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    Le centre de formation ABF de Poitiers

    Les secrets d'une gestion efficace

    Par Anne Guegon
    La formation ABF d'auxiliaire de bibliothèque est dispensée actuellement dans 25 centres en France. Depuis sa création en 1938, elle n'a cessé de se développer grâce au travail de centaines de militants bénévoles ou salariés de l'ABF. Cela représente aujourd'hui environ 400 enseignants, six salariés en Région ainsi qu'un poste au siège national tenu par Odile Fey, sans compter tous ceux qui se réunissent régulièrement à Paris pour harmoniser la gestion des contenus. Homologuée par le ministère du Travail depuis 7997, la formation ABFest une part importante de notre activité et la rédaction tenait à vous faire découvrir au fil des numéros la vie interne des centres avec leurs spécificités. Un coup de chapeau peut-être ?

    Un peu d'histoire

    En mai 1998, le groupe régional Poitou-Charentes-Limousin décide d'ouvrir un centre de formation à Poitiers pour répondre aux besoins de formation pressentis dans la région. Un partenariat est conclu entre la médiathèque de Poitiers, le Centre interrégional des métiers du livre et de la documentation, et la bibliothèque départementale de la Vienne : la formation sera dispensée en alternance sur ces trois localisations. Marcelle Guitton, directrice de la bibliothèque départementale de la Vienne, accepte de prendre la responsabilité pédagogique du centre de formation.

    Le groupe régional propose également de recruter une personne chargée de la coordination de la formation d'auxiliaire de bibliothèque et capable de seconder Marcelle Guitton dans la gestion du centre de formation. La mise en place du dispositif de formation, son suivi et le déroulement des cours en trois lieux différents justifient la création d'un emploi à temps partiel.

    Courant juin, la présidente du groupe régional me contacte et me propose cet emploi car, étant bibliothécaire bénévole dans une petite commune de la Vienne et adhérente de l'Association des bibliothécaires français, j'ai également une expérience de l'enseignement et de la formation des adultes qui me sera utile dans cette fonction. La mission qui m'est confiée m'enthousiasme et me convient parfaitement.

    La bibliothèque départementale de la Vienne m'accueille et m'offre la possibilité de partager un bureau avec une bibliothécaire. Une convention passée avec le conseil général de la Vienne en fixe les modalités. Le groupe régional apporte l'équipement : un micro-ordinateur, une imprimante, une ligne de téléphone et un fax-répondeur.

    Bénéficiant de la longue expérience de l'équipe du centre de Limoges, et avec l'appui de nombreux professionnels de la Région Poitou-Charentes, il nous a été possible de mettre en place rapidement le dispositif de formation et de nous rendre opérationnels dès la rentrée de septembre 1998. Le centre de Poitiers ouvre donc ses portes à 24 stagiaires venus de quatre départements : Charente, Charente-Maritime, Vienne et Deux-Sèvres.

    Bien qu'il soit encore jeune dans son existence, il est intéressant de dresser un portrait du fonctionnement de ce centre et de faire partager nos réalisations. L'organisation de la formation s'articule autour de trois éléments : une équipe d'enseignants, des outils pédagogiques et enfin un suivi personnalisé des stagiaires.

    Une équipe d'enseignants

    Dès le départ, il est décidé de solliciter les professionnels assez largement afin de constituer de petites équipes qui partageraient les enseignements. Ainsi, trois enseignants interviennent en catalogage, indexation et classement, deux pour les renseignements aux usagers, et six à huit intervenants se partagent la connaissance de l'édition adultes et jeunesse.

    Le système impose plus de concertation en amont, mais pèse finalement moins lourd pour chaque intervenant. Bien sûr, on prend le risque en cas de mauvaise coordination de disperser les enseignements, d'engendrer des redites ou de faire des impasses. En contrepartie, on enrichit les contenus par la diversité des approches. Autre avantage : un enseignant empêché se remplace plus facilement.

    C'est ainsi que 25 à 30 professionnels interviennent actuellement dans la formation, certains pour trois ou six heures seulement dans l'année. Ils sont sollicités principalement en bibliothèque municipale (Poitiers, La Rochelle, Châtellerault, Montmorillon, La Crèche, Melle) ou en bibliothèque universitaire (Poitiers). En septembre et en juin, des réunions de coordination et d'évaluation sont l'occasion de rencontres pour ces enseignants, de partage et d'échanges de points de vue.

