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    Le multimédia à la médiathèque de Lorient

    Par Bernard Coisy, Bibliothécaire - Responsable de la Logithèque

    Le projet multimédia à la médiathèque

    Du multisupport...

    La médiathèque de Lorient, inaugurée en décembre 1992, a été conçue comme une médiathèque classique : avec des secteurs adultes, jeunesse, fonds local et image et son distribuant les 4 000 m2en autant de salles. Toutes les salles proposent de l'écoute et du visionnement audiovisuels sur place. La salle jeunesse comporte aussi une logithèque de quatre postes en libre service.

    Cependant, l'essentiel des nouveaux médias est proposé dans la salle image et son, qui regroupe la discothèque, la vidéothèque et la logithèque, offrant toutes trois la consultation sur place et le prêt (depuis 1997 pour la logithèque). Cette organisation repose sur les principes de la médiathèque issus des années 1980, selon lesquels, l'information circulant sur différents supports, il est légitime de les rendre accessibles à tous au même titre que le livre, le point de mire n'étant plus le droit à la lecture mais plutôt le droit de se cultiver.

    La logithèque payante (abonnement tous supports) propose l'apprentissage de progiciels et de méthodes de langue en autoformation. Inspirée des modèles de la logithèque de la BPI et de la didac-thèque de la Cité des sciences et de l'industrie, elle a fait apparaître les notions d'autoformation et de formation continue des adultes, introduisant dans la médiathèque l'idée que la maîtrise des outils de lecture est un préalable à toute démocratisation. L'expérience a montré que ce service, occupé dans l'ensemble en permanence, est utilisé par des personnes qui connaissent déjà l'usage des ordinateurs (cf. Joëlle Muller, Les Logithèques, p. 15), et que l'apprentissage des langues à partir de rien est une pratique infime.

    En fait, l'usager veut soit rafraîchir son anglais, soit apprendre un anglais spécialisé, puisque, malgré l'éventail de vingt langues proposées, c'est ce dernier qui est pratiqué à 90 %. Cependant, répondant à une demande réelle du public sans empiéter sur les compétences pédagogiques de l'enseignement traditionnel, l'expérience de la logithèque a aidé les bibliothécaires à situer ce que pouvait être leur rôle de médiation dans les nouvelles technologies cinq ans plus tard.

    aux nouvelles technologies d'information et de communication

    En 1996, une convention avec l'université de Bretagne-Sud permet à la médiathèque de bénéficier d'une liaison gratuite à Internet, grâce à laquelle elle envisage d'offrir l'accès gratuit à ses lecteurs. C'est un élément important dans la réalisation d'un programme de valorisation des nouvelles technologies d'information et de communication (NTIC) prévu de 1997 à 1999.

    Ce programme comprend la création d'un réseau local interconnectant trente stations dont vingt en libre accès dans les salles publiques de la médiathèque, huit postes accédant gratuitement à Internet sans limitation de sites y compris en salle jeunesse, la connexion d'un serveur de cédéroms sur ce réseau local, la mise en place d'un service de prêt de cédéroms (650 titres au catalogue). Il s'agissait là d'un premier volet qui a été réalisé en 1997 et 1998.

    Le deuxième volet prévoyait pour 1999 la mise en place d'un programme de numérisation de documents patrimoniaux indexés sur une base de données installée sur un serveur de GED connecté au réseau local. Le programme de numérisation est en cours, mené en partenariat avec les archives départementales du Morbihan, le SCD de l'université de Bretagne-Sud et le service historique de la Marine de Lorient.

    Il s'avère plus long que prévu à réaliser pour des raisons de procédures de marché d'appel d'offres et surtout de préparation des collections. La première campagne de numérisation doit être terminée en 2000. L'idée est de proposer aux habitants de Lorient, ville complètement détruite pendant la dernière guerre (y compris sa bibliothèque), la consultation grâce aux NTIC des traces subsistantes au-jourd'hui inaccessibles.

    Cependant, le souci de réagir aux usages du public et des opportunités d'investissement ont entraîné une modification du programme NTIC initial. Le choix d'une base de données GED a été retardé pour être intégré dans le cadre d'une réinformatisation globale de la médiathèque, dont l'étude commencera fin 1999 et qui sera réalisable sur l'exercice budgétaire 2001.

