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    Candide au pays des bibliothèques

    Par Gwénola Michel, Elève Médiadix Atelier de première année, IUT.1993-1994
    Par Christelle Gros, Elève Médiadix Atelier de première année, IUT.1993-1994
    Par Dominique Lesbros, Elève Médiadix Atelier de première année, IUT.1993-1994
    Par Lydia Sipp, Élève Médiadix Atelier de première année, IUT.1993-1994
    Ily avait à Nanterre, dans le château de l'IUT Métiers du livre, quatre étudiantes à qui la nature avait donné les moeurs les plus douces. Leur physionomie annonçait leur âme. Elles avaient le jugement assez droit, avec l'esprit le plus simple. C'est pour cette raison, je crois, qu'on les nommait : Candide au pays des bibliothèques...

    Candide, chargé d'une mission d'exploration marcha longtemps avant d'arriver devant la médiathèque de Taverny.

    Cette médiathèque est celle du XXIesiècle. Le verre et le métal marquent son aspect extérieur, sa forme de bulle donne l'impression d'un univers fantastique. Elle porte bien son nom : les Temps modernes.

    Comme toute médiathèque elle a une section robots-adultes et robots-enfants ! Dans la seconde, les robots de moins de 18 ans sont les utilisateurs. Les originalités n'y manquent pas (elle vit déjà au XXIe siècle) ; sa principale particularité est de disposer d'un espace adolescents dans lequel sont regroupés les grands classiques susceptibles d'être lus en collège et lycée (les robots aussi vont à l'école ! On ne développe pas ses circuits électroniques et ses puces technologiques seulement avec l'huile de coude des humains...).

    Les classiques ne figurent pas dans la section robots-adultes. L'espace pour le travail, comprenant les usuels, est clair. Le matériau utilisé est le bois (pour rappeler aux occupants leurs origines primitives). Le coin des bébés-robots se caractérise par de la moquette au sol (pour ne pas se faire mal aux rotules mécaniques), des peluches et des coussins : la douceur qui leur est nécessaire est bien présente.

    Le réacteur de la bulle est sobre et parsemé de coussins rouges, jaunes et bleus et permet aux futurs robotsadultes de rêver au son de « Il était une fois en 1994... »

    Quand Candide sortit, la neige tombait à gros flocons, il s'enfuit à toutes jambes trouver refuge à la médiathèque Jean-Pierre-Melville (Paris, 13e).

    D'une architecture avant-gardiste, la médiathèque Jean-Pierre-Melville offre au passant à travers la douce courbe de ses parois vitrées une vue qui pénètre au coeur de l'édifice.

    Au dernier étage, les enfants circulent entre un étonnant mobilier : des sortes de champignons en skaï, qui ont poussé ça et là, servent de tables et de coussins à la fois. Ils sont amusants mais en réalité ni confortables ni fonctionnels.

    Dans cette vaste galaxie-jeunesse gravitent les mêmes matériaux, les mêmes implantations, les mêmes couleurs que dans la galaxie-adulte, pour éviter aux adolescents, lors de leur voyage interplanétaire, un trop grand dépaysement.

    Pourtant des couleurs froides telles que vert foncé ou gris métallisé ne conviennent guère à un espace jeunesse. La plupart des rayonnages sont sur roulettes, ce qui semble un avantage à première vue (pour changer la disposition des meubles) mais se révèle à l'expérience d'une grande inutilité.

    La coursive sert de salle de travail ; elle est bordée de baies vitrées mais ses hauts plafonds transmettent, en l'amplifiant, le moindre bruit et il y plane une chaleur étouffante en été. C'est cependant un endroit très recherché pour y travailler.

    Comme de la banque d'accueil on ne peut pas avoir une large vision sur l'ensemble de la surface, cinq à six personnes sont nécessaires pour faire régner la discipline.

    La salle d'heure du conte rappelle une soucoupe volante, avec sa forme en amande, ses spots encastrés et son bastingage arrondi. Son esthétique moderne et originale n'a pas profité au bon déroulement des séances feutrées d'heure du conte. Le personnel se sert de ce petit nuage comme d'une salle polyvalente pour accueillir des crèches et diffuser des films.

