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La Lecture chez les jeunes et les bibliothèques dans l'enseignement du second degré. [Par Jean Hassenforder.] - (Paris) SEVPEN, 1969.

1970
    Par Suzanne Honoré

    La Lecture chez les jeunes et les bibliothèques dans l'enseignement du second degré. [Par Jean Hassenforder.] - (Paris) SEVPEN, 1969.

    24 cm, 62 p. (Institut pédagogique national. Département de la recherche pédagogique. Recherches pédagogiques. Brochure n° 37.)

    Cet ouvrage se compose de deux parties : Tune, occupant les pages 5 à 16, condense les résultats de diverses enquêtes sur « Le livre et la jeunesse ». La seconde, beaucoup plus longue, est l'exposé d'une enquête menée par l'Institut pédagogique national en mai 1967, sur les bibliothèques centrales dans les établissements du second degré. Nous avons trop souvent déploré ici la négligence de l'enseignement public en matière de bibliothèques scolaires, pour ne pas nous pencher avec le plus vif intérêt sur cette étude.

    L'enquête a été menée auprès des lycées et des quelques C.E.S. et écoles normales ayant une bibliothèque centrale, avec une participation élevée (219 établissements dont 85 % sont des lycées).

    Les résultats, hélas, sont ceux que l'on pouvait craindre, en l'absence de toute politique concertée en la matière : moins du cinquième des lycées ont une bibliothèque centrale. Dans 80 % des cas, la bibliothèque est unique pour tout le lycée ; dans 85 % des cas, l'établissement possède également un centre de documentation pour les professeurs ; le développement des bibliothèques centrales va donc de pair avec le souci de la documentation.

    Ces bibliothèques desservent, en général, tout l'établissement, certaines étant réservées cependant soit au premier, soit plus souvent au second cycle. La moyenne de la population scolaire desservie s'élève à 1 300 élèves par bibliothèque (en réalité de 800 à 1 800).

    Le local accordé à cette biblothèque est le plus souvent réduit à une seule salle offrant une trentaine de places : de quoi recevoir 2,5 % des effectifs, alors que les normes américaines prévoient des places pour 10 % des élèves, et que ce chiffre est considéré comme très insuffisant pour les besoins de la pédagogie moderne. Le local ne possède le téléphone que dans moins de 10 % des établissements !

    Le fonds de livres est de 3.500 en moyenne dont les romans occupent moins de la moitié, soit 2,6 ouvrages par élève. Le nombre des périodiques est très faible, 10 seulement en moyenne ; par contre, les disques représentent 19 % de l'ensemble. Le crédit moyen d'achat se monte à 2.500 F, le Ministère faisant quelques dons de livres qui sont assez souvent des doubles. Alors que le rapport Parent pour le Canada enregistre une moyenne de 10.000 livres par bibliothèque (10 par élève), en fixant le chiffre de 30.000 comme la norme de l'avenir. Les fonds devraient donc quadrupler pour s'élever aux normes internationales.

    Le personnel aussi devrait quadrupler. Le cas général est une seule personne chargée de la bibliothèque, sans aucune aide manuelle ou de secrétariat. Rappelons qu'aux Etats-Unis la norme est de un bibliothécaire pour 300 élèves. Rien d'étonnant que les tâches techniques dévorent presque tout le temps du bibliothécaire, au détriment de l'animation ! Ces bibliothécaires sont recrutés au niveau de la licence, mais n'ont généralement aucune formation professionnelle (15 % seulement ont un diplôme qui est le plus souvent le C.A.F.B.) ; leur situation administrative va d'adjoint d'enseignement à surveillant, sans aucun statut (bien que 87 % soient chargés de la bibliothèque à temps complet).

    En dépit de cette absence de préparation, la grande majorité de ce personnel plus ou moins improvisé s'efforce de tenir tête à ses multiples tâches et souhaiterait pouvoir consacrer plus de temps à l'animation et à l'aide éducative. La plupart d'ailleurs font participer les élèves à la vie de la bibliothèque, organisent des expositions, des clubs de lecteurs, etc. L'horaire (en moyenne 30 heures d'ouverture par semaine) est insuffisant, surtout pour les internes, la bibliothèque se trouvant fermée à midi et le soir.

    Et malgré ces insuffisances, l'enquête montre que la moitié des effectifs scolaires empruntent des livres, avec une moyenne de 2 emprunts par usager, et que la lecture sur place va de 75 à 113 usagers par jour.

    Bien entendu, sans téléphone, sans formation, le bibliothécaire de lycée n'a aucune relation avec les autres bibliothèques. Il en a avec les professeurs, encore que 19 % seulement d'entre eux aient des liens suivis avec la bibliothèque : ce qui prouve combien il reste à faire pour que les nouvelles méthodes pédagogiques, appuyées sur une documentation personnelle, soient comprises et appliquées ! Le bibliothécaire, bien sûr, ne fait pas partie des conseils de classe. La bibliothèque, quand elle existe, fonctionne en vase clos.

    Les résultats de cette enquête sont affligeants ; mais les bibliothécaires de lycée ont conscience de ce qui reste à faire, et nul doute que si on leur en donnait les moyens - si l'Education nationale voulait bien reconnaître officiellement et préciser le rôle que doivent jouer les bibliothèques scolaires dans la pédagogie -, ils seraient prêts à collaborer de toutes leurs forces à un développement spectaculaire.

    Si l'enquête est peu encourageante, du moins voulons-nous louer sans réserves, et la façon dont elle a été menée, et la présentation des résultats, avec les vues d'ensemble, les perspectives historiques et l'arrière-plan international indispensables pour la replacer dans un contexte enrichissant pour l'esprit. Remercions donc l'Institut pédagogique et M. Hassen-forder de se livrer à des études aussi fondamentales. La première condition pour qu'un état de choses s'améliore est d'abord de prendre conscience des réalités et des besoins. Souhaitons qu'à partir de cette base les services officiels tirent les conclusions qui s'imposent pour donner aux jeunes le goût de la lecture et l'habitude de la documentation !