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    Exposition

    La Comédie-Française (1680-1980) à la Bibliothèque Nationale

    Par Marie-Françoise Christout

    La célébration du Troisième centenaire de la Comédie-Française vient d'offrir l'occasion exceptionnelle de réunir du 23 avril au 27 juillet à la Bibliothèque Nationale dans le cadre prestigieux des Galeries Mazarine et Mansart, presque contemporaines de la fondation du Théâtre Français, un ensemble unique de documents de nature variée.

    En effet cette exposition organisée par les deux institutions nationales a été presque exclusivement fondée sur les très riches collections conservées de part et d'autre. De nombreux visiteurs ont pu ainsi prendre conscience de la manière dont les Archives et collections appartenant à la Société des Comédiens Français et celles rassemblées par les différents départements de la Bibliothèque Nationale, en particulier par le Département des Arts du Spectacle, pouvaient heureusement se compléter.

    Pour leur part, les premières possèdent une magnifique collection de portraits signés notamment par Mignard, Coypel, Largillière, Van Loo ou Delacroix, Clairin ou Jacques-Emile Blanche... Mais aussi grâce à l'initiative de Caffiéri en 1776, une fort belle collection de bustes dus, entre autres, à Houdon, Pajou, Lemoyne, Foucou... En dépit de nombreux déménagements de la troupe et des vicissitudes qu'elle connut durant la Révolution, elle a su préserver de précieux témoignages de ses activités. Auprès des registres-journaux, livres de bord, de compte, de régie, billets de semainier, mémoires, correspondances, on y trouve des plans, gravures, maquettes de décors et de costumes, affiches, programmes, textes annotés pour la mise en scène, sans oublier les nombreux souvenirs, bijoux, meubles légués par les Comédiens illustres. Les ateliers enfin ont recueilli au cours de siècles : costumes, coiffures, perruques, accessoires divers, tel le célèbre fauteuil du Malade imaginaire de Molière.

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    Salle de la Comédie-Française en 1726 rue des Foosés [sic]-Saint-Germain-des-Près par E. Champolion d'après Charles Coypel (B.N. Arts du Spectacle)

    De son côté, la Bibliothèque Nationale a pour vocation de conserver tous les témoignages de la langue écrite. Le Département des Estampes possède gravures et dessins originaux, celui de la Musique les partitions, la Phonothèque les enregistrements sonores, au Département des Médailles on trouve notamment le précieux |eton de présence des Comédiens Français frappé en 1682. Celui des Manuscrits a recueilli de précieux autographes de Racine à Giraudoux, de Beaumarchais à Feydeau, celui de l'Arsenal détient la plus ancienne affiche de théâtre connue en France. Enfin dernier-né de tous, le Département des Arts du Spectacle a pour vocation de rassembler tous les documents, précieux-ou éphémères, manuscrits ou imprimés, gravures, caricatures, maquettes planes ou construites, affiches, coupures de presse, objets voire costumes, qui concernent le spectacle et contribuent de façon souvent complémentaire à une meilleure connaissance de celui-ci.

    En ce qui touche la Comédie-Française, ses richesses sont très remarquables. En effet la collection Auguste Rondel, noyau original de cet ensemble sans doute le plus riche du monde dans ce domaine particulier, fut primitivement offert à la Comédie-Française, voici plus d'un demi-siècle. Et c'est l'impossibilité où celle-ci se trouva de l'accueillir qui entraîna son installation à la Bibliothèque de l'Arsenal.

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    Un comité du Théatre Français par C. Gilbert, 1846 (B.N. Arts du Spectacle)

    Le fait qu'un des anciens conservateurs de cette dernière, Edouard Thierry, fut de 1859 à 1871, un de ses plus remarquables administrateurs ne fut peut-être pas étranger à ce choix. Depuis la dernière guerre, de nombreuses collections privées émanant d'hommes de théâtre exemplaires comme Jacques Copeau, Louis Jouvet, Gaston Baty, André Barsacq... liés à un moment ou l'autre à la première scène nationale sont venus compléter ce fonds de façon originale.

    A partir de ces diverses ressources et sans faire appel à d'autres fonds que ceux des Archives Nationales et du Château de Versailles, il a donc été permis de retracer de façon extrêmement précise, mais aussi pittoresque que vivante, l'existence de la Comédie-Française depuis sa fondation, le 21 octobre 1680, jusqu'à nos jours.