    Le regard encore rêveur, Candide sortit... Sous une chaleur de plomb, mourant de soif, Candide découvrit avec soulagement La Fontaine, petite bibliothèque des Halles.

    Située au coeur des Halles, la bibliothèque de La Fontaine est le repaire idéal des enfants du quartier... De 0 à 16 ans, chacun y trouve sa place. Les tout-petits y ont leur propre bulle, intime, en arc de cercle, où tout est à leur taille : petit mobilier rouge, casiers colorés. Des animaux géants, tendres et sages sont leurs complices de lecture. De leur côté les caïds ont de quoi s'occuper entre BD, diapos, cassettes, revues, contes, romans et documents. Les baies vitrées rendent le lieu très original et très convivial. L'espace est peut-être difficile à aménager, mais les bibliothécaires l'ont bien maîtrisé : les envahisseurs des lieux ne sont pas déboussolés. Et lorsque les bibliothécaires sortent l'arbre à histoires, ils ne se sentent plus de joie. Cet objet magique les invite à aller consulter le livre, pour une nouvelle lecture-plaisir en solitaire.

    La Fontaine n'en finira jamais de déverser et de répandre ses flots de livres. Mais pour des raisons évidentes ( ! ?) de sécurité, Candide n'a pas été autorisé à y prendre de photos.

    Toujours à la recherche d'autres horizons, Candide s'éloigna de Paris. Il savait à peu près de quel côté il fallait marcher, mais des montagnes, des précipices, des fleuves, des brigands et des sauvages étaient partout de terribles obstacles à franchir pour arriver au chalet de la bibliothèque municipale de Montreuil.

    C'est dans un ravissant square qu'il la découvre. L'accès est donc agréable. Entré dans la section jeunesse, il est accueilli par des livres bien sûr, mais aussi par des peluches, des maquettes et autres petits objets assemblés par thèmes dans une vitrine, auprès de fauteuils et de plantes vertes. C'est là que, pour la première fois, il observe avec étonnement les monstrueux dinosaures de Jurassic Park, alors tout à fait d'actualité. Malheureusement, pour ne pas abîmer de si jolies réalisations, leur mise sous verre et sous clef est nécessaire, bien que cela nuise quelque peu à l'attrait qu'elles exercent.

    A droite de l'entrée se situent les toilettes qui ont la particularité d'être proportionnées à la taille du jeune public. A gauche les bacs à albums. Leurs couleurs correspondent à leur contenu. Par exemple, les histoires pour tout-petits sont rangées dans les bacs rouges, les histoires longues dans les bleus, et les très longues dans les violets.

    Enfin la salle d'heure du conte... Elle est située au sous-sol et est habitée d'une majestueuse cheminée. Oh ! Candide ne s'en inquiète pas car la cheminée est si grande que le foyer incandescent est bien trop éloigné du bord pour que de petits bras innocents l'atteignent. En revanche, par la seule imagination, Candide savoure la douce chaleur, le léger crépitement et la lumière apaisante du feu qui doivent donner aux heures du conte une atmosphère inimitable.

    Tombé d'un pic, piqué par des puces, Candide dégringola au sixième étage de la bibliothèque Picpus.

    Là au moins, il goûta le calme propre à cette altitude : aucune bande de jeunes du quartier ne s'est approprié les lieux. L'espace est clair, la vue s'étend sur les toits de Paris. Hélas, les protections aux fenêtres ont été omises et la sortie de secours donne sur le toit. En outre les enfants n'ont pas le droit de monter seuls dans l'ascenseur pour accéder à l'endroit qui leur est spécialement réservé.

    Cependant, en bons aventuriers qu'ils savent être, rien ni personne ne les empêche de gagner leur jungle toute décorée de plantes vertes et surtout de peluches : il y en a partout, sur les étagères, sur les présentoirs, par terre... Certaines illustrent même le fonds documentaire, par exemple, la poupée représente l'anatomie, les animaux la zoologie, etc.

