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    Séminaire sur la coopération internationale

    Par Françoise Danset, Directeur bibliothèque départementale du Val-d'Oise
    Le séminaire sur la coopération internationale dans le domaine des bibliothèques organisé par la FFCB et la Direction du livre et de la lecture s'est déroulé les 8 et 9 mars 1995.

    Lors delapréparation du séminaire la FFCB avait lancé une enquête auprès d'un certain nombre d'organisations comprenant la rédaction d'une fiche résumant leur activité internationale. Soixante et onze réponses sont parvenues émanant de ministères, d'institutions, d'associations, de bibliothèques, d'agences de coopération et de l'ENSSIB.

    Une analyse de cette enquête permettait donc à Michel Melot, président du Conseil supérieur des bibliothèques, d'ouvrir les débats en annonçant les thèmes d'actions relevés :

    les relations professionnelles établies en particulier par les administrations et les grands établissements entre grands pays (Allemagne, Grande-Bretagne) ;

    • la construction européenne et les relations régionales et transfrontalières ;
    • l'aide aux pays en voie de développement, les jumelages, les dons, la participation aux organismes de coopération type ACCT, Aupelf Uref ;
    • la définition de la francophonie et la participation aux actions des ministères des Affaires étrangères, de la Culture, de la Coopération ;
    • la représentation française à l'étranger.

    Monsieur Melot remarque qu'un certain nombre de thèmes n'apparaissent pas sur les fiches : les échanges de documents, la promotion à l'étranger de la bibliothéconomie française et de la forme française de la médiathèque, enfin la place de la France dans les grands programmes internationaux. Il remarque aussi l'absence complète de relations avec les États-Unis.

    Les acteurs

    La parole est ensuite donnée aux représentants des ministères : Serge Kancel pour la Direction du livre et de la lecture au ministère de la Culture et de la Francophonie, Régine Fontaine du Bureau du livre au ministère de la Coopération, Renée Herbouze de la Sous-Direction de la politique du livre et des bibliothèques au ministère des Affaires étrangères, MmeMoulin Boirot de la Direction des lycées et collèges au ministère de l'Éducation nationale et MmeRubin de la DISTB au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.

    Chacun des représentants détaille ses actions : pour le développement des bibliothèques, les envois de documents, la formation professionnelle, la mise en place d'échanges. Les actions sont évidemment beaucoup plus nombreuses et importantes dans les deux ministères qui ont pour vocation les relations internationales, elles peuvent être relativement modestes pour l'Éducation nationale par exemple, modestie renforcée par une décentralisation qui ne permet pas toujours l'échange d'information (les jumelages de lycées, par exemple, ne sont pas répertoriés).

    Un très grand nombre d'associations étaient représentées parmi lesquelles il convient de distinguer associations professionnelles et associations humanitaires. Dans la première catégorie : l'ABF, l'ADBS, l'ADBU, la FFCB, La Joie par les livres qui se situent sur le terrain d'échanges professionnels - passant par les associations -, d'actions très nombreuses relatives à la formation professionnelle (échange de stagiaires, voyages d'étude, cours) et d'échanges de publication.

    Dans le second groupe les associations de type humanitaire : France-Libertés, le Groupement des retraités éducateurs sans frontières qui pratiquent avant tout l'envoi de documents et l'aide au développement de la lecture.

    On pouvait encore remarquer la présence de Biblionef, Emplois culturels internationaux et Cités unies France.

    Le lendemain la BPI et la BNF énuméraient elles aussi leurs champs d'intervention en matière de relations internationales, interventions relevant dans le cas de la BNF de véritables missions dues à son statut de bibliothèque nationale.

    De ces énumérations d'actions il ressortait à la fois l'impression d'un véritable foisonnement, mais aussi de confusion ou de doublon, et cette évidence qu'à tous les niveaux il est nécessaire de coopérer pour coopérer. C'est-à-dire que les administrations coopèrent avec les associations, que les associations coopèrent entre elles, que les collectivités territoriales coopèrent avec les associations et que pour finir un certain ordre s'installe, en particulier dans un cadre géographique donné.

    Le temps de la réflexion

    Après les inventaires venait le temps de la réflexion. Pour Culture et développement, Cécil Guitart indiquait que le bilan des politiques de coopération mises en place depuis 1960 était relativement négatif. L'aide est massivement dévoyée alors qu'elle devrait s'appuyer sur le principe du développement économique, démocratique et culturel. Il déplorait la faiblesse de l'écrit en Afri-que où l'édition est en faillite ou uniquement entre les mains de capitaux étrangers pour l'édition scolaire. Une moyenne de 50 % d'analphabètes pourrait être considérée comme rattrapable si l'on compare avec la situation des pays occidentaux d'il y a un siècle. Il propose comme priorités d'aider ces pays à retrouver leurs archives et à structurer des réseaux de l'écrit en s'appuyant sur l'école et les compétences locales. Il rappelle que, de son point de vue, toute action de coopération doit comporter non seulement une offre mais aussi une demande.

