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L'internet, ses utilisateurs et les projets nationaux (The user, the Internet and national planning)

1996

    L'Internet, ses utilisateurs et les projets nationaux (The user, the Internet and national planning)

    Par Derek Law, Director of Information services and systems, King's College, London

    Les universités britanniques ont pris des décisions courageuses pour créer des services de réseaux sur le plan national. Derrière ces services organisés de façon pragmatique, existe une approche philosophique de la fourniture d'information. L'idée centrale de cette philosophie est la gratuité des services pour les utilisateurs, et nous avons le devoir envers le pays de former des élites qui aient non seulement envie d'utiliser les technologies nouvelles mais qui possèdent une vraie maîtrise des outils.

    Travaillant depuis plusieurs années sur les données de l'information, nous savons que le prix des services électroniques dépend surtout des droits de propriété ; c'est pourquoi nous devons faire des économies dans les domaines de la formation, de la centralisation de l'information et de la documentation. Nous sommes convaincus que l'on ne peut y arriver que par des stratégies nationales.

    Nous pensons qu'il incombe à l'État de créer les infrastructures nécessaires. Aussi le rapport Bangermann a-t-il déçu car il souhaite laisser le développement des réseaux aux aléas du marché. Dans la mesure où le marché n'a aucun sens des responsabilités sociales et ne s'intéresse qu'aux profits, cette démarche risque d'aboutir à une ségrégation par l'argent. En Europe déjà, nous voyons des grandes différences dans la qualité des réseaux et dans leur accessibilité.

    Il ne faut pas oublier que de plus en plus d'informations ne sont disponibles qu'en format électronique. Les données par satellite, la radio, la télévision en sont des exemples connus, mais un grand nombre de données statistiques, météorologiques, médicales et même archéologiques ne se trouvent que sur support électronique.

    Enfin, il ne faut pas négliger la place de l'édition et des éditeurs. Beaucoup d'universitaires perçoivent un écart grandissant entre l'édition de masse et l'édition scientifique. La façon de "faire de la recherche et la transmission des résultats changent. Un futur basé sur l'électronique se dessine et les éditeurs réagissent comme si la recherche existait pour soutenir l'édition (le contraire est vrai). Ils ne pourront pas continuer longtemps à dissimuler les résultats.

    Le réseau JANET est financé par des subventions de l'État au Conseil de l'enseignement supérieur (Higher Education Authority). Par rapport au budget total, la somme est modique : 300 millions de francs. Environ 230 millions sont dépensés pour organiser le réseau physique, c'est-à-dire câbler chaque université, chaque centre de recherche et créer les connections internationales. Il reste environ 70 millions pour la fourniture de services, la recherche et le développement. Suite au rapport Follett (1) , 80 millions supplémentaires ont été donnés pour le développement du concept de la bibliothèque numérique et pour l'amélioration de l'accès aux collections imprimées par les moyens électroniques. Deux comités ont été créés pour suivre ce dossier.

    Le débit des liaisons entre les États-Unis et l'Europe est relativement faible et les coûts de mise à jour sont élevés. Ceci peut être formulé de la façon suivante : investir dans le contenu ou privilégier la « bande passante Nous avons développé une stratégie en deux points : d'une part augmenter la capacité des données en mémoire cache (sites miroirs) et d'autre part protéger les données créées en Grande-Bretagne. Les sites de mémoire cache captent les données internationales et les stockent pour de courtes périodes. Ceci suppose que le meilleur guide pour ce qui va être utilisé est ce qui a déjà été utilisé. Les données sont gardées là quelques jours et c'est vers ce réservoir que les futures demandes sont tout d'abord orientées avant d'interroger les filières internationales. Un site miroir capte des données sélectives et conserve une mise à jour, utilisable dans tout le pays. Sans doute un des meilleurs exemples de cette stratégie est le projet "Human Visible ». Il concerne un grand nombre d'images médicales, demandées par des étudiants en médecine et santé. Aussi sommes-nous en discussion avec la Bibliothèque nationale de médecine pour la mise en place d'un site miroir en Grande-Bretagne, afin de maîtriser les flux internationaux d'information et diminuer les coûts.

