Index des revues

  • Index des revues

    Rapport du Président


    Mes chers Collègues,

    Il appartient au président de l'A.B.F. de dresser, au nom du bureau, le bilan de l'exercice écoulé. L'étape que nous avons parcourue depuis notre rencontre à Toulouse aura été une étape difficile, et il est arrivé à plus d'un de ceux qui siègent au conseil et au bureau d'avoir le sentiment de travailler dans la confusion et dans le chaos. Ce n'est pas une situation propre à notre association, et il n'est sans doute pas inutile de rappeler le contexte général dans lequel est née la crise qu'elle traverse aujourd'hui. Le progrès technique qui entraîne toute la société, et la naissance difficile d'une civilisation des loisirs, dont nous discernons encore mal les contours, ont eu pour effets le développement de l'enseignement à tous les degrés et la naissance de structures nouvelles de formation permanente et d'animation culturelle. Les bibliothèques participent à cet essor dans tous les secteurs, elles voient s'élargir leur champ d'action et apparaître des techniques nouvelles de gestion documentaire, de gestion administrative et d'animation, qui bouleversent nos conceptions traditionnelles et nos habitudes. Les responsabilités dont elles sont investies aujourd'hui ont provoqué une croissance rapide des effectifs, et de nouvelles générations de bibliothécaires sont nées, qui ont de leur métier une vision différente de celles qui les ont précédées. Il était normal que l'A.B.F., qui a toujours voulu être le lieu de rencontre de tous ceux qui travaillent dans les bibliothèques françaises, soit aussi le lieu où ceux qui portent un regard neuf sur les réalités professionnelles, confrontent leurs expériences et leurs idées avec celles des anciens. Il était inévitable aussi, quand toutes les valeurs sont remises en question, que cette confrontation ait pris parfois un tour assez vif. La passion dont quelques-uns de nos collègues sont animés a quelque peu perturbé la vie de l'association. Le bureau a enregistré une série de démissions : en mai, celle de Mlle Lambert, trésorier-adjoint ; en novembre, celles de Mlles Morin et Pila, de M. Hassenforder, trésorier, secrétaire général adjoint et archiviste. Le bureau qui se présente à vous aujourd'hui est donc sensiblement différent de celui que vous avez élu il y a deux ans à Nantes et partiellement renouvelé à Toulouse. Le siège d'archiviste a été immédiatement pourvu grâce à la candidature de M. Baudin, mais la vacance de la trésorerie a duré jusqu'en février 1971, lorsque Mlles Brigitte Picheral et Josette Alexandre ont repris la lourde responsabilité de la gestion financière de l'association. Ces difficultés ont été aggravées encore par le transfert de nos bureaux au 6e étage de la rue de Louvois et par le départ en mars 1971 de notre secrétaire permanente, Mme Denis, sur la compétence et le dévouement de laquelle reposait la vie quotidienne de l'A.B.F. Elle n'a pu être remplacée que le 15 avril par Mme Prunier.

    Le bureau a cependant fait face à ses responsabilités, et l'A.B.F. a continué à vivre et à se développer. Avec 160 nouveaux membres, l'association a dépassé le cap des 2.000 adhérents en 1970. Ils sont répartis aujourd'hui dans 5 sections nationales et dans 9 groupes régionaux. Nous avons en effet accueilli au sein de l'A.B.F. les bibliothécaires de Bretagne et ceux de Basse-Normandie qui ont ainsi donné une forme plus institutionnelle à leurs réunions amicales. Je mentionnerai également, bien qu'il ne s'agisse pas d'une création nouvelle, l'élargissement du groupe lyonnais en un groupe Rhône-Alpes, qui a élu son nouveau conseil en octobre. A ces trois groupes, nouveaux et rénovés, et à leurs présidents, je suis heureux de souhaiter la bienvenue ici en votre nom à tous et je leur adresse nos voeux de prospérité et de longue vie.

    Je ne peux, sans lasser votre attention, dresser devant vous le tableau complet des activités du bureau, des sections, des groupes et des comités de travail. Elles ont touché tous les aspects de la vie des bibliothèques et elles sont multiformes : réunions, visites, journées d'étude, congrès. J'en donnerai l'essentiel sous quatre rubriques : relations internationales, relations nationales et coopération, publications, formation professionnelle.

