Index des revues

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    Rapport du Président


    Votre nouveau président, pour préparer son premier rapport moral, n'a pas cru pouvoir mieux faire que de relire celui que vous a présenté l'an passé M. Henriot Marty. Dois-je le dire ? J'y ai trouvé presque tout ce que je m'apprêtais à vous présenter comme nouveautés ; de sorte que ce rapport, s'il vous donnera une idée flatteuse, et pourtant très véridique, de la continuité de vues qui préside aux destinées de l'A.B.F., ne vous apportera presque rien de neuf, après l'exposé quasi prophétique de M. Marty.

    Ainsi pour le Bulletin, dont vous avez déjà reçu ou allez recevoir le numéro 46, premier de l'année 1965. M. Marty vous annonçait quatre numéros par an ; c'est maintenant chose décidée et vous recevrez cette année quatre numéros au lieu de trois. De plus, nous allons profiter du soixantième anni-versaire de l'A.B.F. - qui tombe l'an prochain - pour préparer une nouvelle édition, combien utile, de l'Annuaire, à laquelle nous pensons incorporer cette table décennale du Bulletin, que prépare Mlle Dollfus et qui a été annoncée l'an passé par le président.

    Ce Bulletin, dont nous devons la présentation imprimée à M. Josserand et la réalisation matérielle à l'éditeur Person - grâce auquel nous pouvons vous offrir cette tribune, dont le prix de revient excéderait, sans la publicité, les ressources combien modestes de notre association - ce Bulletin, donc, nous n'éprouvons nul besoin d'en changer l'esprit. Tout au plus puis-je vous faire part du voeu exprimé à la réunion de Tours par nos collègues de province : augmenter les rubriques reflétant la vie des bibliothèques, rendre compte des réunions provinciales, en faire le véritable lien entre Paris et la province. D'autre part, si notre bulletin ne saurait lutter, pour des raisons évidentes, avec le Bulletin des bibliothèques de France pour l'abondance des comptes-rendus d'ouvrages, nous souhaitons y donner le dépouillement, sous forme de « Bulletin des sommaires », des périodiques intéressant la profes-sion ; d'autant que la présence d'un appareil de photocopie électrostatique à la Bibliothèque nationale nous permet désormais d'adresser, sur demande, à nos lecteurs, reproduction de n'importe quel article cité, à raison de 1 F la page. Je ne saurais abandonner le chapitre du Bulletin sans rendre hom-mage au dévouement de notre comité de rédaction, composé de Mlles Montagne et Picheral et de M. Maynadies (que M. Nardin a bien voulu remplacer à la suite de son départ pour Alger), et au travail considérable déployé par Mlle Laureilhe pour la partie «Bibliographie».

    Autre innovation annoncée l'an dernier par M. Marty : la reconstitution de l'ancienne section « Bibliothèques d'études » sous forme de section des « Bibliothèques spécialisées », terme mieux adapté à la réalité actuelle, et d'ailleurs correspondant à la nouvelle commission créée sur le plan inter-national par la F.I.A.B. Cette création a pris corps lors de la réunion du 10 juin dernier, tenue sous la présidence de Mme Duprat. Sans nul doute, elle répondait à un besoin : car nous avons vu, avec une grande rapidité, se constituer des groupes de travail ou sous-sections - la terminologie n'est pas encore bien arrêtée sur ce point - extrêmement vivaces : bibliothèques administratives et juridiques, bibliothèques économiques, bibliothèques des sciences exactes, des sciences de la terre, des sciences biologiques et médicales. Toutes ont maintenant un programme de travail : échange de doubles, consti-tution de répertoires collectifs sont en général les premières tâches. Sans compter l'essentiel, c'est-à-dire l'occasion de se rencontrer, d'échanger des idées et de prendre la mesure des besoins, l'occasion enfin pour l'A.B.F. de se faire connaître et de rajeunir son visage. Notre ambition cependant n'est pas encore satisfaite : nous espérons voir se constituer un groupe des bibliothèques d'art, dont les contours paraissent se dessiner aisément : Bibliothèque des Arts décoratifs, de l'Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts, de l'Institut d'art et d'archéologie, Bibliothèque Forney, Cabinet des Estampes de la Bibliothèque nationale, et j'en oublie... Ces nouvelles sections, si elles ont droit à notre sollicitude à titre de nouveaux-nés, ne nous font pas oublier les anciennes, qui au reste n'ont garde de se laisser oublier. Vous entendrez les rapports de leurs présidents ; aussi je n'insisterai pas. Mais je vous propose de donner à la section dite, assez tristement, des « petites et moyennes bibliothèques », le nom de « Section de lecture pu-blique », section qui était autrefois, vous le savez, l'une des trois de l'A.B.F. Ainsi, nos grandes bibliothèques de lecture publique, municipales ou centrales de prêt, pourront sans remords collaborer aux activités de cette importante section, et l'A.B.F. pourra, dans les réunions internationales, déléguer des représentants qui montreront que. Dieu merci, la lecture publique, si elle n'a pas encore atteint dans notre pays le développement que nous souhaitons, peut cependant faire état de réalisations plus qu'honorables et de bibliothé-caires de grande classe, dignes émules de l'apôtre que fut Henri Vendel. C'est cette section, si active, qui a bien voulu prendre en charge le cours de formation professionnelle de l'A.B.F., d'un niveau modeste certes, mais qui répond à un besoin évident, puisque le nombre des participants est passé de 18 en 1964 à 35 en 1965, et que la province demande instamment à pouvoir en bénéficier, par des moyens qui restent à étudier.