    La sauvegarde des données existantes est essentielle. L'ordinateur a beaucoup évolué ces trente dernières années, et si nous ne travaillons pas à protéger les résultats de la recherche des transformations futures futur proof », nous pourrions les perdre. Nous avons créé des centres pour mettre en pratique cette veille. Nous vouIons être sûrs qu'au niveau national nous possédons et maîtrisons les technologies. Nous souhaiterions que le Royaume-Uni soit autonome et ne soit pas tributaire des autres pour ces connaissances clés. Depuis octobre 1995, nous avons entrepris une refonte totale des systèmes d'archivage d'informations électroniques.

    Nouveaux services

    Pour vous permettre de voir combien les frontières traditionnelles des bibliothèques sont dépassées, je vais énumérer quelques-uns des nouveaux services.

    AGOCG : Advisory Group on Computer Graphics (Groupe de consultation pour les graphiques sur ordinateur). Ce groupe organise des ateliers et séminaires et participe à l'introduction des technologies. Il propose un service de veille technologique ».

    BUBL : ce nouveau système d'information propose des accès conviviaux à Internet par Gopher et WWW. Il est situé à Strathclyde University.

    MAILBASE : Situé à Newcastle University, il organise les activités de serveurs de listes (Listserve) pour le Royaume-Uni.

    UKOLN : est le bureau qui structure le réseau des bibliothèques. Il joue le rôle d'un centre de réflexion, de recherche et de développement.

    À côté de ces services transversaux, il existe un nombre important de services de banques de données.

    BIDS : situé à l'université de Bath, il est le seul grand service commercial. Il donne accès à des données bibliographiques. Depuis quelques mois, il est possible d'accéder à la bibliographie internationale des sciences sociales à partir de ce serveur.

    DATALIB, nouveau centre, créé en Ecosse ; il donne accès entre autres à Bio-sis Previews et Palmer's Index du journal the Times.

    ESRC DATA ARCHIVE: serveur d'archives, financé par Y Economie & Social Research Council (ESRC), le joint Information Systems Committee (JISC) et l'université d'Essex. Serveur national le plus ancien (créé en 1967), il a pour mission d'acquérir et de conserver des données en sciences sociales et en lettres, pour qu'elles puissent être utilisées par l'enseignement et la recherche.

    HENSA: service d'archives de logiciels en shareware. L'université de Kent propose des logiciels de statistiques et de calcul sur Unix, tandis que l'université de Lancaster offre des logiciels pour DOS. À Kent, on peut interroger Internet en utilisant le serveur Archie, et aujourd'hui, l'université devient le centre national des travaux sur la mémoire cache.

    NISS : ensemble de services situé à Bath, spécialisé dans les informations actuelles, telles que les pages jaunes ou les journaux. Il souhaite contribuer à une culture électronique en proposant l'accès à des collections disponibles.

    MIDAS : ce service, à l'université de Man-chester, s'est occupé des recensements de 1981 et 1991. De manière générale, il se charge des enquêtes gouvernementales pour l'établissement des statistiques nationales.

    AHDS : Arts and Humanities Data Service vient d'être mis en place au King's College de Londres, à la suite d'une enquête de faisabilité.

    SOSIG et EEVL: en juillet 1995, nous avons créé six centres thématiques pour proposer un accès aux ressources d'Internet par mots-clefs. Nous savons d'emblée que toute tentative de cataloguer via Internet ne peut qu'échouer. Nous allons concentrer nos efforts et ressources pour identifier et développer un noyau important d'informations plutôt que de cataloguer tout ce qui pourrait se trouver un jour sur Internet.

    Des travaux viennent de commencer sur la définition d'un Centre national de l'image. L'enseignement supérieur produit tous les ans des milliers d'images, (santé, arts). Nous souhaiterions que ces images soient conservées et disponibles à toute la communauté universitaire. Nous pensons qu'un tel service existera dans un ou deux ans, car l'étude de faisabilité est achevée.

    Des négociations viennent d'aboutir pour la création d'un OPAC au niveau national qui mettrait en réseau les catalogues des fonds des bibliothèques de recherche les plus importantes (bibliothèques appartenant au groupe CURL: Consortium of University Research Libraries). Cet OPAC sera utile pour les chercheurs, mais nous voulons le connecter également aux nouveaux services de fournitures de documents qui desserviront les différentes régions du pays. Des discussions ont lieu en ce moment pour augmenter la richesse de cet OPAC par le versement des références des collections de recherche des autres universités.

