Index des revues

  • Index des revues

Le département de la phonothèque nationale et de l'audiovisuel

1977
    ⇓  Autres articles dans la même rubrique  ⇓

    Le département de la phonothèque nationale et de l'audiovisuel

    Par Marie-France Calas, Conservateur du Département de la Phonothèque nationale et de l'audiovisuel

    Ce département est de création trop récente pour que l'on puisse omettre d'en rappeler les origines qui expliquent, en fait, son apparente et transitoire complexité.

    Le Département de la Phonothèque nationale et de l'Audiovisuel, douzième département de la Bibliothèque nationale, résulte de la fusion de deux éléments d'importance fort dissemblables :

    • - un jeune service audiovisuel, créé en 1973, au sein du Département des Livres imprimés et improprement appelé : Service des nouveaux supports.
    • - un établissement autonome, vieux de trente-neuf ans : la Phonothèque nationale, héritière elle-même des Archives de la parole et du Musée de la parole et du geste.

    LE SERVICE DES NOUVEAUX SUPPORTS. 1972-1976

    Depuis plusieurs années, un type de documents reçus au titre du Dépôt légal à la Bibliothèque nationale était particulièrement mal traités. Il s'agissait des documents multi-media. Leur sort, avant 1975, était peu enviable. Chaque élément constituant le multi-media était inexorablement dirigé vers un département différent.

    C'est ainsi que, dans le cas classique du livre accompagné de diapositives et de disque, le livre partait au Département des Livres imprimés, le disque au Département de la Musique et les diapositives au Département des Estampes.

    Parfois, seul le livre était déposé, l'éditeur, volontairement ou non, se dispensant du dépôt de l'élément le plus coûteux. Parfois aussi, l'ensemble était, par chance, conservé dans un seul et même département mais, pour le chercheur, le résultat était similaire, ce dépôt restant le plus souvent exceptionnel et unique en son genre.

    Si ces documents posaient des problèmes, c'est que :

    • - d'une part, les textes législatifs concernant le Dépôt légal les avaient en quelque sorte oubliés (qu'il s'agisse des multi-media ou des images animées).
    • - d'autre part, il était évident que leur communication et leur conservation posaient des problèmes très spécifiques.

    En effet, il s'agit de documents qui, tous, nécessitent un appareil pour être lus. Cette notion d'appareil qui implique toute une technologie et des conditions bien particulières d'utilisation, est devenue le critère de définition de l'audiovisuel à la Bibliothèque nationale. Notons au passage, que cette définition est celle déjà retenue par l'American Library Association, les éditeurs et le groupe A.B.F. audiovisuel entre autres. Elle a présidé à la création du Service des nouveaux supports, comme à celle de l'actuel Département de la Phonothèque nationale et de l'Audiovisuel.

    Dans le même temps où se posait le problème des documents multi-media et des supports audiovisuels, on réalisait que les microformes, surfaces photo-sensibles nécessitant également un appareil, n'étaient pas réclamées au titre du Dépôt légal, bien que la loi du 21 juin 1943 y autorisât.

    C'est donc dans le but de donner une solution satisfaisante à l'ensemble de ces problèmes, que le Service des nouveaux supports fut créé en 1972, au sein du Département des Livres imprimés, par Pierre Pelou.

    Les microfiches reçues par dépôt légal furent annoncées, pour la première fois, à la Bibliographie de la France, dans la partie Livres, en mars 1973 tandis que, conscients de la préservation du patrimoine, les responsables du Département des Livres imprimés et du Service des nouveaux supports décidaient, en 1975, la création de leur propre laboratoire de micrographie, actuellement situé à Versailles.

    Afin de réunir, dans un même lieu, l'ensemble des documents audiovisuels ainsi définis, le Service des nouveaux supports participa à l'élaboration de deux décrets portant application aux documents audiovisuels de la loi du 21 juin 1943.

    Ces deux décrets furent publiés en 1975 :

    • - le premier, le décret 75-319 du 5 mai 1975, redonna à la Bibliothèque nationale le Dépôt légal des phonogrammes qu'elle avait confié, en 1938, à la Phonothèque nationale,
    • - l'autre, le décret 75-696 du 30 juillet 1975, porta application aux oeuvres audiovisuelles, cinématographiques (autres que le 35 mm et plus), vidéographique et multimedia de la loi du 21 juin 1943.

