Jeux de cartes
Une réussite
Par Pierre-Yves Duchemin
Ah bon... cela se catalogue
«aussi, les cartes ? " Je n'aurais
pas cru qu'on trouve aussi ma
carte Michelin à la BN»... On entend
(trop) souvent ces mots lors des dé-
monstrations de BN-OPALINE. Certains
ajoutent même d'un air entendu :
« Oui... de toute manière, une carte, ce
n'est rien de plus qu'un livre à plat. »
C'est à la fois un peu vrai et très faux !
Un peu vrai parce qu'une carte, comme
beaucoup d'autres documents, possède
des éléments bibliographiques habi-
tuels ,, tels que, par exemple, un auteur,
un titre, une édition, un éditeur, une
date de publication, un format, une
mention de collection éventuellement
numérotée, un ISBN, etc. Très faux
parce qu'une réduction aussi drastique
ne prend pas du tout en compte la spé-
cificité du document. Pourtant, cette
spécificité est telle qu'elle nécessite une
zone particulière de l'ISBD et des
normes AFNOR, la zone 3 « particulière
à certains types de document" ; en ou-
tre, si une carte, comme les autres do-
cuments, doit avoir un accès titre, un
accès auteur, un accès sujet le cas
échéant, elle doit avoir en plus, et c'est
le plus souvent son accès principal, un
accès géographique.
Si le document traité se réduisait à la
« carte », le problème serait beaucoup
plus évident à résoudre... mais, et c'est
là une grande partie de son charme, le
document cartographique est très poly-
morphe : outre la carte qui elle-même
se décline en document isolé, en série
cartographique (66 % des documents
modernes) ou en collection (20 %), on
doit cataloguer des atlas (qui sont aussi
des livres...), des notices d'accompa-
gnement de cartes géologiques (la-
quelle est le matériel d'accompagne-
ment de l'autre ?), des panoramas, des
documents manuscrits, des photogra-
phies aériennes, des vues stéréoscopi-
ques, des images de satellite, des
globes, des sphères armillaires ou des
planétaires (qui sont aussi des objets),
des globes célestes (parfaites images
virtuelles : où faut-il se placer pour ob-
server l'univers sous la forme d'un globe
céleste ? à droite ou à gauche de Dieu
le Père ?), des astrolabes, sextants et au-
tres instruments, plus récemment des
CD-ROM cartographiques et bientôt,
grâce à la nouvelle loi sur le dépôt légal,
des systèmes d'information géographi-
que, plus connus sous le nom de SIG.
Toute cette énumération à la Prévert
pour montrer qu'un catalogueur de do-
cuments cartographiques ne s'ennuie ja-
mais !
Il dispose d'un arsenal normatif bien
fourni : l'ISBD (CM Cartographic mate-
rial) (2eédition 1987), le fascicule de
documentation AFNORZ 44-067 Catalo-
gage des documents cartographiques:
rédaction de la description biblio-
graphique (2eédition 1991), la norme
française homologuée AFNOR NF Z 44-
081 Catalogage, forme et structure des
vedettes géographiques (1993) et le fas-
cicule de documentation AFNOR Z 44-
068 Catalogage des documents cartogra-
phiques, manuel d'application du fasci-
cule de documentation Z 44-067 et de
la norme NF Z 44-081 (à paraître en
1994).
Sans entrer dans le détail d'un manuel
de catalogage, il est possible dans le ca-
dre de cet article de brosser un rapide
tour d'horizon des principales difficultés
qui attendent l'apprenti catalogueur de
documents cartographiques.
-
* Le titre est parfois insuffisant et bien
souvent « éclaté dans les marges ; il
faut alors le reconstituer. Existe égale-
ment la carte sans titre : il faut alors res-
tituer entre crochets un titre qui rende
compte le mieux possible du contenu
du document ; le titre et le contenu de
la carte proprement dite sont souvent
complémentaires. Le titre indique le
thème de la carte et la carte elle-même
apporte des éléments d'identification
géographique.
