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    Une bibliothèque départementale et des collèges

    Quelle collaboration ?

    Par Aline Antoine, Bibliothèque départementale des Yvelines
    Par Lise Faucon, Bibliothèque départementale des Yvelines

    l'annonce de la création d'un service de la bibliothèque départementale des Yvelines desservant des collèges, bon nombre de nos collègues se sont posé la question : pourquoi desservir les CDI alors que les bibliothèques départementales se détachent des écoles primaires et que pour certaines (celles créées dans les années quatre-vingt) il n'y a pas de service en direction des scolaires ? Cela paraissait un peu incohérent, d'un côté arrêter le service aux écoles primaires et de l'autre l'ouvrir aux collèges. Un historique de cette collaboration avec les écoles permet de mieux comprendre.

    La bibliothèque départementale des Yvelines est une des plus anciennes bibliothèques centrales de prêt (BCP de Seine-et-Oise créée en 1946). Elle avait un réseau d'écoles primaires relativement important. En 1983, 70 % des dépôts étaient des écoles primaires. Grâce au développement des bibliothèques municipales dans les villes de moins de 10 000 habitants, les écoles ont établi une collaboration avec ces BM, les enfants dans la commune ont connu le chemin de leur bibliothèque, avec des prêts de livres plus importants et plus fréquents. La bibliothèque départementale a pu alors, en douceur, abandonner la majorité des dépôts scolaires, et dix ans plus tard, ils ne sont plus que 24 % : des petites écoles de une ou deux classes dans des communes sans bibliothèque.

    La desserte des CDI par la bibliothèque départementale a été, elle, demandée par le conseil général. La décentralisation attribuant la gestion des collèges aux conseils généraux et les bibliothèques centrales de prêt devenant départementales, quoi de plus naturel que de proposer une collaboration ?

    En 1990 une proposition a été faite par l'académie de Versailles pour informatiser les collèges. A peu près au même moment, le conseil général a décidé d'informatiser sa bibliothèque départementale et l'idée d'une collaboration basée sur l'informatique documentaire s'est fait jour. C'était séduisant mais irréaliste en raison de l'incompatibilité des systèmes informatiques des CDI avec ceux des bibliothèques et le faible état d'avancement de l'informatisation des collèges.

    La collaboration s'est alors axée sur le prêt de documents qui paraissait à la fois plus urgent et plus prioritaire qu'une hypothétique informatisation.

    Un état des lieux

    Un état des lieux était nécessaire pour savoir que prêter, comment prêter et pourquoi ? Le département a donc fait faire une enquête auprès de tous les collèges publics et privés sous contrat, en tout 122, en 1990. La mise en place et la définition de cette collaboration n'était pas envisageable sans ce travail préliminaire.

    Cette enquête a permis de savoir que 91 % les collèges avaient un CDI, d'une surface allant de 60 à 200 m2, et possédaient de 1 000 à 4 000 livres. Un documentaliste était présent à plein temps (82 %) ou à mi-temps (10 %) ; 6 % des collèges était sans documentaliste et 2 % avait plus d'un documentaliste.

    Quelles formations avaient ces documentalistes ?

    • 25 % avaient répondu n'avoir aucune formation, mais ce pourcentage diminue d'année en année en raison de la création, il y a deux ans, du CAPES de documentation.
    • 27 % avaient une formation professionnelle (CAFB, IUT, INTD).
    • Les 48 % restants avaient reçu une formation courte par stages.

    Comment se composaient les fonds ?

    Les périodiques constituaient la plus grosse partie, leur coût représentant facilement un tiers ou la moitié du budget total d'achat de documentation, qui était de l'ordre de 7 000 à 20 000 F en moyenne par CDI.

    Les livres se répartissaient entre :

    • les usuels, le premier achat fait lors de la création d'un CDI ;
    • les documentaires, dans leur majorité réservés à la consultation sur place ;
    • les ouvrages de fiction, souvent mis à part, parfois anciens et sans nouveautés.

    Les documents audiovisuels : les CDI, pour la plupart, disposaient de cassettes vidéo au format VHS, sur toutes les disciplines ; une part importante du budget leur est consacrée. Les cassettes audio et compacts-disques étaient en nombre beaucoup moins important.

    L'enquête, après avoir défini le paysage des CDI, a permis de préciser la demande. L'emprunt d'expositions et la réservation d'ouvrages précis, ainsi que le prêt de cassettes vidéo étaient les plus demandés. Comme il n'y a pas de vidéothèque à la bibliothèque départementale, cette demande n'a pu être satisfaite bien qu'elle fût prioritaire. Arrivait en seconde position le prêt d'un fonds de livres. Les documents sonores, eux, avaient peu de succès. En revanche, la participation à des journées thématiques de formation ou d'informations, comme nous en organisons pour les bibliothèques, avait rencontré de nombreux suffrages.