    Ce décret prévoit le dépôt légal, en deux exemplaires, de l'ensemble des supports audiovisuels diffusés sur le territoire français, quarante-huit heures avant leur mise en distribution, en location ou en cession pour la reproduction. Il avait contre lui d'arriver tardivement, pour le cinéma en particulier. (Rappelons que la loi du 19 mai 1925 prévoyait déjà le dépôt des oeuvres cinématographiques, mais qu'aucun décret d'application n'avait paru).

    Deux établissements revendiquèrent leur part de responsabilité dans la conservation des images animées :

    • - le Centre national de la cinématographie qui, depuis 1969, reçoit, dans son service des Archives du film de Bois d'Arcy, des dépôts volontaires de films.
    • - l'Institut national de l'Audiovisuel, l'une des sept sociétés issues de l'éclatement de l'ex-O.R.T.F. et créé par la loi du 7 août 1974. Héritier des archives radio et télévision de l'ex-O.R.T.F., le Département des Archives audiovisuelles de l'I.N.A. a une mission extrêmement précise de conservation et d'exploitation de ce patrimoine radiophonique et télévisuel, définie dans un cahier des charges.

    Cette dualité de compétence a suscité un certain flottement dans l'application même du décret du 30 juillet 1975 et a retardé les travaux de la norme de catalogage concernant l'image animée.

    LA PHONOTHÈQUE NATIONALE. 1938-1976

    Après Vienne (1899), Berlin (1904), la France se dota d'une Phonothèque nationale par décret en date du 8 avril 1938.

    Créée afin de recevoir « les documents phonographiques de toutes catégories destinés à être conservés » et, en particulier le Dépôt légal prévu par la loi du 19 mai 1925, la Phonothèque nationale fut accueillie dans les locaux de l'Institut de phonétique, 19, rue des Bernardins, dès l'origine à côté du Musée de la parole et du geste.

    Il faut rappeler qu'en matière d'archives sonores, la Phonothèque nationale avait été précédée, en 1911, par les Archives de la parole créées à la salle V de la Sorbonne, grâce à un don d'Emile Pathé. Dirigées par le linguiste Ferdinand Brunot, ces archives constituèrent le premier laboratoire de langue, lancèrent les premières missions d'enregistrements dialectaux en province (Ardennes, Berry, Limousin) et commencèrent l'enregistrement des voix célèbres : Guillaume Apollinaire, Alfred Dreyfus, Paul Déroulède, Paul Deschanel illustrèrent cette période.

    En 1928, transférées dans les locaux du nouvel Institut de phonétique, elles devenaient le Musée de la parole et du geste qui avait déjà pour ambition de réunir, en un même lieu, archives sonores et cinématographiques : le son et l'image. Il continua les missions entreprises par les Archives de la parole : enregistrements dialectaux en France et à l'étranger, qui constituent actuellement des corpus linguistiques d'un grand intérêt, missions à caractère ethnographique, enregistrements de voix célèbres et création d'un Musée du phonographe. Ce musée fut fermé de 1953 à 1963, date à laquelle sa gestion fut entièrement confiée à la Phonothèque nationale.

    La Phonothèque nationale reçut le premier dépôt légal de disques (quelques dizaines de 78t) en 1940 (elle en reçoit aujourd'hui plus de 11 000 par an).

    Elle a continué les missions du Musée de la parole et a contribué activement à de nombreuses missions folkloriques en France comme à l'étranger (l'une des plus célèbres étant celle de Louis Girault chez les Indiens Aymaras de Bolivie, autour des années cinquante). La série des voix célèbres a été Doursuivie, la Phonothèque réalisant ellemême de très nombreux enregistrements grâce à son laboratoire. C'est ainsi qu'aujourd'hui, on peut écouter : Valéry, Aragon, Carco, Louis-Ferdinand Céline, les compositeurs du groupe des six, Ionesco, etc..

    Le Musée du phonographe a été considérablement développé essentiellement par le second directeur, M. R. Décollogne : plus de 560 pièces présentent une intéressante histoire de l'enregistrement sonore, parmi lesquelles citons les serinettes et aristons, les merveilleux Gaulois au pavillon de cristal, des Bettini et des Lioret aux formes agréables. Il a également constitué un fonds iconographique et un fonds de documentation intéressants.

    En 1965, la Phonothèque nationale a pu trouver la place dont elle manquait cruellement dans les locaux du 2, rue de Louvois. Néanmoins, l'éclatement géographique en deux lieux a toujours constitué un élément négatif.