    Des interventions de différents groupes de travail portant sur la formation et l'information professionnelles, la structuration du réseau des bibliothèques, l'usage des technologies et leurs enjeux, les prestations d'expertise, il est ressorti l'expression d'un certain nombre de voeux ou de recommandations qui portent sur deux points essentiels :

    • une nécessaire coordination de la coopération française et l'éventuelle mise en réseau de différentes activités, et des différents acteurs, en particulier des actions d'expertise ;
    • un besoin de réfléchir sur les contenus de l'aide ou des échanges, voire sur la définition de produits d'exportation, par exemple les points forts de la bibliothéconomie française, la nouvelle législation sur le Dépôt légal, l'architecture des bibliothèques, etc.

    Pierre Grosser, maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris, proposait ensuite une réflexion très approfondie sur les objectifs de base de la coopération internationale, la place et la signification de la francophonie dans le contexte politique. Il rappelait que l'on parle beaucoup de globalisation économique, un peu moins de globalisation culturelle, sauf pour la redouter, alors que dans le même temps on assiste à une véritable dynamique de fragmentation culturelle.

    De ce phénomène de mondialisation il relève des facteurs positifs et des facteurs négatifs. En positif : c'est un facteur de paix et de tolérance, il favorise la démocratisation par le développement des capacités analytiques des individus et permet la circulation et le stockage des savoirs donc accroît leur efficacité. En négatif : il renforce les inégalités entre États, entre individus, entre ceux qui accèdent aux réseaux du savoir et ceux qui n'y accèdent pas. Cela peut aussi renforcer les phénomènes de réaction aux flux culturels dominants et provoquer l'émergence de mouvements identitaires (exemple : l'Iran, les pays Baltes).

    En matière de coopération culturelle, quelle est la position française ? Il faut avant tout rappeler que nous sommes en phase de décentralisation, qu'il y a des acteurs multiples et des analyses diverses : le rôle de l'État peut sembler modeste. Il y a donc un réseau de politiques publiques, en même temps que transfert de compétence aux institutions internationales (exemple : l'Europe). Les héritages de la coopération sont le plus souvent négatifs : nous avons beaucoup pratiqué une coopération de substitution et non de formation, dispensé un savoir abstrait et produit des fonctionnaires, donc des chômeurs, au moment où les États doivent réduire leur train de vie. Enfin nous avons pratiqué le « fétichisme de la francophonie et une guerre absurde contre l'anglophonie.

    Aujourd'hui les défis à relever sont les suivants : nous assistons à l'apparition d'élites formées sous label américain, tandis que les économies demandées aux États par le FMI aboutissent à une baisse des budgets de l'éducation. Cela repose le problème du développement et de la démocratie et nous impose une vraie réflexion sur la formation des élites. La francophonie permet les contacts Nord-Sud, elle évite la balkanisation de certaines régions mais nous ne devons pas oublier qu'il existe des francophonies.

    C'est à Geneviève Patte, responsable de La Joie par les livres, qu'il avait été demandé de faire un point sur les obstacles que l'on peut rencontrer dans l'exercice périlleux de la coopération internationale. Elle résume ainsi ce qui avait été bien souvent évoqué par de nombreux intervenants en soulignant les problèmes liés :

    • à la langue et à l'ambiguïté de la notion de francophonie ;
    • au rôle des bibliothèques et à l'image des bibliothécaires ;
    • aux dons et aux envois de livres ;
    • et à la formation professionnelle et l'affectation des personnels ; enfin:
    • le manque de réseaux et l'émiettement des interventions extérieures ;
    • l'absence de concertation de stratégie, et de politique.
    • Pour conclure Pascal Sanz se livrait à un difficile exercice de synthèse en reprenant les points suivants :
    • la nécessité de définir des modalités de concertation entre les politiques parallèles des différentes administrations, plus sur le mode de l'information que sur celui d'une véritable coordination qui semble assez improbable ;
    • de créer des échanges d'informations qui pourraient se faire par l'intermédiaire d'une base de données. Faut-il aller jusqu'à la rédaction d'une charte des relations internationales ?
    • de formuler plus clairement et ce en termes politiques - les associations s'étant peu exprimées ;
    • de dresser aussi la liste de ce que les bibliothèques françaises devraient apprendre de l'extérieur et insister sur l'importance de conventions d'échanges ;
    • d'avoir des débats sur les orientations de ces échanges : la technologie et l'innovation, ou le livre et la lecture ;
    • de redéfinir la conception de la francophonie qui semble actuellement improductive ;
    • et de faire apparaître les relations en termes d'échange, et non seulement d'aide.

    En tant que président de la FFCB, Pascal Sanz proposait que la FFCB soit ce lieu de concertation pour participer à la mise en place d'une base de données sur les actions et les acteurs de la coopération.