    Quant à nos groupes régionaux, celui de Lorraine, que dirige avec tant d'efficacité Mlle Houssay, reste le seul existant. Peut-être cependant le débat qui eut lieu à Tours portera-t-il des fruits tardifs ; un groupe A.B.F. est en constitution dans le Sud-Ouest. A la vérité je ne suis pas inquiète : nos collègues de province, si occupés soient-ils, trouveront bien le temps et le moyen de se rencontrer et de faire face d'eux-mêmes à leurs besoins. Puis-je leur répéter ici que notre plus cher désir est d'ôter à l'A.B.F. son caractère trop exclusivement « parisien » et les aider autant que nous le pourrons ?

    Quant à notre Comité de lecture, sur lequel vous trouverez dans le dernier numéro de notre Bulletin un très intéressant article de sa présidente, Mlle Foncin, il a poursuivi la publication des « Listes et fiches critiques » ; les abonnements souscrits prouvent l'utilité de cette sélection, dont nous souhaitons améliorer dans l'avenir la présentation. Le Comité de lecture s'est adjoint cette année de nouveaux membres. Enfin, une collaboration est envisagée avec les bibliothécaires de « La joie par les livres », pour l'établis-sement de listes et fiches critiques plus détaillées pour les livres d'enfants.

    Je ne m'attarderai pas sur les autres activités de l'année écoulée ; elles ont été conformes à nos traditions. Excursion annuelle, les 30 et 31 mai, à Tours, et j'en profiterai pour remercier encore M. et Mme Fillet du mal qu'ils se sont donnés pour organiser cette journée. A la rentrée, le 2 décembre, réunion sur la « reprographie », avec exposés de M. Bastardie sur le Centre du C.N.R.S. et de Mlle Gérôme-Georges sur la reproduction des fiches ; un prochain numéro du Bulletin vous donnera l'essentiel de la communication si utile de Mlle Georges. Le 25 février' dernier, exposés sur le nouveau Catalogue général des livres imprimés de la Bibliothèque nationale par tranches quinquennales, sous la présidence de Mlle Dougnac, avec la parti-cipation de Mlle Guéniot et de M. Pierrot ; sans compter les visites d'expo-sitions que nous tâchons de vous ménager.