    C'est donc un établissement riche de : 12 000 « incunables » du son appartenant aux Archives et au Musée de la parole; plus de 180 000 titres de documents rétrospectifs reçus par dons ou achetés ; et presque 200 000 titres reçus par dépôt légal, soit, plus de 400 000 titres de documents, qui fut rattaché, en janvier 1976, au service audiovisuel de la Bibliothèque nationale.

    Ce département compte actuellement une équipe de quarante-trois personnes se répartissant en quatre services :

    1) Dépôt légal audiovisuel

    ll reçoit:

    • - l'ensemble des documents sonores (disques, cassettes, cartouches) soit, pour l'année 1976: 10 346 titres correspondant à 12 075 supports,
    • - les images fixes (microformes, films fixes, diapositives, montages audiovisuels),
    • - les documents multi-media qui posent les problèmes les plus complexes au niveau de la description, de la conservation et de la communication. Près de 5 000 ont été recensés dans le domaine de l'éducation et de la formation permanente.

    Le Dépôt légal des images animées ne fonctionne pratiquement pas dans les faits. Nous attendons un prochain protocole d'accord qui devrait définir les compétences respectives des trois établissements concernés (Bibliothèque nationale, Centre national de cinématographie, Institut national de l'Audiovisuel), en matière de conservation des images animées (qu'elles soient sur support chimique ou magnétique).

    2) Service du catalogue

    Il comprend trois sections dont deux seulement fonctionnent actuellement :

    • - son,
    • - microéditions,
    • - audiovisuel.

    Catalogue son :

    • Le catalogue des phonogrammes comprend plusieurs fichiers : marques, auteurs, interprètes, titres, genres (y compris le folklore).

    Jusqu'en 1975, un système de catalogage particulier existait à la Phonothèque nationale reposant sur l'existence de machines automatiques à mémoire auxquelles un système avait été ajouté permettant l'extraction automatique de certaines vedettes à partir de l'enregistrement de la fiche de base. Ce sysème, malheureusement, ne fonctionnait pas pour tous les types d'enregistrements, et environ 25 % des fiches devaient être faites selon un procédé traditionnel.

    La fiche de base, dans cette organisation, est la fiche faite à la marque ; elle porte la liste des titres des oeuvres, des noms des auteurs et interprètes, ainsi que la date de dépôt et la mention du ou des genres ; la fiche destinée au fichier interprète est également une fiche globale, aucune entrée séparée n'étant faite aux titres des oeuvres.

    L'intercalation est chronologique. La fiche destinée au fichier auteurs est une fiche « documentaire », c'est-à-dire, portant seulement l'indication d'une oeuvre. Ce fichier est donc particulièrement important, mais à partir de lui, on ne peut avoir aucune idée de ce que porte le disque en son entier, ce qui est tout de même gênant.

    Le fichier genre a des fiches complètes ou documentaires selon le cas : si un seul genre suffit pour toutes les oeuvres portées sur le disque, une seule fiche sera intercalée ; par contre, s'il en faut plusieurs, chacune ne porte que les références d'oeuvres correspondant au genre considéré.

    Le dernier fichier, le fichier titre, est un simple fichier index qui renvoie au fichier auteurs, aucune mention de cote ne figure sur ces fiches.

    Ce système a été abandonné à la fin de 1975 pour des raisons de matériel et de méthode :

    • - matériel : les machines étaient usées et leur remplacement s'avérait nécessaire ;
    • - méthode : le projet de normes de catalogage des phonogrammes suivant l'I.S.B.D. est à l'étude. Ce projet est actuellement en cours de révision, après une première version élaborée en juin 1975. La deuxième version comporte quelques modifications et sera surtout complétée par des éléments concernant le choix et la présentation des vedettes, ce qui en fera un document beaucoup plus complet.

    La modification fondamentale par rapport à l'ancien système en vigueur à la Phonothèque consiste en ceci : que la notice doit toujours être reproduite globalement, les entrées particulières se faisant sous forme d'entrées analytiques.

    Le département a la responsabilité de la rédaction du projet de norme française, projet qui sera vraisemblablement soumis à enquête publique au début de l'automne. On pourra alors peut-être faire un numéro d'essai de la future Phonographie de la France.

    Microéditions :

    • Elles font l'objet d'une annonce dans la partie officielle de la Bibliographie de la France, selon la norme des monographies adaptées au cas particulier.
    • Le Service Micrographie est chargé de rédiger le projet de norme française de catalogage des microformes.