    Les Relations internationales. - Quinze de nos collègues ont représenté l'A.B.F. à la 36e session du Conseil de la F.I.A.B. à Moscou. Les relations qu'ils nous ont faites de cette rencontre, ont révélé une certaine déception. Ils ont constaté un recul sensible de la langue française, et l'échec de Mme Honoré à la vice-présidence de la F.I.A.B. a fait que, pour la première fois depuis 43 ans, les bibliothécaires français ne sont plus représentés au bureau de la fédération. L'A.B.F. a été invitée aux réunions annuelles de nos collègues allemands et suisses où elle a été représentée respectivement par M. Lethève et par moi-même. Mme Feuillebois a été déléguée pour les bibliothèques d'observatoire à l'assemblée générale de l'Union astronomique internationale à Brighton, et M. Lethève a représenté la F.I.A.B. au colloque de l'Unesco tenu à Paris sur les problème de l'éducation extra-scolaire.

    Les Relations nationales et la coopération. - Les relations avec les professions voisines de la nôtre sont devenues indispensables à notre compréhension des problèmes et elles assurent une plus grande efficacité à nos activités. Les initiatives prises dans ce domaine ont été nombreuses à tous les niveaux de l'association.

    Dans le domaine des arts, nous avons participé à deux importantes rencontres. J'ai présidé les 27 et 28 juin les journées d'étude des discothécaires organisées par la Discothèque de France à la Bibliothèque municipale de Saint-Dié. Cette réunion a eu deux conséquences : la création d'une commission technique qui a mis au point le texte d'un manuel de discothéconomie qui sera édité par la Discothèque de France, et la naissance le 27 avril 1971 d'une sous-section de discothécaires au sein de notre section des bibliothèques publiques. La section des bibliothèques-musées des arts du spectacle a organisé, à Paris les 14 et 15 novembre, un colloque international sur le thème « Théâtre amateur et documentation » avec le comité de liaison des fédérations françaises de théâtre amateur.

    Dans le domaine scientifique et technique, les bibliothèques spécialisées ont maintenu un contact suivi avec l'A.N.R.T. et l'A.D.B.S. La soussection des sciences exactes et des sciences de la terre a organisé avec le groupe « Sciences et techniques » de l'A.D.B.S. un journée d'étude sur les réalisations documentaires de la région de Toulouse le 8 juin. Au niveau national, je mentionnerai la rencontre des représentants de quatre associations de documentalistes et de bibliothécaires le 22 juin à Paris (A.D.B.S., A.I.N.T.D., A.E.N.S.B., A.B.F.). Ces associations ont affirmé leur volonté de rechercher en commun des solutions aux problèmes posés par la place croissante de l'information dans les différents secteurs de l'activité scientifique, technique, économique et culturelle. Les circonstances n'ont pas permis de renouveler cette prise de contact, mais les positions affirmées restent valables. Je souhaite que le prochain bureau de l'A.B.F. reprenne le dialogue et que les rencontres des présidents de toutes les associations regroupant les professionnels de la documentation deviennent une de nos habitudes. L'A.B.F. a encore participé à la campagne d'information du GIBUS (Groupe informatiste des bibliothèques universitaires et spécialisées) pour la présentation d'un prototype de bibliothèque automatisée à la Fondation nationale des sciences politiques, en novembre. Elle a diffusé à ses membres le fascicule de documentation édité par GIBUS, et une journée de démonstration lui a été réservée.

    Je dirai, pour conclure cette rubrique que nos relations avec l'A.E.N.S.B. ont été des plus cordiales. La géographie aidant, les présidents des deux associations soeurs ont maintenu un contact permanent, et l'A.B.F. a été présente aux réunions préparatoires aux journées d'étude sur les bibliothèques municipales que l'A.E.N.S.B. organisera avec le concours de la section des bibliothèques publiques sous le titre de « Bibliothèques publiques et urbanisation».

    Les Publications. - Le bulletin de l'A.B.F. a paru régulièrement grâce au dévouement de Mme Honoré et de Mlle Linet, qui en constituent le comité de rédaction. Avec 308 pages, le volume de 1970 n'est pas moins important que ceux qui l'ont précédé. Les difficultés rencontrées par le secrétariat n'ont malheureusement pas permis la publication du troisième volume des « Documents » avec les actes du Congrès de Toulouse.

    La section des bibliothèques universitaires a publié trois numéros de son bulletin de liaison, et la section des bibliothèques publiques a fait paraître en juin le 13e numéro de « Lecture et bibliothèques ». Il semble qu'elle éprouve quelque peine à maintenir la publication, et il est regrettable qu'elle n'ait pu trouver l'aide et les collaborations nécessaires à l'édition d'une revue qui comble une lacune dans les publications professionnelles.

