Le Journal Officiel du 22 novembre 1977 (2) a publié un décret relatif à l'organisation et au régime financier de la Bibliothèque Nationale. Ce décret est important à plusieurs titres : il met à jour toute une série de dispositions administratives et financières ; il définit les missions de l'établissement ; il lui donne un nouveau conseil d'administration et le dote d'un conseil scientifique.
Les plus récents textes généraux relatifs à la Bibliothèque Nationale remontaient à 1927. La loi de finances du 29 avril 1926 accordait à l'établissement la personnalité civile et lui attribuait un budget de matériel autonome. Le décret-loi du 28 décembre 1926, ratifié par la loi du 20 décembre 1927, instituait la Réunion des bibliothèques nationales de Paris (3) .
Mais de nombreuses modifications survinrent au cours des années suivantes. La Réunion des bibliothèques nationales, notamment, fut amputée successivement de la bibliothèque Sainte-Geneviève, de la bibliothèque et musée de la Guerre (aujourd'hui bibliothèque de Documentation internationale contemporaine, à Nanterre), de la bibliothèque Mazarine. En revanche, la bibliothèque de l'Opéra et la bibliothèque du Conservatoire National de Musique étaient rattachées à la Bibliothèque Nationale, à qui fut confiée aussi la gestion de la Phonothèque Nationale, créée en 1938.
Le nouveau décret définit la Bibliothèque Nationale comme un établissement public national à caractère administratif, doté de la personnalité civile et de l'autonomie financière. La Réunion des bibliothèques nationales de Paris disparaît. La Bibliothèque de l'Arsenal et la Phonotèque Nationale deviennent des départements de la Bibliothèque Nationale, les bibliothèques de l'Opéra et du Conservaroire sont désormais des services du département de la Musique de la Bibliothèque Nationale. Cette nouvelle organisation traduit de façon simple et logique la situation qui existait de fait depuis plusieurs années.
L'article 3 du décret définit les missions de la Bibliothèque Nationale :
Le premier paragraphe de ce texte concerne le dépôt légal : sa création remonte à François Ier, qui l'institua en 1537 par l'ordonnance de Montpellier. Le principal texte de référence est aujourd'hui la loi du 21 juin 1943 : « Les imprimés de toute nature (livres, périodiques, brochures, estampes, gravures, cartes postales illustrées, affiches, cartes de géographie et autres), les oeuvres musicales, photographiques, cinématographiques, phonographiques, mises publiquement en vente, en distribution ou en location ou cédées pour la reproduction, sont soumis à la formalité du dépôt légal ». La Bibliothèque Nationale, du fait du dépôt légal, reçoit la totalité de la production imprimée française, quel qu'en soit le support : elle a pour mission fondamentale d'une part d'assurer la conservation indéfinie de cette production, d'autre part de la faire connaître : elle publie à cette fin, de façon très régulière (chaque semaine pour les livres), la Bibliographie de la France, ainsi que de grands catalogues, justement renommés.
Le second paragraphe de l'article 3 du décret mentionne notamment les collections de manuscrits de la Bibliothèque Nationale, qui, on le sait, possède la plus belle série au monde de manuscrits grecs et latins, de manuscrits du Moyen Age, et recueille le plus grand nombre possible de manuscrits modernes et contemoorains. L'étude de l'oeuvre imprimée est, en effet, dans beaucoup de cas, enrichie par l'examen du manuscrit de l'auteur, avec toutes les ébauches et tous les repentirs qu'il fait connaître, si bien que la vocation de la Bibliothèque Nationale à conserver à la fois l'oeuvre définitive et les travaux préparataoires que sont les manuscrits n'a cessé de s'affirmer et de s'élargir.
Les deux derniers paragraphes de l'article 3 ont une particulière importance, car ils confient à la Bibliothèque Nationale deux missions nouvelles. L'établissement est chargé tout d'abord de la gestion des centres techniques de coopération entre bibliothèques définis par arrêté du Ministre des Universités. Ces centres sont actuellement au nombre de cinq : le Centre bibliographique national, le Centre national des échanges, le Centre national de prêt, le Centre national du livre ancien et des documents rares et précieux des bibliothèques, le Centre national de restauration et de reliure. Trois d'entre eux : le Centre bibliographique, le Centre des échanges et le Centre du livre ancien existent déjà et fonctionnent. Les deux autres : le Centre de prêt et le Centre de restauration, seront bientôt mis en place. Ces centres sont destinés à travailler au profit de l'ensemble des bibliothèques, notamment dans le domaine de la documentation et de l'information, mais aussi pour tout ce qui concerne la maintenance des collections.
La Bibliothèque Nationale, d'autre part, reçoit par le dernier paragraphe de l'article 3, le statut d'établissement de recherche. Certes, des activités de recherche ont toujours été conduites par des conservateurs de la Bibliothèque Nationale. Mais il s'agissait dans la plupart des cas de recherches individuelles, reposant sur une seule personne, et en conséquence relativement fragiles et difficiles à mener à leur terme. Désormais l'aide de la mission de la rechercrhe du Ministère des Universités, du C.N.R.S. et de la D.G.R.S.T. (Délégation générale à la recherche scientifique et technique) permet, grâce à des subventions spéciales, de constituer des équipes composées de conservateurs de la Bibliothèoue Nationale, d'universitaires et de chercheurs du C.N.R.S., qui s'associent pour exploiter les fonds des différents départements, depuis les documents sur les langages locaux que possède la Phonothèque, jusqu'aux dossiers des Hommes de Binne Volonté de Jules Romains (4) . En même temps, des liens étroits ont été établis avec le Groupement des textes modernes du C.N.R.S. et l'une des parties constituantes de ce Groupement, le Centre d'analyse des manuscrits modernes.
Le décret donne en outre à la Bibliotèque Natioonale un nouveau conseil d'administration et crée un conseil scientifique.
Le nouveau conseil d'administration comprend vingt-huit membres : huit membres de droit (le directeur du budget ou son représentant ; le délégué général à la recherche scientifique et technique : le directeur du livre ; le directeur des archives ; le directeur des affaires générales et financières du Ministère des Universités ; le directeur des enseignements supérieurs ; le chef du service des bibliothèques ; le directeur de l'Ecole des chartes) ; dix-sept membres désignés par arrêté du Ministre des Universités (un député ; un sénateur ; un membre du Conseil de Paris ; un membre du Conseil d'Etat ; un membre de la Cour des Comptes ; un président d'une des Universités parisiennes ; un inspecteur général des bibliothèques ; un conservateur en chef de bibliothèque interuniversitaiire ou universitaire ; un conservateur en chef de bibliothèque municipale classée ; trois personnalités choisies en raison de leur compétence et de la nature de leurs activités ; un représentant de chcune des cinq classes de l'Institut) ; et enfin trois représentants élus du personnel. L'administrateur général, ordonnateur du budget de l'établissement, assiste au Conseil avec voix consultative, comme aussi, notamment, le contrôleur financier et l'agent comptable.
Le conseil scientifique est chargé de donner son avis sur les orientations et les thèmes des recherches conduites par la Bibliothèque Nationale. Il est consulté également sur les moyens de leur réalisation. Il se compose de dix-neuf membres ; quatorze d'entre eux représentent l'Institut, le Collège de France, l'Université et les Grands Etablissements.
Telles sont les dispositions les plus notables de ce décret, qui, on le voit, marque une date importante dans l'histoire de la Bibliothèque Nationale.