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    J'avais 30 000F

    J'ai choisi le multimédia

    Par Marine Biasse, Bibliothécaire à Montperreux

    Informatiser le fonds ne veut pas automatiquement dire informatiser le prêt

    Dans nos petites bibliothèques (moins de 10 000 livres prêtés par an) pour lesquelles le budget municipal est inférieur au coût d'un programme de gestion, l'informatisation du prêt ne va pas de soi. Cependant, il est possible d'informatiser le fonds avec un simple logiciel de gestion de données. C'est suffisant pour une recherche efficace, par titre, par auteur, par mot matière...

    La recherche documentaire est un des volets de la mission des bibliothèques. Le cédérom est un des supports à proposer, car la recherche est ludique, simple et rapide. Il est moins coûteux qu'une encyclopédie sur papier, et offre plus de possibilités. Les cédéroms avec images en trois dimensions nous ouvrent un monde fabuleux qu'il serait dommage de ne pas faire connaître (visiter en toute tranquillité les grands musées avec commentaire des oeuvres, traverser les temples d'Égypte au temps de leur splendeur, etc.).

    Montperreux, 603 habitants, commune du Doubs située à 1 000 m d'altitude, possède une bibliothèque municipale dotée d'un agent du patrimoine à temps partiel (12 heures par semaine). Cette petite BM, dont le budget annuel d'acquisition est de 6 000 F, est ouverte 6 heures par semaine et, en 1998, a prêté 6 500 ouvrages à 250 inscrits (certains viennent des communes avoisinantes). Consciente des enjeux de l'informatique, la municipalité a décidé de mettre au service du public un micro-ordinateur multimédia, une imprimante couleur et une encyclopédie sur cédérom.

    Sont donc à la disposition des lecteurs : des cédéroms de jeux et de découverte interactive prêtés par la BDP, l'encyclopédie, les données concernant le fonds et le traitement de texte. Tout cela permet d'offrir un éventail de services tels que taper un rapport et l'imprimer, concevoir une affiche, effectuer une recherche, imprimer des informations et des images, jouer, écouter une histoire...

    Bilan de deux années de fonctionnement

    À partir de la grande section (5 ans), les enfants de l'école primaire bénéficient, pendant les temps d'accueil des classes, de séances de découverte des cédéroms. Ils apprennent à manier la souris, à écrire des textes, à construire des recherches....

    À notre initiative, un club informatique a été créé où l'on peut échanger des conseils, tester des logiciels et aussi les cédéroms prêtés par la BDP. Il a permis de mettre en place des formations à l'informatique et à l'utilisation des logiciels de base. Cette fois, ce sont les adultes qui ont été intéressés. Nous avons pu voir un jeune de 17 ans donnant des conseils à des plus âgés (de 35 à 70 ans).

    Comme je suis dans l'impossibilité d'assurer à la fois le prêt (avec la disponibilité que cela sous-entend) et le fonctionnement du poste informatique (qui est à 2,50 mètres de mon bureau), il a fallu que les petits et les grands s'entendent, s'organisent et apprennent à manipuler correctement l'appareil. Grâce aux séances données en classe et à leur grande faculté d'adaptation, ils sont très vite devenus autonomes. Le revers de la médaille est qu'ils se sont tournés vers les jeux.

    À chaque permanence du mercredi et du samedi, une dizaine de jeunes de 10 à 14 ans se retrouvent devant l'appareil. Leurs jeux favoris sont ceux à formes simples du type " Tetris », avec lesquels ils peuvent instantanément comparer leurs scores. Comme devant un flipper, ce sont les garçons qui jouent ; les filles regardent puis vont dans la salle d'étude lire des BD ou bavarder. Entre eux, les tours de rôle s'instaurent naturellement. Ils sont là dès l'ouverture et partent en même temps que moi. Ils en profitent souvent pour prendre un ou deux livres.

    J'interviens assez peu, sauf si le fond sonore est trop élevé, ce qui est rare. Je fournis les cédéroms à la demande. Si un enfant souhaite utiliser l'ordinateur, un temps lui est alloué immédiatement, et c'est souvent un des " grands qui prend en charge son initiation avec un programme adapté. Quand il y a des demandes, priorité est donnée à la recherche documentaire ou à l'utilisation du traitement de texte. Le danger serait qu'ils monopolisent l'appareil ; à moi d'être vigilante à la demande quelquefois muette des autres lecteurs.

    Il nous reste une étape à franchir : l'accès à Internet

    Cela fait partie intégrante du multimédia, mais bien des questions n'ont pas trouvé réponse : faut-il laisser les jeunes consulter tout sans contrôle, quel budget faut-il prévoir, faut-il faire payer, avec quelle formation, un seul appareil sera-t-il suffisant, comment gérer tout cela toute seule ?

    De plus en plus de foyers sont équipés d'un ordinateur, mais ils achètent en priorité des cédéroms de jeux. Les cédéroms culturels et encyclopédiques, comme les beaux livres, sont coûteux par rapport à l'utilisation qu'on en a, c'est pourquoi il est important qu'il soit possible de les consulter à la bibliothèque.

    À la campagne, le risque est encore plus grand qu'à la ville de voir se creuser les inégalités entre ceux qui ont les moyens d'accéder à la culture et les autres. Grâce au multimédia, la bibliothèque du village peut offrir un accès à la culture " mondiale ".

    Dans les communes rurales, les lieux de vie (en dehors de la nature) sont limités aux Abribus et aux cafés ; je suis donc heureuse que les jeunes choisissent la bibliothèque comme lieu de rendez-vous, même si ce sont les jeux plus que les livres qui les attirent. Preuve est faite que l'informatique n'isole pas les individus : à Montperreux, elle a même créé des liens entre les générations.

    « Bibliothèque lieu de rencontres et d'échanges » : cette mis-sion-là, au moins, est remplie.