-
* L'auteur, car sous ce terme simple en
apparence, se cachent des réalités bien
diverses. Tout d'abord, contrairement
au livre, l'auteur principal d'une carte
n'est pas celui qui a écrit le texte figu-
rant sur la carte ou sur un éventuel ma-
tériel d'accompagnement, mais celui
qui a établi le dessin cartographique
lui-même, donc le cartographe.
Les documents modernes sont presque
exclusivement établis par des collecti-
vités qui, souvent, n'apparaissent que
sous forme de sigle non développé et
qui sont parfois difficiles à identifier
(quand c'est l'IGN ou le BRGM, on a des
chances de trouver facilement !). Le
problème peut se corser quand plu-
sieurs organismes figurent sur le docu-
ment et que rien n'indique que l'un soit
dépendant de l'autre...
Sur les documents anciens, des noms
figurent souvent... mais qui est le car-
tographe, qui est le graveur, qui est
l'éditeur-imprimeur-libraire ? Enfin,
comble de l'horreur, la carte anonyme,
plus fréquente qu'on ne l'imagine.
-
* L'éditeur: sur les documents modernes,
ne figure souvent qu'une seule mention
et l'auteur est à la fois cartographe et édi-
teur ; plus ardu est le cas où plusieurs
organismes figurent sur le document : qui
fait quoi ? Dans le cadre d'une biblio-
graphie, il est pourtant essentiel d'identi-
fier et de localiser l'éditeur ; de plus,
quand une agence cartographique effec-
tue un travail pour un autre organisme,
la mention de copyright n'identifie pas
forcément l'éditeur.
-
* La date de publication: elle est sou-
vent donnée sur les documents mo-
dernes sans toutefois être bien mise en
évidence. Il ne faut pas la confondre
avec les autres dates figurant sur le do-
cument : date de levé, d'élaboration du
dessin cartographique, de révision, de
traitement de l'image, etc. Sur les do-
cuments anciens, très souvent non da-
tés, une recherche sur le contenu du
document (toponymie, réseau routier,
frontières, etc.) permet de fournir une
approximation toujours plus utile au
lecteur que la désespérante mention
[s.d.].
-
* L lSEN: encore rare sur les documents
cartographiques, il n'est pas utilisé dans
la même logique que l'imprimé : un
ISBN identifie normalement une édition
et deux éditions du même texte (en
poche et en club, par exemple) peuvent
figurer en même temps en librairie ;
dans le cas des documents cartographi-
ques, une édition " chasse » l'autre et on
n'a pas en même temps deux éditions
disponibles d'un document représen-
tant telle région par le même éditeur,
c'est pourquoi les éditeurs cartographi-
ques utilisent d'une édition à l'autre,
parfois d'une année à l'autre le même
ISBN qui identifie ainsi, non plus une
édition, mais le document lui-même, un
peu à la manière d'un code à barres.
-
La zone des données mathématiques
comporte trois éléments principaux :
l'échelle qui est la fraction déterminant
le rapport de taille existant entre une
distance sur le document et la même
distance sur le terrain ; ainsi, une carte
de France à l'échelle de 1:5 000 000
peut être imprimée sur une feuille A4
(21 x 29,7 cm) alors que la France à
l'échelle de 1:1000000 nécessite une
feuille d'environ lm2 ! C'est pourquoi la
mention d'échelle est obligatoire dans
la description bibliographique : le lec-
teur doit savoir si le document qu'il de-
mande est une carte postale ou une
« moquette de 24 m2.
Bien souvent, l'échelle figure sur les do-
cuments modernes, que ce soit sous
forme de fraction, de locution ou
d'échelle graphique. Lorsque la men-
tion d'échelle ne figure pas sur le do-
cument, une simple règle de trois per-
met d'obtenir une approximation très
suffisante pour les besoins catalogra-
phiques.