    Les petits aventuriers ne sont pas trop agités pour autant. Ils préfèrent lire allongés, principalement dans le coin des BD, d'où l'absence de fauteuils. Et puis la couleur bleue dominante et les autres teintes pastel ont des vertus apaisantes. Quant au coin des tout-petits, il ouvre de larges fenêtres sur un ciel toujours bleu, d'une vaste peinture en trompe-l'oeil sur tout un pan de mur. C'est à cet endroit, d'ailleurs, qu'on accueille classes et groupes puisqu'il n'y a pas de salle d'heure du conte. Les bibliothécaires exploitent ainsi ce dont ils disposent. De même, ils ont récupéré et repeint armoires, casiers et échelles en bois. L'idée est originale et peu coûteuse, elle confirme la qualité et la variété de la décoration.

    Tombé dans un fleuve, Candide se rattrapa à un rondin de bois et vogua quelques lieues jusqu'à ce qu'il échoue dans un village d'ambiance africaine: Clamart. Oh ! quelle joie par les livres !

    Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il découvrit, au beau milieu d'une cité, un étonnant petit village composé de cinq cases africaines. Dans la première case il fut accueilli par une quinzaine de masques africains qui le fixaient de leurs gros yeux avec un petit air rigolard. Mais ceux-ci ne l'intimidèrent point et poussé par la curiosité, il pénétra dans la seconde hutte, beaucoup plus claire, point de passage obligé pour se rendre dans les autres huttes. Une spacieuse banque d'accueil y trône. Poursuivant son chemin vers la droite il se retrouva dans une hutte beaucoup plus vaste. Il fut saisi par ses étagères de bois épousant la forme circulaire des lieux. Les murs sont comme tapissés de livres. Il se sentit bien dans cette salle où les murs boisés créent une ambiance chaleureuse. Le mobilier est bien adapté aux habitants des lieux : il y a des tables et des chaises de différentes hauteurs en bois coloré. Par terre sont posés des casiers en bois rouge, bleu et vert, remplis d'albums. Les grands tapis bleus qui recouvrent le sol sont appréciés par les enfants : ils y lisent allongés. Le centre de cette case est occupé par des rayonnages mobiles.

    Il reprit sa route vers une hutte plus studieuse : la salle de travail et de lecture. Les enfants y trouvent les usuels. Un côté du mur est libre afin de servir de panneau d'affichage pour les expositions. Lors de celles-ci, du mobilier en carton vient suppléer aux besoins des bibliothécaires.

    La dernière hutte du village est la plus étonnante et la plus attendrissante. C'est la case des tout-petits, réservée aux 0-3 ans. C'est un endroit intime, séparé des autres huttes du village par une porte et par un rideau. Les enfants s'y déchaussent et jouent sur un beau tapis moelleux où ils écoutent des histoires racontées par maman. Il y a des petits bacs pour les livres. L'endroit est rendu très chaleureux par le bois, le peu de lumière et par l'éclairage tamisé.

    C'est un lieu très apaisant pour les enfants qui contraste avec l'ensemble des huttes plutôt bruyant.

    Revenant sur ses pas, c'est alors qu'il découvrit soudain un passage menant sous terre. Il atterrit dans une cave circulaire et comprit qu'il était au coeur du village : plein d'enfants se tenaient assis et Candide put voir dans leurs yeux qu'ils étaient partis dans un autre monde, le monde du conte.

    Alors que Candide sortait, un carrosse passant par là l'emmena passer une Heure joyeuse à Versailles.

    Il était une fois, dans la ville du Roi-Soleil, un petit château réservé aux enfants. Au premier étage se trouve une bibliothèque et au second étage une ludothèque. Depuis 1930 la bibliothèque est le véritable royaume des enfants. Ce royaume est divisé en deux parties communicantes mais séparées : d'un côté, la salle des documentaires où ils peuvent travailler en toute tranquillité et, d'un autre, leur salle préférée où ils peuvent lire et s'évader.

    Les enfants s'y sentent comme des rois : ils fouillent partout, déambulant aisément parmi les rayons blancs adaptés à leur taille. Ils y lisent aussi bien par terre que sur leur chaise ou bien encore, confortablement installés sur leurs banquettes.