    Une étroite collaboration entre les commissaires issus des deux établissements a facilité une sélection souvent délicate à effectuer étant donné la masse des documents et la diversité des problèmes qu'il convenait de citer au passage : rapports avec le pouvoir, la société, l'Eglise, les auteurs, censure, réforme dans le jeu, le costume, évolution du répertoire, de l'architecture théâtrale et de la scénographie mais aussi du public et des média, rayonnement enfin de la Comédie-Française sur le plan national puis mondial.

    La disposition des galeries, leur caractère historique, mais aussi les contraintes qui en découlent ainsi que les limites budgétaires d'une entreprise aussi considérable imposaient d'emblée un parti assez rigoureux. Or il était indispensable d'emblée d'allier à une connaissance indiscutable du sujet, une imagination visuelle seule capable de rendre attrayante l'érudition. En effet toute exposition concernant les arts du Spectacle, doit plonger le visiteur dans l'atmosphère magique du théâtre. Cette fois, il fallait faire revivre une troupe unique au monde dans laquelle s'étaient successivement distingués des personnalités aussi illustres que Melles Champmeslé, Adrienne Lecouvreur, Clairon, MM. Lekain, Talma, Melles Mars, Rachel, Sarah Bernhardt, Cécile Sorel, MM. Mounet-Sully, Coquelin, Albert-Lambert... Il fallait également rendre hommage simultanément à ce répertoire qu'elle a su conserver et préserver de Molière à Feydeau, de Racine et Marivaux, Hugo, Musset, Rostand sans oublier les auteurs étrangers tels Shakespeare, Goldoni, Tchékhov et les contemporains de Claudel, Montherlant, Giraudoux à Arrabal, Beckett ou Eliot. On ne pouvait oublier au passage les problèmes posés aux Comédiens dans leur relation avec l'Eglise, le pouvoir, notamment lors de l'affaire Crébillon (1762), de l'interdiction de l' Ami des lois de Laya (1793), Thermidor de Sardou (1891), Coriolan de Shakespeare (1933). La sélection était donc délicate à opérer si l'on voulait respecter les principaux chefs d'intérêt mais aussi l'attrait spectaculaire des documents présentés.

    Après une première salle permettant de situer la situation originale de la Comédie par rapport au théâtre en France, d'exposer les lois qui l'ont régie jusqu'à nos jours ainsi que ses diverses demeures parisiennes, durables ou éphémères, la galerie Mazarine a offert son décor authentique à l'évocation des grandes heures vécues par la Comédie-Française de 1688 à 1885. Puis dans la galerie Mansart, après avoir observé l'évolution du Théâtre Français au tournant du siècle sous les administrateurs Claretie, Carré et Fabre, le visiteur a pu prendre conscience de la prodigieuse activité déployée durant les cinquante dernières années par des administrateurs, des Comédiens, des metteurs en scène, décorateurs, compositeurs mettant au service d'auteurs anciens ou contemporains les conceptions esthétiques les plus diverses.

    Alors qu'auparavant portraits, bustes, caricatures, objets, souvenirs rassemblés symboliquement dans des loges imaginaires dédiées à trois monstre sacrés : Talma, Rachel, Mounet-Sully, dans cette seconde partie de l'exposition qui fait appel à notre mémoire personnelle, notes de mise en scène, maquettes planes ou construites, costumes, photographies, affiches illustrées ont pris une prédominance significative.

    Depuis un siècle enfin, la Comédie-Française exerce son rayonnement tant à travers la France que dans les divers continents. Dans la salle Coypel ont été rapidement retracées les nombreuses tournées qu'elle a effectuée de même que le rôle qu'elle exerce par l'intermédiaire des média : cinéma, radio, télévision. Enfin une évocation photographique présente l'actuelle compagnie rassemblant autour de l'administrateur Jacques Toja, les soixante dix sociétaires et pensionnaires saisis en scène sur le vif.

    Grâce à la collaboration de l'Institut National de l'Audiovisuel, une sélection d'émissions de télévision, reportages, pièces du répertoire, a pu d'autre part être présentée à cette occasion durant trois semaines dans le cadre de la Bibliothèque Nationale, qui s'ouvre ainsi à d'autres média.

    Précieux témoignage de cette célébration, l'important catalogue largement illustré rassemble auprès des 1365 notices, une documentation inédite. Il constitue un ouvrage de référence indispensable aux spécialistes comme aux curieux.

    Ainsi cet effort exceptionnel a-t-il mis en lumière les liens qui unissent pour la défense du patrimoine, Comédie-Française et Bibliothèque Nationale tout en attestant certes la richesse de leur passé prestigieux mais aussi la vitalité et le dynamisme qui ne cessent dans les domaines complémentaires de les animer.