    Le groupe Rhône-Alpes a achevé la traduction et la publication de la 17e édition du Dewey. Il faut saluer l'événement. Nos collègues lyonnais nous ont donné un instrument précieux, indispensable à toutes les bibliothèques publiques modernes.

    Le groupe d'Aquitaine a publié avec la Maison des sciences de l'homme de Bordeaux un « Guide des bibliothèques et des centres de documentation de Bordeaux», et le jeune groupe de Bretagne annonce son projet de faire reparaître le « Bulletin des bibliothèques de Bretagne » suspendu depuis vingt ans.

    La Formation professionnelle. - Les perspectives de développement qui s'ouvrent devant nous expliquent l'importance prise dans nos préoccupations par les problèmes de la formation. Nous sommes nombreux à l'assurer dans nos bibliothèques, mais nous connaissons les insuffisances et les limites de cette formation sur le tas. Aussi la tendance des groupes régionaux à vouloir prendre en charge la formation de nos jeunes recrues me paraît-elle particulièrement heureuse. La formation élémentaire est maintenant donnée par la section des bibliothèques publiques à Paris, par le groupe Rhône-Alpes et par le groupe de Lorraine. Le groupe du Nord organise une formation à un degré plus élevé : il prépare au concours de sous-bibliothécaire et au C.A.F.B.

    Voilà pour la pratique. La réflexion théorique a été le fait du groupe d'Ile-de-France dans lequel Mme Gascuel a lancé une enquête sur le C.A.F.B., dont elle a commenté le dépouillement et fait la synthèse à l'E.N.S.B. le 16 mars 1970. Les anciens du C.A.F.B. nous ont fait connaître, par la voix de Mme Denis et de Mlle Alexandre, leur désir de constituer un comité de travail ; nous les avons encouragés dans cette voie. L'A.B.F. enfin a été présente dans le groupe de travail paritaire constitué par la Direction des bibliothèques et par le Secrétariat d'Etat à l'éducation nationale pour proposer des solutions aux problèmes de la formation du personnel à tous les niveaux. Ce groupe a tenu 14 séances plénières de mai à décembre, et il a remis son rapport à M. Dennery, Directeur des bibliothèques et de la lecture publique le 25 janvier. M. Lethève a publié une note à ce sujet dans le bulletin de l'A.B.F. du 1er trimestre 1971.

    Le tableau que je viens d'esquisser rend mal le foisonnement d'idées et de projets que révèle la lecture des rapports des groupes et des sections. Cette richesse prometteuse est aussi source de bien de déceptions. Les moyens en hommes, en locaux, en capitaux, nous manquent trop souvent pour entreprendre ce que nous avons projeté ou pour mener à terme ce que nous avons commencé. J'espère que la jeune génération, qui pénètre en force dans la profession, saura tirer de nos tentatives, de nos expériences et de nos échecs tout ce qui en est recevable et qu'elle réalisera ce qui sera resté à l'état idéal pour les générations trop faibles en nombre qui l'ont précédée. Ne placez pas ce que je viens d'exprimer au rang des voeux pieux. Voyez y au contraire une invitation immédiate et bien précise : dans les circonstances présentes, le moment est venu pour nos jeunes collègues de prendre les responsabilités. J'ai à vous faire part en effet maintenant de la décision prise unanimement par le bureau de remettre son mandat à l'assemblée générale. Cette décision, nous l'avons mûrement réfléchie, et nous l'avons prise après en avoir discuté posément. Chacun de nous a pleinement compris que la bonne volonté et l'objectivité que les uns et les autres ont mises à la gestion des affaires qui leur étaient confiées, n'étaient pas suffisantes pour compenser le désaccord fondamental qui s'est exprimé à Toulouse et à maintes reprises au conseil et qui a provoqué les démissions dont j'ai parlé au début de cet exposé. Le bureau a certes fini par trouver son équilibre, mais le désaccord devenu latent a provoqué une sorte de blocage des attitudes et des situations internes qui le font lentement glisser vers l'immobilisme. La sagesse et l'intérêt de l'association nous commandaient de nous retirer, et nous vous demandons d'accepter nos démissions.

