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Extension régionale du Département des Arts du spectacle de la Bibliothèque Nationale

1980
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    Extension régionale du Département des Arts du spectacle de la Bibliothèque Nationale

    La Maison Jean-Vilar, Bilan d'une première années d'activités

    Par Monique Cornand

    Première décentralisation de la Bibliothèque Nationale, la Maison Jean Vilar offre un visage à facettes multiples. Elle est née, en fait, d'une convention entre trois organismes assez peu apparentés pour que leur coopération soit, aux yeux du profane, inattendue : la Bibliothèque Nationale, l'Association pour une Fondation Jean Vilar, et la ville d'Avignon.

    L'on sait que Jean Vilar, acteur et metteur en scène, a été le fondateur et l'animateur du Festival d'Avignon de 1947 à 1971, et du Théâtre national populaire de 1951 à 1963 ; c'est là, et au Palais des Papes avant le Palais de Chaillot, qu'il a voulu vivre « l'aventure collective » d'un « théâtre service public ». Il est donc naturel qu'après sa disparition en 1971, ses amis, et l'Association pour une Fondation Jean Vilar, se soient tournés vers Avignon pour y chercher les moyens de perpétuer son oeuvre. Et c'est à la Bibliothèque Nationale dont l'un des plus récents départements est spécialisé en arts du spectacle, que les deux organismes ont demandé sa caution et son aide scientifique et technique : il fallait assurer la gestion et la mise en valeur des documents rassemblés, mais aussi poursuivre dans l'avenir la tâche entreprise, et en assurer la pérennité.

    La première idée d'une telle création remonte à (2) 1972. Mais ce n'est que cinq ans après, le 22 décembre 1977 que sous la signature de M. Le Rider, Administrateur général de la Bibliothèque Nationale, M. Raison, président de l'Association pour une Fondation Jean Vilar, et Me Henri Duffaut, sénateur-maire de la ville d'Avignon, la convention tripartite créant la Maison Jean Vilar voit officiellement le jour.

    La Maison Jean Vilar a pour mission :

    • - de regrouper et de mettre à la disposition du public tous documents d'archives, films, costumes, maquettes, programmes, affiches, livres, accessoires, etc. qui témoignent du travail accompli par Jean Vilar tant au T.N.P. qu'au Festival d'Avignon, comme au cours de l'ensemble de ses activités ;
    • - de rassembler la documentation existante concernant la décentralisation artistique et culturelle, notamment en matière de théâtre, au développement de laquelle, Jean Vilar, sa vie durant, s'est particulièrement attaché ;
    • - d'une façon plus générale de mettre à la disposition des chercheurs, étudiants, enseignants et animateurs un fonds d'ouvrages et de documents spécialisés sur le théâtre ;
    • - de recueillir la documentation provenant des troupes et théâtres permanents de la région et leur fournir la documentation qui leur serait nécessaire.

    Visage à multiples facettes : centre de documentation spécialisé, sous la responsabilité scientifique et technique de la Bibliothèque Nationale qui en dirige l'orientation générale, la Maison Jean Vilar est logée dans un immeuble du 18e siècle acquis, restauré et équipé par la ville d'Avignon (3) : celle-ci est donc en droit d'espérer que tous les Avignonnais et les Festivaliers puissent y trouver un centre d'animation et de libre échange des courants de pensée, en matière de création dans le domaine du spectacle, et en harmonie avec l'intense activité culturelle qui caractérise la cité ; dépositaire, à travers l'Association Jean Vilar, des Archives du T.N.P. jusqu'alors entreposées à Paris, et de plus de 2 500 costumes de théâtre du T.N.P. des années 1951 à 1963, elle se doit de mettre à la disposition du public, spécialisé ou non, toutes ces richesses, et de promouvoir et faciliter la recherche dans ce domaine pour perpétuer l'oeuvre de Jean Vilar

    Voici onze mois qu'après une préparation intensive rue de Richelieu, la rue de Mons recevait les premières collections et la première exposition. Ayant su trois mois auparavant qu'une nouvelle mise en scène de Lorenzaccio était présentée au 33e Festival, nous avions choisi ce thème d'exposition pour notre entrée. Trente-et-une mises en scène depuis le jour où Sarah Bernhardt, en pourpoint de velours noir et argent, inspirait le désormais célèbre Mucha et faisait entrer dans la légende un héros jusqu'alors dédaigné des metteurs en scène. Pendant les 3 semaines du Festival, Lorenzo de Médicis devait recevoir 3 000 visiteurs.

