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Les relations publiques dans les bibliothèques

1960
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    Les relations publiques dans les bibliothèques

    Compte-rendu de la réunion trimestrielle de la section des petites et moyennes bibliothèques à rôle éducatif (18 mars 1960)


    Cette réunion s'est déroulée dans le cadre accueillant de la bibliothèque municipale de Neuilly-sur-Seine ; elle était présidée par Mlle Foncin qui ouvrit la séance en faisant remarquer avec humour que si elle entend beaucoup parler actuellement de « relations publiques », l'expression lui semble bien imprécise, et n'a jamais été devant elle clairement définie. Les trois exposés et la discussion prévue ce soir l'éclaireront-elles ?

    I - Relations publiques

    M. J. Hassenforder montre l'importance grandissante des relations publiques. Dans un monde complexe, une information objective est nécessaire. L'ignorance des données réelles crée méfiance et désarroi. 11 est nécessaire de faire connaître ce que l'on fait. La bibliothèque ne doit pas être un monde clos, mais un foyer de vie intellectuelle, connu du voisinage.

    La situation actuelle des bibliothèques à rôle éducatif en France se définit en deux termes : progrès depuis la Libération, mais retard persistant par rapport à certains pays étrangers.

    La nécessité d'informer l'opinion nous amène en premier lieu à repenser notre tâche en fonction de l'évolution du monde moderne. Nous mettrons l'accent sur l'importance croissante du rôle éducatif et de l'action documentaire, sur la nécessité de diffuser une culture vivante en rapport avec les préoccupations des usagers.

    Il importe d'informer le pouvoir sur les conditions de notre action et en nous inspirant d'exemples passés, ainsi que de l'exemple britannique, de faire éventuellement pression pour obtenir les moyens nécessaires à notre tâche. Les autorités - conseils municipaux, comités d'entreprise - doivent être informées et ainsi convaincues de l'utilité de notre travail.

    Il convient d'assurer une étroite liaison entre les bibliothèques et les grands moyens d'information de masse si influents à notre époque : presse, radio, télévision. Une liaison doit être assurée également avec les autres secteurs éducatifs : enseignement, éducation populaire, musées. Enfin les relations publiques s'exerceront également en direction des usagers. L'usager doit savoir comment fonctionne sa bibliothèque et comment elle désire répondre à ses besoins. La Section des bibliothèques à caractère éducatif a un rôle important à jouer dans le domaine des relations publiques. Elle exercera cette tâche dans la mesure où chacun y contribuera.

    II - Lecture de la communication d'une bibliothécaire d'entreprise

    « Je ne sais si c'est une expérience qui pourra servir à beaucoup, tellement ça me semble « personnel » et « cas particulier ».

    Ce qui est sans doute général c'est que, dans une usine, la bibliothèque est considérée par la direction comme la cinquième roue du carrosse, voire même comme le frein. Ce qui l'est aussi, c'est que depuis la loi sur les comités d'entreprise les bibliothèques dépendent de ces comités et, plus précisément, des « commissions de bibliothèque ». Suivant les usines, cette dépendance est plus ou moins effective. Par conséquent, suivant les cas, les gens à persuader peuvent être soit les délégués du comité d'entreprise, soit les hautes sphères directoriales, soit les deux.

    De toute façon, je crois que la seule chose qui en impose d'une façon durable, c'est la compétence professionnelle. Le reste est accessoire. Je peux tout de même vous dire que pour mon cas particulier, j'ai sans doute été aidée par le fait que je n'étais pas gênée pour entrer en contact avec la direction. La difficulté principale était de faire admettre, par les hautes sphères aussi bien que par les usagers de la bibliothèque et les délégués, que la présence d'une bibliothécaire qualifiée était nécessaire pour assurer le prêt des livres. Jusque là, on considérait qu'il fallait quelqu'un de compétent pour les achats (1 bibliothécaire pour 27 bibliothèques), le prêt étant confié à des ouvriers ou employés dans des « soutes à livres », où il n'était pas question d'instaurer le libre accès aux rayons.

    Il m'a fallu cinq ans d'entêtement pour avoir gain de cause. Mais les résultats du prêt des livres dans la bibliothèque où a été placée la bibliothécaire désirée, ont été tels que je n'ai plus eu besoin que d'un an d'entêtement pour en engager une deuxième.

    D'une usine à l'autre, c'est par l'intermédiaire des réunions de chefs de services sociaux (où je ne vais jamais) et par l'intermédiaire de mon propre chef de service que j'ai été amenée à recevoir la visite d'autres chefs de service qui sont venus me demander conseil. Peut-être que là, ce sont aussi des relations mondaines qui ont facilité le fait qu'on m'a écoutée, dès la première fois.

    Ce qui a l'air d'une réussite n'est, en fait, qu'un début dans mon secteur et les personnes que j'ai pu contacter sont encore très loin de se douter de ce que peut être une bibliothèque dans une entreprise. Je crois que c'est en faisant connaître les résultats que nous obtenons dans les bibliothèques (meilleur choix des livres empruntés, satisfaction et multiplication des lecteurs, désirs exprimés par eux) que nous pouvons y intéresser la direction aussi bien que les délégués. Pour ces derniers, ce sera par les « commissions de bibliothèques » ; pour la direction je crois que ce sera par voie de rapports, ou à l'occasion de rencontres « mondaines ».

