L'ATELIER EST OUVERT PAR TROIS INTERVENTIONS SUCCESSIVES. La première, celle de G. Gudin de Vallerin, apporte un éclairage national du problème et propose différents types de configurations de réseaux locaux. La seconde, celle de J.-M. Compte, étudie un cas particulier, celui de Poitiers. La dernière situe la question du point de vue particulier de la fermeture d'annexes dans une ville de 50 000 habitants qui se dote d'une médiathèque centrale : le cas d'Albi présenté par Marielle Mouranche.
G. Gudin de Vallerin énumère les raisons qui conduisent à la création d'une annexe : la population, la superficie (cas d'une ville étendue comme Martigues), la topographie, l'histoire culturelle et politique de la ville (identité et spécificité de quartier), la présence d'axes de circulation majeurs (ferroviaire ou routier) constituant des barrières urbaines, la création de nouveaux quartiers et l'état, la situation, de la bibliothèque principale. Il constate que sur 293 villes de 20 à 50 000 habitants, 135 possèdent des annexes et que cette tranche de population détient également le nombre le plus important de bibliobus urbains (51 des 141 véhicules recensés en France).
M Les réseaux locaux de bibliothèques peuvent être classés selon plusieurs profils :
Les services proposés par les annexes ont tendance à se diversifier avec le passage d'une offre d'imprimés à une offre multi-supports, avec le développement des places assises et des espaces spécifiques pour les animations et la présence de points d'accès à Internet.
Gilles Gudin de Vallerin aborde la question de la spécialisation des annexes par supports et thèmes à partir des exemples de Lyon et de Brest. La spécialisation des collections pose selon lui des problèmes budgétaires, suppose (ce qui n'est pas avéré) une circulation des usagers et doit impérativement tenir compte de l'emplacement des établissements et des conditions objectives et subjectives de déplacement des usagers. Pour lui, cette spécialisation des collections porte malgré tout la marque d'une vision technocratique et instrumentale du réseau et ne tient pas compte de la spécificité socio-politique des quartiers et des besoins des usagers.
Se retournant vers les centrales, il examine les services qui leur sont spécifiques : les services patrimoniaux, la documentation régionale et locale, les pôles documentaires d'excellence (fonds spécialisés) et les services spécifiques tels que les services d'information, les services pour les handicapés, les laboratoires de langue, l'accès à l'information spécialisée supposant un personnel ayant des compétences particulières, etc. D'un point de vue de gestion, la centrale peut aussi servir de pôle logistique et de base arrière pour l'ensemble des services. Pourtant à Montpellier, les taches techniques sont décentralisées, la centrale se gardant simplement la réception des documents acquis, et la mise en place de politiques coordonnées en matière d'acquisition et d'action culturelle et de communication.
Enfin il éclaire la question dans le contexte nouveau de l'intercommunalité. Celle-ci peut encourager la coopération intellectuelle entre réseau et unités, organiser la coopération institutionnelle sur une partie ou la totalité du réseau et des fonctions : système informatique et règles d'inscription et de prêt communes, médiathèque intercommunale et association de bibliothèques municipales, prise en charge totale du réseau par l'échelon intercommunal.
Suit le cas d'Albi, une ville de 50 000 habitants sur 4 500 hectares qui, jus-qu'à la construction de la médiathèque, possédait un réseau de 4 bibliothèques (dont une seule de taille significative et 3 micro-annexes de 100 m2ouvertes 12 h/semaine pour 300 à 600 usagers) et d'un bibliobus, réseau créé à partir des années 50 autour d'une bibliothèque principale très insuffisante (200 m2). La construction de la médiathèque de 4 500 m2en centre-ville a conduit le maire à souhaiter la fermeture de toutes les annexes. Ceci a suscité une discussion contradictoire parmi les bibliothécaires et parmi les élus, certains plaidant pour les équipements et solutions de proximité, d'autres pour la médiathèque centrale. Finalement décision sera prise de conserver deux annexes dans des zones urbaines sensibles et de garder le bibliobus pour les zones urbaines excentrées. Cet exemple permet de voir combien il est difficile de faire accepter aux bibliothécaires, aux élus et aux usagers concernés la fermeture d'équipements même s'ils ne sont pas fonctionnels.
Poitiers, une ville de 83 000 habitants divisée en cinq quartiers de 15 à 20 000 habitants fortement identifiés par la topographie très particulière d'une cité dont le centre est situé sur un promontoire encadré par le lit de deux rivières. À Poitiers, l'idée du réseau remonte aux années 1970 et il est mis en oeuvre par une municipalité qui a gardé la même ligne politique et le même esprit jusqu'à aujourd'hui.