-
* La projection est le résultat de l'en-
semble des opérations mathématiques
nécessaires pour transposer sans trop
de distorsions une surface sphérique
sur une feuille de papier. La mention
de projection est obligatoire quand elle
figure sur le document ; dans le cas
contraire, elle est omise car le biblio-
thécaire ne peut réinventer les choix
opérés par le cartographe.
-
* Les coordonnées géographiques per-
mettent de cerner avec la plus grande
précision l'aire géographique représen-
tée sur le document cartographique ; en
outre, elles sont le meilleur moyen de
gérer un système graphique en liaison
avec la base de données textuelles. La
mention des coordonnées est obliga-
toire si elles figurent sur le document ;
dans le cas contraire, il est recommandé
de les chercher dans une source exté-
rieure et le recours au fichier d'autorité
géographique de BN-OPALINE... ou à
l'index de l'atlas le plus proche permet
bien souvent de se tirer honorablement
d'affaire ! Il faut noter que, dans ce cas
également, une approximation raison-
nable est préférable à l'absence des
données.
-
* La vedette géographique est souvent
l'accès principal au document cartogra-
phique : la recherche d'un document
représentant un lieu est plus courante
qu'une recherche par auteur ou par
thème. La vedette géographique est
ainsi obligatoire : il est inconcevable
qu'un document cartographique ne
compte pas parmi ses accès la région
qu'il représente. La vedette géographi-
que comporte plusieurs éléments : un
toponyme (le plus souvent une tête de
vedette aussi précise que possible) ;
une localisation pour permettre de le-
ver toute ambiguïté quant à la perti-
nence du nom de lieu choisi (on n'ima-
gine pas le nombre d'Abbeville, de Na-
zareth ou de Paris qui existent dans le
monde...) ; un qualificatif pour préciser
le toponyme en cas d'homographie ;
des subdivisions géographique, théma-
tique, chronologique ; une datation.
Exemples :
MAYENNE (Mayenne) - Urbanisme - 1945-
1990
MAYENNE (France; cours d'eau)
MAYENNE (France; département) - Routes.
1993
-
* Le type de traitement catalographique.
La plupart (environ les deux tiers) des do-
cuments modernes sont publiés sous
forme de séries cartographiques, c'est-à-
dire de suite fermées. Selon les re-
commandations de l'ISBD (CM) et du fas-
cicule de documentation AFNOR Z 44-
067, le traitement le plus adapté à ce type
de documents reste le catalogage à ni-
veaux, abandonné pour l'imprimé depuis
quelques années. Il faut garder à l'esprit
que le nombre de pièces composant ces
séries est sans commune mesure avec les
chiffres que l'on peut rencontrer dans le
domaine des ouvrages imprimés : par
exemple, la carte de France à l'échelle
du 1:25 000 comporte 2 024 feuilles sans
tenir compte des éditions différentes, la
carte des États-Unis à l'échelle du
1:24 000 comporte plus de 57 000 feuilles,
etc. ; c'est pourquoi le traitement à ni-
veaux s'avère le moyen le plus pratique,
le plus économique... et le plus élégant
de traiter ces documents.
Dans un premier niveau, sont trans-
crites les informations communes à tous
les documents composant la série, par
exemple auteur, titre global, échelle,
projection, format, représentation du
relief, date de début de la série, notes
générales, etc.
Dans un second niveau, sont transcrites
les informations particulières à la feuille
que l'on traite, par exemple titre propre,
numérotation, édition, date de contenu,
date de publication, coordonnées géo-
graphiques, vedette géographique, etc.
et lien vers la notice de premier niveau.
Le format INTERMARC est capable de gé-
rer parfaitement le lien existant entre
une feuille fille,, et la description gé-
nérale de la série transcrite dans une
notice « mère ». A l'interrogation, le sys-
tème est capable de croiser des don-
nées figurant dans des niveaux diffé-
rents. Il est également possible, à partir
d'une » fille » de remonter à la « mère
ou bien, en partant de la » mère de
feuilleter l'ensemble des « filles ».
Mars 1994

Exemples de notices