    La deuxième modification a été la création d'une salle NTIC. Elle est équipée de onze stations multimédias contenant la connexion au réseau local, à Internet, des logiciels de bureautique et éducatifs. Son but principal est de développer la formation du personnel et du public (mise en service : septembre 1999). En effet, le programme avait accordé une attention particulière à la formation. Un dispositif avait été mis en place dans ce but, tant pour le personnel que pour le public. L'expérience a montré qu'elle avait besoin d'être développée et systématisée.

    La formation du personnel

    Le souci a été d'assurer la formation la moins chère, la plus pertinente et la plus réactive aux évolutions possibles, mais aussi qu'elle implique l'ensemble du personnel, qu'elle entraîne son adhésion au projet et à l'effort d'adaptation nécessaire.

    Celui-ci a rapidement compris que l'enjeu de maîtrise de l'outil informatique était un préalable et qu'il s'agissait d'un élargissement considérable de ses champs de compétence bibliographique et documentaire, avec des conséquences importantes sur la répartition de son temps de travail interne, sur la maîtrise du renseignement aux lecteurs, voire sur la politique d'acquisition. En somme, une évolution considérable du métier de bibliothécaire s'annonçait, aussi importante que celle de l'informatisation des catalogues dans les années 1980, et aucune opération emploi-jeune ne pourrait en faire l'économie.

    Le dispositif a mis en place une formation du personnel à double détente : une coordination se spécialisant dans l'informatique documentaire s'est partagé le travail et a suivi des stages extérieurs. Elle a ensuite assuré une formation sur place et moins poussée pour le reste du personnel. Il était en effet difficile de proposer des formations extérieures généralisées à tout le personnel, pour des problèmes de coût et de disponibilité dans les permanences en salles. Cependant, ce dispositif a eu et a toujours l'avantage d'associer tout le personnel, qui est aujourd'hui à même de donner une première aide de dépannage au lecteur. Les formations assurées par les collègues ont aussi permis aux bibliothécaires moins réceptifs à ces évolutions d'adopter une attitude positive et dédramatisée.

    Ce qui était souhaité, c'était que quelques bibliothécaires soient compétents sur la recherche documentaire électronique tout public. C'était aussi que tout le personnel maîtrise les machines en en acquérant les automatismes de conduite, et, au-delà, puisse à des niveaux de savoir divers effectuer des parcours de recherche documentaire pertinents. C'était encore qu'il puisse suivre sur Internet l'actualité de son domaine documentaire. C'était enfin que le lien entre la documentation papier présente sur les rayons et la documentation électronique puisse être fait sans discontinuité dans la chaîne d'accès au savoir, au moment de guider le lecteur.

    Le bilan de deux ans et demi montre que le volet formation, vraiment essentiel, doit être intégré dans la formation initiale des bibliothécaires. Il montre aussi que ce que l'on pensait être une étape de formation, un moment d'adaptation, est en fait un processus continu et qu'il faut l'intégrer dans les structures de fonctionnement ordinaire de l'établissement.

    La formation du public

    Dès l'ouverture de stations multimédias en salle publique, en 1997, des séances d'initiation aux NTIC ont été proposées au public, assurées par les membres de la coordination informatique. Par programmes de six semaines à raison de trois séances par semaine, avec inscription gratuite par téléphone, ces sessions ont été assurées au départ sur des postes en salle publique pour des groupes de trois ou quatre personnes.

    L'expérience de maintenant deux ans confirme l'analyse de départ : la démocratisation de l'accès à l'information électronique ne passe pas seulement par la gratuité, il passe aussi par une initiation et une formation à la maîtrise de la machine et par des parcours de recherche. Des tris et des repères sont nécessaires dans la masse incontrôlée d'informations charriée par Internet.

    À cela s'est ajoutée une demande nouvelle : les besoins exprimés par des lecteurs utilisateurs d'autres services, comme la logithèque ou le point ressources emploi-formation, ou simplement par ceux qui suivent des animations ont fait émerger une demande d'activité liée à l'écriture de textes, à leur illustration et à leur publication, où les NTIC sont particulièrement efficaces et peuvent servir la créativité de chacun.

    Ainsi, la nécessité d'assurer une formation continue du personnel quasiment au quotidien, d'améliorer la productivité des sessions de formation du public et de pouvoir exploiter la dimension d'écriture et d'expression des NTIC a conduit à ouvrir une salle qui, outre l'intérêt de pouvoir assurer ces objectifs, permet aussi d'ouvrir les NTIC à la dimension d'échange et de communication in situ. L'intérêt de cette salle est aussi que, étant située dans la bibliothèque, elle propose ces activités encadrées par des professionnels de la documentation, au sein de la chaîne globale de prise en charge de l'écrit que la médiathèque traite.