    La réforme du statut dont nous allons débattre, nous invite au même geste. Elle entraînera l'élection d'un nouveau bureau. J'en viens maintenant à cette question, et j'ai à vous dire par quel processus nous avons abouti au projet qui est soumis à votre approbation. En 1969, les élections générales de Nantes s'étaient faites sur une déclaration proposée par la section des bibliothèques publiques et acceptée par l'ensemble des candidats, dans laquelle l'orientation de l'A.B.F. vers un organisme de type fédéral était clairement indiquée. Lorsque M. Desgraves, promu au rang d'inspecteur général, a dû abandonner la présidence et que la proposition m'a été faite de lui succéder, j'ai posé l'étude d'un statut fédératif comme condition de mon acceptation. J'ai défendu ma position à trois reprises, devant le conseil des bibliothèques publiques, devant celui de l'A.B.F. et devant l'assemblée générale.

    Le débat ne sera pas rouvert ici. Je ne reviendrai pas sur les arguments qui valent pour ou contre la fédéralisation. Je rappellerai seulement quelques points d'histoire. La réunion dans l'A.B.F. de bibliothécaires exerçant dans des institutions dont les vocations sont diverses, sinon contradictoires, y a toujours créé des tensions, et l'idée fédérale y a été exprimée maintes fois. En 1909, - l'association était encore au berceau -, une Association amicale des bibliothécaires universitaires se crée, et on parle de se fédérer avec elle (B., 1910, p. 23 et 35). En 1920, les choses vont plus loin, et le Comité approuve les démarches faites par son président Ernest Coyecque pour constituer une fédération avec l'Association des bibliothécaires de la Bibliothèque nationale, l'Association amicale des bibliothécaires universitaires, la Société de l'Ecole des Chartes et l'Association des archivistes français (B., 1920, p. 38-39 et 53-54). En 1937, le Comité discute une motion du Dr Hahn, qui pose cette question : « Peut-on faire de l'A.B.F. une fédération d'associations de bibliothécaires afin de remédier à la multiplicité des groupes et des cotisations et à la dispersion de l'effort corporatif ? » La question reste actuelle, et celle que j'ai posée l'an dernier à Toulouse n'était pas différence. Il n'est sans doute pas inutile de la replacer dans un courant qui traverse toute l'histoire de l'A.B.F. depuis son origine. Ce bref appel au passé aidera certains des nôtres à une meilleure compréhension du problème et leur permettra peut-être de clore et de classer les procès d'intention qu'ils ont ouverts à ce sujet.

    L'assemblée générale de Toulouse a bien voulu m'accorder sa confiance, et une majorité des 2/3 s'est dégagée pour me donner la présidence avec un mandat bien défini : préparer un projet de statut fédératif qui sera présenté à l'assemblée générale de 1971 et maintenir jusque là l'intégrité de l'association dans le cadre des statuts actuels.

    Le 22 juin, le Conseil formait une commission des statuts qui a tenu, sous ma présidence, trois réunions le 8 juillet, le 7 et le 21 septembre. Elle a chaque fois diffusé un communiqué auprès des membres du Conseil et des présidents des groupes et des sections en priant ceux-ci de soumettre à leurs assemblées le projet qui leur était envoyé. Lorsque ce projet fut examiné par le Conseil, le 23 novembre, 5 groupes et sections n'avaient pas fait connaître leur position (Aquitaine, Bretagne, Loire, Nord, Arts du spectacle), 4 refusaient le statut (B.N., B.U., B.S., Bourgogne-Franche-Comté), 4 seulement se déclaraient favorables (B.P., Lorraine, Ile-de-France, Rhône-Alpes, ce dernier, semble-t-il, avec des réserves). En même temps, le Conseil était informé que la section des bibliothèques publiques, qui avait le plus chaudement défendu la cause fédérative, avait renoncé à se constituer en association, qu'elle se maintenait au sein de l'A.B.F., qu'elle allait se faire le promoteur d'une Association pour le développement des bibliothèques publiques et que dès lors le problème de la fédéralisation ne présentait plus pour elle qu'un intérêt secondaire. Le Conseil ne pouvait adopter le projet dans ces conditions. Il renvoyait le texte à la commission des statuts qui se réunit à nouveau en février et en mars sous la présidence de M. Baudin. Un nouveau projet était élaboré qui fut présenté au Conseil et adopté par lui le 19 avril. Il ne bouleverse pas les structures de l'A.B.F., mais il assure une plus large et plus juste participation aux travaux du Conseil des groupes et des sections existant et à naître. C'est ce texte que nous allons examiner maintenant.