Cet ouvrage collectif est le second bilan de l'enquête sur « Livre et société», réalisée à la sixième section de l'Ecole des hautes études, dans le cadre du séminaire de M. Furet, le premier ayant été publié en 1965. Les deux parties qui composent ce recueil correspondent aux deux préoccupations principales de ce séminaire.
La première comprend trois contributions au problème délicat de la sociologie de la culture dans la France du XVIIIe siècle. L'analyse d'un manuscrit, qui recense pour la période 1778-1789 les ouvrages publiés avec permission simple, permet de tirer plusieurs conclusions sur l'activité éditrice de la province et de voir en quoi elle diffère de celle de la capitale. Des sondages opérés dans le Journal de Joseph d'Hémery, les Mémoires secrets de Bachaumont et la Correspondance de Grimm jettent un éclairage intéressant sur les livres dont on parlait et qui circulaient dans la société cultivée de l'époque. Enfin, une comparaison entre le monde des Académies de province et celui des rédacteurs de l'Encyclopédie attire l'attention sur la composition sociologique des milieux savants et érudits au XVIIIe siècle.
La seconde partie entame l'exploitation d'une enquête qui a permis de rassembler 40 000 titres de livres publiés en France de 1723 à 1789, relevés dans les registres de privilèges et de permissions tacites. Parmi les exploitations diverses que l'historien peut faire de ce stock, M. Furet a choisi l'interprétation sémantique du corpus de vocabulaire que représente cet ensemble de 40 000 titres. Il faut remarquer qu'il ne s'agit pas là d'un vocabulaire général, mais d'un vocabulaire de communication, puisque le titre d'un livre est l'expression condensée de son contenu. M. Furet choisit, par exemple, le mot « histoire », qui, avec ses 3 371 occurences est d'un maniement lourd, et se livre à une analyse serrée et fine dans les détails de laquelle nous ne pouvons entrer ici. De la même manière, M. Fontana étudie l'ensemble « méthode », constitué par les 526 occurences de ce mot dans le corpus et leur environnement. Mais la sémantique historique est une discipline nouvelle à la recherche de ses procédures et M. Fontana s'est préalablement livré à une étude théorique, consacrée à la formulation d'une problématique, d'ensemble et à la définition de procédures générales d'exploitation du corpus. Outre leur intérêt propre, de telles études rappellent aussi que les fonds anciens de nos bibliothèques ne sont pas des masses amorphes, mais qu'ils sont les témoins des sociétés du passé et de précieux documents pour l'étude de ces sociétés.