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    Comment monter un projet communautaire ?

    Compte rendu de la journée d'études du 19 janvier 1995

    Par Sonia Zillhardt, Coopération européenne, Bibliothèque nationale de France

    Partant duconstat que la participation des bibliothèques françaises dans le programme de recherche « bibliothèque » de la Commission européenne reste faible, la section Étude et recherche de l'ABF, avec la collaboration du CFPPA (1) et de la Bibliothèque nationale de France, a organisé le 19 janvier 1995 une journée d'information destinée à mobiliser les professionnels sur le nouveau programme, » Télématique pour les bibliothèques ", de la Commission européenne.

    Cette journée qui s'est tenue à l'auditorium Colbert de la BNF a rassemblé 120 participants, ce qui traduit un intérêt certain des bibliothécaires pour la construction d'une Europe des bibliothèques. Information, présentation d'expériences et recommandations pratiques ont constitué les trois étapes de cette journée.

    Philippe Portalier, responsable des programmes de la DG XIII à Sources d'Europe, a introduit la journée en présentant l'Union européenne et les rôles respectifs des instances : Conseil, Commission, Parlement, directions générales ainsi que le quatrième programme cadre de recherche et développement 1994-1998 (PCRD) dans le lequel s'inscrit le plan d'action « Télématique pour les bibliothèques ».

    Ariane Iljon, responsable à la DG XIII du secteur bibliothèques, a ensuite présenté le nouveau plan d'action 19941998 pour les bibliothèques. Cette intervention a donné aux participants des informations leur permettant d'anticiper l'appel à projets lancé le 15 mars 1995.

    Le nouveau plan d'action Télématique pour les bibliothèques 1994-1998, doté d'un budget de 30 millions d'écus, comparable au budget du plan précédent, s'articule autour de trois lignes d'actions :

    • « Ligne d'action A : les services internes de bibliothèques fondés sur les réseaux ou les ressources partagées (architecture, numérisation, gestion électronique, interfaces...).
    • « Ligne d'action B : l'interconnexion des bibliothèques (échanges transfrontières, partage de l'information bibliographique, commande en ligne, intégration...).
    • « Ligne d'action C : l'interconnexion des bibliothèques aux services accessibles sur les réseaux d'information mondiaux (technologies de découverte des ressources, médiation de l'accès aux ressources...).

    Des mesures complémentaires, telles que le financement d'actions concertées, d'études et de modules de formation, sont également prévues. L'accent a été mis sur les principes de base régissant la sélection des projets :

    • les propositions doivent porter sur l'une des lignes d'action indiquées ci-dessus ;
    • elles doivent décrire clairement l'aspect recherche et développement appliqué, préconcurrentiel, des travaux à entreprendre et leur composante en matière de technologie de l'information ;
    • la participation conséquente d'au moins deux partenaires, établis dans des États membres différents est obligatoire ;
    • les propositions doivent tenir compte des résultats des trois premiers appels 91-92-93.

    Jacques Faule, président du CFPPA, a enchaîné son exposé sur le bilan de la participation des bibliothèques françaises dans les programmes européens. Sur trois ans, 333 projets furent présentés à la DG XIII dont 94 projets français. Soixante-huit projets ont été retenus soit un peu plus d'un projet sur cinq. Quatorze organismes français participent à ces projets soit en tant que pilote du projet (Télésystèmes, Jouve, Canal/LS), soit en tant que partenaire aux côtés d'autres partenaires européens.

    Quatre expériences concrètes sont ensuite venues illustrer cette première partie informative.

    Mme Beaudiquez, Bibliothèque nationale de France, a présenté le projet EROMM de base de données européenne de notices de microformes mères. Ce projet, né dans le cadre du plan d'action des bibliothèques, se poursuit aujourd'hui dans le cadre d'une coopération multilatérale directe entre bibliothèques européennes.

    Le projet EDIL (Electronic Document Interchange between Libraries), qui doit s'achever en juin 1995, a pour objectif la réalisation d'un système informatique permettant d'échanger régulièrement des documents par voie électronique. François Rôle, du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, a souligné que la réussite du projet devrait permettre de démontrer qu'il est possible d'interconnecter des établissements utilisant des infrastructures et des protocoles réseaux très hétérogènes.

    Les projets CANAL (Catalogue with Multilingual Natural Language Access) coordonné par la société de services CRIL Ingénierie et BIBLIOTECA (Bibliographic Texts Compositional Analysis) piloté par Matra Cap Systèmes ont illustré des coopérations possibles entre acteurs d'horizons variés - sociétés de service, grandes entreprises, bibliothèques et centres de documentation. Les deux intervenants, M. Celnik (CRIL) et M. Pontevia (Matra) ont apporté une définition intéressante d'un bon projet européen : un bon,, projet n'est pas une idée ou une envie, ni une action de communication, ni une technologie. Un bon projet est une solution apportée au marché et une assistance à la définition d'un futur produit.