    Après le tourbillon de l'installation et de l'été, il fallait établir notre image de marque définitive : ne se faire taxer ni de parisianisme ni d'ostracisme, s'insérer dans la vie d'une cité aux activités foisonnantes. Après l'aide estivale du Département, nous nous retrouvions deux (4) , face à un nouveau public conscient d'occuper un « territoire » privilégié après le départ de la cohue festivalière : 100 000 habitants dont nous étions en droit de redouter les exigences, si l'on en jugeait par la variété et la qualité des programmes culturels offerts. Ce public ne viendrait pas à nous ; il fallait aller à lui.

    Premier objectif : se faire connaître, et accueillir largement. Le 2 octobre, nous jumelions une journée « portes ouvertes » avec une manifestation similaire au Palais des Papes : en « non stop », nous recevions 200 personnes et, par cinq fois, commentions l'exposition et les ressources du Centre de documentation.

    Ce n'était qu'un début : quelques jours auparavant, une circulaire, passant par l'Inspection académique et les chefs d'établissements ou documentalistes, touchait le corps enseignant : il faut oeuvrer pour l'avenir ; nous décidions de garder « Lorenzaccio » qui n'avait été exploité ni en milieu scolaire ni auprès du public strictement avignonnais. Bientôt, nous accueillions à l'exposition et au Centre de documentation 1 450 visiteurs de plus, auxquels nous ne faisions pas moins de 58 conférences... Depuis, débordant sur le Gard, les Bouches-du-Rhône et l'Hérault, nous avons accueilli régulièrement 27 établissements scolaires.

    Parallèlement, nous décidions d'inviter les associations locales et régionales de tous ordres, des savantes ou culturelles jusqu'aux touristiques : 24 d'entre elles non seulement viennent régulièrement à nos manifestations mais se réunissent, éventuellement, dans une salle que nous mettons à leur dispositon quand un sujet de conférence touche au spectacle et nécessite une projection.

    Enfin, nous établissions le contact avec les troupes de spectacle de la région ; nos rapports devaient se fonder sur la notion d'échange : nous leur fournissons la documentation nécessaire à leurs mises en scène (en nous appuyant si nécessaire sur le Département des Arts du spectacle), elles constituent notre documentation future sur la décentralisation du spectacle en nous envoyant régulièrement leurs affiches, programmes, bulletins ou textes. Une douzaine de troupes sont maintenant en relation avec nous, venant non seulement du Vaucluse, mais de Grenoble, Sisteron, Clermont-Ferrand, Marseille et Montpellier, et même Toulouse.

    Nous travaillons en liaison étroite avec l'Université, où pourrait prochainement être créées une licence et une maîtrise en organisation du théâtre et des spectacles, aboutissant à la formation de responsables administratifs et artistiques d'organismes de création et d'animation : nous recevrions alors des stagiaires. A l'heure actuelle, se documentent chez nous des rédacteurs de thèses ou de mémoires sur le Festival, le T.N.P., ou tous autres sujets.

    Nous entretenons les meilleurs rapports avec les autres organismes culturels, Bibliothèque municipale classée, Conseil culturel, CIRCA (Centre International de recherche et de création artistique de la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon). Il nous apparaît essentiel, en effet, dans une ville d'importance moyenne, que le lecteur ou le chercheur sache que tous les détenteurs de ressources coopèrent pour une meilleure utilisation des crédits et des possibilités.