    Des créneaux horaires hebdomadaires ont ainsi été dégagés pour la formation du personnel, pour celle du public, pour des activités de bureautique ou des ateliers d'expression tous gratuits. Enfin, le lundi a été réservé à la location de la salle pour des stages de bibliothécaires extérieurs. Au fil des programmes, les sujets des sessions se diversifient par niveau (de l'initiation à l'interrogation avancée d'un moteur de recherche) et par catégorie d'âge. Le souci est aujourd'hui d'exploiter ces sessions pour y proposer, par une sorte d'effet de retour, des sujets comme l'orientation dans le classement des collections ou des parcours bibliographiques dans la médiathèque.

    Enfin, la création d'un poste d'informaticien a permis de résoudre les lourds problèmes de maintenance d'un parc qui s'agrandit. La mission de formation qui lui a aussi été confiée a rendu très souple la formation du personnel à la bureautique. Elle a enfin permis aux bibliothécaires de situer sans ambiguïté leur rôle strictement documentaire par rapport aux NTIC.

    Les services en salle et la pratique du public

    Sur les vingt postes publics, seulement huit ont été volontairement connectés à Internet, même s'ils sont occupés en permanence, afin de pouvoir préserver un accès aux cédéroms en réseau. Il n'y a pas de réservation et il est demandé de se limiter à une utilisation d'une heure. Il n'y a pas de limitation dans l'accès aux sites. Tous les postes sont situés dans des endroits de passage et près des banques d'accueil, assurant une dissuasion suffisante pour éviter les dérapages. Des imprimantes couleur très simples sont proches des postes, et les lecteurs paient les impressions à la feuille. Ce fonctionnement s'est révélé satisfaisant dans l'ensemble, si ce n'est que les lecteurs en attente ne le font pas toujours savoir.

    Le public, voyant de plus en plus souvent dans les grands médias des adresses URL, éprouve souvent une curiosité à l'égard d'Internet. C'est dans cette mesure qu'un public nouveau, de 15 à 30 ans, non-utilisateur d'autres services dans la médiathèque, vient interroger le Web. De même, les sessions de formation sont fréquentées par un public hétérogène tant en âge qu'en connaissance de l'outil informatique : certains n'ont jamais « cliqué », d'autres pratiquent quotidiennement.

    Cependant, l'utilisation des NTIC à la médiathèque est le fait d'une partie limitée de la population. Démocratisation de l'accès ne signifie pas forcément ruée massive. Les recherches sont variées, mais beaucoup portent sur des sites de recherche d'emploi. L'objectif des bibliothécaires est bien le contenu plutôt que le support, pour nourrir le cheminement personnel du lecteur et son expression.

    On peut remarquer une évolution dans le rapport du bibliothécaire avec ses lecteurs. Le bibliothécaire vit depuis vingt ans sur une idéologie de la lecture publique qui demande une attitude ambiguë. D'une part il doit adopter celle, offensive, du contact avec le lecteur, de la relation humaine et de la médiation. D'autre part, avec la logique du libre accès, de la signalétique, des OPAC, il doit s'effacer pour ne laisser aucun obstacle s'interposer entre le livre et le lecteur, et risque ainsi de se confiner dans un retrait masochiste préjudiciable à la reconnaissance de sa compétence.

    N'est-ce pas d'ailleurs dans la logique de ce discours que celuide la médiation du livre reven-dique son émergence comme légitime ? Les NTIC réclament aux bibliothécaires d'être encore plus présents comme intermédiaires, non seulement pour la maîtrise des outils mais aussi pour situer le niveau de contenu demandé par le lecteur.

    Il reste que la lecture » documentaire vit sa vie d'autant mieux qu'elle est dotée d'outils puissants. Mais elle n'est pas toute la lecture. Il nous semble qu'aujourd'hui c'est la littérature qui a besoin d'être défendue, ainsi que le type de lecture qu'elle suppose, celle qui nous introduit dans un autre rapport au temps et à nous-mêmes. Peut-être est-ce cette lecture-là qui nous fera bientôt cruellement défaut. C'est pour cela que la médiathèque de Lorient vient d'inaugurer une nouvelle salle littérature avec, en son centre, une " chambre de lecture Mais c'est un autre sujet.