Lorsque l'on parle de nouvelles technologies, il est souvent question de l'utilisateur, présenté comme un être unique, quasiment mythique. Les études réalisées sur l'utilisation des OPAC mettent cependant en évidence les difficultés de modélisation des comportements des utilisateurs qui interviennent dans des contextes particuliers et par rapport à des besoins différents. Il nous paraît donc plus juste de parler d'utilisateurs différents que de cet utilisateur mythique auquel il est si souvent fait référence. Cette remarque préalable ne signifie évidemment pas l'impossibilité d'appréhender les comportements des utilisateurs, mais bien de noter la difficulté et la prudence nécessaire face à ces comportements et à la tentative de leur modélisation.
On peut également noter aujourd'hui des évolutions face à l'utilisation des nouvelles technologies car les micro-ordinateurs sont maintenant quasiment généralisés notamment pour une utilisation bureautique (traitements de texte, tableurs, grapheurs). Les interfaces graphiques se généralisent sur ces machines (MacOS, Windows) ainsi que les logiciels qu'elles accueillent. Les accès aux ressources disponibles sur les réseaux disposent d'outils de présentation et de navigation via des interfaces graphiques (Mosaic, Netscape) qui font du « pointer et cliquer le nouveau paradigme du chercheur (surfeur?) d'information sur ces réseaux.
Dans les bibliothèques, le développement des accès informatisés aussi bien aux catalogues des bibliothèques qu'aux bases de données, de références bibliographiques ou en texte intégral et maintenant aux CD-ROM de toutes natures (multimédia) et aux serveurs WWW favorise la familiarité avec l'information électronique et ses méthodes d'accès.
L'OPAC a cette particularité qu'il condense un ensemble de caractéristiques propres à cet univers de l'information électronique. On l'a souvent dit : le catalogue électronique est un univers virtuel fait de ruptures successives dans le cheminement et la présentation d'informations là où le catalogue sur fiches ou imprimé présente un caractère physique visible indéniable (on le feuillette, on met des repères) et une linéarité de consultation (ordre alphabétique et visualisation simultanée des points d'entrée, des notices d'ouvrages et de leurs cotes).
Les modalités de formulation des questions dans les OPAC sont faites de règles implicites généralement peu maîtrisées. Il est fréquent que la prise en compte des mots vides, la troncature implicite, l'utilisation des opérateurs booléens fonctionnent selon le type de recherche sélectionné.
Les possibilités d'affichage des résultats sont généralement assez réduites (affichage bref, affichage standard ou affichage d'une notice complète) et les possibilités de tris sur les résultats obtenus sont encore assez rarement proposés.
La littérature professionnelle a assez bien mis en évidence une série de difficultés rencontrées par les utilisateurs. C'est ainsi que ceux-ci ont souvent du mal à percevoir quelle est l'étendue de description d'un catalogue, sa couverture exacte (les ouvrages, les périodiques, les articles de périodiques ?), quelle est l'organisation des données dans le catalogue (il y a des « champs ou zones » auteurs, titres, sujets, mais il y a des recherches qui portent sur plusieurs de ces champs à la fois...), qu'il existe un ou des vocabulaires précisant le contenu des documents décrits dans le catalogue (mots des titres, et mots présents dans les vedettes-matière, indices de classification, par exemple).
De même, la forme selon laquelle il faut saisir une question fait l'objet d'erreurs fréquentes (frappe, orthographe, formes d'écriture des sigles, abréviations, mots avec ou sans trait d'union, etc.) et la compréhension des messages affichés, des codes de fonctions, des écrans d'aide n'est pas si évidente lorsque l'on examine, par exemple, des enregistrements de sessions de recherche dans les catalogues où l'on peut repérer qu'un utilisateur « tourne véritablement en rond » au sein d'une séquence d'écrans affichés.
Parmi ces difficultés, l'une d'entre elles doit être soulignée : celle liée aux recherches par sujet, très fréquentes et souvent infructueuses. Difficulté de formulation (quel sujet de recherche entrer ? Par quel(s) terme(s) ?). Difficulté de navigation dans la liste des sujets quand ceuxci ne font le plus souvent l'objet que d'un affichage alphabétique et non hiérarchique (systématique), ce qui gêne l'utilisateur ne disposant pas de l'organisation des notions entre elles dans le catalogue par rapport à son domaine d'intérêt. Difficulté de compréhension de l'organisation du vocabulaire contrôlé qui préside à l'indexation matière. Face à ces difficultés, les réponses proposées par les systèmes actuels se réduisent trop souvent à une troncature automatique des termes et à l'affichage alphabétique des séquences de caractères les plus proches de celles entrées par l'utilisateur.