    Le projet

    A partir de ces éléments une proposition a été faite : offrir un prêt de livres renouvelé annuellement de l'ordre de 300 livres avec des possibilités de réservations ainsi que des prêts d'expositions. La desserte de la totalité des CDI devait s'échelonner sur quatre ans. A terme, cette opération augmentait de 50 % la quantité de dépôts de la BDY et ne pouvait être envisagée sans une augmentation du budget et un personnel plus nombreux.

    Début 1991 le conseil général a décidé, suite aux propositions de l'enquête, de prévoir au budget de la BDY une somme correspondant à l'acquisition de 6 500 ouvrages, annuellement pendant quatre ans, ainsi que la création de trois postes : un chauffeur, un bibliothécaire et un assistant du patrimoine ; deux postes supplémentaires étaient prévus trois ans plus tard. Malheureusement, la période de restriction aidant, ces deux postes n'ont pas été créés et la desserte des CDI n'a pu être menée à son terme.

    C'est dire que nous pouvons nous considérer encore en phase expérimentale, même après ces trois années d'exercice et que des ajustements sont toujours possibles... et souhaitables.

    Actuellement nous desservons 55 CDI et voici comment la collaboration effective s'est organisée.

    Pour le démarrage de l'opération, il a fallu sélectionner les collèges, 25 par an, sélection qui s'est effectuée sous le couvert du conseil général en retenant certains critères:

    • l'existence d'un CDI avec la présence d'un documentaliste de préférence à plein temps, ce qui n'est pas toujours le cas dans les établissements privés ;
    • la situation du collège en ZEP (zone d'éducation prioritaire) ou la faiblesse du CDI en livres, c'est pour cette raison que les établissements nouvellement créés ont été privilégiés;
    • des CDI de référence ayant bien développé leur fonds ainsi que leur informatisation, avec lesquels nous pouvions étudier plus précisément les besoins ;
    • la situation géographique a également été prise en compte afin de permettre un équilibre entre les cantons.

    Les collèges sélectionnés reçoivent une invitation à une journée d'information collective sur les modalités de la collaboration. Ces réunions ont été majoritairement suivies et constituent une étape importante dans la mise en place du travail. Une proposition d'ouverture de dépôt est alors transmise au principal du collège, un peu comme un contrat d'engagement. Une fois le dépôt ouvert, une bibliothécaire de la bibliothèque départementale est responsable de son suivi, comme pour les autres dépôts.

    Le CDI et le prêt de livres

    L'action première reste le prêt de livres car cela correspond à la mission de base de la BDY. Prêt annuel, pouvant s'effectuer soit dans les locaux de la BDY, soit au passage d'un bibliobus dans le collège. A 80 %, les documentalistes ont privilégié la première solution qui leur donne un choix plus vaste et des possibilités de rendez-vous supplémentaires dans l'année, malgré les contraintes que leur occasionnent le déplacement à Versailles et l'utilisation de leur véhicule personnel pour le transport des cartons (exceptionnellement une camionnette BDY peut acheminer jusqu'au collège les livres choisis).

    La quantité moyenne des prêts tourne autour de 160 livres par CDI - ce qui est peu - mais il faut savoir que nous avions mis la barre assez bas, 200 à 300 livres suivant la taille du collège, le prêt BDY ne devant rester qu'un complément ponctuel du fonds propre de chaque CDI (à titre de comparaison, les gros dépôts de notre réseau dits - bibliothèques-relais bénéficient d'un prêt annuel d'environ 1 500 ouvrages et les petits dépôts d'un prêt de 100 à 500 ouvrages). Dictionnaires, encyclopédies et autres usuels sont exclus du prêt, avec l'idée que le CDI peut en financer l'acquisition sur la dotation annuelle du conseil général (6 000 F par CDI).

    Les statistiques de prêts enregistrent des fluctuations importantes entre les CDI, avec des extrêmes allant de 60 à 360 livres, sans que cela soit réellement proportionnel à leur taille ou au volume de leur fonds initial. Peut-on expliquer ces différences par le fait que certains documentalistes se sont montrés plutôt prudents pour se donner le temps d'intégrer ce nouveau dispositif à leur gestion, tandis que d'autres ont d'emblée été très gourmands, ravis de l'éventail éclectique du fonds de la BDY ?

    La nature des prêts de la BDY

    Quelques éléments sur le contenu des prêts : les livres adultes forment jusqu'à 15 % des prêts, en particulier dans les domaines du sport, de l'art et de la technique.