    Mes rapports avec la presse sont lâches, et c'est un tort ; j'ai pu m'apercevoir qu'on croit beaucoup ce qui est écrit dans les journaux. C'est là que tout le monde trouve le reflet de la vie de la cité. Dès que nous annonçons par voie de presse la fermeture de la bibliothèque, nous recevons plusieurs inscriptions nouvelles de personnes qui apprennent par là l'existence de la bibliothèque. L'annonce dans les journaux de l'arrivée de nouveaux livres est aussi une preuve de vie. Ce qui joue au moins autant (mais on ne peut recommencer tous les six mois), ce sont les inaugurations de nouveaux locaux, quand les bibliothèques sont situées à l'extérieur de l'usine. Si on invite la presse à la réunion et aux festivités qui l'accompagnent, les photos qui paraissent te lendemain sont commentées du haut en bas de l'échelle sociale. »

    Après cette lecture, Mlle Aurivel, bibliothécaire à la B.N.CI, approuvée par les bibliothécaires de plusieurs firmes industrielles, souligne l'intérêt du journal d'entreprise pour faire connaître la bibliothèque. Elle y publie régulièrement les nouvelles acquisitions, y annonce les autres activités de la bibliothèque, les expositions par exemple. Elle insiste sur la nécessité d'envoyer ce journal à domicile, par la poste, pour qu'il atteigne aussi les familles du personnel.

    M. Brun, inspecteur général des bibliothèques, estime qu'un répertoire des bibliothèques d'entreprises permettrait une influence des bibliothèques municipales sur celles des entreprises ; les fonds pourraient se compléter. Des jumelages de bibliothèques pourraient aussi être fructueux.

    Mme Larue, inspectrice générale des bibliothèques de la Seine, explique qu'en Angleterre il existe un système de référence très complet. La bibliothécaire sait immédiatement où trouver l'ouvrage qui manque à sa bibliothèque.

    M. Lethève, secrétaire général de l'A.B.F., déplore que Paris n'ait pas de bibliothèque publique centrale, mais la création d'une bibliothèque centrale de prêt, de consultation et de références est envisagée, nous dit Mme Larue. M. Brun rappelle l'exemple du fichier des acquisitions étrangères à la Bibliothèque nationale.

    III - Exposé de M. Coulomb, bibliothécaire de la Bibliothèque municipale de Neuilly

    Il faut distinguer avant tout entre bibliothèques de conservation et bibliothèques de prêt : l'esprit qui doit animer les responsables des unes ou des autres est très différent, pour ne pas dire opposé. Dans les secondes, « un livre sans lecteurs a moins de valeur qu'un caillou ». Les relations publiques sont donc essentielles dans une bibliothèque municipale pour que celle-ci puisse jouer pleinement son rôle éducatif.

    Il s'agit non seulement de faire connaître la Bibliothèque, mais de souligner son adaptation aux besoins et aux désirs du milieu dans lequel elle est insérée. Il faut sans cesse démontrer qu'elle mérite une place de choix dans les institutions communales. Même l'aspect électoral ne doit pas être négligé : une bibliothèque municipale voit passer plus de monde qu'un café. Elle doit faire honneur à la Municipalité.

    Plus de considération aidera le bibliothécaire à obtenir plus de crédits, plus de personnel, plus de locaux.

    L'effort d'information commentée doit s'exercer : sur les instances directement supérieures : municipalité et conseil municipal ; sur les éléments capables d'influer sur les précédents : presse, radio, corps enseignant, notabilités, etc. ; sur les lecteurs considérés comme des propagandistes en puissance.

    Les moyens à employer sont divers : notes au maire et aux conseillers municipaux, au secrétaire général ; visites personnelles ; communiqués à la presse ou articles ; réunions organisées sous des prétextes divers ; circulaires aux lecteurs, etc

    En outre, il est indispensable de créer un climat d'accueil très ouvert : le public doit sentir une chaleur humaine dès qu'il pénètre dans la bibliothèque et non ce qu'il qualifie péjorativement d'esprit administratif.

    La discussion qui s'engage à la suite de cet exposé reprend impérativement la nécessité de relever le prestige de la profession en surmontant les timidités, les modesties qui masquent trop souvent des compétences réelles, en éliminant le complexe d'inutilité si préjudiciable à l'ascendant du bibliothécaire.

    M. Boucher explique que pour beaucoup de personnes la bibliothèque municipale est une inconnue : on ignore son existence ou bien son adresse est impossible à trouver. Pourquoi ne serait-elle pas signalée dans les guides ? son fonds local souvent riche serait porté à la connaissance du touriste curieux. Une affiche attrayante répandue en ville contribuerait heureusement à la faire connaître. Mme Yvoré rappelle l'émission radiophonique « Seul contre tous » qui a fait découvrir à bien des gens l'existence et l'intérêt de la bibliothèque de leur ville, obligeamment mise à leur disposition pour ce jeu.

    Enfin, si les bibliothèques étaient plus connues, elles attireraient peut-être les dons privés, mais il faut reconnaître que les régimes juridique et fiscal sont, en France, beaucoup moins favorables à ces initiatives qu'en Angleterre ou aux U.S.A.

    Cette réunion ne nous a sans doute pas apporté la définition souhaitable des relations publiques, mais elle nous a, à coup sûr, persuadés que nos petites et moyennes bibliothèques ne devaient pas rester inexploitées et inconnues, ceci pour assurer leur essor et remplir au maximum leur fonction éducative.