La situation se résume souvent à un simple constat :
Et souvent l'utilisateur ne comprend pas ce qui a causé l'erreur (par exemple une faute de frappe ou d'orthographe, une notion beaucoup trop spécialisée, etc.) ou même croit qu'il n'y a pas de réponse à sa question et, face à un nombre trop important de résultats, ne sait souvent pas bien comment restreindre sa recherche sans tomber dans l'autre écueil (le silence).
Pour rendre compte de ces difficultés, rappelons à travers un schéma très simple quelles sont les connaissances nécessaires à l'utilisation d'un OPAC (cf. ci-contre).
Ajoutons que de plus en plus fréquemment les utilisateurs interrogent le catalogue de leur bibliothèque à distance, de leur bureau, de leur domicile que ce soit via un Minitel ou un micro-ordinateur. Et commence à se généraliser l'accès aux autres ressources électroniques disponibles à distance, notamment l'accès aux textes électroniques dans des bases de données en texte intégral ou en allant à la pêche aux adresses URL des ressources disponibles sur le Web. Cette démarche s'appuie autant que faire se peut sur des annuaires de ces ressources qui sont autant de formes nouvelles de catalogues en ligne.
Comment améliorer la situation ? Pour répondre à cette question, il convient d'abord de distinguer différents facteurs :
Face à ces questions, force est de constater qu'aujourd'hui les possibilités offertes sont généralement encore très réduites. En outre, les systèmes actuels ne disposent généralement pas de module de reconnaissance linguistique que ce soit au niveau lexical, syntaxique ou sémantique. L'utilisateur ne sait pas a priori quelles formes d'énonciation privilégier (celles présentes dans le catalogue) par rapport aux formes d'expression possibles de sa recherche : formes flexionnelles différentes (masculin-féminin, singulier-pluriel), formulations différentes (maladies du coeur versus maladies cardiaques, émissions de télévision pour enfants versus téléfilms, documentaires pour la jeunesse, etc.).
Ce panorama rapide et critique ne doit pas aboutir à une conclusion négative. Les systèmes évoluent. L'annuaire électronique en est un excellent exemple qui offre maintenant une recherche par activité (pages jaunes) beaucoup plus performante que celle disponible lors de l'ouverture du service.
Et les OPAC feront l'objet d'évolutions fonctionnelles importantes. Ces évolutions portent et porteront sur différents axes parmi lesquels nous repérons notamment :
L'enrichissement des notices dans les catalogues a déjà vu le jour et de plus en plus de catalogues commencent à inclure des résumés d'ouvrages, parfois des extraits, la table des matières. Ces informations sont utiles pour aider à la sélection d'un ouvrage sans l'avoir sous les yeux. Certaines d'entre elles peuvent également servir de points d'accès complémentaires pour des recherches sur le contenu des ouvrages (par exemple, via les termes de la table des matières).
Les aides à la formulation de la recherche peuvent être de différentes natures :
L'amélioration de la présentation des résultats à l'utilisateur, et donc leur exploitation, constituent un autre défi. Plusieurs types d'amélioration sont envisageables dans les OPAC. Certaines s'inspirent des évolutions qui apparaissent dans les logiciels de recherche documentaire sur le texte intégral et d'autres reprennent des caractéristiques des interfaces ergonomiques (possibilités de navigation) que l'accès aux ressources sur Internet généralise.
Parmi les améliorations aujourd'hui identifiables, citons-en quelques-unes :
Les possibilités offertes par les techniques statistiques de filtrage et l'analyse relationnelle des résultats (technique de classification automatique) laissent penser qu'à l'avenir l'utilisateur disposera d'une panoplie d'outils de recherche pour l'aider dans sa recherche documentaire et dans l'évaluation des résultats de cette recherche. Le savoir-faire consistera, en fonction du type de résultats attendus, à privilégier tel ou tel type d'outils lors de la recherche puis du classement des résultats.
Au terme de cet exposé rapide sur l'utilisateur face aux nouvelles technologies, plusieurs interrogations me viennent à l'esprit :
La réponse à ces questions fait partie de la définition du paysage de l'information électronique de demain. Les professionnels de l'information joueront un rôle moteur, qu'ils se nomment bibliothécaires ou cyberthécaires ». La recherche dans cet univers de données exigera des outils de plus en plus sophistiqués, mais également des aides à haute valeur ajoutée que pourront apporter ces professionnels.
Surfer sur cet univers informationnel exigera toujours autant de travail et de réflexion sur les contenus. Y donner accès de manière généralisée ne doit pas faire croire à l'illusion d'un rapport immédiat au savoir.