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Les petites bibliothèques et le multimédia dans le Cher

2000
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    Les petites bibliothèques et le multimédia dans le Cher

    Par Jean-Paul Gaschignard, Bibliothèque du Cher

    En juillet 1997, aucune bibliotatB thèque, ni grande ni petite, ne proposait de service multimédia dans le département du Cher. En septembre 1999, vingt bibliothèques du réseau de la Bibliothèque du Cher permettent au moins la consultation de cédéroms. Six offrent aussi la consultation d'Internet. Plusieurs projets sont en préparation.

    Pourquoi cette soudaine floraison de postes multimédias ? Quelles bibliothèques ? Quels usages ? On peut trouver quelques éléments de réponse.

    Si l'on regarde quelles communes sont équipées, on trouve :

    • une commune de 5 000 à 10 000 habitants ;
    • deux communes de 2 000 à 5 000 habitants ;
    • huit communes de 1 000 à 2 000 habitants ;
    • dix communes de moins de 1 000 habitants, dont deux gèrent ensemble une bibliothèque intercommunale.

    En moyenne, ces communes comptent un peu plus de 1 500 habitants. Leurs bibliothèques sont donc de très petites structures, le plus souvent animées par des équipes de volontaires bénévoles : douze sont gérées uniquement par des bénévoles, deux par une salariée et des bénévoles, six uniquement par des salariés. Quatre de ces bibliothèques sont des bibliothèques municipales au sens de la Direction du livre, c'est-à-dire emploient des fonctionnaires des cadres d'emplois des bibliothèques.

    Pourquoi ? La première raison est certainement le plan départemental de développement de la lecture voté par le conseil général en septembre 1996. Il prévoyait l'encouragement de la consultation de cédéroms dans les bibliothèques municipales et la mise en place d'un système de subvention : à l'époque, 5 000 F pour chaque poste ; depuis 1998, 50 % du coût du poste de travail et des matériels et logiciels annexes (imprimante, onduleur, antivols...) et au plus 5 000 F. Mais le succès de ce dispositif ne s'explique que parce que les municipalités et les équipes des bibliothèques étaient déjà convaincues de l'utilité des nouvelles technologies de l'information.

    La première installation le montre bien, même si elle a été un peu aidée par le destin. Le 31 décembre 1996, une canalisa tion éclate à cause du gel, et un cumu-lus inutilisé et oublié dans un grenier se vide sur la bibliothèque d'Allouis, 768 habitants. Un ordinateur prêté par une association est endommagé dans l'accident. Les volontaires de la bibliothèque passent de nombreuses heures à trier les livres endommagés (plus de la moitié du fonds) et à tenter de les sécher. La municipalité et les volontaires trouvent tout naturel de remplacer l'ordinateur endommagé par un poste multimédia à la disposition du public. Autrement dit, l'ordinateur était déjà là...

    Le conseil général aide à la consultation dans les bibliothèques de cédéroms dans un premier temps, de cédéroms et d'Internet ensuite. La Bibliothèque du Cher n'envisage pas, au moins pour le moment, de prêter les cédéroms au public. Ce choix est dicté par deux raisons.

    D'une part, il s'agit de compenser un peu les inégalités sociales, culturelles, géographiques, qui font qu'on a plus facilement accès au multimédia quand on peut payer le matériel et les abonnements, et plus facilement accès à un cybercafé dans une grande ville que dans un village. Les bibliothèques proposent un accès gratuit mais limité, qui permet à tous de s'initier aux cédéroms et à Internet.

    D'autre part, le prêt au public suppose des crédits d'achats plus importants pour la BDP, un travail de sélection, de catalogage, d'équipement, et vraisemblablement, tôt ou tard, une création de poste. Le conseil général ne souhaite pas s'engager dans cette voie.

    Le conseil général encourage la consultation de cédéroms documentaires ou éducatifs. La Bibliothèque du Cher n'achète donc pas et ne prête pas de cédéroms de jeux. Est-ce vraiment le rôle des bibliothèques ? Les jeux supposent de toute façon de nombreuses heures d'usage, alors que la consultation en bibliothèque est forcément organisée par heure ou par demi-heure, pour que chacun ait accès à l'ordinateur.

    Quels usages ? Nous observons dans notre réseau des usages différents selon le support, et très variables. En gros, les cédéroms sont utilisés par les écoliers pour jouer - il y a beaucoup de petits jeux sur les cédéroms documentaires, et beaucoup de titres ludo-éducatifs - et par les collégiens pour se renseigner, surtout pour les devoirs. Internet est surtout utilisé par les lycéens, là encore principalement pour les devoirs.

