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    Entre silence et cacophonie

    Le catalogue informatisé des phonogrammes

    Par Martine Parmentier , Discothèque des Halles à Paris
    Par Philippe Raccah

    La situation initiale

    L'informatisation des fonds des discothè- ques de prêt a permis de mettre en lu- mière les problèmes spécifiques liés au catalogage des phonogrammes. En effet la complexité et la longueur des notices se sont longtemps heurtées aux limites de logiciels en priorité conçus pour le ca- talogage des imprimés. Les solutions spé- cifiques, donnant lieu parfois pour cer- tains logiciels à des modules de catalo- gage et des OPAC distincts, se sont multipliées et les bibliothèques ont dû s'arranger avec les moyens du bord. De plus, jusqu'à une date récente, l'absence de normes a considérablement freiné le traitement informatisé des documents so- nores. Tout cela a conduit à une extraor- dinaire dispersion des usages dans les bibliothèques.

    La situation est en train de s'éclaircir. Sur le plan des normes, la norme expérimen- tale de catalogage de 1980, officialisée en 1988, puis la parution d'une norme por- tant sur la constitution des titres uni- formes musicaux ont permis d'établir des règles de saisie plus cohérentes et conformes aux autres ISBD. Sur le plan technique, l'évolution des logiciels offre désormais des possibilités accrues en ma- tière de saisie et d'indexation.

    Le débat entre perfectionnisme et minimalisme

    La nature des documents sonores, qui comportent souvent plusieurs œuvres, d'un même ou de plusieurs auteurs, et des types d'auteurs différents (compo- siteurs, interprètes, ingénieurs du son, etc.) pose alors un problème de complexité, et donc de charge de tra- vail. Les possibilités désormais offertes par la recherche documentaire informa- tisée incitent naturellement beaucoup de discothécaires à porter dans les no- tices le maximum d'informations dispo- nibles. Les charges de catalogage peu- vent alors être considérables, et même hors de portée de beaucoup d'éta- blissements, le catalogage d'un disque pouvant prendre fréquemment plus de 30 minutes. Tout cela dépend du docu- ment, mais aussi du niveau de catalo- gage exigé.

    D'autre part la saisie de la totalité des informations risque d'aboutir parfois à une certaine démesure, les notices oc- cupant deux écrans, voire davantage, et de dérouter l'usager par sa complexité. Il importe donc de cibler au mieux son public, les besoins réels des utilisateurs pouvant être très divers et induire dif- férents comportements de recherche. Ce dilemme entre partisans de « l'écran roman et ceux de « l'écran minimum n'est pas propre aux seuls documents sonores, il se pose dans les mêmes termes pour les livres dans les cas des anthologies ou des recueils de nou- velles, mais il est particulièrement aigu pour les disques.

    Par manque de temps et de solution normalisée, l'ouverture des premières bibliothèques informatisées s'est ainsi souvent faite sans notices de phono- grammes au catalogue, ou avec des no- tices très abrégées, à enrichir par la suite. Qu'en est-il donc de la récupéra- tion de notices ?

    Les sources disponibles

    Les sources disponibles concernent principalement les imprimés

    A cause des spécificités de leur catalo- gage et pour des raisons de logiciel, la Bibliothèque nationale a d'emblée sé- paré la base bibliographique de la Pho- nothèque nationale, documents sonores et vidéogrammes (OPALINE) de celle des imprimés (OPALE), cette dernière ayant une antériorité et une couverture chronologique beaucoup plus impor- tante. Elle a longtemps proposé la four- niture des seules notices d'imprimés, au format UNIMARC, sous forme de re- quêtes sur bande, puis, pour ce qui concerne la Bibliographie nationale française, sur CD-ROM. Le catalogage étant exclusivement local, il n'y a donc pas eu pour les disques de relative uni- fication des pratiques comme celle que la récupération des notices d'OPALE a permis pour les livres.

    Par ailleurs, il n'y a pas de « Cercle du disquaire offrant pour les disques des ressources équivalentes à celles d'ELEC- TRE pour les livres. Le Syndicat national de l'édition phonographique (SNEP) a pour projet de mettre en place une base de données directement alimentée par les éditeurs phonographiques qui per- mettrait à terme de constituer la disco- graphie courante dont chacun rêve mais... c'est encore un projet.

