UN ATELIER DU CONGRÈS ABF 2001 avait POUR THÈME « Nouvelle géographie, nouveaux territoires, nouveaux accès », c'est-à-dire les évolutions qui seront induites pour les bibliothèques par les nouvelles structures de gestion et de concertation rassemblant les communes en vertu des lois dites asqua 1993), « Voynet 1999) et « Chevènement » (1999).
C'est en effet un continent nouveau, une terra incognita selon les paroles de l'animateur, Jean-Michel Paris, directeur de la bibliothèque départementale de prêt de l'Hérault, qui s'ouvre pour les bibliothèques et médiathèques municipales de toutes tailles, les responsables départementaux et les responsables régionaux, DRAC ou région.
Bien que récemment simplifié, le paysage de la coopération intercommunale reste diversifié avec d'un côté des structures de gestion qui regroupent un nombre de communes très variable, dont l'élément autrefois basique, le syndicat intercommunal, se voit progressivement remplacé par les communautés de communes qui peuvent, si elles se mettent d'accord, lever un impôt unique, la TPU (taxe professionnelle unique) afin de garantir une pression fiscale égalitaire et en retour des équipements irriguant l'ensemble du territoire.
Une variété plus puissante , de communauté de communes est la communauté d'agglomérations qui ne peut exister que dans des zones fortement urbanisées.
Ces structures de gestion peuvent avoir des compétences obligatoires (répurgation, économie) et des compétences à choisir à la carte, en particulier les « équipements culturels d'intérêt communautaire », catégorie qui concerne les bibliothèques, ainsi que les centres culturels, les théâtres, les écoles artistiques, les espaces publics multimédias, etc.
De l'autre côté, on trouve le « Pays » défini par la loi « Voynet qui peut être soit un groupement d'intérêt public (GIE), soit une association de communautés. Il n'a pas de fonction de gestion, mais peut élaborer des schémas, financer des études et être le lieu où les acteurs publics, assistés de leurs experts (parfois de simples citoyens engagés), peuvent rédiger des contrats pour des opérations concernant le territoire du » Pays qui peut être très vaste.
En croisant les propos de Jean-Michel Paris (BDP 34) et d'Annie Dourlent, BDP d'Ille-et-Vilaine, on voyait se dessiner une hypothèse commune : une déconcentration (décentralisation ?) des bibliothèques départementales qui pourraient créer des « annexes relookées ou des « plate-formes de services plutôt calées sur la desserte d'un Pays », tandis que la coopération entre les bibliothèques d'un territoire communautaire s'axerait sur les questions de circulation, non seulement des documents, mais aussi des ressources humaines et rechercherait des économies d'échelle dans l'informatisation, par exemple.
En Ille-et-Vilaine, la réflexion sur la liaison BDP/Médiathèque de « Pays - (il y en a 7 en tout) avance du fait d'un projet de site commun à Fougères et de la dimension hors norme de la future médiathèque d'agglomération de Rennes, placée en tête d'un réseau de bibliothèques municipales de toutes tailles et au centre d'un Pays » composé de très nombreuses communes desservies par la BDP.
Nadine Etchéto, conseillère pour le livre auprès du directeur régional des affaires culturelles du Languedoc-Roussillon, a exposé son patient travail d'aide à la prise de décisions collectives des maires pour mutualiser, partout où c'est possible, l'offre de services de bibliothèques et créer ainsi des bassins de lecture ».
Les thèmes émergents sont la création de nouvelles compétences, la diminution des charges des bourgs « centraux », la signature de contrats qui peuvent rassembler les communautés, les départements (ex. : le Gard) et l'État, et servir à cofinancer des postes. Parfois, l'intervention du conseiller de la DRAC aboutit à désamorcer des différents entre élus, en contribuant au financement d'une étude de services intercommunaux, par exemple. Parfois, une étude peut être appuyée sur une convention tripartite DRAC, Conseil général, communauté d'agglomération.
Les interventions de la salle ont permis d'explorer le rôle réellement régional - et controversé - des bibliothèques municipales à vocation régionale (BMVR), mais seules les actions de conservation régionale ou la création de salles de formation régionale ont semblé pouvoir être clairement identifiées comme spécifiquement régionales.
À Montpellier, lieu du débat, la récente médiathèque centrale, comporte une fort belle section de patrimoine occitan et local, mais ce n'est pas une BMVR officielle ». Une convention la lie au Conseil général et à la BDP de l'Hérault.
Annie Dourlent a souligné que les nouveaux territoires d'action devraient nécessairement poser la question de nouvelles définitions du rôle des agences régionales de coopération (il n'en existe pas dans toutes les régions). Les régions administratives n'ont cependant pas de compétences identifiées dans le domaine des bibliothèques, sauf quand celui-ci recoupe les besoins de la recherche (haut débit ou catalogues collectifs).
Sur les emplois intercommunaux, Jean-Michel Paris (BDP Hérault) a indiqué que son souci est qu'ils ne soient pas des postes de villes ou bourgs-centre, mais qu'ils irriguent toutes les composantes du réseau local.
Christian Rogel (Bibliothèque du Finistère) insiste sur l'originalité de la démarche inscrite dans la loi « Voynet qui institue les "Pays », car elle demande que ce soit les acteurs locaux qui définissent les objectifs et les moyens en évitant toute démarche - par en haut ». Le « Pays de Morlaix » (1 communauté d'agglomérations et 3 communautés de communes) a entamé une réflexion sur un thème formulé de manière très expressive :
Mise en réseau des bibliothèques-médiathèques ».
La nécessité de compléter le maillage des points d'accès a été évoquée comme condition du départ de la dynamique qui permettra ensuite de définir les niveaux d'équipement et de bâtir les solidarités.
Jacques Delon (BDP de la Charente) pense que, dans l'étape actuelle, les bâtiments resteront communaux, mais que l'intercommunalité concerne a priori les personnels et les collections.
Hachem Scandre (BM de Saint-Martin-d'Hères) a apporté un éclairage sur l'évolution en cours dans l'agglomération grenobloise où est envisagée la création de 3 médiathèques communautaires conventionnées avec la ville d'accueil, sans équipement communautaire central. Un passeport permettrait aux habitants de ne pas se voir appliquer de tarif « extérieurs ». Parallèlement, Rédoc, catalogue collectif des bibliothèques et centres de documentation sur Internet, s'ouvre aux bibliothèques publiques de l'agglomération.
À Rennes, seule a été retenue l'idée de construire sous maîtrise communautaire la nouvelle médiathèque du centre-ville, en laissant sous responsabilité municipale les équipements existants ou à venir. Une étude est en cours sur l'analyse des déplacements des personnes, afin d'optimiser le fonctionnement des équipements publics de toute la communauté d'agglomérations.
Comme les paysages réels, les paysages de la coopération intercommunale sont extrêmement divers et les implications concernent toutes sortes d'acteurs qui ont à utiliser une large panoplie d'outils. Comme dans un film en cours d'écriture, l'important est la qualité du scénario. Avec les élus, les bibliothécaires doivent se mettre au travail pour devenir de bons scénaristes et, s'il ne fallait qu'un mot pour résumer l'enjeu, ce serait le partage