    Les grands absents sont donc les adultes. Pas totalement quand même : on nous cite ici une dame d'origine étrangère qui vient s'entraîner sur un logiciel d'exercices de français, là une autre qui vient chercher avec sa fille des renseignements par Internet sur les filières de formation professionnelle, plusieurs fois des cas de parents qui accompagnent leurs enfants, surtout les plus jeunes. Mais il s'agit bien d'exceptions qui confirment la règle.

    Comment évaluer le fait que les enfants viennent surtout pour jouer? En fait, l'usage qu'ils font des cédéroms culturels ou documentaires, en cliquant partout pour voir ou en jouant sur les jeux qu'ils y trouvent, n'est pas différent de celui qu'ils font des documentaires pour enfants. Le livre sur les pompiers est-il lu d'un bout à l'autre ? Est-il lu pour le texte, ou s'agit-il plutôt de regarder de jolies images ? Le jeu de l'oie sur la filmographie de Charité Chaplin estil moins éducatif parce qu'on y joue par hasard ?

    En permettant cet usage ludo-éducatif, les bibliothèques remplissent une mission qu'elles connaissent bien et depuis longtemps. D'ailleurs, les enfants sont-ils les seuls à jouer ? Cliquer partout sur Internet s'appelle surfer... Le refus du cédérom de jeux ou du site de jeux sur Internet n'est donc pas le refus de tout jeu quel qu'il soit, mais un choix volontaire. On retrouve le rôle de prescripteur de la bibliothèque.

    Les usages documentaires du multimédia induisent un nouveau rapport au livre. Assez souvent, les adolescents commencent leur recherche par une encyclopédie sur cédérom et la complètent par des ouvrages de référence sur papier. Les collèges jouent le rôle d'initiateurs : les bibliothèques voient arriver des jeunes qui connaissent déjà des outils multimédias qu'ils ont pratiqués au CDI ou au lycée, et leur offrent la possibilité de poursuivre leur travail dans un autre cadre.

    Les adultes n'osent pas montrer qu'ils ne connaissent pas les ordinateurs, de sorte que la bibliothèque peine à les toucher. Il faut me semble-t-il réagir en proposant des animations à thème, ciblées en direction de groupes bien identifiés. Par exemple, des séances sur l'usage d'Internet dans la recherche d'emploi devraient avoir un écho. Une initiation à Internet sur un thème précis, pour une association active dans le village, permettra de faire venir ses adhérents et les personnes intéressées. Le multimédia peut aussi compléter les animations de la bibliothèque : on peut faire découvrir des sites Web sur à peu près tous les sujets abordés dans les expositions, et il ne faut pas hésiter à le faire.

    L'animation multimédia est donc nécessaire pour élargir le public des nouvelles technologies. Pour l'instant, le réseau de la Bibliothèque du Cher fait ses premières expériences, et aucune bibliothèque n'a encore organisé d'événement de ce genre. À la BDP de l'encourager à dépasser cette situation.

    Quelles perspectives ? Il arrive tous les mois de nouveaux dossiers pour l'équipement des bibliothèques, qui comprennent presque tous la connexion à Internet. D'ici deux ou trois ans, on comptera probablement trente à quarante bibliothèques proposant la consultation de cédéroms, et vingt à trente proposant celle d'Internet.

    Le nombre de connexions permet d'espérer que les pages Web de la Bibliothèque du Cher (qu'elle prépare actuellement) seront un véritable outil collectif pour le réseau, et que ce dernier s'en saisira rapidement. C'est à la fois assurer la rentabilité du temps passé à les préparer et se donner les moyens de nouvelles expériences, en les complétant par des services en ligne : inscriptions aux stages, réservations de documents ou d'expositions...

    Il restera bien sûr des réfractaires, comme il reste des bibliothèques sans budget, des bibliothèques équipées de mobilier de récupération ou des municipalités qui font payer les fournitures de bureau par les volontaires bénévoles. Après avoir converti la majorité, la BDP devra persuader cette minorité. Encore de la diplomatie, encore de la négociation en perspective... Comme on s'ennuierait si tout était déjà parfait !

    Cependant, l'essentiel est apparemment acquis. Dans le Cher, toute bibliothèque un peu dynamique se doit de proposer la consultation multimédia.

    En proposant cette politique d'encouragement, la Bibliothèque du Cher n'a fait que devancer les choix du conseil général. En 1999, celui-ci a décidé d'équiper et de connecter massivement tous les collèges du département. Il se prépare à subventionner très fortement les achats d'ordinateurs et le câblage des écoles. Il souhaite dans les prochaines années installer un réseau à très haut débit, et développer fortement les services sur Internet pour les communes, les entreprises et les particuliers.

    Le multimédia est devenu un enjeu très important pour le développement économique et culturel du département, ce dont les élus sont tout à fait conscients.