    Les outils pédagogiques

    L'évaluation du dispositif de formation amène un constat dès la première année. Il faut s'attacher à transmettre les connaissances de manière très concrète en s'appuyant sur l'expérience de chacun. Pour cette raison, les salles de cours sont choisies en fonction de la matière qui y sera dispensée. Les cours de renseignement aux usagers ont lieu au Centre des métiers du livre en raison de la disponibilité d'ouvrages de référence, tandis qu'un cours sur les documents jeunesse est donné à la médiathèque des enfants de Poitiers. Les livres sont sortis des rayons et la participation des stagiaires est sollicitée. Dans la même optique, les enseignements de catalogage se font si possible livre en main. Enfin, pour faciliter les échanges, certains cours sont proposés en travaux pratiques par groupes de dix à douze stagiaires.

    L'introduction des nouvelles technologies dans les bibliothèques rend la tâche de l'enseignant plus complexe. Il ne peut se contenter de transmettre son expérience accumulée sans tenir compte de l'évolution prévisible dans un environnement professionnel de plus en plus technique. Pour cette raison, nous nous efforçons de proposer aux stagiaires l'utilisation des nouveaux outils (internet et multimédia) chaque fois que possible afin de les rendre familiers : ateliers d'initiation à internet, vidéoprojections, recherches bibliographiques sur cédérom. Il importe d'être attentif à toutes les ressources locales et de ne pas hésiter à tout mettre en oeuvre pour les utiliser.

    En complément de l'enseignement, des visites sont organisées par le centre de formation (imprimeries Aubin, archives départementales, bibliothèques). Nous incitons aussi les stagiaires à visiter personnellement d'autres bibliothèques et librairies. À cet effet, des fiches de visite à compléter leur sont fournies.

    Le suivi personnalisé des stagiaires

    Depuis la sélection des candidats à la formation jusqu'à la remise des diplômes, les stagiaires bénéficient d'un soutien personnalisé.

    Dans un premier temps, la sélection des candidatures se fait sur examen de dossier et lettre de motivation. Une enquête est faite auprès des bibliothèques départementales ou des employeurs concernés. Cette enquête permet de cerner les motivations des candidats, mais aussi leur besoin en formation, l'opportunité de leur candidature, les priorités et éventuellement les financements. La collecte de tous ces éléments complète le dossier avant la sélection du jury.

    Au cours de la formation, l'accompagnement des stagiaires se révèle indispensable pour soutenir, encourager, conseiller (dans la recherche d'un lieu de stage par exemple). Le centre de formation dispose d'une ligne téléphonique-fax et répondeur (plus récemment d'un e-mail) spécifique, qui assure aux stagiaires un correspondant disponible ou susceptible de les rappeler.

    La remise des diplômes donne lieu à une réception officielle que nous organisons quelques jours après l'examen oral en présence des élus, des responsables de bibliothèque, des enseignants et de nos partenaires locaux. Les élus apprécient d'être associés à cette manifestation, et les stagiaires également lorsqu'ils reçoivent leur diplôme des mains d'un élu.

    Après la formation

    Diplôme en poche, la situation professionnelle des stagiaires se trouve souvent modifiée. Grâce à une enquête que nous avons lancée auprès des deux premières promotions, nous avons pu cerner et quantifier ces changements intervenus depuis la fin de la formation.

    Cette enquête a été lancée en décembre 2000 auprès des stagiaires ayant suivi la formation en 1998-1999 et 1999-2000, soit 45 personnes interrogées. Au total, 21 questionnaires ont été retournés au centre de formation. En voici les résultats :

    • * La situation professionnelle est inchangée pour 10 personnes. Il faut préciser que ces personnes étaient déjà titulaires ou employées sur des contrats spécifiques au moment de leur formation. Il s'agit de 2 emplois-jeunes, 3 agents et 4 CEC ; 1 personne diplômée en 1999 est toujours responsable bénévole de la bibliothèque de sa commune. Elle espère une proposition d'embauche en 2001.
    • * 11 personnes ont vu leur situation évoluer suite à la formation :
      • 1 agent d'entretien passe agent du patrimoine et réussit le concours d'agent qualifié ;
      • 2 CES/CEC sont titularisés comme agents du patrimoine ;
      • 2 CEC obtiendront un poste d'agent du patrimoine en mai 2001 ;
      • 2 CES sont consolidés
      • 2 CES obtiennent un emploi-jeune
      • 2 bénévoles sont recrutés comme agents du patrimoine.