Construite en 1993 et 1996, la médiathèque François Mitterrand constitue sur 8 000 m2l'équipement principal. Elle propose l'ensemble des supports et moyens d'accès à l'information et assure traditionnellement les fonctions de diffusion et de conservation. S'y ajoutent quatre bibliothèques de quartier (terme que J.-M. Compte préfère à celui d'annexe) de 400 à 600 m' dont deux médiathèques avec des collections de 30 à 40 000 unités, leur création s'est échelonnée sur une vingtaine d'années entre 1970 et 1990. À cela il faut ajouter un bibliobus avec une double mission : desserte de zones isolées et services spécifiques. Dans un souci d'égalité devant le service, il existe une carte de lecteur unique pour tout le réseau ; un service de navette assure le déplacement des documents envers les usagers dont la mobilité est réduite, ce service fonctionne toutefois essentiellement pour les documents imprimés. Pour les autres types, la tendance est plus au déplacement des usagers. Contrairement à Montpellier, la BMC de Poitiers gère un service centralisé de traitement des documents : un choix de spécialisation des bibliothèques de quartier a été fait, non pas au niveau des collections mais à celui des services. L'une développe des actions de bibliothèques de rue, l'autre un service en direction des bébés, une autre est ouverte six jours sur sept. Le réseau de la ville de Poitiers fonctionne au sein d'un contrat Ville lecture " avec des objectifs envers les publics éloignés des bibliothèques, tel qu'un service de portage à domicile. Pour ce qui est l'intercommunalité, la communauté d'agglomération qui regroupe dix communes n'a pas choisi la compétence culturelle mais il existe une réflexion sur les services de bibliothèques et il est clair que le réseau de Poitiers suscite des besoins dans les communes limitrophes dont les populations profitent dans une certaine mesure.
Après ces exposés liminaires s'ouvre la discussion.
Le débat s'ouvre à propos des bibliobus. Bruno Carbone indique qu'il s'agit d'un outil de proximité très fin qu'il ne faut pas négliger mais plutôt faire évoluer vers le concept de médiabus. Ph. Charrier de la bibliothèque municipale de Marseille, où 4 bibliobus desservent 50 arrêts, est plus sceptique et juge le service un peu périmé et ne correspondant plus aux attentes du public, le bibliobus dans son fonctionnement actuel est généralement vécu dans un réseau comme un palliatif. Il faudrait peut-être en réorienter le fonctionnement en choisissant entre nombre de dessertes et temps de présence sur chaque point et articulant mieux les missions de bibliobus avec ceux des autres services culturels et éducatifs de proximité. À Montpellier, G. Gudin de Vallerin, plutôt au départ sur les positions de Ph. Charrier concernant les bibliobus, est au fil du temps revenu sur sa position et est aujourd'hui plutôt favorable à l'action des bibliobus. Ph. Pineau du CE Thalès à Chatellerault interroge J.-M. Compte sur les bibliothèques de quartier qui n'offrent pas de support audiovisuel. Il ne s'agit pas d'un choix délibéré mais de contraintes budgétaires. Catherine Pouyet, directrice du réseau des bibliothèques de Grenoble (15 bibliothèques sans bibliothèque centrale), évoque la restructuration en cours du réseau au sein de l'espace urbain et reprend dans son contexte spécifique la thématique de la spécialisation des collections. Elle se demande si des évaluations précises existent concernant l'efficacité et le coût des différents profils de réseaux locaux. Jean-Marie Compte fait observer qu'à Poitiers la médiathèque attire massivement les 14-25 ans qui fréquentent le service sans toujours emprunter, population que l'on ne trouve pas dans les bibliothèques de quartier. Il y aurait un effet de taille qui jouerait pour certains publics et certains usages. Pierre Louis, directeur des bibliothèques de Metz, décrit un réseau qui comprend 7 bibliothèques de quartier, dont trois médiathèques, une logithèque et une bibliothèque centrale. Le réseau de Metz est lui aussi confronté au problème du maintien de petites unités dont il faut maintenir un certain niveau de rentabilité. Metz s'est dotée d'une logistique de circulation des documents demandés par les usagers des différents points du réseau qui permet de garantir un service équitable. Le réseau a eu recours à des solutions inédites, ainsi les lecteurs du réseau ont été encouragés à fréquenter la médiathèque du quartier du Grand Borny, quartier défavorisé par une mesure simple : le doublement du droit d'emprunt normal à tout utilisateur de cette médiathèque.