Notre système de bibliothèques en l'an « zéro (je veux dire à la fin de l'année 1989) se vantait et à juste titre de posséder un réseau de nombreuses bibliothèques publiques, scientifiques et spécialisées. Nous pouvons nous référer aux données statistiques du réseau des bibliothèques publiques. Nous y apprenons qu'en 1990 la République tchèque possédait encore 8 364 bibliothèques et annexes réparties dans presque toutes les communes. Il y avait donc une bibliothèque pour 1 239 habitants et 5,7 livres par habitant. Le fonds des bibliothèques publiques atteignait 60 millions d'exemplaires. En 1992 -nous n'avons malheureusement pas les données de 1993 - le nombre des bibliothèques publiques et de leurs annexes n'est plus que de 8 131, c'est-à-dire qu'il a diminué de 3 %. On comptait alors 1 269 habitants par bibliothèque ou annexe. En même temps s'enchaînait le processus de transformation des annexes des bibliothèques professionnelles [d'entreprises] en bibliothèques indépendantes mais non professionnelles. Selon les données de la fin des années 1990 et 1992 l'effectif du personnel des bibliothèques publiques a diminué de plus de 7 %. Une enquête menée par les professionnels du Centre de bibliothéconomie de la Bibliothèque nationale de Prague en novembre 1993 montre que, malheureusement, le nombre des bibliothèques fermées continue à augmenter. Le peu d'ampleur de cette régression, comparée aux données publiées par d'autres États de l'ancien régime communiste, peut être attribuée principalement à une grande tradition des bibliothèques de Tchécoslovaquie où, après l'adoption en 1919 de la première loi sur les bibliothèques, furent créées en l'espace de dix ans des bibliothèques publiques dans toutes les communes.
La dissolution des systèmes bibliothéconomiques régionaux, qui, jusqu'ici, garantissaient au public des services bibliothéconomiques et d'information de qualité, s'avère être le problème le plus complexe en ces temps de transition que nous sommes en train de vivre. Les bibliothèques régionales, malgré tous les appels (y compris ceux des ministres de la Culture successifs) passent dorénavant de l'autorité directe des comités régionaux à celle des comités municipaux, lesquels n'ont aucun intérêt à financer le fonctionnement de l'extension régionale de ces bibliothèques ; ils n'y sont du reste pas obligés. Il en résulte une rupture du développement des bibliothèques publiques et une baisse continue du niveau des services bibliothéconomiques. La situation devrait être résolue par une loi sur les bibliothèques qui est en préparation depuis plusieurs années, mais dont l'élaboration s'est pratiquement arrêtée puisqu'elle ne peut être conçue ni votée avant l'adoption de la loi sur l'organisation territoriale de l'État.
En liaison avec la situation actuelle, tous les paramètres montrent la régression des activités des bibliothèques publiques. Malgré l'augmentation en 1992 par rapport à l'année précédente de presque 14 % du budget réservé à l'achat des livres, ce qui représentait 7,90 Kc (1) par habitant, les moyens n'étaient pas suffisants pour couvrir la hausse des prix des livres et des périodiques. En même temps, les bibliothèques devaient faire face à l'augmentation de frais de gestion : loyer, charges, etc.
L'existence d'un certain type de bibliothèques publiques d'études, que constituent les bibliothèques nationales scientifiques, est un des aspects de notre système de bibliothèques assez souvent incompréhensible pour les visiteurs et surtout pour les professionnels en bibliothéconomie venus de l'étranger. Après la suppression du système des régions (provinces) à la fin de l'année 1991, ces neuf grandes bibliothèques ont été placées sous l'autorité du ministère de la Culture de la République tchèque. La position théorique du ministère de la Culture prévoit que ces bibliothèques obtiendront le statut de bibliothèques régionales ou de bibliothèques universitaires régionales. Seule la Bibliothèque nationale de Prague, selon cette même théorie, devrait être gérée par le ministère de la Culture.
Au cours de ces quatre dernières années beaucoup de choses ont changé dans le système des bibliothèques tchèques. Si je n'utilise pas le terme transformation », c'est volontairement, même s'il y a expression du même phénomène par un mot différent. Il est impossible pourtant de considérer la transformation de l'économie comme équivalente à celle des bibliothèques. Les fonctions et les tâches des bibliothèques demeurent les mêmes : éducation, information, culture. Ce qui a changé, c'est le milieu où elles s'insèrent, les fondateurs des bibliothèques et leur mode de financement. Le succès de cette transformation dépend de la capacité des bibliothécaires à adhérer à ces changements, d'y faire face et même d'en tirer profit pour la bibliothèque et le travail bibliothéconomique. Par bonheur, nous avons suffisamment d'exemples allant dans ce sens. Chez nous, certaines bibliothèques ferment, mais d'autres s'ouvrent, ou déménagent dans de nouveaux locaux ou dans des locaux restaurés. Le rayonnement de leur activité augmente. L'automatisation des processus bibliothéconomiques s'est étendue. Pour beaucoup de bibliothèques l'utilisation des médias électroniques se généralise. L'École secondaire de bibliothéconomie devient l'École des sciences de l'information. Les études supérieures à la faculté de lettres de l'université Charles sont dirigées par l'institut des études en information et en bibliothéconomie et non plus par la chaire d'information scientifique et de bibliothéconomie.
L'Union des bibliothécaires et du personnel dans le domaine de l'information de la République tchèque est devenue, après quatre ans de travail intensif, une partie indissociable de la sphère bibliothéconomique. Les deux revues professionnelles d'importance nationale intensifient leur activité. S'y ajoute le bimestriel Bibliothèque nationale et des bulletins d'information édités par d'autres grandes bibliothèques et organisations professionnelles. Je ne veux pas dire par là que nous soyons contents de tout. Au contraire. Nous attendons impatiemment la solution à beaucoup de problèmes douloureux, la réponse à maintes questions énoncées ou cachées. Mais nous savons d'ores et déjà que personne ne les résoudra à notre place.