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    Nouveaux usages, nouveaux comportements

    Quelles formations et quels statuts pour s'y adapter?

    Par Dominique Lahary

    Des missions aux métiers, par Jean-François Jacques

    Jean-François Jacques, directeur de la médiathèque d'Issy-les-Moulineaux, s'est tout d'abord placé du point de vue des comportements des publics. Soulignant l'évolution des pédagogies, l'explosion de la formation permanente et l'importance de l'autodidaxie, il a estimé que 60 à 70 % des usagers étaient en situation de formation. Mais il faut compter également avec de nouveaux modes de fréquentation des lieux publics, qui deviennent des lieux de vie où l'on va chercher autre chose que la destination première du lieu. C'est le cas des musées, où l'on s'attarde au lieu de se contenter d'une simple visite, mais aussi des bibliothèques, qui offraient autrefois peu de places assises.

    Les tutelles modifient-elles aussi leurs exigences, utilisant la bibliothèque comme un outil au service de la commune ou de l'université, recherchant une rentabilité de l'investissement, encourageant la transversalité avec ses autres services, tandis que la notion de prestation de service, sans toujours remettre en cause la gratuité, se développe : formations à Internet, laboratoires de langue, outils bureautiques, spectacles, offre documentaire aux entreprises.

    La très grande diversification des besoins documentaires à satisfaire, mobilisant les collections patrimoniales aussi bien que des corpus éphémères liés aux besoins du moment, s'accompagne du développement du numérique en réseau, qui conduit la bibliothèque à proposer un accès allant bien au-delà de ses propres fonds.

    Dans cette diversification des rôles et des savoir-faire, il importe de distinguer les missions de l'établissement des métiers permettant de les assumer. Le bibliothécaire ne peut plus prétendre savoir tout faire. Il doit souvent se spécialiser par domaine thématique ou par fonction.

    Citant l'alourdissement des tâches de gestion, la nécessité de la délégation, le développement de l'action culturelle, l'importance de la communication et de la formation des usagers, la complexification de l'ingénierie documentaire, les techniques du marketing ou de l'informatique, les difficultés de l'élaboration d'un cahier des charges ou d'un projet de bâtiment, Jean-François Jacques estime qu'il n'est pas question dans un cursus de formation de tout aborder. Pour quelles tâches peut-on faire appel momentanément à certaines compétences ? Que pouvons-vous céder à d'autres métiers et que reste-t-il du nôtre ? Peut-on apprendre sur le tas, solitairement, à distance ? Faut-il inscrire les savoir-faire nouveaux dans les statuts ? C'est sur ces interrogations qu'il a terminé son intervention avant de passer la parole à Laurence Tarin.

    De la formation initiale à la formation continue, par Laurence Tarin

    La directrice de Médiaquitaine a tout d'abord analysé le lien entre diplôme, concours et formation post-recrutement. Alors que la demande de concours sur titre est récurrente, elle a insisté sur l'importance, au moins pour la catégorie A, de la possession d'un bon niveau de culture générale auquel peut notamment contribuer une formation universitaire classique. Mais une connaissance disciplinaire précise apparaît de plus en plus essentielle pour exercer la fonction d'acquéreur.

    La possession de diplômes professionnels apparaît plus justifiée en catégorie B, où la formation post-recrutement est souvent contestable. Mais le concours sur titre n'est pas une solution miracle. L'uniformité de diplômes tels que les DUT n'est pas garantie. On a été jusqu'à prôner pour le concours d'assistant la détention d'un BEATEP (1) , ce qui est absurde. Le nouveau corps d'assistants présente un accès par concours professionnalisé sans référence à des diplômes avec formation pendant l'année de stage, ce qui constitue le premier exemple de formation post-recrutement en catégorie B dans la fonction publique d'État.

    L'idée de formation post-recrutement elle-même n'est pas à condamner. Il s'agit d'un important acquis social pour le salarié dont la formation est prise en charge par son employeur. Le temps de formation est un moment privilégié dont il est bon de profiter, un moment d'acquisition mais aussi de construction de son identité professionnelle.