    Une équipe de travail s'est constituée en octobre 1995, pour étudier les différents aspects des références des catalogues manuscrits et archives. Un financement national a été attribué pour le catalogage de certaines collections, et l'équipe de travail va étudier la possibilité de créer un serveur national des archives.

    Un rapport a été demandé au Clearinghouse for Networked Information and Resource Discovery pour confronter ces méthodes américaines au contexte britannique, afin de mettre à la disposition du public les informations sur les développements des réseaux et de proposer des conseils dans la création de systèmes locaux.

    Nous entreprenons un programme de numérisation qui permettra l'accès aux ressources sur le réseau. Nous avons l'intention de couvrir plusieurs champs disciplinaires.

    Principes

    Il n'est pas inutile de rappeler quelques principes de base qui nous ont guidés.

    Le premier principe est la gratuité de l'information pour l'utilisateur. Quand l'utilisateur récupère des informations commerciales, elles sont payées soit par le Conseil national de financement, soit par l'établissement, mais jamais par l'utilisateur final. Nous voulons encourager l'utilisation des technologies, car les futurs travailleurs ont les mêmes besoins en ressources électroniques que les étudiants d'aujourd'hui. Nous avons eu et continuons d'avoir des débats sur les coûts demandés aux institutions. Bien sûr nous avons conscience que les sites doivent payer pour accéder aux bibliographies commerciales.

    Nous avons choisi des modèles d'abonnement ou de licence, mais nous refusons tout paiement par transaction. Un produit alternatif existe toujours, il n'y a que les éditeurs les plus arrogants qui croient posséder un monopole.

    Les interfaces nous préoccupent également. Le concept d'un langage commun pour des matériaux aussi variés que des données bibliographiques, le recensement ou des logiciels de traitement de texte n'est pas pensable. Néanmoins le fait de regrouper physiquement les données par type (notices bibliographiques, texte intégral, données numériques) nous a permis de progresser au niveau des interfaces. La prochaine étape importante est la création d'interfaces plus conviviales. Dans ce but, nous avons commencé une évaluation du Sitesearch d'OCLC pour voir si une interface commune peut être conçue, au moins pour les produits bibliographiques.

    Insertion dans la communauté: il est important que les ressources soient disponibles pour toutes les disciplines. Un groupe d'étude de données a été mis en place pour définir un programme d'acquisitions multidisciplinaires dans les années à venir.

    Le dernier point concerne notre politique de fourniture de l'information à tout usager quel qu'il soit. En effet, actuellement nous disposons de VT 100, et les utilisateurs habitués à des matériels plus puissants se sentent frustrés. Nous allons bientôt faire un recensement des terminaux disponibles dans l'enseignement supérieur et décider s'il faut redéfinir les besoins, sans pour autant éliminer les nombreux utilisateurs équipés de vieux ordinateurs.

    Sans doute l'instruction de masse pose-telle le plus grand problème. Les bibliothécaires sont habitués à former des petits groupes ou des individus, tandis qu'à présent nous sommes contraints de former 5 000 étudiants par an.

    Fournir les collections nationales électroniques, tel est notre objectif. Certes, il faudra attendre quelques années avant de trouver tous les éléments à leur place. Certains services réussiront tandis que d'autres échoueront. Notre but, la création d'un noyau de matériaux par les autorités centrales mais qui convienne aux besoins des utilisateurs dans tous les domaines.

    Conclusion

    Nous sommes en train de créer une bibliothèque nationale électronique. Cette réorganisation pose des problèmes mais en même temps elle nous permet de concevoir d'autres façons de servir la communauté. La démocratisation de l'information devient une réalité. Les handicapés, les minorités ethniques et les habitants des zones rurales vont pouvoir accéder aux mêmes informations que les citoyens privilégiés des centres urbains.

    Mais il faut être très vigilant : rien ne peut se faire sans la formation des formateurs, des personnels de bibliothèques et des utilisateurs. Alors que nous nous demandons quel sera notre avenir électronique, des milliers de gens ont déjà commencé à utiliser ces services et c'est maintenant qu'ils ont un besoin urgent de formation ; soyons donc être attentifs à leurs demandes.

    1. Rapport rédigé pour faire le point sur l'état actuel des bibliothèques universitaires. - 1993 (Joint Funding councils'libraries review Croup). Le groupe de travail était piloté par Brian Follett, professeur, vice-chancelier, université de Warwick. retour au texte