    Sur un point, cependant, les vues prophétiques de M. Marty ne se sont guère vérifiées : je veux parler de l'organisation de notre secrétariat. Certes, nous avons une secrétaire à mi-temps ; nous avons une machine à écrire et le téléphone ; nous avons même quelques instruments de référence, outre ceux qu'a procurés M. Marty. Mais hélas ! tous ceux qui ont eu l'occasion de grimper jusqu'au 7 e étage du 65, rue de Richelieu le savent, l'exiguité des locaux, plus dignes de Jenny l'ouvrière ou de Mimi Pinson que d'une respectable association professionnelle, empêche tout aménagement rationnel ; les revues françaises et étrangères, les livres du comité de lecture, les dossiers, tout cela s'amoncelle dans un désordre bien peu exemplaire, et qui me remplit de honte quand ce sont des étrangers qui en ont le spectacle. Un espoir nous est offert de disposer d'une petite chambre voisine ; mais je le dis hautement, l'A.B.F. n'a pas un local digne de ses activités. De plus, elle manque des moyens nécessaires aux aménagements les plus modestes. Mais j'aborde là la question des moyens financiers ; nous aurons l'occasion d'y revenir. Qu'il me suffise d'indiquer ici notre honte - le mot n'est pas trop fort - quand nous voyons nos représentants conviés par des organisations similaires à assister à des congrès à l'étranger, tous frais payés, souvent pour plusieurs jours, alors qu'il nous est impossible de rendre ces politesses, faute de ressources suffisantes.

    Et cela m'amène à vous parler d'un des rôles traditionnels de l'A.B.F., qui n'est pas le moins important : la représentation de notre profession sur le plan international. M. Lethève a assisté en notre nom au Congrès des bibliothécaires allemands, qui s'est tenu à Cassel en mai, et où il a constaté, comme vous avez pu le lire dans notre Bulletin, à quel point la République fédérale est décidée à augmenter le rayonnement de ses bibliothèques d'études. Mlle Linet nous a représentés à la 63* Assemblée générale de l'Association des bibliothécaires suisses, à Lausanne, en septembre dernier. Nos collègues espagnols nous avaient invité à leur premier congrès à Palma de Majorque, en novembre dernier ; le délai trop court ne m'a pas permis de m'y rendre. Enfin, votre présidente, Mlle Bossuat, MM. Piquard et Lethève ont suivi les débats du Conseil de la F.I.A.B. qui s'est tenu à Rome du 14 au 18 septembre dernier. Mme Duprat, M. Veinstein, M. Kervegant avaient également pu s'y rendre, ainsi que M. Julien Cain et M. Bleton. Là encore, pour dissiper quelques illusions que pourraient nourrir certains de nos collègues, laissez-moi vous dire que, sans une subvention du Ministère des affaires étrangères, il nous serait impossible d'envoyer des représentants à la F.I.A.B. Encore dois-je à la vérité de dire que le séjour reste aux frais de vos représentants, les Affaires étrangères ne payant que le voyage.

    Mais si nous sommes pauvres d'argent, nous sommes une famille de plus en plus nombreuse, et nous avons eu la satisfaction d'enregistrer, durant l'année écoulée, 90 nouvelles adhésions. Hélas ! il nous faut ici évoquer ceux qui ne sont plus : M. Weiss, bibliothécaire du Conseil national du patronat français, M. Tremblot de la Croix, conservateur en chef de la Bibliothèque de l'Institut, M. P.-A. Lemoisne, ancien président de l'A.B.F., tout récemment M. Leguay, conservateur honoraire à la Bibliothèque nationale ; probablement d'autres encore ont disparu. Notre Bulletin, à son habitude, honorera leur mémoire.

    Ce nombre d'adhésions nouvelles me permet d'en venir à la partie de ce rapport que M. Marty n'avait pas prévue : la révision des statuts. Voilà enfin une idée originale - si l'on peut dire, puisque ces statuts ont déjà changé un certain nombre de fois. Mais pouvez-vous me demander, l'A.B.F. ne vivait-elle pas fort commodément avec ses statuts actuels ? Me voici dans l'obligation d'expliquer la genèse de l'opération. Le bureau de l'A.B.F., lors de l'examen des demandes d'adhésions, devant telle ou telle demande n'éma-nant pas de bibliothécaires de profession, s'est trouvé souvent amené à se reporter aux statuts de notre association. Ces statuts, qui datent de 1955 et tiennent en une page, sont très sommaires, peu conformes au satut-type des associations régies par la loi de 1901. Ils prévoient une seule catégorie de membres : « 1° les personnes ayant exercé, exerçant ou susceptibles d'exercer, par application des lois et règlements en vigueur, la profession de bibliothé-caires ; 2° les personnes s'intéressant aux bibliothèques ». Certes, nous pouvions, comme nous le souhaitions, recruter largement ; mais, d'un autre côté, était-il concevable qu'une « Association des bibliothécaires français » fut représentée, auprès des organismes nationaux et internationaux, par d'autres que des bibliothécaires de profession ? Aussi l'idée nous est-elle venue, imitant en cela des associations proches, et notamment celle des conservateurs de musées, d'avoir deux catégories de membres : d'une part les « professionnels », de l'autre « les personnes s'intéressant aux biblio-thèques » ou y exerçant une part de leurs activités, les premiers seuls pouvant figurer au conseil. Nous accueillons en somme, au sein de l'A.B.F., ces « amis des bibliothèques » qui nous sont précieux, dont le dévouement est grand, nous le savons, et dont nous souhaitons vivement voir grossir le nombre.

