunesil, Ingénieur des Arts et Manufactures, Bibliothécaire de l'Institut Polytechnique

    Grenoble « ce paradoxe géographique », est une ville jeune, dynamique. Assez éloignée, par les montagnes qui l'entourent, des grands courants d'échange, elle n'en a pas moins, par la seule vertu de ses habitants, endurcis par un climat tonique, pris une place prépondérante dans la vie culturelle et économique de la nation.

    Si elle ne renie pas l'antique Cularo, Grenoble se tourne résolument vers l'avenir. Son Université, vieille de six cents ans, est plus jeune, plus brillante que jamais. Jeune par ses idées neuves, quelque peu audacieuses parfois, et qui font souvent école. Et je ne veux citer que la « Promotion Supérieure du Travail » qui a pris naissance chez nous.

    Un des plus beaux fleurons de l'Université est, sans conteste, notre Institut Polytechnique.

    Ecole nationale supérieure d'ingénieurs depuis 1947, l'Institut Polytechnique, créé en 1900, n'en a pas moins conservé aujourd'hui son ancien nom, malgré une évolution constante et rapide ; fidélité au passé, mais aussi foi en son avenir. En réalité, cette dénomination couvre un organisme très complexe. Il forme des ingénieurs en électrotechnique, radioélectricité, hydraulique, génie atomique, automatique, mathématiques. Il abrite de nombreux laboratoires qui travaillent pour l'industrie régionale, pour les grands organismes d'Etat, mais aussi pour la recherche pure : laboratoire d'essais électriques, mécaniques, laboratoires de mécanique des fluides, de mécanique des sols, de servomécanisme, de mathématiques appliquées.

    L'Institut Polytechnique, par son importance toujours accrue, a favorisé le développement de la Faculté des Sciences. L'Institut Fourier, orienté vers les mathématiques et la physique, s'est construit tout à côté bien des années après et, depuis lors, chaque Institut vit l'un grâce à l'autre, dans une symbiose féconde. Et c'est ainsi que, faute de place « en face », la bibliothèque de l'Institut Polytechnique est venue, tout naturellement, s'installer dans les locaux, très bien aménagés, de l'Institut Fourier, se substituant ainsi, sans heurt, à la bibliothèque de la Faculté des Sciences. C'était en 1940, et l'après-guerre a vu la bibliothèque se développer rapidement et prendre une place toujours plus grande dans l'activité de la Faculté.

    Disposant elle-même de collections anciennes et précieuses, elle accroît chaque année son fonds d'ouvrages scientifiques et techniques, mais elle reçoit aussi des dépôts substantiels de la Bibliothèque universitaire, ouvrages et périodiques. Parmi les revues déposées, la plupart sont des périodiques de mathématiques reçus en échange de nos «Annales de l'Institut Fourier», dont la haute tenue est très appréciée à l'étranger. Cet échange a été créé il y a plus de quinze ans à la Bibliothèque. Il permet de recevoir plus de trois cents revues de mathématiques du monde entier.

    Pour le classement des ouvrages et périodiques, nous nous sommes alignés sur les bibliothèques universitaires. Par contre, nous avons disposé, bien avant l'heure, les périodiques récents dans des salles d'exposition conçues à cet effet : salles des périodiques de mathématiques, avec classement par pays, salle des périodiques de physique et de l'art de l'ingénieur, avec classement par matières. On y parle et lit toutes les langues du monde, grâce aux chercheurs étrangers attirés par nos laboratoires.

    Le scientifique utilise beaucoup de périodiques. C'est à son intention que nous avons, dès le début, classé ces périodiques ainsi que les congrès, colloques, etc., dans des fichiers à part, avec classement, non seulement au titre exact, mais aussi à la société éditrice, au pays, à la ville, avec un système de fiches de couleurs différentes.

    Le microfilm pratique et peu coûteux

    Depuis 1940 nous avons, à l'Institut, de très nombreux articles sur microfilms, tous enregistrés et fichés, faciles à retrouver. Ces films proviennent des services de documentation du Ministère des Armées, Air (S.D.I.T.) et du Centre National de la Recherche Scientifique (C.N.R.S.) avec qui nous sommes en relation quasi quotidienne, et qui nous rendent d'inestimables services. Ce sont des articles de revues que nous n'avons pas en rayons ; nous évitons ainsi le « prêt inter-universitaire », précieux certes, mais toujours long et qui a, entre autres, l'inconvénient d'immobiliser un ouvrage, souvent lourd et encombrant, pour une ou deux pages demandées. Pensons donc plus souvent à la solution « microfilm », notamment dans les futures bibliothèques des Facultés des Sciences. Solution pratique et peu coûteuse, et à laquelle on s'habitue très vite. Pensons aussi à la solution «photostat» ou «photocopie », plus onéreuse, mais des procédés de plus en plus modernes et économiques résoudront sans doute bientôt ce problème de reproduction qui doit intéresser tous les bibliothécaires scientifiques. Les chercheurs d'une même spécialité se penchent tous en même temps sur un même problème, un même article. Il en faudrait tout à coup dix exemplaires. La solution n'est-elle pas de distribuer un microfilm ou une photocopie à chacun ?

    Mais attention, qui dit service de photographie, dit inévitablement gaspillage, et aussi embouteillage rapide. Et un gaspillage coûteux : des millions d'anciens francs seraient vite engloutis dans un service de l'importance du nôtre. C'est pourquoi nous sommes assez opposés à une telle installation, qui demande une direction très ferme et une connaissance très sûre des besoins des chercheurs. Ceux-ci, vite gâtés, refuseraient le microfilm pour le photostat, plus commode, mais aussi beaucoup plus onéreux. Le C.N.R.S., dans tous ces problèmes, peut vous conseiller utilement.