    Parmi les livres jeunesse, ce sont les nouveautés qui sont bien sûr très demandées car leur emprunt sert un peu de test aux documentalistes avant achat éventuel, mais la disponibilité de ces nouveautés reste dépendante des aléas du circuit du livre (ce qui est le problème de toute desserte annuelle).

    D'une manière générale, les documentalistes font preuve d'une grande précision dans leurs choix et il est réconfortant de voir les CDI les plus dynamiques utiliser le prêt BDY pour donner une plus grande mobilité à leur gestion locale : par exemple, tel CDI, qui laisse sortir en prêt ses propres documentaires, empruntera à la BDY des ouvrages sur les thèmes les plus travaillés par les élèves pour en mettre un exemplaire en consultation sur place ; tel autre, n'ayant pas créé de fonds BD, faute de moyens, ou en ayant en quantité juste suffisante pour la lecture sur place, se fournira en nombre à la BDY pour les offrir en prêt aux lecteurs avides... ; deux CDI ont profité de l'offre de la BDY pour créer un fonds de fictions à destination des enseignants et espèrent que romans d'actualité, prix littéraires et romans policiers favoriseront leur présence active au CDI. Expérience que nous suivons avec intérêt.

    Les demandes spécifiques des CDI sont souvent plus pointues que celles de nos dépôts habituels et il ne nous est pas toujours possible de les satisfaire dans l'état actuel de notre travail : au début nous avons adapté notre fonds en achetant en plus grand nombre d'exemplaires les livres destinés aux 10-15 ans ; la simple consultation de notre base bibliographique sur minitel reste d'un accès difficile, les « réservations » éventuelles se font par téléphone ou par écrit, quelques semaines avant le rendez-vous.

    En ce qui concerne les retours, nous n'avons que trois années de recul, mais on peut déjà dire que peu de livres ont été perdus, y compris dans les zones difficiles. Rendons hommage à l'extrême vigilance des documentalistes mais cette crainte de perdre des livres de la BDY - que nous leur avons peut-être inoculée - n'handicape-t-elle pas parfois le processus de prêt ? C'est ainsi que l'on voit certains CDI opter pour des solutions qui n'ont pas toutes notre agrément :

    • diminution notable des emprunts BDY avec refus d'emprunter certains types de documents (ceux qui s'abîment vite ou ceux qui sont chers à rembourser) ;
    • livres BDY non prêtés aux élèves en accès direct.

    Pour éviter cela, nous allons assouplir la clause de remboursement des livres perdus que devaient signer les principaux des collèges.

    A côté du prêt de livres...

    fournées à thème

    Les journées professionnelles organisées par la BDY sont proposées à toutes les bibliothèques municipales des Yvelines, mais pour les CDI seulement à ceux qui sont inscrits à notre réseau. Des documentalistes ont pu assister à titre individuel à ces journées, mais il n'est pas possible d'élaborer des statistiques de participation.

    Prêt d'expositions

    Comme pour le prêt de livres, le prêt d'expositions est gratuit pour les collèges dépositaires (il est payant pour les autres collèges, au même titre que pour tout organisme extérieur au réseau). Une assurance est exigée à chaque prêt. Chaque année une douzaine d'expositions (panneaux accompagnés d'une cinquantaine de livres) sont empruntés par des CDI pour une durée moyenne de trois ou quatre semaines.

    A noter que deux ou trois CDI inclus dans le dispositif de prêt n'empruntent que des expositions.

    Prêt de documents sonores

    L'enquête préalable avait montré que rares étaient les CDI développant un fonds de cassettes. Pourtant on doit retenir que 73 % des CDI sondés se disent intéressés par le prêt de cassettes audio à usage interne au collège : livres-cassettes, musique, méthodes de langue... Mais, pour différentes raisons, il a été jugé préférable dans un premier temps de ne pas ouvrir ce service.

    En conclusion

    On voit que pour l'essentiel la BDY conserve un rôle de prestataire de services, centré sur la mise à disposition de livres. L'observation de ces échanges a montré la nécessité d'une plus grande souplesse, mais dans l'ensemble, le dispositif mis en place entre les CDI et la BDY rencontre l'agrément des utilisateurs puisqu'en trois ans un seul collège a demandé la fermeture de son dépôt.

    Un réajustement des modalités de collaboration va être opéré et, en particulier, l'ouverture plus souple des services de la BDY avec des visites plus fréquentes pour permettre des réponses plus rapides aux besoins documentaires des CDI. Afin également d'inciter à plus d'emprunts, les règles de remboursement des documents perdus vont être assouplies, car les trois années d'observation ont montré qu'il y avait peu de pertes du côté des CDI.

    L'amélioration de la consultation par minitel doit faire partie des développements envisagés. Et dès la rentrée 1994 les CDI ont accès au prêt de cassettes audio.