    Sur la voie des nouveautés, nous n'avons pas hésité à créer deux autres catégories de membres. Il était bon que non seulement les individus, mais les bibliothèques pussent faire partie de l'A.B.F., ne serait-ce que pour s'assurer le service d'un Bulletin qui présente quelque intérêt et n'est pas, en principe, servi par abonnement. Pour elles, nous avons créé la catégorie des membres associés. Et enfin, les membres d'honneur manquaient cruelle-ment à notre association : il est bon que votre reconnaissance puisse à l'occasion se manifester à ceux qui aident l'A.B.F. à vivre, à ceux qui lui ont consacré bénévolement une grande partie de leur activité. Si les nouveaux statuts sont adoptés, je vous proposerai la désignation de cinq membres d'honneur ; je suis sûre que vous serez heureux de pouvoir leur conférer ce titre.

    D'autre part, le bureau avait pris l'habitude de convoquer à ses réunions les représentants des groupes et sections. Maintenant que notre association compte des sections actives et plus nombreuses, il était raisonnable d'élargir le conseil et d'y prévoir normalement la représentation des groupes et sections.

    Enfin, une nouvelle idée nous est venue en nous plongeant dans les textes juridiques ; pourquoi ne demanderions-nous pas la reconnaissance d'utilité publique, qu'ont obtenue d'autres associations similaires ? Certes, la facilité la plus notable que nous apporterait cette reconnaissance est la possibilité d'accepter des dons et legs. Jusqu'ici, il faut bien le dire, nous n'avons pas eu, semble-t-il, à en refuser. Mais si les mécènes se font rares, encore ne faut-il pas les décourager. Et la reconnaissance d'utilité publique offre des garanties aux administrations et collectivités dont nous sollicitons des subventions.

    C'est pourquoi les statuts que nous vous soumettons suivent les statuts-types des associations reconnues d'utilité publique. Cependant, nous avons cherché à garder à l'association, dans la mesure du possible, sa physionomie traditionnelle. Nous avons sollicité, par l'intermédiaire de Mme Puget, l'avis officieux d'un conseiller d'Etat. Néanmoins des modifications seront peut-être encore nécessaires. De toutes façons il ne pouvait être question d'appliquer les nouveaux statuts avant qu'ils ne fussent votés. S'ils le sont, le conseil élargi qu'ils prévoient sera élu seulement l'année prochaine.

    Ces statuts plus structurés ont une autre ambition : de même que la F.I.A.B. a modifié les sens pour permettre une représentation élargie sur le plan mondial, de même l'A.B.F. doit se préparer à sa future et nécessaire expansion. Notre profession, cela se sait, cela s'écrit dans les journaux, est mal connue et moins considérée qu'elle ne le devrait. Une association vraiment représentative de l'ensemble de la profession, secteur public, semi-public et privé, peut et doit jouer un rôle dans la nécessaire défense de la profession - cette profession qui reste à définir pour le secteur privé - mais nous ne perdons pas de vue ce problème dont s'occupe Mlle Gouverneur. L'A.B.F. doit, sous peine d'en rester à un académisme vieillot, s'adapter à ce monde nou-veau, à cette civilisation nouvelle qui se créent sous nos yeux. Nous sommes à un virage ; il faut se préparer à le prendre, prudemment, mais sûrement, dans l'intérêt bien compris des bibliothèques, de la lecture, de la culture et de la recherche, qui sont nos véritables intérêts à tous.