    Laurence Tarin a ensuite présenté les enjeux de la formation continue. Celle-ci peut répondre à un besoin de spécialisation, terme qu'elle préfère à la notion de « nouveaux métiers ». Cela peut requérir des cycles longs, complets, structurés, qualifiants. Mais sont également utiles des séquences courtes comme les conférences et les journées d'étude, qui ne trouvent pas forcément de légitimité auprès des financeurs et des tutelles.

    Souvent conçue comme une démarche personnelle d'un agent, la formation gagne à être dispensée à toute une équipe, notamment pour concevoir globalement et différemment les services offerts aux usagers, qu'il s'agisse d'accueil ou de politique documentaire.

    Sur le plan pédagogique, Laurence Tarin préconise de s'appuyer sur les savoirs antérieurs pour les transférer sur de nouveaux environnements, plutôt que de déstructurer les acquis pour installer une nouvelle technique. Elle conseille également de prolonger les stages par des groupes de réflexion : on entend si souvent dire « c'était bien mais je ne pourrai jamais le mettre en pratique dans mon établissement ».

    Laurence Tarin a conclu en évoquant la formation à distance, qui peut constituer une réponse aux problèmes d'éloignement, de manque de disponibilité ou de seuil minimum pour constituer un groupe. Mais elle peut être l'occasion de dérives. L'individualisation peut entraîner une marchandisation qui battrait en brèche la notion de formation comme bien public. La formation en dehors du temps de travail remettrait en cause le droit des salariés à la formation continue. On peut enfin craindre une baisse de la qualité de la relation pédagogique par distanciation du rapport enseignant-enseigné, quelles que soient les solutions techniques (forums, messagerie) mises en oeuvre pour le préserver. C'est ainsi que l'ENSSIB envisage ses programmes de formation à distance en complétant le distanciel par le présenciel.

    Questions en débat

    Le dialogue avec les participants a permis d'aborder des questions difficiles, auxquelles il n'était guère possible d'apporter des réponses immédiates :

    • * la validation des acquis professionnels et des diplômes, notamment lors des formations post-recrutement, des avancements de grade, des demandes de mobilité, un participant ayant évoqué la certification à laquelle procède l'ADBS (2) ;
    • M la répartition de l'offre de formation à travers le territoire, qui peut faire l'objet de négociations entre le CNFPT et les établissements ou groupes régionaux de l'ABF ;
    • M la difficulté pour le personnel territorial à accéder à des formations payantes, notamment celles proposées par des établissements d'État ;
    • M la formation des emplois jeunes et celles des agents de catégorie C, de plus en plus diplômés.

    Une bibliothécaire marocaine a souhaité avoir des informations complémentaires sur les formations à distance qui pourraient en effet être très intéressantes dans le cadre d'une collaboration internationale. Laurence Tarin lui a conseillé de se rapprocher de l'ENSSIB et de Mediadix qui ont réalisé des expériences et ont des projets précis dans le domaine de l'enseignement à distance.

    Il a été également question de la formation initiale des conservateurs. Raymond Bérard de l'ENSSIB convient qu'elle est perfectible. Il indique que pour l'année à venir, un certain nombre de mesures d'urgence, dont l'introduction d'un enseignement concernant la gestion des ressources humaines, seront prises. Il informe également de la mise en place d'un dispositif permanent d'évaluation de la formation. Ce travail se fait en lien avec le CNFPT qui a développé en particulier avec l'ABF une expertise dans ce domaine.

    Mais la question la plus difficile était sans conteste celle-ci, qui aurait mérité, non pas un atelier ni une conférence, mais tout un congrès :

    "Comment peut-on définir le corpus de base du métier de bibliothécaire ? »

    1. Brevet d'État d'animateur technicien de l'éducation populaire. retour au texte

    2. L'ADBS (Association des professionnels de l'information et de la documentation) a mis en place une procédurte de certification. Voir : http://www.adbs.fr/adbs/viepro/ profess/certif/html retour au texte