    Nous avons poursuivi le programme d'animation : en novembre 1979 a succédé à Lorenzaccio une exposition « Gérard Philipe » (5) accompagnée d'un spectacle vidéo : 1 650 visiteurs, 37 visites commentées ; puis le Département des Arts du spectacle nous a prêté la section « Théâtre d'ombres » de son exposition sur les « Spectacles d'Asie » : 1 150 visiteurs, 42 visites commentées. Deux séances d'animation, ombres d'Indonésie et ombres de Taiwan, ont attiré 820 spectateurs. Nous allons accueillir ces jours-ci une exposition du Conseil culturel « Lumière et spectacle », et enfin, en même temps que le 34e Festival, s'ouvrira une grande exposition sur « la Pyrotechnie ».

    Mais les tâches de gestion, d'organisation et d'accueil sont lourdes et demandent beaucoup de temps et de disponibilité.

    Le Centre de documentation, où les lecteurs sont, pour l'instant, en majorité des universitaires, scolaires et enseignants (75 %) (6) , et les Archives Jean Vilar vont demander maintenant tous nos soins si nous voulons qu'ils soient exploitables à fond. C'est l'un de nos prochains objectifs. Près de la moitié des recherches portent sur le Festival d'Avignon et le T.N.P. Sur les mêmes sujets nous parviennent des demandes de l'étranger (Suisse, Canada, Allemagne, Grande Bretagne, et même Afrique), dont nos recevons les visiteurs. Il faut entreprendre la rédaction d'un catalogue analytique très poussé (certains volumes devraient être indexés chapitre par chapitre), le dépouillement des périodiques, le classement des Archives Jean Vilar en même temps que la poursuite de la remise en état des costumes de scène.

    En juillet, sera par ailleurs implantée à la Maison Jean Vilar une vidéothèque nationale « Arts du spectacle ». Les subsides de mise en route sont venus du Ministère de la Culture à l'occasion de l'année du patrimoine, et déjà plusieurs séances de visionnage ont eu lieu à Paris et à l'étranger pour le choix des premiers documents. Le fonctionnement permanent de la vidéothèque exigera par la suite un important travail de détection, de catalogage, d'analyse, de contrôle des communications, tant sur le plan de la maintenance que sur celui du respect des conventions passées avec les fournisseurs et que sur le plan juridique.

    C'est essentiellement sur ces tâches que vont porter nos efforts dès la rentrée de septembre, sans toutefois revenir en arrière sur la politique de vaste accueil qui nous a permis d'être connus, et espérons-le, appréciés.

    1. (1) 8, rue de Mons 84000 Avignon. Ouverture : 10 h - 12 h, 14 h - 19 h du mardi au samedi. Conservateur : Monique Cornand, sous-bibliothécaire : Régine Lépine retour au texte

    2. (2) Voir l'article de Cécile Giteau, conservateur en chef du Département des Arts du spectacle, in : Bulletin de la Bibliothèque nationale, n° 2 juin 1979. retour au texte

    3. (3) 2 000 m2 environ utilisés comme un foyer culturel permanent et situés sur trois niveaux : au rez-de-chaussée, hall d'accueil, salle de projection, salle d'écoute, salles de réunions ; au premier étage, bureau du conservateur, salles d'expositions ; au deuxième étage, salle de lecture, salle d'iconographie, magasins en partie en libre accès et bureaux. retour au texte

    4. (4) Le 3e poste prévu par la Convention est en passe d'être pourvu sous peu. Le personnel municipal comprend : 1 décorateur, 1 hôtesse-standardiste, 1 temps partiel pour les Archives Jean Vilar, 1 concierge. retour au texte

    5. (5) De 1951 à sa mort (en 1959) Gérard Philipe a été l'un de fidèles compagnon de Jean Vilar au T.N.P. et le créateur de 8 pièces au Festival d'Avignon. retour au texte

    6. (6) Cette proportion devrait sensiblement changer dans un proche avenir : développement systématique des contacts régionaux, organisation de colloques avec les professionnels du spectacle, stages de formation en liaison avec le centre universitaire. retour au texte