    Le serveur national

    Aujourd'hui les notices d'OPALINE sont proposées avec celles d'OPALEvia le serveur bibliographique national, qui offre consultation en ligne et récupéra- tion au format UNIMARC. Outre les in- certitudes qui pèsent aujourd'hui sur le- dit serveur et la façon dont la BNF pren- dra en charge la fourniture d'information bibliographique, des pro- blèmes propres aux notices de docu- ments sonores affaiblissent l'intérêt de ce service, même si quelques établisse- ments peuvent en tirer parti (voir l'ar- ticle Le serveur bibliographique natio- nal vu par l'un de ses utilisateurs »).

    Élaborées à partir des documents reçus au titre du Dépôt légal et d'un niveau documentaire très pointu, ces notices souffrent d'un défaut majeur pour les discothèques : le délai de traitement. Des tests ont montré que celui-ci pou- vait dépasser six mois pour une nou- veauté. De plus, les documents traités à la Phonothèque nationale ne corres- pondent pas toujours aux acquisitions des discothèques. Certains éditeurs phonographiques, en particulier ceux qui diffusent des disques non classi- ques, sont pratiquement absents. Par ailleurs, du fait de la difficulté de saisie d'un identifiant rigoureux (marque commerciale), l'interrogation en ligne peut être longue et incertaine et les pro- cédures de requêtes sont mal- commodes. Enfin le casse-tête des dé- pouillements et la solution insatisfai- sante de ajoutent encore à la cacophonie (voir l'article « L'affaire des liens »).

    Plus qu'une base en ligne, c'est un CD- ROM OPALINE qui, comme le réclame l'ABF depuis longtemps, rendrait ser- vice aux discothécaires. Certes les pro- blèmes de recouvrement et de traite- ment des dépouillements seraient les mêmes, mais la récupération sur CD- ROM est une pratique que la plupart des logiciels rendent possible et qui, souple et relativement peu coûteuse, est répan- due dans de nombreuses bibliothèques pour les imprimés. Or, peur de faire de l'ombre au serveur national ou autre raison, le CD-ROM OPALINE ne semble toujours pas à l'ordre du jour.

    Deux produits'sont actuellement en préparation : l'édition sur CD-ROM et au format INTERMARC des fichiers d'autori- té, des listes de titres uniformes musi- caux et une version télématique qui de- vrait bientôt voir le jour.

    La concurrence

    Dans cette situation de pénurie, la concurrence se développe. Depuis 1987, le Groupement d'achats pour mé- diathèques (GAM) propose aux disco- thèques un catalogue d'acquisitions où les disques compacts sont livrés avec leur notice (voir les deux articles sur ce service). Tout récemment, OCLC a commencé la diffusion sur le marché français de deux CD-ROM musique qui comportent environ 1,2 million de no- tices d'enregistrements sonores (dis- ques compacts, 33 tours et cassettes) et de partitions musicales. Les notices sont présentées au format LCMARC et sont ré- digées en anglais, ce qui pour les zones de notes par exemple pose des pro- blèmes de conversion.

    Surtout, dans son état actuel, la base comporte une forte prédominance de notices anglo-saxonnes, qui, particuliè- rement pour le jazz et surtout le rock et les variétés, sont très insuffisantes pour des utilisateurs français, la produc- tion française ou européenne semblant peu prise en compte. Mais la base est régulièrement enrichie par les biblio- thèques partenaires du réseau OCLC, et son utilisation dans les discothèques françaises pourrait ainsi rapidement faire boule de neige...

    Conclusion

    Il faut se garder de croire que la récu- pération de notices bibliographiques « clé en mains - peut être une solution automatique et définitive. Avant tout, il faut savoir estimer la qualité et la ri- chesse des informations récupérées, en rapport avec le prix d'achat des notices, apprécier leur adaptation au public concerné, connaître leurs possibilités de mise à jour et d'évolution et vérifier enfin les conditions précises de leur ré- cupération dans son propre système. Il n'en reste pas moins que la situation actuelle se caractérise par l'extrême di- versité des usages et la faible diffusion des sources de récupération. Il y a donc à la fois pour la mise au point des for- mats et des logiciels et la disponibilité des sources utiles encore beaucoup à faire.