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Sociologie de la lecture et sociologie de l'éducation

1961
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    Par A Puget
    Joffre Dumazedier
    Jean Hassenforder

    Sociologie de la lecture et sociologie de l'éducation

    Etudes... I. L'instruction et les masses (résultats d'une enquête de sociologie culturelle sur une ville). - II. L Les jeunes et la lecture des livres. - III. La lecture et les animateurs d'éducation populaire. - IV. La lecture des ouvrages documentaires dans les bibliothèques. - [suivi de] V. HALCONRUY (René). - Un test de lecture silencieuse. Présentation de Roger Gai. (Le Courrier de la recherche pédagogique. N° 12, oct. 1960, 55 p.)

    Le titre de ces études est un programme de travail. La réforme de l'enseignement et le développement de la lecture publique se heurtent, en France, à des difficultés bien connues. Pour serrer de plus près ces problèmes, pédagogues et bibliothécaires ont eu recours depuis quelque temps aux enquêtes et aux statistiques ; les résultats se révèlent très instructifs pour les uns et pour les autres. Il faut savoir gré à M. Dumazedier, du Centre d'études sociologiques et à M. Hassenforder, du Service de la recherche de l'Institut pédagogique national, de réunir ici des études qui répondent à ces préoccupations très actuelles mettant ainsi en évidence l'intérêt que présenteraient des enquêtes menées, en étroite liaison, par des professeurs et des bibliothécaires.

    I. L'instruction et les masses. - Le développement de la culture dans des milieux sociaux de plus en plus larges exige la connaissance des centres d'intérêt qui peuvent attirer les adultes. Une enquête a été effectuée en 1956 et 1957 à Annecy (40 000 habitants). 500 chefs de famille ont été interrogés ; les réponses recueillies révèlent une indifférence très grande à tout ce qui n'est pas lié à la vie pratique, au progrès de la technique du métier. Seules, la géographie et la médecine semblent attirer les hommes tandis que les femmes sont plus intéressées par l'économie ménagère, la littérature, divers aspects de la médecine, l'hygiène. Les préoccupations culturelles varient grandement avec le milieu social, mais il semble qu'on apprenne à tout âge, à Annecy, alors que dans d'autres régions la curiosité s'émousse, paraît-il. vers la cinquantaine. Ces indications tendraient à indiquer que l'attrait exercé par certains sujets est insuffisamment exploité à l'école. L'adulte choisira, pour compléter son instruction, la lecture des périodiques, puis des livres, de préférence aux conversations, conférences et cours du soir, et à la radio-télévision. Il restera fidèle à ses manuels scolaires, et il y a là matière à réflexion pour les éditeurs ; les congrès culturels intéressent à priori les cadres de l'industrie et de l'administration, les professions libérales et les employés, entre 30 et 40 ans spécialement ; artisans, commerçants et ouvriers sont réticents. L'interprétation prudente des tableaux statistiques qui accompagnent le texte prouve qu'un grand effort reste à faire. Espérons que les habitants d'Annecy les plus avides de culture ont fui les enquêteurs.

    II. Plusieurs enquêtes ont été effectuées pour étudier le comportement des jeunes et la lecture des livres (1) ; la Fédération des Conseils de parents d'élèves des écoles publiques a touché les milieux les plus divers et 7 000 questionnaires ont été dépouillés. La moitié seulement des jeunes de 13 à 16 ans aime la lecture. Résultat moins optimiste encore après enquête auprès des enfants des écoles primaires publiques d'Indre-et-Loire fascinés par l'illustré dont Mme Cantacuzène-Labeyrie note l'influence prépondérante. Une enquête récente de Chambre sur les loisirs des jeunes (1 200 réponses en milieu scolaire) indique que la lecture est préférée à la radio, aux disques. Faute de pouvoir analyser ici dans le détail les statistiques qui nous sont offertes, déplorons le peu d'intérêt pour la lecture dans l'enseignement technique et les milieux ruraux. Pour le choix des livres, les auteurs se réfèrent à des études sur le test du catalogue de Mme Baumgarten, déjà utilisé par Mme Lévy-Bruhl. Le libre choix des auteurs littéraires et l'enseignement du français suscite les critiques des programmes par P.-B. Marquet et J. Beaugrand. L'action culturelle des bibliothèques modernes semble fort appréciée. L'effort de Mme Brunschwig pour animer les bibliothèques de lycée a porté ses fruits, mais il y a fort à faire pour améliorer les bibliothèques scolaires, développer les rapports entre école et bibliothèque municipale, et remédier à la pénurie de bibliothèques pour jeunes (importante bibliographie).

    III. La lecture et les animateurs d'éducation populaire. 128 stagiaires de « Peuple et Culture» du Centre régional d'éducation populaire de l'Université de Caen ont été interrogés en juillet 1959. On reconnaît que le questionnaire a été rapidement élaboré. 88 réponses ont été recueillies parmi des enseignants de moins de 40 ans. Dans les milieux intellectuels il est certain qu'on s'intéresse davantage à la lecture qu'à la radio et à la télévision, les Clubs de livres sont très actifs. 54 % seulement du public considéré fréquente les bibliothèques (municipales et scolaires de préférence). Les préoccupations littéraires, sociales, politiques et économiques sont prédominantes. Le Monde et les revues et journaux de gauche sont lus assidûment. Si le niveau des lectures est élevé dans l'ensemble, les sciences et techniques ont peu d'amateurs. Ces animateurs d'éducation populaire demeurent perplexes lorsqu'il s'agit d'aborder les milieux ouvriers et ruraux, où le roman social semble particulièrement apprécié ; leurs conclusions à ce sujet sont en contradiction avec les résultats d'Annecy et de Flins (2) . « Malgré ces limites cette enquête est une contribution à l'étude des problèmes de culture différentielle » ; elle montre la nécessité d'une réforme de l'enseignement et l'aide qu'on attend des bibliothèques.

    IV. La lecture des ouvrages documentaires dans les bibliothèques. Nous trouvons ici un résumé du compte rendu intégral de l'enquête parue dans le numéro de juin 1960 du Bulletin d'information de l'A.B.F.

    V. M. Halconruy, de l'Unesco, ancien professeur à l'Université et aux écoles normales supérieures et primaires de Sucre (Bolivie) a autorisé la reproduction d'un test de lecture silencieuse appliqué dans son pays, de 1942 à 1948 et adapté en 1958 à l'usage des écoles belges qui l'ont expérimenté sur 4 000 élèves. Ce test ne manquera pas d'intéresser éducateurs et bibliothécaires.

    On ne saurait faire grief aux auteurs de ne nous apporter ici que des échantillons prélevés sur le terrain au hasard des facilités offertes. L'intérêt de ces premières études et les réflexions qu'elles suggèrent ne peuvent qu'inciter à pousser plus avant dans la voie d'enquêtes systématiques dont tireraient le plus grand profit enseignants, bibliothécaires et éditeurs.

    1. Sur l'attitude des adultes, cf. Dumazedier (J.) et Hassenforder (J.), Le loisir et le livre (in : Bulletin des bibliothèques de France, 4e année, n° 6, juin 1955, pp. 269-302) retour au texte

    2. Cf. Hassendorfer (J.). - La lecture de l'ouvrage documentaire dans les bibliothèques à rôle éducatif (in Bulletin d'information de l' Association des bibliothécaires français, n° 32, juin 1960, pp. 85-96). retour au texte