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    La numérisation et le droit d'auteur

    Par Valérie Game, BnF, Service juridique

    Vous êtes chef du service juridique de la Bibliothèque nationale de France, et à ce titre chargée d'étudier les questions liées au droit d'auteur, en particulier pour ce qui concerne les opérations de reproductions substitutives.

    En novembre dernier, vous avez fait une intervention sur ce sujet fort intéressante. Pouvez-vous nous la résumer, en insistant sur les points qui vous semblent pouvoir intéresser- et s'appliquer à - toutes les bibliothèques de France se posant le même type de questions et se situant dans le même contexte de souhait de numérisation, ou de diffusion dans leurs locaux de documents numérisés ?

    Il y a dix années, la Bibliothèque nationale de France engageait un programme de numérisation de 100 000 ouvrages imprimés et de 200 000 images. Ce projet achevé, la réflexion a tout d'abord porté sur l'usage de ce fonds grâce à des postes installés en salle de lecture. Mais le public s'est également orienté vers une forte demande de consultations à distance des fonds institutionnels à travers le réseau Internet. Les difficultés soulevées par l'application du droit d'auteur pour ces utilisations restent toujours à surmonter.

    Toute reproduction en vue de la communication au public, que ce soit sur le site même d'une bibliothèque, entre bibliothèques, entre institutions publiques culturelles ou en réseau, suppose l'autorisation préalable et la rémunération des auteurs de l'oeuvre ou de leurs ayants droit.

    Cette situation, qui résulte de l'application du droit d'auteur français tel que conçu depuis la loi de 1957, se trouve confirmée et même réaffirmée par l'évolution récente du droit positif.

    Ainsi, tant la convention de Berne complétée par les actes de Genève de décembre 1996 que le projet de directive communautaire sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information, actuellement en cours de négociation, ne permettront aucune dérogation à ce principe.

    La toute récente approche communautaire confirme que les États membres ne peuvent tout au plus prévoir d'exception au droit de reproduction que pour les « actes de reproduction spécifiques effectués à des fins d'archivage ou de conservation par des établissements qui ne visent à l'obtention d'aucun avantage économique ou commercial, direct ou indirect, tels que les bibliothèques et les archives et autres institutions pédagogiques, éducatives ou culturelles ».

    Dans cet environnement juridique, la Bibliothèque nationale de France a entretenu un dialogue permanent avec les éditeurs représentant leurs auteurs pour l'utilisation tant en interne qu'en réseau de la partie de son fonds numérisé qui est constituée d'ouvrages encore protégés au titre du droit de la propriété intellectuelle.

    Ceci a permis en 1997 la signature entre la Bibliothèque nationale de France et le SNE d'un protocole d'accord qui offre un cadre pour autoriser la mise en consultation de ce fonds numérisé protégé sur les sites de la Bibliothèque nationale de France, mais qui ne traite pas de la possibilité d'une mise en réseau.

    Il a sur cette base été conclu des contrats d'autorisation avec 17 éditeurs pour environ 5 000 ouvrages protégés. Cette démarche a toutefois montré ses limites, liées à la prudence inévitable que soulève toute utilisation d'une oeuvre dans le domaine des nouvelles technologies, et seuls les ouvrages du domaine public sont donc accessibles sur le site Internet de la Bibliothèque nationale de France, Gallica.

    La communication de ces documents dans les locaux de bibliothèques ou d'autres institutions culturelles liées à la Bibliothèque nationale de France, par des accords spéciaux de partenariat n'est pas non plus à ce jour envisagée.

    Quelles solutions peuvent être recherchées pour l'avenir ?

    La Bibliothèque nationale de France est consciente que, quelles qu'elles soient, ces solutions supposeront une juste rémunération des ayants droit.

    Le ministère de la Culture a toujours incité les institutions publiques culturelles à recourir à la voie contractuelle, ce qui correspond en effet à l'esprit et à la lettre du droit applicable.

    L'absence totale d'une pratique de la gestion collective dans le secteur de l'édition, qui suppose la recherche d'autorisations éditeur par éditeur, ou même auteur par auteur, constitue un ensemble de démarches fastidieuses voire inefficaces pour des fonds d'une telle importance quantitative.

    Un développement de la gestion collective pourrait apporter une aide certaine, avec comme corollaire l'instauration de tarifs préférentiels pour les institutions culturelles qui, dans le cadre de leurs missions de service public, réalisent des mises en réseau dont l'accès est pour une part importante gratuit. Il n'est pas envisageable que les bibliothèques soient dans l'obligation de définir leurs programmes de numérisation en ne retenant que des documents du domaine public, et se trouvent ainsi limitées dans leur action et dans l'exercice de leurs missions par un critère n'ayant aucun lien avec les intérêts de la recherche.

    Un cadre juridique global est désormais indispensable.