    Lors de la troisième partie de la journée, Christine Deschamps (bibliothèque universitaire de Paris-V) et Catherine Lupovici (Jouve) ont fait part de leurs expériences concrètes de participation dans un projet européen et ont dégagé des recommandations pratiques pour les bibliothèques tentées par l'aventure européenne. Des facteurs clés de succès doivent dès la naissance du projet être réunis. Les projets doivent reposer sur des besoins réels pour aboutir à des résultats concrets, des démonstrations tangibles et des possibilités de réutilisation. Les démonstrations doivent intégrer les technologies les plus récentes pour favoriser l'émergence de nouveaux modèles de services de bibliothèques.

    Un autre facteur de réussite important est la recherche d'alliances soit avec des partenaires traditionnels (les éditeurs par exemple) soit avec de nouveaux partenaires (les opérateurs de réseaux, des industriels). Les utilisateurs (bibliothèques et utilisateurs finals) doivent être associés à chaque étape du projet.

    Une méthodologie pratique de montage de projet a ensuite été détaillée par Catherine Lupovici. Les étapes ci-dessous doivent être suivies pour présenter un projet européen :

    • le plan de travail du projet, découpé en unités logiques de travail ou « work-packages » ;
    • la définition d'étapes de réalisation ou « milestones correspondant à la disponibilité de résultats intermédiaires et vérifiables : étude préliminaire, création de données, développement informatique... ;
    • le diagramme de déroulement du projet présentant l'enchaînement logique dans le temps de l'ensemble des unités de travail et la place des étapes ;
    • le chiffrage du projet : ressources humaines, équipement durable, frais de déplacement, consommables, informatique, sous-traitance ;
    • les modalités de subvention qui sont généralement de 50 % des coûts imputables au projet. Pour les universités, il existe une possibilité de choisir 100 % du coût marginal ;
    • les partenaires. Le coordinateur pilote le projet et représente les autres partenaires vis à vis de la Commission, le partenaire à part entière engage sa responsabilité sur le projet, le partenaire associé se lie à un partenaire principal, le sous-traitant réalise des prestations pour le projet ;
    • le remplissage du dossier demandé par la Commission. Il comprend trois parties distinctes : une partie administrative et financière, une description technique et gestion du projet, des informations complémentaires sur les partenaires, les coûts, l'exploitation des résultats.

    Une fois le dossier remis à la Commission, une procédure de sélection est engagée par les services de la Commission. Si le dossier est retenu, une deuxième phase s'ouvre et une négociation s'engage avec la Commission qui demande alors une rédaction plus détaillée du contenu technique en vue de la signature du contrat.

    M. Delouis (Télésystèmes) et M. Dekkers (PICA, Pays-Bas) ont illustré ce cours pratique sur le montage de projet en présentant d'une part comment les partenaires se sont « trouvés et rassemblés autour du projet RAMA (Accès aux bases de données des musées), d'autre part comment un partenaire hollandais a vécu au quotidien le partage des tâches avec des partenaires français. La conclusion de Michel Melot, président du Conseil supérieur des bibliothèques, a porté sur la nécessaire ouverture des bibliothèques françaises à l'environnement européen. Dans le contexte de mondialisation des échanges et d'accélération technologique, les bibliothèques européennes doivent faire converger leurs efforts pour créer une Europe des bibliothèques, acteur majeur de la valorisation du patrimoine culturel européen.

    Entre la tenue de cette journée d'étude et la parution de ce compte rendu, les bibliothèques françaises auront eu deux rendez-vous importants : le 15 mars 1995, date de l'ouverture de l'appel à propositions et le 15 juin, date limite de remise des projets. Auront-elles répondu présentes à l'appel ? Combien de dossiers auront été déposés auprès des services de la Commission ? Quels seront les projets lancés en 1995 ? Autant de questions auxquelles vous trouverez une réponse dans le prochain numéro de l'ABF, en espérant pouvoir apporter la preuve d'une mobilisation des bibliothèques françaises dans l'aventure européenne.

    1. Le CFPPA, Comité français de pilotage du plan d'action des bibliothèques, est le point focal national chargé de diffuser des informations concernant le programme - Bibliothèque - de la Commission européenne, d'aider les bibliothèques françaises dans l'élaboration et la présentation de dossiers et de susciter des propositions de coopération avec d'autres bibliothèques européennes. retour au texte