    Coordonner un centre ou l'art de penser à tout

    Interrogée sur la nature de mon travail, il m'a semblé intéressant de faire partager mon expérience professionnelle, puisque rares sont les centres qui ont choisi de recruter une personne salariée. Le terme de coordinatrice de formation, bien que peu utilisé, peut s'appliquer à mes fonctions qui sont polyvalentes : organisation du dispositif de formation, suivi administratif, accueil des stagiaires, animation du réseau des enseignants. Cela suppose d'être capable de prendre des initiatives, de faire des propositions, d'être attentive à l'évolution de la formation, aux opportunités et aux échanges possibles. Toutes mes initiatives sont discutées et concrétisées par Marcelle Guitton, qui assure la responsabilité du centre de formation.

    Bien entendu, j'assure toutes les tâches administratives qui sont bien connues des responsables de centre : dossiers de candidature, conventions de formation, conventions de stage, facturation, convocations d'examen, remise des diplômes. Ces documents constituent plus de 500 courriers échangés au cours d'une session de formation. La photocopieuse et le traitement de texte m'ont été bien utiles.

    Vient ensuite la logistique : l'art de penser à tout, de prévoir l'important et l'accessoire, d'anticiper et de faire face à l'imprévu. Les plannings de cours sont établis en août, les salles sont aussitôt réservées et affectées en fonction des contenus de l'enseignement, les intervenants sont contactés. Bien qu'ils soient arrêtés longtemps à l'avance, les plannings ne manquent pas d'être perturbés de temps à autre !

    Je prévois également les possibilités d'hébergement et de restauration des stagiaires. En effet, plusieurs d'entre eux ont un trajet de 100 à 160 km qui s'ajoute à leur semaine de travail. Les regroupements de trois jours que nous avons mis en place cette année se sont donc révélés moins fatigants. Pour occuper les soirées, je leur propose des animations : ateliers d'initiation à internet et au multimédia, nocturne à la médiathèque de Poitiers (ouverte jusqu'à 22 heures), conférence. Seule la visite guidée des bars de Poitiers n'a pu être organisée malgré leur demande ; je dois avouer que ce secteur ne rentre pas exactement dans mes compétences.

    Présente avec les stagiaires tout au long de la formation, j'interviens fréquemment auprès d'eux. Je provoque une discussion suite à un manque d'intérêt signalé par un enseignant ou à un absentéisme. J'aide les stagiaires qui se découragent à persévérer jusqu'à l'examen, à surmonter leurs doutes, à rencontrer les professionnels qui peuvent les conseiller. Je rends compte régulièrement à Marcelle Guitton de l'activité des stagiaires, du déroulement de la formation et des stages, des difficultés éventuelles.

    Je joue un rôle d'interface entre les stagiaires et les intervenants. Comme il a été décrit plus haut, les intervenants sont nombreux à Poitiers. Un dialogue constant permet d'ajuster, de compléter un enseignement, de connaître l'impact des travaux pratiques. De plus, je m'attache à fournir tous les outils pédagogiques. Un choix de livres ou la mise à disposition d'un vidéoprojecteur peuvent rendre les cours plus concrets et plus attrayants. En cas de besoin, les intervenants n'hésitent pas à me confier la saisie et la mise en pages des documents qu'ils communiquent aux stagiaires. Sur ma proposition, nous avons conçu et réalisé en équipe un QCM (questionnaire à choix multiples) qui permet de mesurer les connaissances acquises ou non en cours de formation.

    Le dynamisme du centre repose sur les enseignants qui apportent leur professionnalisme et leur savoir-faire. Il dépend aussi de la motivation des stagiaires, de leur volonté de se perfectionner. En tant que coordinatrice du centre de formation, j'estime essentiel de faciliter la transmission des connaissances dans les meilleures conditions possibles, avec les meilleurs outils et en tenant compte des possibilités et des richesses de chacun.

    Témoignage d'une réussite

    En conclusion, je vous livre un extrait de correspondance reçu d'une ancienne stagiaire qui nous confirme l'impact de cette formation dans sa vie professionnelle et personnelle.

    «Je suis titulaire depuis le 1er décembre et je me sens vraiment très à l'aise à mon poste. Je souhaite aux autres stagiaires ABF de connaître cette chance. Je garderai toujours un excellent souvenir de cette formation qui m'a fait connaître beaucoup de choses et qui a bouleversé « en bien » ma vie. »