    Le délicat problème des traductions

    Nous parlions de revues étrangères, nous en venons donc aux traductions. Ce problème ne se pose pas avec acuité chez nous ; les professeurs, les chercheurs lisent deux ou même trois langues étrangères, et ils aident les autres, si besoin est. Traduire un article scientifique n'est possible que par le spécialiste, ne l'oublions pas. N'avons-nous pas vu rendre par log a/log b par rodin a/rodin b ? Dans ces conditions, quelle peut être la valeur du texte ainsi remanié...

    La plupart des revues russes sont traduites en anglais, et tout le monde lit l'anglais technique. Dans les cas difficiles, le Service de Traduction du C.N.R.S. peut vous aider. Il centralise, en effet, depuis 1945, les références de toutes les traductions effectuées en France par les centres de documentation publics ou privés.

    Si l'article que vous désirez n'a pas encore été traduit, le C.N.R.S. pourra se charger de ce travail en le confiant à un technicien connaissant la langue et la discipline correspondantes. Cette traduction sera facturée au tarif en vigueur basé sur les 100 mots du texte original. Le délai de ces versions varie généralement entre 10 et 20 jours.

    Informer : l'un des rôles du bibliothécaire

    Un des rôles du bibliothécaire est de « faire savoir ». Nos listes de « nouvelles acquisitions » paraissent depuis 1945. Elles sont envoyées un peu partout en France et à l'étranger. Nous voulons qu'elles constituent un choix parmi Je fouillis inextricable de la littérature scientifique actuelle. Nous n'achetons pas n'importe quoi, et nous essayons de trier le bon grain de l'ivraie ; choix souvent délicat ; les prospectus des éditeurs, classés avec soin, les critiques, les comptes rendus et surtout l'avis autorisé des professeurs, nous y aident. Aussi bien, nos ouvrages s'enlèvent comme des petits pains, et bien avant la parution des « nouvelles acquisitions ». Et nos rayons se vident, ce qui ne rend pas aisée la tâche des bibliothécaires, tant il est vrai qu'un livre donne plus de soucis par son absence que par sa présence en rayons. Mais ne perdons pas de vue qu'un ouvrage est fait pour être lu, et que le premier devoir du bibliothécaire est de le faire lire.

    Le fichier analytique a été étudié et développé pour les chercheurs et les ingénieurs, mais nous avons évité les classifications trop compliquées qui rebutent le lecteur même averti, et qui demandent un personnel qualifié. Les articles de première main et ceux qui donnent de nombreuses références sont enregistrés, et ceux-là seulement ; pour une bibliographie plus détaillée, nous guidons le chercheur vers les revues spécialisées, ou vers la personne compétente, universitaire ou non. Nous jouons ainsi, bien souvent, un rôle modeste mais intéressant, de lien entre l'Université, grande dame un peu hautaine, et l'industrie, dont l'apport est toujours bienfaisant, grâce à son contact avec la réalité.

    Le service des étudiants

    Contrairement à la grande majorité des bibliothèques, la nôtre est fréquentée à la fois par les chercheurs et par les étudiants, ce qui lui confère son originalité. Nous nous sommes penchés, cette année tout particulièrement, sur le service des étudiants, de plus en plus nombreux à la Faculté des Sciences. Nous avons adopté un système très simple, qui évite les inconvénients du « libre service », l'attente du lecteur et la fatigue du personnel. Les ouvrages de sciences sont coûteux, et il convient de limiter le nombre d'exemplaires au strict minimum. Le choix des ouvrages et leur nombre est établi à partir de statistiques effectuées par les étudiants, par nous-mêmes, au moyen de bulletins de demande, et surtout par une enquête annuelle auprès des enseignants.

    Des statistiques plus générales ont montré que 10 % seulement des étudiants fréquentent les bibliothèques, et que les livres demandés sont toujours les mêmes. Notre classement est basé sur ces remarques ; quelques dizaines d'ouvrages placés très près de l'employé pour éviter les allées et venues, un catalogue très simple par certificat et par matière, et vous aurez un service d'« usuels » qui fonctionnera parfaitement. Ce catalogue, extrait du fichier général, et qui peut varier d'une année à l'autre est porté par des pupitres séparés, en plusieurs exemplaires, afin de limiter la recherche dans les fichiers. La demande est faite au moyen d'un bulletin spécial à inscription très sommaire, mais suffisante pour permettre les statistiques de fin d'année.

    Notre but : servir le lecteur

    Ainsi, bibliothèque pour étudiants, service de documentation pour les chercheurs, la bibliothèque de l'Institut a une tâche multiple :

    • - constituer chaque année un fonds classique pour les étudiants, en relation avec les professeurs et les étudiants eux-mêmes,
    • – se tenir au courant des recherches en cours dans les laboratoires, acquérir les ouvrages qui leur sont nécessaires, prévenir les désirs des lecteurs, les guider, leur signaler tel article susceptible de les intéresser,
    • - élargir toujours davantage ses relations avec les autres bibliothèques, qu'elles soient publiques ou privées et ce, dans l'intérêt du lecteur.

    Et ce triple rôle est passionnant, il implique des contacts humains toujours féconds, contacts avec une jeunesse toujours renouvelée de chercheurs et d'étudiants.

    Le but que nous nous sommes donné est la recherche d'une plus grande simplicité de fonctionnement, simplicité qui doit avoir pour corollaire une économie de personnel et d'argent, mais qui doit en fin de compte, profiter au lecteur ; le respect du lecteur doit être à notre avis, le mobile essentiel de toutes nos actions.

    Et je terminerai, en disant avec André Maurois, que si « l'enseignement n'est qu'une clef qui ouvre les portes des bibliothèques », alors notre mission, à nous, bibliothécaires, est immense.