    3) Service Micrographie

    II a deux fonctions :

    • - recevoir et annoncer le dépôt légal des microformes (microfiches et microfilms)
    • - réaliser dans le laboratoire de Versailles nos propres microfiches:
      • • qu'il s'agisse de gestion reproduction des incommunicables, généralement du Département des Livres imprimés,
      • • ou d'édition : reproduction d'ensemble d'ouvrages tombés dans le domaine public, regroupés par thèmes et généralement en collaboration avec un éditeur commercial avec lequel nous passons un contrat,

    exemples :

    • Les origines de la psychanalyse,
    • Le Rousseauisme,
    • Les enquêtes des préfets de l'Empire,
    • Le Saint Simonisme,

    ou pour notre propre établissement,

    exemple : les dossiers de presse Firmin-Gémier pour le Département des Arts du spectacle.

    Conscient de la difficulté psychologique que représente pour le lecteur, le recours à un appareil de lecture, ce service s'est, dès le début, attaché à réaliser des microfiches de qualité, agréables à lire. Ce parti pris implique nécessairement un travail à caractère artisanal et soigné.

    Bénéficiaire du Dépôt légal, la Bibliothèque nationale, de par l'ampleur de ses collections, est un interlocuteur privilégié des autres bibliothèques qui, tout naturellement, s'adressent à elle pour compléter ou remplacer des collections défectueuses. Ce rôle est appelé à se développer dans les années à venir.

    Le service est d'ailleurs très souvent sollicité par nos collègues pour jouer le rôle de conseil en matière de micrographie (problèmes techniques de reproduction ou d'équipement).

    Parallèlement à ces activités, le service a, en projet, la constitution d'un catalogue collectif des microformes qui actuellement fait défaut. Il commencera, dès cette année, à acquérir les microformes étrangères pouvant intéresser la Bibliothèque nationale.

    4) Service public

    Actuellement, faute de place, seuls les documents sonores sont communiqués au 2, rue Louvois. Notre public est constitué de musicologues, de gens de radio et de cinéma, d'ethnomusicologues, d'interprètes, de journalistes.

    Les auditions ont lieu, sur présentation d'un laissez-passer, délivré par le service d'accueil de la Bibliothèque nationale, comme pour les autres départements spécialisés. Le nombre restreint de cabines oblige bien souvent l'auditeur à prendre rendez-vous, et nous le regrettons vivement.

    Nous espérons que le Musée du phonographe qui reste encore, avec le service des doubles, rue des Bernardins, trouvera, dans l'ancien café Colbert et la galerie intérieure du bâtiment de la rue Vivienne, des locaux dignes de lui.

    Faute de place, les documents audiovisuels, exceptés les microformes, ne sont pas encore communiqués. Par contre, la documentation audiovisuelle est fréquemment demandée et consultée, provisoirement, dans la salle publique du son.

    Face à l'ensemble de ces documents qui, tous, nécessitent le recours à un appareil de lecture, nous avons plusieurs missions :

    • - conservation : des études sont en cours ou vont être menées, nous l'espérons, dans le laboratoire que dirige Mme Flieder (Centre national de recherche sur la conservation des documents graphiques), pour définir, entre autres, les meilleurs modes de conservation pour ces supports éminemment fragiles.
    • - communication : la Phonographie de la France et une partie audiovisuelle annonceront dans un futur que nous souhaitons proche, les documents reçus par dépôt légal.

    La communication des documents audiovisuels pose le problème de la non-standardisation des supports et des matériels. Ce problème devra être nécessairement résolu par des transferts sur un autre support choisi à priori, ce qui ne manquera pas de poser des problèmes juridiques très particuliers et actuellement en pleine évolution.

    - de documentation et de recherche : nous nous devons d'être un centre de recherche et de documentation sur l'histoire de l'enregistrement (qu'il s'agisse de musique, d'interprètes ou d'appareils). Grâce à des collections complètes pour le domaine français, grâce à une politique d'acquisitions et d'échanges pour le domaine étranger contemporain, nous souhaitons être un lieu de références pour les chercheurs et un lien coordonateur pour les différentes phonothèques spécialisées françaises (dans le domaine de la normalisation et de la conservation, par exemple).

    Une perspective similaire est à envisager dans le domaine de l'image fixe si l'on ne veut pas apparaître, en matière d'audiovisuel, comme la lanterne rouge des bibliothèques nationales.

    L'absence quasi totale de formation professionnelle concernant l'audiovisuel au sens large, dans nos écoles de bibliothécaires, nous fait augurer le pire.