    Là-bas rien n'est difficile et ranger tout seul est facile : le livre muni d'un scotch vert va dans le bac vert, le rouge dans le bac rouge... Quant aux livres marqués du redoutable scotch noir, ils ne peuvent être empruntés. Malgré la vétusté du lieu, les enfants ne veulent rien changer à leur petit château lumineux et joyeux.

    Heureux comme un poisson dans l'eau, là, dans les profondeurs, une lueur attira Candide: les hublots miroitants de la médiathèque Jean-Cocteau de Massy.

    La médiathèque Jean-Cocteau émerge d'un complexe culturel, avec ses parois vitrées percées de hublots - couleur goutte d'eau. A l'intérieur de cette architecture aux tons aquatiques, la section jeunesse, à l'exemple de plusieurs autres « biblieauthèques », place le coin BD à proximité de la banque d'accueil, afin que le personnel puisse jeter un regard vigilant sur cet endroit généralement très animé et éviter qu'il ne soit monopolisé par un seul type de public. Pour que les plongeurs débutants dans les profondeurs de la lecture ne soient pas noyés sous un mobilier d'apparence intimidante, il y a dans le coin travail des tables de différentes hauteurs, adaptées à la taille du public auxquels les livres sont adressés - ainsi qu'un lutrin (table pupitre).

    L'espace tout-petits est aménagé comme un mini-parc, avec une barrière, un arbre en bois et une maisonnette où les enfants se faufilent. L'aménagement de la « marmothèque est particulièrement soigné car le secteur jeunesse s'est donné pour orientation de privilégier la bulle réservée aux tout-petits.

    La salle d'heure du conte dispose d'un matériel sophistiqué - notamment d'un kamishibaï (petit théâtre japonais en bois) - et les éclabousse de rêves....

    La cohabitation sous le même toit du cinéma, du théâtre, de l'opéra et de la médiathèque favorise relations et coopérations à l'occasion d'expositions, de rencontres, d'animations communes particulièrement enrichissantes pour tous.

    Il y avait un petit bois dans le voisinage. Candide grimpa dans le plus beau de ses arbres: Brochant.

    Au-dessus d'une école maternelle, se trouve la bibliothèque Brochant. Les écoliers sont déjà à proximité. L'escalier coloré les prépare à l'accueil qu'ils vont recevoir au second étage.

    La bibliothèque a la forme d'une coque de bateau renversée, avec des mezzanines, des niches modulables, remplies ou non de livres, dans lesquelles on peut se cacher pour une lecture à la fois solitaire et secrète. L'architecte, Em-manuel Paumier, s'est inspiré pour la construire du conte d'Italo Calvino, Le Baron perché. C'est une idée à la fois originale et qui donne au lieu un livre pour origine.

    Le classement des documents est en forme de parcours dans des mezzanines où les meubles sont selon la taille du public ; en grandissant, les enfants vont de branches en branches, comme des oiseaux s'ébattant gaiement parmi les feuilles (de livres). Bien entendu, le matériau dominant est le bois : nous sommes dans un arbre. Le coeur de l'arbre est une petite pièce triangulaire, en escalier, drapée de bleu et pleine de compagnons en peluche pour les enfants qui viennent y écouter de belles histoires. Le seul problème est que les oisillons pépient parfois un peu fort et les bibliothécaires ont alors du mal à les surveiller, en raison des angles morts qui subsistent depuis la banque de prêt. A ce moment-là, notre arbre prend plus le visage d'une salle de jeu que d'une bibliothèque.

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    Caractéristiques de divers bâtiments-bibliothèques : tableau 1

    Satisfaites de leurs pérégrinations, les quatre étudiantes (que l'on nommait Candide) rentrèrent dans leur petit château de l'IUT et présentèrent à leur maître « Pangloss-Hecquardle fruit de leurs tribulations, que cette dernière jugea digne d'être présenté à ses condisciples de l'ABF.

    Candide conclut que tout n'était pas pour le mieux dans la meilleure des bibliothèques et que la bibliothèque idéale n'existait pas encore. C'est pourquoi il faut continuer à cultiver notre jardin...

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    Caractéristiques de divers bâtiments-bibliothèques : tableau 2